DeSantis et Trump rivalisent pour savoir qui est le plus fasciste

L’ex-président Donald Trump et le gouverneur de Floride Ron DeSantis, ont tous deux lancé des attaques fascistes concurrentes contre le socialisme cette semaine en arrivant dans l’Iowa pour y faire campagne. L’Iowa est le premier état à organiser une primaire à l’investiture présidentielle républicaine.

Lors de sa première grande interview après sa déclaration officielle de candidature la semaine dernière, DeSantis a déclaré à Fox News qu’il «détruirait les idées de gauche et le socialisme» s’il était élu président en 2024. Il a ensuite porté ce message dans l’Iowa, où il a donné le coup d’envoi de sa campagne par un rassemblement à l’église fondamentaliste Eternity Church de Clive, une banlieue de Des Moines.

Le pasteur de cette église a déclaré au New York Times que le choix du lieu pour le premier meeting de DeSantis lui indiquait « qu’ils accordent de l’importance au vote chrétien». En accueillant DeSantis au meeting, il avait prié pour le candidat et sa famille et invoqué l’aide divine dans la «lutte contre le mondialisme et le socialisme».

Le président Donald Trump marche avec le gouverneur de Floride Ron DeSantis, lors d’une visite au lac Okeechobee en mars 2019. [AP Photo]

Les électeurs évangéliques représentent près des deux tiers des participants aux caucus républicains de l’Iowa, qui se tiendront en janvier ou février prochains. La date exacte n’a pas encore été fixée mais le calendrier provisoire signifie que la primaire aura lieu dans sept mois à peine. Les deux candidats de l’ultra-droite ont déjà commencé à dépenser des sommes considérables pour la publicité télévisée et l’embauche d’agents de terrain dans cet État.

Dans son discours de mardi, DeSantis a affirmé que «l’idéologie woke» promue par les «élites» dominait désormais le gouvernement et les entreprises des États-Unis. Il a salué son conflit avec Walt Disney World en Floride à propos de ses attaques contre les homosexuels, les lesbiennes et les transsexuels, et la publicité qu’il avait eue. Prenant une pose autoritaire, il a déclaré: «C’est le temps d’imposer notre volonté à Washington D.C.».

Il a critiqué Trump, sans le nommer, entièrement depuis la droite, notamment sur la COVID. Il l’a accusé d’avoir capitulé devant le Dr Anthony Fauci en promouvant des mesures d’atténuation comme le masquage et la vaccination. Il a affirmé que l’État de Floride, sous sa direction, avait été une «zone de liberté» durant la pandémie, considérée comme terminée par lui et son auditoire, où personne ne portait de masque et beaucoup n’étaient probablement pas vaccinés.

En fait, DeSantis a soutenu que le COVID-19 aurait dû être autorisé à tuer encore plus d’Américains que les quelques 1,2  million morts jusqu’à présent, et que le nombre de décès devrait continuer à augmenter. Sur ce dernier point, il est en parfait accord avec le gouvernement Biden, qui a supprimé le mois dernier toutes les mesures d’atténuation restantes ainsi que l’urgence sanitaire.

DeSantis a attaqué Trump pour avoir rejeté une interdiction d'avorter après la sixième semaine de grossesse – alors que la majorité des femmes ne savent même pas qu'elles sont enceintes – comme le prévoit le projet de loi venant d'être adopté en Floride et qu'il a promulgué. Trump est favorable à une interdiction légèrement moins restrictive, de 10 ou 12 semaines, et à des exceptions en cas de viol et d'inceste.

Lors d’une conférence de presse après son discours, le gouverneur de Floride a ajouté des critiques à l’encontre de Trump pour avoir soutenu et signé une loi bipartite réduisant les peines d’emprisonnement pour certains délits liés à la drogue. Il l’a qualifiée de «loi d’évasion».

Mais la principale critique formulée par DeSantis dans son discours, sa conférence de presse et ses diverses apparitions dans les médias est que Trump perdrait les élections de 2024, alors que lui serait prétendument victorieux. Dans son discours à Clive, après avoir énuméré une série de mesures fascistes sur lesquelles les deux candidats sont largement d’accord, il a déclaré: «Et vous ne pouvez rien faire de tout cela si vous ne gagnez pas».

