Les manifestations se multiplient contre le refus de la part de Macron de retirer les troupes françaises du Niger

Après que des dizaines de milliers de travailleurs et de jeunes ont manifesté ce week-end dans la capitale du Niger, Niamey, des milliers de personnes ont encerclé la base militaire de l’OTAN à Niamey. La base accueille quelque 1.500 soldats français, ainsi que des troupes américaines et italiennes, des avions de chasse, des drones tueurs et des hélicoptères d'attaque. Les manifestants exigent le départ immédiat des troupes françaises, qui sont intervenues dans l'ensemble de l'ancien empire colonial français au Sahel pendant la guerre française de 2013-2022 au Mali voisin.

Des soldats français débarquent d’un avion-cargo C130 de l’armée de l’air américaine sur la base de Niamey, au Niger, le 9 juin 2021. [AP Photo]

Un manifestant devant la base de Niamey, Ibrahim Mohamed, a déclaré à « France Info » qu’il ne pouvait trouver aucune explication innocente à la vague de meurtres de masse dans les villages qui ont eu lieu dans tout le Sahel pendant la guerre menée par la France au Mali. « Avec tous les outils dont la France dispose aujourd’hui avec les drones de surveillance et les armes lourdes, je ne comprends pas comment des individus à moto peuvent venir tuer nos populations jour et nuit », a-t-il déclaré.

Maïkoul Zodi, coordinatrice pour le Niger du réseau d’activistes « Turn The Page » (tourner la page), qui s’est adressée aux manifestants entourant la base de Niamey hier, a déclaré: «Nous avons encerclé la base de Niamey: «Nous avons encerclé cette base et nous camperons ici jusqu’à ce que les derniers soldats français quittent notre territoire avant de rentrer chez nous».

Paris poursuit cependant une politique néocoloniale flagrante. Le président Emmanuel Macron et les hauts gradés militaires refusent toujours de retirer leurs troupes ou de remplacer l’impopulaire ambassadeur de France au Niger, Sylvain Itté. Des officiers français anonymes profèrent des menaces dans la presse pour réprimer les manifestations à Niamey et promettent que tout retrait qu’ils effectueront visera à renforcer l’efficacité du combat français dans l’ensemble du Sahel.

France Info a cité « l’état-major des armées » qui a averti que « les forces françaises sont prêtes à riposter à toute menace contre les positions militaires et diplomatiques [de la France] au Niger ».

Hier les autorités françaises ont confirmé qu’elles avaient entamé des discussions avec le régime militaire nigérien sur un retrait partiel des troupes françaises de Niamey. Toutefois, l’objectif de ces discussions est de donner aux troupes françaises la possibilité de se redéployer hors des zones les plus contestées du Niger, afin qu’elles puissent poursuivre leurs missions de combat ailleurs dans la région.

Le Figaro écrit: «Il est inutile de laisser plus d’un millier de soldats inactifs dans cette zone. On a engagé des discussions “fonctionnelles” pour organiser le retrait de certains éléments militaires, selon le ministère de la Défense. Il s’agit de discussions “préparatoires”, techniques et non politiques, précise-t-on. Les soldats pourraient être déployés ailleurs, leur nombre n’est pas encore décidé. L’état-major veut maintenir sa crédibilité opérationnelle sur le terrain [au Niger]. Le mouvement pourrait bien sûr être inversé».

Entre-temps, les responsables français ignorent l’offre de la Chine, deuxième partenaire commercial du Niger après la France, de servir de médiateur entre Paris et la junte nigérienne. L’ambassadeur de Chine au Niger, Jiang Feng, a fait cette offre après avoir rencontré Ali Mahaman Lamine Zeine, le Premier ministre nommé par la junte militaire nigérienne.

«Le gouvernement chinois entend jouer un rôle positif, en tant que médiateur, dans le respect total des pays de la région, afin de trouver une solution politique à la crise nigérienne», a déclaré Jiang. « La Chine suit toujours le principe de non-ingérence dans les affaires intérieures des autres pays », a ajouté Jiang, en disant qu’il espérait que les pays africains pourraient « résoudre leurs problèmes à l’africaine ».

La tentative du régime chinois de négocier un accord avec Paris reflète les préoccupations des cercles dirigeants de Pékin concernant la politique agressive de Macron au Niger. Depuis que le coup d’État du 26 juillet a renversé le président Mohamed Bazoum, soutenu par la France, Macron a fait pression pour imposer des sanctions au Niger. Mais aussi, il prépare une invasion du pays par les pays de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CÉDÉAO) afin de ramener Bazoum au pouvoir. Les sanctions et la menace de renverser la junte à Niamey touchent d’importants intérêts économiques chinois.

