Israël accepte un cessez-le-feu à Gaza alors que les provocations contre les Palestiniens se multiplient

Samedi soir, Israël a accepté, avec la médiation de l’Égypte, un cessez-le-feu après cinq jours de frappes incessantes sur une bande de Gaza paupérisée. Mais les commentateurs affirment que la prochaine escalade est «juste au coin de la rue».

L’attaque aérienne massive d’Israël, qui visait ostensiblement le personnel du Jihad islamique palestinien et ses installations, a frappé 370  cibles, tué 35  Palestiniens, dont au moins un tiers de civils, et blessé plus de 147  personnes. Les infrastructures civiles de Gaza, y compris la ville de Gaza, ont été gravement endommagées et 375  personnes se sont retrouvées sans abri.

De la fumée et du feu provoqués par une explosion due à une frappe aérienne israélienne visant un bâtiment à Gaza, le samedi 13 mai 2023. L'immeuble appartenait à un responsable du Jihad islamique. [AP Photo/Ashraf Amra]

C’est le dernier «cessez-le-feu» en date sur au moins 15  assauts meurtriers, dont quatre guerres majeures, contre l’enclave palestinienne assiégée depuis le «désengagement» d’Israël de  Gaza en 2005. Vu que le gouvernement d’extrême droite du Premier ministre Benjamin Netanyahu a refusé catégoriquement de mettre fin à sa campagne meurtrière d’assassinat de dirigeants de groupes de résistance palestiniens et a jusque là refusé de restituer le corps de Khader Adnan, membre du Jihad islamique – décédé il y a une semaine, alors qu’il était en grève de la faim dans la prison israélienne de Nitzan – il est probable que ce cessez-le-feu n’apportera qu’un répit temporaire aux Palestiniens assiégés.

Les frontières de Gaza sont fermées depuis mardi. Cela empêche l’entrée de biens essentiels, qui permet à Israël d’exercer un contrôle total sur la population civile et empêche des centaines de personnes qui cherchent des traitements médicaux urgents de quitter la région. Les autorités palestiniennes ont prévenu qu’elles devraient fermer la seule centrale électrique de l’enclave si Israël ne rouvrait pas son poste-frontière pour laisser entrer le carburant d’urgence. Les écoles ont également fermé.

La réponse du parrain d’Israël à Washington, des Nations unies et des principales puissances impérialistes s’est limitée à condamner les roquettes palestiniennes tirées sur Israël, à exprimer des «préoccupations» et à appeler à un cessez-le-feu. La secrétaire d’État adjointe américaine, Wendy Sherman, a réitéré «l’engagement durable de Washington en faveur de la sécurité d’Israël». Elle a «condamné les tirs aveugles de roquettes sur Israël par des groupes terroristes basés à Gaza, qui mettent en péril le bien-être des Israéliens et des Palestiniens».

Le cessez-le-feu intervient alors que les Palestiniens célèbrent le 75e  anniversaire de la Nakba, ou «catastrophe», au cours de laquelle au moins 700.000  réfugiés palestiniens ont été chassés ou ont fui leur foyer lors de la guerre de 1947-1949, suite au vote de l’Assemblée générale des Nations unies pour une partition de la Palestine, la fin du mandat britannique sur la Palestine et la déclaration d’État d’Israël en 1948.

Plus tard cette semaine, des dizaines de milliers de nationalistes israéliens d’extrême droite devraient défiler dans le quartier musulman de la vieille ville de Jérusalem lors d’un défilé annuel connu sous le nom de «Jour du drapeau», un jour de fête nationale marquant la prise de Jérusalem-Est par Israël dans la guerre israélo-arabe de 1967. Alors que la tension monte, Netanyahou a refusé d’annuler le défilé, l’une des conditions posées par le Djihad islamique pour un cessez-le-feu. Cette même provocation et les manifestations qui l’ont suivi en mai 2021 ont été un des facteurs ayant précipité l’assaut israélien de 11  jours sur Gaza, où pour la première fois on a vu des manifestations généralisées contre les actions du gouvernement dans les villes israéliennes à forte population arabe.

La dernière série d’attaques a commencé après le refus d’Israël de restituer le corps d’Adnan, un opposant notoire à la répression israélienne des Palestiniens, le Jihad islamique tirant des roquettes sur Israël depuis Gaza. Cela a fourni à Israël le prétexte pour envoyer 40  bombardiers à réaction cibler le Jihad islamique pour un bombardement de deux heures. Celui-ci a tué trois des dirigeants du Jihad islamique à Gaza ainsi qu’au moins 18  autres personnes, dont des membres de leur famille, des enfants et des voisins. Les Forces de défense israéliennes (FDI) ont qualifié ce massacre de frappes de «précision» visant seulement Jihad Ghannam, Khalil al-Bahtini et Tareq Ezzedine. Elles ont affirmé que ces derniers étaient responsables des tirs de roquettes sur Israël au cours de la brève flambée déclenchée par le raid israélien sur l’enceinte de la mosquée al-Aqsa pendant le ramadan le mois dernier, qui a également entraîné des tirs de roquettes en provenance du Liban voisin.

Le ministre de la Défense, Yoav Gallant, a menacé que «tout terroriste qui portera atteinte aux citoyens israéliens le regrettera». En prévision des représailles de Gaza, les autorités avaient fermé plusieurs routes et restreint les rassemblements et déplacements jusqu'à 40 km de la bande de Gaza.