Lors de sa conférence de presse, il s’est présenté comme le visage le plus publiquement acceptable du fascisme, disant de Trump: «il y a beaucoup d’électeurs qui ne voteront tout simplement jamais pour lui… Nous devons simplement l’accepter». C'est le moment où DeSantis fut le plus près d'admettre que l'élection de 2020 n'a pas été volée.

DeSantis s’est bien vanté maintes fois d’avoir réussi à faire passer une série de lois réactionnaires antidémocratiques dans son État, largement axées sur les questions de race, de genre et d’orientation sexuelle, mais il n’a pas parlé du nombre de décisions de justice qui ont annulé ou suspendu ces lois pour violation du Premier amendement qui interdit les restrictions à la liberté d’expression et interdit l’établissement d’une religion par le gouvernement.

La menace du gouverneur de Floride qu’il détruirait «les idées de gauche et le socialisme», qu’il a réitérée dans des interviews au cours de la semaine écoulée, révèle la véritable force motrice de toutes ses diatribes de droite. Il exprime la crainte grandissante de la classe dirigeante américaine face à la montée de la radicalisation des travailleurs américains et au danger qu’ils se tournent vers le marxisme et la révolution socialiste.

Trump exprime cette même crainte encore plus directement, et en lettres capitales. Le message qu’il a adressé à ses partisans sur Truth Social, sa propre version de Twitter, à l’occasion du Memorial Day, se terminait ainsi: «NOUS DEVONS ARRÊTER LES COMMUNISTES, LES MARXISTES ET LES “PORCS” FASCISTES À CHAQUE TOURNANT ET RENDRE À L’AMÉRIQUE SA GRANDEUR!»

Quelque conseiller politique a sans aucun doute conseillé à Trump d'ajouter «fasciste» à sa liste habituelle de cibles de gauche à vilipender, bien qu'il entretienne les relations les plus étroites avec les milices fascistes comme les Proud Boys et les Oath Keepers, qui ont été le fer de lance de l'attaque du Capitole le 6 janvier 2021.

Après qu’une foule fasciste ait défilé à Charlottesville (Virginie) en 2017 et qu’un fasciste ait tué une contre-manifestante en lui fonçant dessus avec sa voiture, Trump avait déclaré qu’il y avait là «des gens très bien». Il faisait référence à une horde de néonazis défilant avec des torches et scandant «Les juifs ne nous remplaceront pas»!

Si DeSantis est obsédé par les homosexuels et les transgenres, Trump lui, diabolise les travailleurs migrants. Il a déclaré mardi qu’un de ses premiers actes s’il retournait à la Maison-Blanche serait un décret contre la citoyenneté de naissance – la disposition du 14e  amendement de la Constitution qui déclare que toute personne née aux États-Unis est un citoyen, y compris les enfants d’immigrés sans papiers.

Qu’une telle mesure serait, par définition, inconstitutionnelle n’a pas préoccupé l’ex-président. Pour autant qu’il se donne la peine de considérer cet aspect de la question, il compte sur la majorité de six membres de droite à la Cour suprême, dont trois qu’il a lui-même nommés, pour qu’ils renversent le précédent vieux de 125  ans établi dans l’affaire ‘‘United States contre Wong Kim Ark’’. Selon celui-ci la citoyenneté de naissance ne s’applique pas seulement aux anciens esclaves, mais encore aux enfants d’immigrés.

La campagne de Trump a ensuite publié un communiqué indiquant que le décret envisagé par l’ex-président «expliquera le sens clair du 14e  amendement», que le précédent devrait être annulé et que les enfants d’immigrants «illégaux», nés sur le sol américain, devraient se voir refuser la citoyenneté et être déportés en même temps que leurs parents.

Trump a suivi DeSantis dans l’Iowa, où il est arrivé mercredi soir. Il a pris la parole jeudi lors d’un petit-déjeuner de travail avec des militants d’ultra-droite. Cela fut suivi d’une réunion publique enregistrée par Fox News à Clive, la même banlieue que celle visitée par le gouverneur de Floride.

(Article paru d’abord en anglais 1er juin 2023)

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