Allemagne : aux élections des Lands de Bavière et de Hesse, le parti d'extrême droite AfD devance les partis du gouvernement fédéral

Le parti d'extrême droite AfD (Alternative pour l’Allemagne) a obtenu des résultats records alors que les partis de la coalition du gouvernement fédéral ont subi de lourdes pertes dans les élections des Lands dimanche en Bavière et en Hesse, où vivent près d'un quart des habitants du pays. En Hesse, l'AfD a progressé de 5,3 pour cent pour devenir avec 18,4 pour cent le deuxième parti. En Bavière, il a progressé de 4,4 pour cent et fini troisième à 14,6 pour cent.

Affiche du SPD avec en figure de proue Nancy Faeser dans la campagne électorale en Hesse

Le résultat en Bavière est particulièrement remarquable car le parti des ‘Électeurs libres’, un autre parti à droite de la CSU (Union chrétienne-sociale) du ministre-président du Land Markus Söder, s'est également présenté aux élections. Bien qu'on ait appris peu avant le scrutin que son leader, Hubert Aiwanger, avait été néonazi (article en anglais) dans sa jeunesse, les ‘Électeurs libres’ ont réalisé des progrès significatifs et sont arrivés en deuxième position, avec 15,8 pour cent des voix. Les deux partis d'ultra-droite représentent désormais plus d'un tiers des membres du Parlement du Land (région) de Bavière.

La montée de l’extrême droite s’est faite aux dépens des partis au pouvoir à Berlin – les sociaux-démocrates (SPD), les libéraux-démocrates (FDP) et les Verts – et du Parti de gauche. En Hesse, le SPD, les Verts et le FDP ont perdu ensemble 12,2 points de pourcentage et en Bavière, ils ont perdu 6,6 points. Le SPD du chancelier Olaf Scholz a enregistré son pire résultat de l’histoire en Bavière, avec 8,4 pour cent, et n'est arrivé qu’en cinquième place. Le FDP a perdu tous ses sièges parlementaires en Bavière et a réussi à réintégrer de justesse le Parlement du Land de Hesse, avec 5 pour cent des voix. Les Verts ont également perdu 3,2 points de pourcentage en Bavière et 5 points en Hesse.

Le Parti de gauche a perdu plus de la moitié de ses électeurs dans les deux Lands. En Bavière, où il n'a jamais réussi à franchir la barre des 5 pour cent pour entrer au Parlement, il a obtenu 1,7 pour cent des voix et en Hesse 3,1 pour cent. Ainsi, pour la première fois depuis 15 ans, le Parti de gauche n’est plus représenté au Parlement du Land de Hesse à Wiesbaden.

Le résultat des élections ne modifiera pas immédiatement la composition des gouvernements des deux Lands. En Bavière, où le ministre-président Söder s'était déjà engagé avant les élections à maintenir la coalition avec les Électeurs libres, la CSU reste avec 37 pour cent juste en dessous de son résultat de 2018 et dispose, avec les Electeurs libres, d’une majorité parlementaire. En Hesse, l'Union chrétienne-démocrate (CDU), qui a obtenu un score significatif de 34,6 pour cent, peut poursuivre sa coalition actuelle avec les Verts, très affaiblis, ou gouverner dans le cadre d'une alliance avec le SPD. Les deux partis ont obtenu autour de 15 pour cent des voix.

Les résultats de ces deux élections des Lands sont un sérieux avertissement politique. L’AfD, un parti qui se réclame de plus en plus ouvertement de l'héritage du nazisme, a atteint pour la première fois près de 20 pour cent des voix dans un grand Land de l'ouest de l'Allemagne. Dans les Länder de l'est Saxe, Thuringe et Brandebourg, où auront lieu l'an prochain des élections des Lands, l'AfD arrive désormais en tête des sondages, avec plus de 30 pour cent des intentions de vote.

La montée des fascistes est le résultat direct de la politique du gouvernement de coalition fédéral et de tous les partis représentés au Bundestag (parlement fédéral). Avec leur guerre menée par procuration contre la Russie au prix de centaines de milliers de vies ukrainiennes, ils s'alignent directement sur les objectifs de l'Allemagne durant la Seconde Guerre mondiale. Les diatribes colériques de Scholz contre la Russie devant les Nations Unies rappellent les discours d'Hitler .

Le retour du militarisme allemand va de pair avec la réhabilitation ouverte des nazis par le gouvernement. Il y a neuf ans, tous les partis du Bundestag ont défendu le professeur d'extrême droite Jörg Baberowski (article en anglais), qui affirmait qu'Hitler n'était «pas cruel », contre les critiques du Sozialistische Gleichheitspartei (Parti de l'égalité socialiste). À Kiev, ils ont collaboré avec les néo-nazis pour renverser le président pro-russe Viktor Ianoukovitch en 2014.

En Ukraine, ils arment dans la guerre contre la Russie un régime qui glorifie les meurtriers de masse et les collaborateurs des nazis comme Stepan Bandera. L'hommage rendu le mois dernier au vétéran ukrainien des Waffen SS Yaroslav Hunka au Parlement canadien, auquel participait l’ambassadrice allemande Sabine Sparwasser, n'était que le dernier maillon de cette chaîne.

Le réarmement massif de la Bundeswehr (forces armées) par le gouvernement allemand a été salué dès le début par l'AfD, qui a déclaré à maintes reprises que sa politique militaire était enfin mise en pratique.

Cette politique pro-guerre s’accompagne de coupes sociales sans précédent. La coalition fédérale sabre des milliards d’euros des budgets sociaux pour financer le réarmement, injecte des milliards supplémentaires dans l’économie pour faire monter les profits et répercute les coûts sur la classe ouvrière par des accords salariaux bien inférieurs à l’inflation. Les conséquences en sont la montée de la pauvreté alors qu’augmente en même temps le nombre des milliardaires.

Mais l’AfD n’est pas simplement le dommage collatéral de cette politique de droite. Pendant des années, le parti a été intégré au travail parlementaire par tous les partis de l’establishment, courtisé par les médias et construit par des commanditaires aux moyens financiers importants. Il est délibérément promu et la lie fasciste de la société délibérément mobilisée pour réprimer l’énorme opposition au militarisme et aux attaques sociales.

Du Parti de gauche jusqu’à la CDU/CSU, tous les partis de l’establishment ont mené dans ces élections une chasse aux réfugiés sans précédent pour atteindre précisément cet objectif. Dans le meilleur style d’extrême droite, ils ont imputé aux plus faibles de la société les résultats catastrophiques de la politique gouvernementale – inflation, loyers inabordables, infrastructures en ruine et pauvreté croissante. Comme les Juifs furent autrefois les boucs émissaires des nazis, les réfugiés pauvres à la recherche de protection et de sécurité en Allemagne sont devenus les boucs émissaires pour tous les maux sociaux.

La ministre fédérale de l'Intérieur Nancy Faeser, tête de liste du SPD en Hesse, s'est distinguée à cet égard. Elle a obtenu 15,1 pour cent des voix, le pire résultat dans son ancien fief de Hesse, et fut devancée par l'AfD, qui obtint 18,4 pour cent.

La lutte contre le danger fasciste doit donc être dirigée contre tous les partis qui adoptent la politique d’extrême droite et lui ouvrent la voie. Elle doit se baser sur le mouvement indépendant de la classe ouvrière et associer la résistance au fascisme, à la guerre et aux inégalités sociales, à la lutte pour une société socialiste. C’est pour cette perspective que se bat le Sozialistische Gleichheitspartei.

(Article paru en anglais le 11 octobre 2023)

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