Après l’adoption de réforme des retraites: Quelle voie pour les travailleurs en France?

Il y a trois mois, le 19 janvier, des millions de travailleurs ont participé à une première journée d’action de masse contre la réforme des retraites de Macron. La colère ouvrière a éclaté face au président-banquier qui exige qu’ils travaillent deux ans de plus, en portant l’âge minimum de la retraite à 64 ans et la durée de cotisation à 43 ans. Les trois quarts des Français s’y opposent, dans la plus profonde crise politique en France depuis la grève générale de mai 1968.

Mais ce week-end, Macron a promulgué sa réforme massivement impopulaires avec l’aval du Conseil constitutionnel, non élu,, après l’avoir fait adopter à l’Assemblée en mars, sans vote. C’est une nouvelle leçon brutale sur le caractère de classe de l’État, qui est une dictature de l’oligarchie capitaliste sur les travailleurs.

L’adoption formelle de la réforme ne marque pas la fin de la lutte des travailleurs contre cette réforme ou contre Macron. Imposée en piétinant la volonté du peuple, sans vote d’aucune instance élue, ce sont des lois injustes qui n’ont même pas un vernis de légitimité démocratique. Grèves et manifestations se poursuivront dans les semaines à venir. Cependant, il est évident que l’adoption de la réforme marque une nouvelle étape dans la lutte.

Elle confronte les masses de travailleurs à une dure réalité : ils ne mènent pas une lutte syndicale visant à convaincre Macron, mais une lutte politique contre l’État capitaliste. Macron dirige un État policier au service d’une oligarchie capitaliste enracinée qui gouverne contre le peuple. Pour détourner des centaines de milliards d’euros vers les ultra-riches et vers son «économie de guerre européenne», Macron réagit aux luttes non pas en modifiant ses politiques, mais par des violences policières sanglantes et des arrestations en masse.

La voie à suivre, comme l’expliqué le Parti de l’égalité socialiste (PES), est de préparer une grève générale pour faire chuter Macron et abolir les pouvoirs de la présidence. Cette proposition a le soutien des deux tiers des Français, qui veulent une grève qui bloquerait l’économie et vaincrait Macron. Mais sa réalisation nécessitera de mobiliser toute la puissance industrielle et politique de la classe ouvrière. On ne peut laisser cette lutte aux mains des appareils syndicaux: elle nécessite la construction de nouvelles organisations de la base dans une lutte politique posant la question du pouvoir.

Ceci ressort d'un premier bilan de la lutte contre Macron telle qu'elle s'est déroulée depuis la fin janvier, et surtout depuis la première expérience décisive: l'imposition par Macron de sa réforme sans vote à l’Assemblée le 15 mars.

Des manifestations ont éclaté place de la Concorde à Paris et à travers la France ce soir-là. Pendant plusieurs soirées, les forces de l’ordre ont affronté des masses de travailleurs et de jeunes dans toutes les grandes villes françaises, qui ont pénétré dans les commissariats de police, les bureaux locaux du parti Renaissance de Macron et les bâtiments municipaux, ou y ont mis le feu.

Les commentaires des têtes parlantes le 15 mars reflétaient fidèlement la panique qui s’emparait de toute l’élite dirigeante. «Nous sommes dans une crise politique majeure. … Il faut apaiser», a dit Sandrine Rousseau, membre de la Nouvelle Union Populaire de Jean-Luc Mélenchon. Natacha Polony, de Marianne, a pointé «un début de quelque chose qui dérape», et l’éditorialiste de droite Bernard Duhamel disait: «Le risque est que les syndicats ne tiennent pas. Les directions syndicales pourront-elles tenir»?

Duhamel se demandait avec angoisse si la classe ouvrière allait déborder la bureaucratie syndicale, parce que l’élite dirigeante craint la révolution. L’éruption de la lutte des classes a creusé un fossé entre les larges masses de travailleurs et les couches réactionnaires de la classe moyenne aisée qui dominent la bureaucratie syndicale et ses alliés politiques de pseudo-gauche.

Selon les sondages, 62 pour cent des Français voulaient durcir la lutte contre Macron, surtout parmi les couches plus pauvres de la population. Mais tout comme Macron piétine la volonté du peuple, la bureaucratie syndicale piétine la volonté de la classe ouvrière.

Les bureaucraties sont intervenues pour critiquer la «violence» des manifestants, isoler les éboueurs et les raffineurs dont les flics ont attaqué les piquets de grève. Elles ont agi pour bloquer la lutte pour faire chuter Macron en appelant plutôt à une «médiation» avec lui.

