L’offensive de Huwara contre les Palestiniens alimente les manifestations anti-Netanyahou en Israël

Les attaques en cours contre les Palestiniens, en Cisjordanie occupée, montrent clairement que le saccage aux allures de pogrom de la ville de Huwara par des centaines de colons israéliens le 26 février, alors que les troupes israéliennes se tenaient à l’écart, s’inscrivent dans une campagne plus large de nettoyage ethnique.

Menées par des colons sionistes, elles se déroulent sous la protection des Forces de défense israéliennes (FDI) et sont dirigées politiquement par le gouvernement nouvellement installé du Premier ministre Benjamin Netanyahu. Ce gouvernement comprend des partis fascistes, racistes et ultra-religieux. Leur objectif déclaré est d’annexer les territoires palestiniens et d’instaurer un régime d’apartheid, comme le prévoit la «loi sur l’État-nation», qui fait de la suprématie juive le fondement juridique de l’État.

Des bandes d’«autodéfense» ont attaqué Huwara, frappant les habitants avec des tiges métalliques et des pierres, tuant une personne et en blessant 400 autres. Elles ont incendié des dizaines de maisons et de magasins ainsi que des centaines de véhicules au cours d’une orgie de violence qui a duré de quatre à cinq heures. Elles ont également attaqué les villes de Burin et Einbus dans le nord de la Cisjordanie. Toutes ces villes se trouvent dans une partie de la Cisjordanie sous contrôle sécuritaire israélien et à quelques minutes du quartier général d’une brigade de l’armée. Mais les soldats israéliens sont restés à l’écart pendant les violences. Pas un seul ministre du gouvernement n’a condamné cette atrocité. Seules 10 personnes ont été arrêtes et toutes sauf une ont été relâchées.

Un Palestinien marche entre des voitures brûlées dans une casse, dans la ville de Hawara, près de la ville de Naplouse en Cisjordanie, lundi 27 février 2023. [AP Photo/Ohad Zwigenberg]

Itamar Ben-Gvir, ministre de la Sécurité nationale et chef fasciste du Pouvoir juif, a déclaré: «Le gouvernement d’Israël, l’État d’Israël, Tsahal, les forces de sécurité — ce sont eux qui doivent écraser nos ennemis», pas les colons. Mercredi, le ministre des finances et dirigeant du sionisme religieux Bezalel Smotrich, responsable des colonies en Cisjordanie, a déclaré qu’Israël devait «raser» Huwara, une demande équivalente aux horreurs infligées aux Palestiniens lorsque plus de 700.000 d’entre eux ont été chassés en 1948-49, aux mains des milices sionistes.

Les magasins de la ville viennent à peine de rouvrir, suite aux ordres des FDI de garder leurs portes fermées, ce qui a laissé les commerçants sans revenu. Les colons ont menacé sur les médias sociaux de revenir dans la ville pour répéter leur saccage. Ils ont placardé la zone d’affiches qui demande à l’armée d’«écraser» ses ennemis. L’une d’elles déclarait: «L’Intifada est là. Nous exigeons de l’écraser! Nous exigeons de répondre par la guerre!».

Hier, les forces israéliennes ont pris d’assaut la zone d’Umm Said, au sud-est de Beit Lahm, et ont démoli une mosquée palestinienne, affirmant qu’elle avait été construite sans permis de construire, que les autorités israéliennes n’accordent jamais. Le 23 janvier, les soldats ont pris d’assaut la ville palestinienne d’Isawiyyeh et la communauté de Khan Al-Ahmar à Jérusalem-Est, où ils ont démoli une serre.

Le Bureau du Haut Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH) a récemment appelé les grandes puissances à prendre des mesures contre la démolition systémique et arbitraire de bâtiments palestiniens par Israël. Rien qu’en janvier, Israël a démoli 132 structures palestiniennes, dont 34 résidentielles et 15 financées par des donateurs, dans 38 communautés de Cisjordanie, soit une augmentation de 135 pour cent par rapport à 2022.

Lundi, Ben-Gvir a exigé que la police continue de démolir des maisons palestiniennes pendant le Ramadan, la fête arabe qui doit commencer le 23 mars, renversant ainsi la pratique antérieure où Israël s’abstenait de le faire pour éviter d’attiser davantage les tensions. La tentative d’expulsion de familles du quartier de Sheikh Jarrah à Jérusalem-Est pendant le ramadan en 2021 a été l’un des facteurs qui ont précipité les tirs de roquettes du Hamas, le groupe affilié aux Frères musulmans qui contrôle Gaza. S'en sont suivis le bombardement de Gaza par Israël et les émeutes dans les villes mixtes palestino-juives d’Israël en mai de cette année-là.