Pékin met en place de grands projets d’infrastructure au Niger, qui, après des décennies de domination française depuis son indépendance officielle en 1960, est devenu l’un des pays les plus pauvres du monde. Elle construit un oléoduc de 2.000 km pour transporter le pétrole nigérien vers les ports du Bénin, ainsi qu’une centrale hydroélectrique d’un milliard d’euros à Kandadji, sur le fleuve Niger, afin de réduire le nombre de pannes d’électricité dans le pays. On ne sait pas encore si les sanctions de la France et de la CÉDÉAO pourraient bloquer les projets de Pékin ou si les ventes de pétrole nigérien sur les marchés mondiaux pourraient permettre à Niamey d’échapper aux sanctions de la CÉDÉAO.

Toutefois il est d’ores et déjà évident que Paris se trouve confronté au plus grand défi à son hégémonie sur son ancien empire colonial depuis la guerre sanglante de 1954-1962 pour l’indépendance de l’Algérie vis-à-vis de la France. Le coup d’État au Niger est intervenu après une série de coups d’État au Mali et au Burkina Faso voisins, qui ont porté au pouvoir des régimes militaires exigeant le départ des troupes françaises de leurs pays. Cette situation reflète l’indignation croissante des travailleurs et des jeunes face à l’effusion de sang au Mali et dans tout le Sahel pendant la guerre menée par la France au Mali entre 2013 et 2022.

Afrique de l’Ouest [Photo by PirateShip6 / CC BY-SA 4.0]

La crise de l’impérialisme français est d’autant plus grave en raison de l’opposition explosive de la classe ouvrière en France au diktat d’austérité de Macron à l’intérieur du pays. Ce printemps, il a fait passer en force les coupes dans les retraites face à l’opposition populaire écrasante et aux grèves de masse de millions de travailleurs, foulant aux pieds la volonté du peuple et envoyant des escadrons de police antiémeute pour agresser brutalement les grévistes et les manifestants. Après avoir sabré dans les retraites, Macron a ensuite fait passer à toute vitesse une augmentation de 100 milliards d’euros du budget militaire de la France dans le cadre de la guerre de l’OTAN contre la Russie en Ukraine.

Les conditions objectives d’une lutte révolutionnaire internationale unie des travailleurs en France et dans les anciennes colonies africaines de la France contre l’impérialisme sont en train d’émerger.

La question décisive à laquelle fait face la construction d’un tel mouvement est une rupture politique avec les bureaucraties syndicales nationales et les partis pseudo gauchistes ou nationalistes alliés, sur la base d’une lutte internationale contre la guerre impérialiste et pour le socialisme. En France, ces forces ont bloqué une action de grève plus large au printemps pour faire tomber Macron lors de la lutte pour les retraites. Au Niger et dans tout le Sahel, elles s’efforcent de soutenir les négociations des juntes militaires avec l’impérialisme, tout en essayant de présenter faussement les juntes comme des gouvernements «de gauche » et antiimpérialistes.

En réalité, la junte nigérienne cherche désespérément à maintenir ses relations avec Macron, tout en essayant de désamorcer l’opposition explosive à l’impérialisme parmi les travailleurs et la jeunesse. En effet, alors que les pourparlers entre les militaires nigériens et français sur une évacuation partielle de la France se poursuivaient, la junte nigérienne a clairement fait connaître sa position lors d’une conférence de presse du Premier ministre Zeine.

Zeine a appelé à la coopération avec l’impérialisme français, tout en notant que la présence militaire française au Niger est « en position d’illégalité » puisqu’elle est contestée par la population et n’est pas autorisée par le gouvernement. En soulignant les « échanges » de la junte avec l’armée française, il a déclaré: «Ce que nous souhaitons, c’est, si possible, maintenir une coopération avec le pays avec lequel nous partageons tant de choses».

De même, malgré leurs invocations d’opposition à la France, les organisations de défense des droits de l'homme et les groupes d’activistes du réseau «Turn The Page» (tourner la page), qui intervient dans les manifestations au Niger, sont également étroitement liés aux intérêts impérialistes. Le site web du réseau cite parmi ses sponsors l’Agence française de développement (AFD), la Fondation Rosa Luxemburg, financée par l’État allemand, et le National Democratic Institute (NDI) des États-Unis. Le NDI fait partie de la National Endowment for Democracy (NED), un canal de longue date pour les fonds de la CIA.

La lutte contre l’impérialisme et la guerre ne peut se faire que par un virage conscient qui vise à unifier les luttes ouvrières internationales en Afrique, en Europe et au-delà en un mouvement contre l’impérialisme et la domination des élites capitalistes sur la vie sociale et économique. Cela signifie s’opposer à la fois à l’impérialisme et à ses diverses agences petites-bourgeoises dans les anciens pays coloniaux et construire un mouvement international de la classe ouvrière contre la guerre impérialiste et pour le socialisme.

(Article paru d’abord en anglais le 6 septembre 2023)

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