Des milliers de jeunes et de travailleurs de tous horizons, y compris des familles entières, ont participé vendredi après-midi à une manifestation à Times Square, à New York, pour s’opposer à la guerre génocidaire menée par le gouvernement israélien, avec le soutien total des États-Unis et des puissances impérialistes européennes, contre le peuple palestinien.
La ville de New York abrite une population musulmane de 1,7 million de personnes, ainsi que la plus grande population juive des États-Unis, soit 2,1 millions de personnes. La manifestation a fait l’objet d’une large publicité dans le système de la City University of New York (CUNY), majoritairement ouvrière, et a été soutenue par des étudiants de l’université de Columbia et de l’université de New York (NYU).
Les manifestants de Manhattan étaient sous la surveillance d’une forte présence de la police de New York (NYPD). Des centaines de policiers se sont rassemblés près du rassemblement, des hélicoptères ont encerclé les manifestants et la police de New York avait installé des centres de commandement mobiles.
Les médias avaient déclenché une frénésie à l’avance, identifiant les manifestations et d’autres du même type prévues dans le monde à une supposée «journée du djihad» inspirée par le Hamas, laissant entendre que les rassemblements seraient associés à des actes terroristes. Eric Adams, le maire démocrate de la ville, a déclaré lors d’une conférence de presse jeudi qu’il avait chargé des policiers de patrouiller dans les écoles, les institutions religieuses et certains quartiers en prévision de la manifestation de vendredi.
La députée des Socialistes démocrates d’Amérique (DSA) de New York, Alexandria Ocasio-Cortez, a suggéré la semaine dernière qu’il ne devrait pas être si difficile de «faire arrêter» les manifestations pro-palestiniennes dans la ville de New York. Son collègue soutenu par les DSA, Jamaal Bowman, également de New York, s’est dit dégoûté par la manifestation de la semaine dernière en défense des Palestiniens.
Jeudi, la conseillère municipale républicaine d’extrême droite Inna Vernikov est apparue lors d’un rassemblement pro-palestinien au Brooklyn College avec un pistolet à la ceinture.
Mais le sentiment dominant parmi les manifestants était celui du défi et de la détermination à se battre pour défendre le peuple palestinien. Bien qu’il y ait eu une petite présence d’éléments pro-Hamas, la grande majorité des manifestants étaient des travailleurs et des jeunes qui ont exprimé leur opposition à la guerre génocidaire d’Israël et leur appui à l’unité de la classe ouvrière à travers le Moyen-Orient et à l’échelle internationale.
Un jeune enseignant de New York a assisté à la manifestation mais, comme beaucoup de personnes interrogées, il a demandé à rester anonyme. Il a déclaré au World Socialist Web Site :
En tant que Juif, on m’a enseigné toute ma vie que l’oppression ne peut être tolérée, et le gouvernement israélien opprime depuis des décennies le peuple palestinien et gère actuellement la plus grande prison à ciel ouvert de Gaza. Je n’ai jamais été aussi motivé que maintenant pour manifester contre cette injustice. Je considère que ce qui se passe actuellement n’est pas une déclaration de génocide à part entière, mais qu’il s’en faut de peu. Des ministres israéliens qualifient les Palestiniens d’«animaux» et de «bêtes». En tant que Juif, il est tout simplement inacceptable d’entendre tout un groupe de personnes se faire traiter de la sorte. En ce moment, ils bombardent sans discernement à Gaza et cela n’est pas médiatisé de la même manière que la violence contre les Israéliens.
Évidemment, je suis à 100 % contre les morts civiles, quel que soit leur auteur, et c’est exactement la raison pour laquelle je suis ici aujourd’hui. Les Palestiniens meurent à un rythme effréné, et même s’ils ne meurent pas, leurs conditions de vie sont plus qu’horribles et inacceptables. Je suis sûr qu’il y a beaucoup, beaucoup de Juifs ici et dans le monde qui sont passionnément [opposés à ce qui se passe]. À mon avis, le gouvernement israélien travaille pour ceux qui soutiennent Israël en tant qu’État militaire, comme les États-Unis, les pays de l’Union européenne et la Grande-Bretagne.
Parallèlement, si vous lisez les éditoriaux d’opinion en Israël, nombreux sont ceux qui appellent le gouvernement Netanyahou à mettre fin à l’occupation. En Amérique, je vois cette attitude : si vous êtes pro-palestinien, vous êtes antisémite. Je ne pense pas que tous les Israéliens voient les choses ainsi. Je pense que les médias grand public et les pouvoirs politiques aux États-Unis choisissent ce qu’ils amplifient.
Une jeune femme a déclaré au WSWS : «Les médias américains diffusent beaucoup d’informations erronées. L’accusation selon laquelle quarante bébés avaient été tués s’est révélée être un mensonge. Les États-Unis cherchent l’hégémonie, et je pense que tout cela est lié à la guerre contre la Russie en Ukraine, comme un effet de la guerre froide. Les États-Unis ont envoyé une énorme quantité d’armements à Israël alors qu’ils forcent l’évacuation d’un million de personnes.»
Aziz a déclaré au WSWS : «Israël est un État raciste et nous vivons une époque d’apartheid moderne. Le gouvernement américain finance l’État d’Israël, mais le problème, c’est qu’il s’agit d’une déshumanisation du peuple [palestinien]. L’administration Biden fait en sorte que le génocide soit acceptable en 2023.»
