Le Conseil national de Québec Solidaire: bisbilles électorales et silence radio sur la guerre impérialiste de l’OTAN en Ukraine

Le Conseil national de Québec Solidaire (QS), qui s’est tenu les 11 et 12 février derniers à Montréal dans un contexte international explosif – avec l’escalade du conflit en Ukraine, la pandémie persistante et la forte poussée de la lutte des classes – n’avait essentiellement rien à dire sur ces questions brûlantes.

Visiblement déçus des résultats obtenus aux élections québécoises de 2022, les délégués au Conseil national se sont plutôt attardés sur le net recul qu’a subi le vote pour QS – autant en nombre de voix qu’en pourcentage du vote populaire. Devant l’échec de leur objectif de former l’opposition officielle, ils ont esquissé un plan pour y parvenir la prochaine fois – avant tout, par un tournant encore plus prononcé vers la droite.

Il n’y a rien de surprenant dans cette indifférence pour les immenses dangers, ainsi que les vastes possibilités révolutionnaires, soulevés par la crise historique du capitalisme mondial. Bien que régulièrement dépeint par les grands médias comme un parti «de gauche», QS est en réalité un parti des classes moyennes aisées. Ses traits dominants sont la complaisance, le provincialisme borné et l’opposition à la lutte des classes.

Convaincus de la sainteté du calendrier électoral fixé par la classe dirigeante, et incapables de s'imaginer qu’il puisse être chamboulé par une explosion de la lutte des classes au Canada et à l’échelle internationale, les 300 délégués au Conseil national avaient l’œil rivé sur l’échéance électorale de 2026 au Québec. Leur préoccupation principale est de saisir cette occasion pour s’intégrer encore plus à l’establishment dirigeant.

Dans les jours précédents, les grands médias capitalistes avaient beaucoup spéculé sur un possible affrontement entre la direction de QS et des éléments insatisfaits de sa politique de «recentrage».

Mais, ce fut une tempête dans un verre d'eau. Ces critiques, émanant de groupes pseudo-marxistes et autres éléments de la pseudo-gauche qui évoluent au sein de QS, ne rejettent aucunement la politique procapitaliste et proimpérialiste du parti. Quant à la direction, qui travaille d'arrache-pied pour débarrasser QS de son image «contestataire» et en faire un parti respectable, elle a balayé ces critiques du revers de la main.

Gabriel Nadeau-Dubois, l’ancien leader étudiant devenu co-porte-parole de Québec Solidaire, est l’un des architectes du tournant marqué à droite visant à en faire un parti «respectable» aux yeux de l´élite dirigeante. [Photo: (Wikipedia) ]

La pandémie de COVID-19 n'a reçu aucune mention au Conseil national alors que l'année 2022 a été celle où elle a fait le plus de victimes au Québec et partout au Canada. Ayant appuyé depuis trois ans la politique meurtrière des «profits avant les vies» du gouvernement de la CAQ (Coalition Avenir Québec) et de toute l’élite dirigeante canadienne, QS se range maintenant derrière les gouvernements et les grands médias capitalistes qui traitent la pandémie comme si elle était terminée.

Le Conseil national de QS s'est particulièrement démarqué par son silence sur la guerre instiguée en Ukraine par Washington et ses alliés, dont le Canada. Ceci reflète son accord fondamental avec le consensus qui règne au sein de l’élite dirigeante québécoise et canadienne quant au tournant militariste opéré dans la politique étrangère du Canada.

Tenu juste avant le premier anniversaire du conflit, le Conseil national de QS est resté muet sur les plus de 200.000 morts et les millions de réfugiés causés par cette guerre. Il n’a pas soufflé mot de la participation directe des pays de l'OTAN (les États-Unis en tête, appuyés par le Canada et les puissances européennes), qui enveniment le conflit avec leur livraison massive d'armes à l'armée ukrainienne, y compris l’envoi de chars d'assaut et prochainement d’avions de chasse. Cette politique dangereuse de l'OTAN rapproche le monde d'un conflit armé direct entre la Russie et l'OTAN, avec un recours probable aux armes nucléaires.

QS accepte entièrement le mensonge constamment répété par les politiciens et les médias capitalistes que la guerre en Ukraine a été déclenchée par l'invasion «non-provoquée» de l'Ukraine par la Russie.

En fait, le conflit a été préparé sur plusieurs décennies et provoqué par les puissances occidentales. L'OTAN a profité de la dissolution de l'URSS en 1991 pour s'étendre en Europe de l'Est jusqu’aux frontières de la Russie. Dans le but de subjuguer la Russie et de contrôler ses vastes ressources naturelles, Washington et ses alliés ont fomenté des groupes d'extrême-droite anti-russes, qui allaient jouer un rôle clé dans le coup d'État de 2014 en Ukraine pour renverser le gouvernement pro-russe de l’époque.

Québec Solidaire ne s'oppose pas au réarmement des pays de l'OTAN, auquel participe pleinement le gouvernement libéral fédéral de Justin Trudeau. Il ne condamne pas l'offensive militaro-stratégique de Washington et d'Ottawa non seulement contre la Russie, mais aussi contre la Chine, que les États-Unis voient comme leur principal compétiteur.