L’escalade de la violence et de la criminalité d’Israël a enrainé la mort d'au moins 67 Palestiniens jusqu’à présent en 2023, soit plus d’une part jour, un taux bien plus élevé que l’année dernière où au moins 171 Palestiniens ont été tués en Cisjordanie et à Jérusalem-Est, le plus haut bilan depuis 2005. À l’approche du ramadan et de la Pâque juive, cette situation ouvre la voie à une violente conflagration qui menace d’embraser non seulement les territoires palestiniens occupés, mais aussi Israël et ses voisins.

Cette menace croissante a conduit un nombre croissant d’Israéliens à descendre dans la rue pour protester. Samedi soir dernier, environ 160.000 personnes se sont rassemblées à Tel-Aviv, la capitale commerciale et la plus grande ville d’Israël. Un nombre encore plus important a pris part à des manifestations en faveur de la démocratie à Jérusalem, Herzliya, Netanya, Beersheba, Haïfa, Ashdod et dans de nombreuses autres villes, les organisateurs affirmant qu’il y avait eu quelques 400.000 manifestants au total.

Ce chiffre est particulièrement significatif étant donné que les organisateurs ont cherché à limiter les manifestations à l’opposition aux projets de Netanyahou de réduire les pouvoirs du système judiciaire. Les principaux orateurs des rassemblements ont été d’anciens généraux, des chefs des services de renseignement et des ministres de précédents gouvernements. La plupart d’entre eux étaient membres du mal nommé «gouvernement du changement» dirigé par Naftali Bennett, Yair Lapid et Benny Gantz ou avaient servis sous les ordres de Nétanyahou dans le passé, et ont peu de différences politiques de fond avec lui.

Ils ont délibérément ignoré ou minimisé les inégalités sociales et la pauvreté croissantes ainsi que l’aggravation de la répression des Palestiniens, s’assurant ainsi que très peu de citoyens palestiniens d’Israël participent aux rassemblements. Leur seule préoccupation est de protéger l’État israélien dans l’intérêt des ploutocrates.

Contrairement à l'approche non interventionniste adoptée par l'armée et la police des frontières lors du raid des colons israéliens sur Huwara, le commissaire de police Kobi Shabtai a préparé 1 000 policiers pour les manifestations, en particulier à Tel Aviv. Il était déterminé à les empêcher de bloquer l’autoroute Ayalon, le principal axe routier de la ville, qui est devenue un symbole de résistance lors des manifestations de ces dernières années.

Jusqu’à la «Journée nationale de perturbation» de mercredi dernier, la police s’était largement abstenue d’intervenir dans les rassemblements. Son intervention a fait suite à la demande provocatrice de Ben-Gvir, qui a demandé au chef de la police d’empêcher les manifestants, qu’il a qualifiés d’«anarchistes», de «troubler l’ordre».

Samedi a vu une deuxième éruption de violence après que les autorités de Tel-Aviv ont déployé la police montée, les forces spéciales et des canons à eau contre les manifestants qui avaient franchi les barrières menant à l'autoroute Ayalon et interrompu la circulation. Ils ont scandé «Honte» et «Où étiez-vous à Hawara? » aux policiers procédant à des arrestations. Après les rassemblements, Ben-Gvir a déclaré qu'il n'avait aucune intention de s'excuser auprès de qui que ce soit, «certainement pas auprès des anarchistes qui cherchent à mettre le feu à l'État de Tel-Aviv».

Les organisateurs des manifestations ont annoncé qu’ils organiseraient une autre «journée de perturbation» dans tout le pays le jeudi 9 mars.

Mais il est impossible pour les travailleurs israéliens d’arrêter les plans de dictature du gouvernement ou d’empêcher une guerre totale avec les Palestiniens sans rejeter le nationalisme et sans s’allier directement avec les Palestiniens. Cela signifie qu’il est nécessaire de rejeter le projet sioniste d’un État juif basé sur le nettoyage ethnique de la population palestinienne et qu'il faut unifier leurs luttes avec celles de leurs frères et sœurs de la classe arabe. Leur but commun doit être le renversement du système de profit capitaliste et du cadre de l’État-nation sur lequel il est basé. Ils doivent lutter ensemble pour la réorganisation socialiste de l’économie de toute la région du Moyen-Orient, afin que ses vastes ressources puissent être utilisées au profit de tous ses peuples.

Une telle perspective doit être défendue contre tous les partis et organisations qui travaillent à subordonner la classe ouvrière à une alliance avec l’une ou l’autre des puissances impérialistes et des régimes arabes. Cela signifie construire des sections du Comité international de la Quatrième Internationale en Israël/Palestine et dans tout le Moyen-Orient pour diriger et organiser cette lutte.

(Article paru d’abord en anglais le 7 March 2023)

Loading