Pour préparer la guerre avec la Chine, les États-Unis fournissent 345 millions de dollars d’armes à Taïwan

Les États-Unis ont annoncé vendredi dernier qu'ils allaient fournir à Taïwan des armes à hauteur de 345 millions de dollars, la première tranche d'un programme annuel d'équipement militaire d'un milliard de dollars. Cette annonce marque une nouvelle étape dans l'armement de Taïwan, alors que Washington intensifie sa confrontation provocatrice avec la Chine.

Deux hélicoptères Sikorsky UH-60 «Black Hawk» s’approchent pendant les exercices militaires annuels Han Kuang à l’aéroport international de Taoyuan, dans le nord de Taïwan, mercredi 26 juillet 2023. [AP Photo/Chiang Ying-ying]

Cette fourniture d'armes à Taipei n'est pas une vente comme par le passé. Elle s'inscrit bien plutôt dans le cadre d'une Autorisation présidentielle de retrait, approuvée par le Congrès l'an dernier pour renforcer les forces armées taïwanaises. L’armement sera prélevé directement sur les stocks militaires américains.

Cité par le Financial Times, le porte-parole de l’ambassade chinoise à Washington, Liu Pengyu, a déclaré: «La Chine est fermement opposée aux liens militaires et aux ventes d’armes des États-Unis à Taïwan ». Il a averti que les États-Unis devaient «cesser de vendre des armes à Taïwan. Cessez de créer de nouveaux facteurs susceptibles d’entraîner des tensions dans le détroit de Taïwan et arrêtez ]d’y] faire peser des risques pour la paix et la stabilité».

Les États-Unis sapent intentionnellement la politique d'‘Une seule Chine’, qui reconnaît de fait Pékin comme le gouvernement légitime de toute la Chine, y compris Taïwan, et qui constitue la base des relations diplomatiques américano-chinoises établies en 1979. Washington sait parfaitement que la Chine a depuis longtemps prévenu qu'elle répondrait par la force à toute déclaration d'indépendance de Taipei.

Le gouvernement Biden a non seulement aboli les protocoles diplomatiques de longue date limitant les contacts entre responsables américains et taïwanais, mais il a encore renforcé les liens militaires. En 1979, les États-Unis avaient mis fin au traité militaire qui les liait à Taïwan et retiré toutes leurs forces de l’île. Aujourd’hui, les troupes américaines reviennent sous forme de conseillers militaires.

Biden a également mis fin à la politique américaine d’«ambiguïté stratégique», laissant la porte ouverte pour porter assistance à Taipei en cas de conflit militaire avec Pékin. La politique d’«ambiguïté» visait non seulement à freiner la Chine, mais aussi à prévenir les provocations diplomatiques ou militaires de la part de Taïwan. Depuis son entrée en fonction, Biden a apporté à maintes reprises son soutien inconditionnel à Taïwan en cas de guerre.

Le gouvernement américain a déjà vendu des milliards de dollars d’armes à Taïwan et, pour la première fois, il fournit directement des armes provenant des stocks militaires. À l’annonce de ce programme, la Maison-Blanche n’a pas donné de détail sur l’équipement militaire à livrer, mais a précisé que cela comprendrait l’éducation et la formation.

Dans un courriel cité par le Washington Post, Sue Gough, porte-parole du ministère de la Défense, a déclaré: «Le retrait [d’armes] comprend des capacités d’autodéfense que Taïwan pourra utiliser pour renforcer sa dissuasion aujourd’hui et à l’avenir». Le matériel militaire concernerait « les stocks défensifs essentiels, la vigilance multi-domaine, les capacités de défense anti-blindage et de défense aérienne».

Le Financial Times avait rapporté en juin que les États-Unis se préparaient à vendre à Taïwan quatre drones MQ-9B Sea Guardian pour la collecte d’informations sur les mouvements navals chinois et qui seraient partagés en temps réel avec les armées américaine et japonaise. Le partage en temps réel du renseignement sur les mouvements maritimes et aériens, ou «vigilance multi-domaine», est précisément ce qui est nécessaire à la conduite d’une guerre moderne.

Dans les milieux militaires américains, on discute ouvertement de la nécessité de tirer les leçons de la guerre en Ukraine et d’adopter une stratégie du «porc-épic» pour infliger un maximum de pertes et de dommages à toute armée chinoise d’invasion. En fournissant armes et formation, plutôt qu’en vendant simplement des équipements militaires à Taïwan, les États-Unis auront davantage leur mot à dire sur l’orientation, la tactique et la stratégie de l’armée taïwanaise.

La semaine dernière, l’armée taïwanaise a organisé ses jeux de guerre annuels de plusieurs jours, connus sous le nom d’exercices Han Kuang, dont l’objectif est de repousser une invasion chinoise de l’île. Cette année, ceux-ci ont davantage porté sur les menaces pesant sur les principales infrastructures et centres de transport, notamment le principal aéroport international de l’île, Taoyuan.

Le ministère de la Défense a indiqué que l’exercice mené à l’aéroport impliquait six hélicoptères et environ 180 soldats qui se sont entraînés à repousser une force ennemie qui aurait pris le contrôle des installations de contrôle du trafic aérien. Y ont assisté de hauts responsables du gouvernement et de l’armée, ainsi que des représentants de l’ambassade américaine de fait à Taipei.

Dans la ville de Tainan, au sud du pays, des exercices d’intervention en cas de catastrophe, qui se sont concentrés par le passé sur les tremblements de terre et les typhons, ont été programmés pour coïncider avec les exercices militaires. Comme le rapporte le Wall Street Journal, la simulation comprenait «des boules de flammes explosant devant deux immeubles résidentiels… Des colonnes de pompiers se sont précipitées vers l’épave fumante pour éteindre l’incendie et commencer une recherche frénétique de survivants».

Un commentaire diffusé par haut-parleurs à l’intention des spectateurs rassemblés déclarait : «Un assaut mené par les Chinois provoque le renversement d’un bus, l’inclinaison et l’effondrement de plusieurs bâtiments. De nombreuses personnes se trouvent prises au piège. La ville de Tainan subit des attaques aveugles de missiles».

S’adressant aux médias, le Premier ministre taïwanais Chen Chien-jen a justifié les manœuvres en déclarant: «Les exercices d’aujourd’hui à Tainan, y compris la simulation de scénarios de guerre, ne sont pas seulement dus à la sensibilité internationale accrue déclenchée par la guerre de la Russie en Ukraine. C’est encore plus le reflet des menaces et des provocations constantes de la Chine à l’encontre de notre pays».

En réalité, ce sont les États-Unis, et non la Chine, qui ont bouleversé le statu quo en Asie du Nord-Est, préparant le terrain pour un conflit entre puissances nucléaires dans la région Inde-Pacifique, alors même qu’ils intensifient la guerre avec la Russie en Ukraine. Tout comme ils ont sacrifié d’innombrables soldats et civils ukrainiens, ils sont prêts à faire de même à Taïwan et préparent à la guerre leurs alliés régionaux, notamment le Japon, la Corée du Sud et l’Australie.

Loin de «défendre la démocratie», l’impérialisme américain met en branle de façon irresponsable un conflit international visant à déstabiliser et à subordonner la Russie et la Chine, qu’il considère comme les principales menaces à son hégémonie mondiale. Seul un mouvement anti-guerre unifié de la classe ouvrière internationale, basé sur un programme socialiste qui vise à abolir le capitalisme et son système réactionnaire d’États-nations rivaux, peut empêcher une telle catastrophe.

(Article paru d’abord en anglais le 31 juillet 2023)

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