La seule question de politique étrangère qui a été abordée lors du Conseil national fut celle de l'Iran. La répression qu’y subissent les femmes aux mains du régime théocratique a été largement invoquée. Mais ce n’était pas pour mobiliser la classe ouvrière internationale afin d’exiger la levée des brutales sanctions de Washington qui paralysent l’économie du pays. C’était plutôt pour donner une couverture pseudo-humanitaire à la campagne impérialiste – y compris un renforcement des sanctions – qui vise à renverser le régime clérical iranien que Washington juge hostile à ses intérêts géostratégiques. C'est le même traitement que les États-Unis et ses alliés canadiens et européens ont réservé à des pays comme la Yougoslavie, l'Irak, l'Afghanistan, la Libye et la Syrie, avec des conséquences catastrophiques pour leurs habitants.

Le Conseil national fut l'occasion pour QS de redoubler d'efforts pour se présenter comme un parti «responsable» aux yeux de la classe dirigeante, notamment par une promotion accrue du nationalisme québécois.

QS a promis de promouvoir davantage l'indépendance du Québec, c’est-à-dire la formation d’une république capitaliste du Québec qui ferait partie intégrante de l’OTAN. Ce projet réactionnaire d'une section de la classe dirigeante a été historiquement associé au Parti québécois (PQ), un parti de la grande entreprise qui a joué un rôle clé dans le tournant de toute la classe dirigeante québécoise vers un virulent chauvinisme.

À toutes les étapes de ce tournant, Québec Solidaire s'est servi de son image «de gauche» pour lui donner de la légitimité, allant jusqu’à faciliter le programme législatif de la CAQ visant à attiser le chauvinisme québécois. Non seulement QS a-t-il refusé de faire campagne contre la loi 21 anti-immigrants qui cible particulièrement les femmes musulmanes, mais il a ensuite voté pour la loi 96, une loi anti-démocratique qui renforce le statut du français comme seule «langue commune» et «officielle» de la province.

En invitant la présidente des OUI-Québec à faire une allocution à son Conseil national, QS confirme qu'il s'oriente pleinement vers ce nationalisme de droite et qu'il désire intensifier son orientation de longue date vers le PQ, dont la base électorale populaire a fondu après avoir passé des décennies à sabrer dans l'éducation et la santé. Les OUI-Québec sont un organisme de la «société civile» qui a succédé au Conseil de la souveraineté dominé par le Parti québécois. Ils visent une «convergence» des partis souverainistes, de «gauche» (comme QS) et de droite (le PQ et son parti frère au niveau fédéral, le Bloc Québécois), dans le but de faire l'indépendance du Québec.

C'est dans ce contexte que des groupes de la pseudo-gauche, comme La riposte socialiste, interviennent pour camoufler la nature profondément anti-ouvrière de Québec solidaire. Leurs critiques de QS se limitent à préconiser une politique de protestation plus bruyante. Elles n’ont rien à voir avec le développement d’un programme socialiste au sein de la classe ouvrière. Sous le prétexte qu'il est possible de pousser QS plus «à gauche», ils ne fustigent jamais ses positions pro-impérialistes, ni son programme nationaliste chauvin.

Au nom d’un appui aux luttes ouvrières, ces éléments pseudo-marxistes invitent QS à s'orienter encore plus vers la bureaucratie syndicale, qui travaille main dans la main avec la classe dirigeante pour étouffer la résistance des travailleurs et imposer les exigences patronales. C’est dans cet esprit qu’ils ont accueilli une résolution, acceptée par les délégués, pour que QS «soutienne le front commun intersyndical et se porte à la défense des services publics».

La crise aiguë du système capitaliste alimente aujourd’hui une puissante montée des luttes ouvrières dans le monde. On le voit dans les grèves et manifestations de masse en France contre l’assaut sur les retraites, la vague de grèves en Grande-Bretagne pour exiger une forte hausse des salaires face à l’inflation incontrôlée, ou encore la courbe montante des grèves aux États-Unis pour la première fois depuis des décennies.

C’est une nouvelle confirmation éclatante du fait que la classe ouvrière internationale constitue la seule force sociale capable d’offrir une issue progressiste à la catastrophe sociale engendrée par le capitalisme – pandémie, austérité, guerre et destruction de l’environnement.

Mais cette conception est entièrement rejetée par Québec Solidaire et d’autres partis similaires de la pseudo-gauche au niveau international, comme PODEMOS en Espagne ou La Gauche en Allemagne. Ces éléments offrent plutôt leurs services à la bourgeoisie pour donner une couverture «de gauche» à son programme de guerre et d’austérité. Ils espèrent ainsi jouer un rôle plus direct dans les attaques brutales de l’élite dirigeante contre la classe ouvrière.

Dans ses aspirations à former l’opposition officielle au Québec, QS a sans doute les yeux tournés vers l’entente de pouvoir que le Parti socialiste espagnol (PSOE) a conclue avec Podemos, son parti «cousin» en Espagne. Le gouvernement de coalition PSOE-Podemos, qui a déjà déployé des véhicules blindés contre des travailleurs métallurgistes en grève, a récemment annoncé l’envoi de chars d’assaut à l’Ukraine dans le cadre de la guerre de l’OTAN contre la Russie.

C’est ce même programme anti-ouvrier et impérialiste que QS s’engage dès maintenant à imposer en plaidant auprès de la classe dirigeante pour lui accorder plus de place dans l’exercice du pouvoir.

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