«Je suis préoccupé par la situation», a déclaré le chef de la CFDT, Laurent Berger, lors d’une interview largement diffusée, prônant une «pause» dans le mouvement et une «médiation» avec Macron. Critiquant «un climat politique dangereux», il a appelé à «ne pas tomber dans la folie qui pourrait s’emparer de ce pays avec de la violence mais aussi un ressentiment social très profond … Il vaut mieux faire redescendre la température que d’attiser les choses.»

Si Macron a pu survivre aux manifestations et à promulguer sa réforme n’est pas que les travailleurs n’ont pas lutté, mais que les directions syndicales et leurs alliés politiques ont trahi le mouvement. Cela soulève toute l’importance de l’alternative trotskiste représentée par le PES.

Le PES a prôné une révolte ouvrière contre la bureaucratie, en construisant des comités d’action de base pour préparer une grève générale afin de faire tomber Macron. Avant la crise du 15 mars, il a avancé les revendications suivantes: faire chuter Macron, stopper les sauvetages des banques et la guerre avec la Russie, et créer des comités de base au sein de la classe ouvrière. Après que Macron a fait adopter sa réforme à l’Assemblée, le PES a développé cette perspective en écrivant:

Macron, ce centre névralgique des conspirations financières et policières contre le peuple, doit être renvoyé. Cela ne peut se faire, cependant, qu'en mobilisant des masses de travailleurs à la base dans une campagne pour renvoyer Macron, abolir les pouvoirs draconiens de la présidence française et préparer une grève générale contre son gouvernement. …

Il faut discuter et adopter, sur chaque lieu de travail et dans chaque école, des résolutions exigeant la chute de Macron. Des assemblées générales de travailleurs et de jeunes devront débattre et adopter ces résolutions, et des comités qu’elles formeront sur les lieux de travail pourront partager et publier ces résolutions pour unir la classe ouvrière contre Macron. Cette mobilisation indépendante, permettant aux travailleurs de prendre conscience de leur force collective, créera les conditions pour une grève générale pour chasser Macron du pouvoir.

Cela reste la perspective pour construire un mouvement de masse contre Macron. En faisant campagne parmi les travailleurs et les jeunes, le PES a révélé par des interviews la vaste opposition populaire à la «médiation» syndicale avec Macron.

Un fossé de classe sépare le PES des descendants politiques petit-bourgeois des renégats du trotskisme comme Mélenchon, le NPA pabliste et LO. Mis en avant par les médias capitalistes lors de diverses élections présidentielles, tous ont reçu des millions de voix. En 2022, Mélenchon a obtenu près de 8 millions de voix, surtout dans les quartiers populaires des plus grandes villes françaises. Pourtant, aucun d’entre eux n’a publiquement appelé son électorat à se mobiliser et à faire grève pour faire chuter Macron.

L’adoption par Macron des réformes malgré l’opposition d’une écrasante majorité des Français révèle la faillite politique de ces partis. Elle démasque aussi leurs alliés de pseudo-gauche, tels le groupe moréniste Révolution permanente, dont les appels à la bureaucratie syndicale d’organiser une grève générale ont échoué, sans surprise. Le dirigeant de RP, Juan Chingo, a publié un essai qui déclare que «la situation n’est pas révolutionnaire» et que RP veut aider «le mouvement de masse à faire l’expérience de la démocratie représentative bourgeoise».

Mais la situation est objectivement révolutionnaire. L’adoption de la réforme aiguise le conflit entre la classe ouvrière et son gouvernement et ses complices bureaucratiques. De plus, cette lutte se déroule sur fond d’une vague de grèves de millions de travailleurs en Allemagne, au Royaume-Uni, au Portugal, en Belgique et au-delà. L’émergence de comités de la base ouvriers soulèvera non seulement la question de faire chuter Macron, mais aussi de construire un mouvement international pour transférer le pouvoir à ces organes de lutte des travailleurs et construire le socialisme.

Les événements en France ont confirmé le rôle décisif des questions de perspective dans les luttes ouvrières contre l’austérité et à la guerre. Le PES souligne le rassemblement mondial en ligne du 1er mai qu’organisele Comité international de la IVeInternationale, l’Alliance internationale ouvrière des comités de la base, l’International Youth and Students for Social Equality et le World Socialist Web Site. On invite tous ceux qui luttent contre l’austérité et le militarisme en France et dans le monde à s’inscrire aujourd’hui.

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