«Je suis bouleversé par cette question. Imaginez que vous êtes un enfant dans une cour de récréation et que vous vous faites frapper tous les jours depuis 75 ans. Cela fait 75 ans que l’État de la Nakba vous frappe. J’invite tout le monde à faire des recherches sur la Nakba, à s’informer. Les gens ne s’intéressent qu’à un incident, mais pas à l’ensemble de l’histoire. S’il vous plaît, lisez l’histoire.»
Lindsey, 21 ans, étudiante en art au City College de New York, est venue à la manifestation pour dénoncer «le génocide qu’ils [le gouvernement israélien] sont en train de commettre». Elle a déclaré qu’elle était opposée à la couverture médiatique qui «traite les Palestiniens d’animaux et de terroristes alors que le gouvernement israélien commet des atrocités».
Discutant de la nécessité d’unifier les masses palestiniennes et israéliennes avec les travailleurs des États-Unis et d’Europe, Lindsey a déclaré : «Je suis tout à fait d’accord pour dire qu’il faut faire une distinction [entre le gouvernement israélien et le peuple]. La différence est énorme. Il y a certainement des gens qui sont pour la Palestine, et je pense que nous devons lutter [ensemble] contre le gouvernement [israélien].»
Justin, qui travaille pour une association à but non lucratif, a déclaré,
Je suis ici parce que je suis horrifié par ce qui se passe. Il s’agit d’un génocide. Des crimes de guerre sont commis. Personne en Occident ne semble faire quoi que ce soit pour l’arrêter. Je suis arabo-américain, ma famille est arrivée ici il y a 100 ans. Toutes les personnes que je connais et qui ont un lien avec cette famille traversent une période très difficile en ce moment.
Je travaille dans une association progressiste, mais je ne me sens pas à l’aise avec la façon dont on parle de ce problème. Les gens se sentent concernés par les enfants, mais lorsque vous êtes un Palestinien de 20 ans, c’est différent. Mais il s’agit de personnes qui vivent depuis 16 ans dans un blocus illégal. Nous avons de la sympathie pour ces enfants, mais ces enfants grandissent et que savent-ils ? Tout ce qu’ils savent, c’est qu’il s’agit d’une prison à ciel ouvert.
Je pense que la seule solution à ce stade est celle d’un État unique où les Arabes ont un droit de retour total et des droits égaux, et idéalement une sorte de réparation. Il y a aujourd’hui des générations d’Israéliens qui vivent là-bas et qui n’ont pas non plus de maison où aller, je le reconnais. La solution des deux États ne semble pas réalisable, compte tenu de ce qui s’est passé au cours des vingt dernières années. C’est un nettoyage ethnique.
Sabrina, qui a participé à la manifestation avec sa sœur et qui prévoyait de se rendre à une autre manifestation à Chicago ce week-end, a déclaré qu’elle était venue «pour le peuple palestinien et pour les personnes qui meurent et souffrent en ce moment. L’armée israélienne assassine des civils, c’est un génocide. Il s’agit de rendre aux Palestiniens leur liberté, qui n’aurait jamais dû leur être enlevée.»
Lina, qui travaillait auparavant pour les Nations unies, a déclaré : «Je suis venue soutenir les droits de l’homme des personnes persécutées à Gaza et en Palestine. Ils font partie des personnes les plus persécutées de notre époque. C’est une honte qu’Israël et les États-Unis ne puissent pas voir qu’il y a une énorme opposition dans la communauté internationale. Il s’agit d’un génocide.»
Marta, qui travaille pour une société financière et qui est originaire de Pologne, a déclaré : «Je suis venue parce que c’était la bonne chose à faire. Pour être honnête, je n’aurais pas eu la force de venir ici, mais ma colocataire est palestinienne. Son oncle, sa femme et leurs deux enfants ont été tués hier à Gaza et je peux voir à quel point cela l’affecte. Il s’agit d’une atrocité horrible et nous ne devrions pas mâcher nos mots à ce sujet. Cela fait des dizaines d’années que cela dure et que nous fermons les yeux. Je me joins à ce combat maintenant, mais j’aurais probablement dû le faire plus tôt.»
Outre la manifestation de vendredi à Times Square, plus d’un millier de personnes d’origine juive se sont jointes à une manifestation à Brooklyn contre la guerre et les politiques criminelles du gouvernement Netanyahou à l’égard des Palestiniens.
Charles, un éducateur de Brooklyn, a soumis une déclaration au WSWS, dans laquelle il dit :
En tant qu’éducateur et juif américain, je suis désemparé par la position dans laquelle le gouvernement, les médias, le maire et même mes pairs me placent. C’est une position impossible, qui n’a d’égal que le cri d’Hamlet demandant de «prendre les armes contre une mer de problèmes». Comme j’aimerais pouvoir afficher confortablement mon soutien à la résistance palestinienne, sans craindre l’emprisonnement ou l’excommunication sociale. Comme j’aimerais pouvoir éduquer mes élèves et mes pairs sur les faits objectifs de l’apartheid et de l’occupation israéliens sans craindre une action parentale ou une enquête administrative.
L’invocation de l’Holocauste par les médias occidentaux et les individus sur les réseaux sociaux est peut-être la chose la plus troublante à mes yeux. Faire référence à l’Holocauste de quelque manière que ce soit comme étant analogue à cette situation, c’est oublier son propre visage dans le miroir. Comment une population éduquée peut-elle regarder le gouvernement israélien et ignorer le fascisme total, ou regarder les conditions à Gaza et ne pas voir un camp de la mort en action, c’est vraiment déconcertant pour moi.
(Article paru en anglais le 14 octobre 2023)