Alors qu’un tiers du nouveau barrage de plus de 1.100  roquettes provenant de Gaza fut intercepté par le système de défense israélienne «Iron Dome» et qu’autant de roquettes ont manqué de peu leur cible, atterrissant à l’intérieur de Gaza, d’autres ont tué un Israélien à Rehovot et un journalier palestinien à Gaza, et blessé 43  autres personnes. Israël s’est déchaîné sur Gaza, tuant trois autres dirigeants du Jihad islamique et une dizaine de civils.

Le Hamas, le groupe religieux militant qui contrôle Gaza, s’est opposé à l’opération des FDI mais a laissé le Jihad islamique se battre seul. Ce dernier, dont les hauts responsables sont basés à Beyrouth, y entretient des relations étroites avec le Hezbollah et le Corps des gardiens de la révolution islamique d’Iran. L’Autorité palestinienne – dominée par le Fatah en Cisjordanie occupée – mène une quasi-guerre civile avec le Hamas à Gaza. Il a mis cinq jours à publier un appel ridicule à Washington pour qu’il intervienne contre l’agression israélienne.

Le ministre israélien des Affaires étrangères, Eli Cohen, a déclaré que les FDI avaient atteint leurs objectifs lors de l’opération. Il a souligné le soutien dont a bénéficié Israël, notamment les efforts déployés par les États-Unis et des membres du Conseil de sécurité des Nations unies comme les Émirats arabes unis, la Russie et la Chine, pour bloquer une déclaration commune exprimant l’inquiétude face à la violence.

Même cet assaut horrifiant contre Gaza n’est pas suffisant pour les collègues fascistes de Netanyahou. Bezalel Smotrich, ministre des Finances et leader de Sionisme religieux, a déclaré qu’Israël devrait reconquérir la bande de Gaza, la qualifiait de «problème chronique» devant être réglé une fois pour toutes. Dans une interview télévisée, il a déclaré: «Le temps viendra probablement de retourner à Gaza – de démanteler le Hamas et de démilitariser Gaza. Cela aussi se fera en fonction des intérêts et considérations généraux de l’État d’Israël». Il a ajouté: «Je crois que le moment viendra où il n’y aura pas d’autre choix que de reconquérir Gaza».

Smotrich et Itamar Ben Gvir, leader de Pouvoir Juif et ministre de la Sécurité nationale, avaient auparavant attaqué Netanyahou pour sa réponse «indulgente» au Jihad islamique. Les députés de Pouvoir Juif ont également refusé d’assister aux séances de vote à la Knesset, menaçant de se retirer de la coalition. Les sondages d’opinion montrent un effondrement du soutien au gouvernement d’extrême droite de Netanyahou et une probable victoire électorale du bloc d’opposition dirigé par l’ex-premier ministre Yair Lapid et le général Benny Gantz.

La répression des Palestiniens en Cisjordanie occupée ne s’est pas relâchée. De nouveaux affrontements avec des manifestants ont eu lieu à Naplouse, au cours desquels six Palestiniens ont été blessés par des tirs à balles réelles, suite à un raid israélien. Le raid fut lancé suite à la blessure d’un soldat israélien par un engin explosif près de Naplouse mardi après-midi.

Samedi, les forces de sécurité en civil ont abattu deux hommes âgés de 19 et 32  ans, apparemment membres de la Brigade des martyrs d’Al-Aqsa, la branche armée du Fatah, lors d’un autre raid dans le camp de réfugiés de Balata-a à Naplouse. La police paramilitaire israélienne des frontières a également abattu un Palestinien de 33  ans à un poste de contrôle en Cisjordanie, qu’elle a laissé se vider de son sang.

Ces événements marquent un tournant de plus en plus marqué vers la répression militaire des Palestiniens sur tous les fronts, ce qui risque d’entraîner une conflagration plus large dans toute la région.

Comme Netanyahou l’avait sans doute calculé en lançant l’opération militaire de Gaza, les dirigeants de l’opposition sont consciencieusement rentré dans le rang. Ce groupe disparate de partis sionistes, dont les désaccords avec Netanyahou reflètent l’inquiétude qu’il met l’État en danger et compromet le soutien de Washington et de la diaspora, a publié des déclarations de soutien et annulé le 19e  rassemblement hebdomadaire successif de protestation prévu samedi à Tel-Aviv. Ils ont prouvé leur unité sur toutes les questions essentielles avec Netanyahou et l’extrême droite, surtout en ce qui concerne l’oppression des Palestiniens.

Néanmoins, des dizaines de milliers d’Israéliens ont défié l’appel de leurs dirigeants à renoncer aux manifestations et sont allés manifester samedi contre le coup d’État judiciaire du gouvernement Netanyahou dans les villes de tout le pays. Les rassemblements les plus importants ont eu lieu dans le nord. À Haïfa, Médecins pour la démocratie a mené le rassemblement, tandis qu’un groupe plus restreint protestait contre les bombardements israéliens sur Gaza. Des manifestants se sont rassemblés dans le centre de Tel-Aviv, malgré l’annulation officielle du rassemblement principal, certains manifestant contre l’opération à Gaza.

Les Israéliens qui veulent s’opposer à la menace de dictature et de guerre doivent se battre pour vaincre la direction sioniste réactionnaire du mouvement de protestation et unir les travailleurs arabes et juifs dans une lutte commune pour défendre l’emploi, le niveau de vie et les droits démocratiques, y compris les droits nationaux du peuple palestinien. Cela ne peut se faire que sur la base du programme et de la perspective du socialisme international.

(Article paru d’abord en anglais le 15  mai 2023)

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