La police française arrête des Juifs qui protestent contre le génocide israélien à Gaza

Vendredi, la police française a arrêté Jean-Claude Meyer, membre de l’Union juive française pour la paix (UJFP), pour avoir porté un drapeau palestinien lors d’une manifestation à Strasbourg. Une autre membre de l’UJFP, Perrine, a également été arrêtée et fut détenue pendant 24 heures supplémentaires samedi soir. Dimanche soir, elle n’avait toujours pas été libérée. Au total, 13 personnes ont été arrêtées lors du rassemblement organisé à Strasbourg pour défendre les Palestiniens, alors que l’État israélien prépare une invasion terrestre de Gaza.

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Le rassemblement a été interdit par la préfecture conformément à la note adressée aux préfets par le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin. Cette note déclare: «Les manifestations pro-palestiniennes, parce qu'elles peuvent générer des troubles à l'ordre public, doivent être interdites » et «l’organisation de ces manifestations interdites doit donner lieu à des interpellations».

Une déclaration de l’UJFP après l’arrestation de Meyer et d’autres manifestants a souligné le rôle meurtrier de Macron dans le soutien à l’assaut d’Israël sur Gaza, et la colère populaire que cela a déclenché: «Devant l’émotion légitime qui pousse une grande partie de la population – dont de nombreux jeunes – à se solidariser avec la Palestine mise à nouveau à feu et à sang depuis l’engrenage de violences meurtrières auxquels sont à nouveau exposés de nombreux civils bombardés et chassés de la bande de Gaza, un pouvoir désemparé qui semble avoir perdu toute mesure s’aligne sur l’extrême-droite israélienne, refuse qu’on entende la voix des Palestiniens en souffrance et interdit même qu’on exprime publiquement la moindre sympathie pour l’opprimé!»

Le collectif a également critiqué le rôle des médias français dans le fait de blanchir l’assaut israélien et le soutien officiel de la France à cet assaut. Il note qu’il n’y a «pas un mot dans les médias officiels, pas un geste du pouvoir allant dans le sens d’une désescalade, mais au contraire l’expression du mépris pour un mouvement de solidarité qui s’étend et ne se limite pas aux seules organisations pro-palestiniennes ».

Dimanche soir, le seul média français à avoir rapporté l’arrestation des membres de l’Union juive pour la Paix était la page d’information régionale Grand Est de France3. Lors des manifestations pro-palestiniennes du week-end en France, des centaines de personnes ont été verbalisées et des dizaines arrêtées, bien que le ministère de l’Intérieur n’ait pas encore publié de statistiques officielles.

Lors d’une autre manifestation de solidarité pour Gaza samedi, la police a arrêté le journaliste de gauche connu et ex-membre de LFI (La France insoumise) Taha Bouhafs. Elle a entraîné Bouhafs loin de la manifestation, bien qu’il ait montré sa carte de presse et son passeport. Bouhafs a ensuite été relâché et condamné à une amende pour avoir participé à la manifestation.

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Lors d’une conférence de presse samedi, Darmanin s’est emparé de l’assassinat horrifiant par un jeune Tchétchène de Dominique Bernard, professeur dans son ancien lycée, pour imposer de nouvelles mesures visant à réprimer l’opposition politique en France, en particulier parmi les résidents étrangers. Après l’attentat de vendredi, le niveau de menace terroriste en France a été relevé à «urgence attentat», le niveau le plus élevé. Des milliers de policiers supplémentaires ont été déployés dans toute le pays.

Darmanin s’est engagé à procéder à «l’expulsion systématique de tout étranger (…) considéré comme dangereux par les services de renseignement». Il a déclaré que les agents de l’État seraient autorisés, dans tous les services de l’État, à évaluer les personnes [étrangères] se trouvant sur le territoire, à les classer comme dangereuses et à procéder à leur expulsion.

Darmanin a également affirmé que 189 actes antisémites avaient eu lieu en France depuis samedi dernier, ce qui avait donné lieu à 65 arrestations. Il a également indiqué que Pharos, le site web du gouvernement français où les contenus en ligne peuvent être signalés de manière anonyme, a reçu 2.449 plaintes relatives à des déclarations antisémites présumées ou à l’apologie du terrorisme en ligne.

Étant donné que toute personne exprimant publiquement sa solidarité avec le peuple palestinien peut être arrêtée et qualifiée d’antisémite, il est impossible de savoir combien de ces incidents sont réellement antisémites et combien font partie de la répression de l’État contre l’opposition pro-palestinienne. On ne sait pas si ces chiffres incluent les personnes arrêtées lors de manifestations pro-palestiniennes.

L’escalade de la répression de l’État français contre l’opposition politique au cours du week-end reflète l’extrême nervosité des milieux dirigeants qui craignent que leur soutien inconditionnel au massacre israélien des habitants de Gaza ne ravive la lutte des classes en France. La semaine prochaine, d’autres manifestations prévues, notamment la commémoration des 200 à 300 Algériens tués par la police lors du massacre de Paris en 1961, ont été interdites par le ministère de l’Intérieur.

Un manifestant tient un drapeau palestinien lors d’un rassemblement de solidarité avec le peuple palestinien de Gaza, à Paris. [AP Photo/Thibault Camus]

Jean-Claude Meyer et les autres manifestants pro-palestiniens arrêtés sont des prisonniers politiques. Ils n’ont commis aucun crime et on ne les a arrêtés que pour s’être exprimés pacifiquement. Une situation intérieure où des Juifs sont transformés en prisonniers politiques pour s’être exprimés contre un génocide indique des préparatifs extrêmement avancés de la classe dirigeante en vue d’imposer un État policier fasciste.

L’arrestation de Meyer démasque le mensonge politique réactionnaire selon lequel l’État israélien représente les intérêts de tous les Juifs du monde. Au contraire, les expressions de principe de la solidarité juive avec le peuple palestinien en Israël, aux États-Unis et en France ont montré la vaste opposition de la population juive à la politique brutale du régime israélien.

Au cours des deux dernières décennies et sous des gouvernements successifs de toutes les couleurs politiques, la classe dirigeante française a systématiquement mis en place un État policier fasciste. L’une des facettes de cette campagne a été la promotion du Rassemblement national (RN) d’extrême droite de Marine Le Pen, un parti issu du régime de collaboration nazie de Vichy. Un autre aspect a été l’émergence d’un consensus officiel unanime en faveur de la répression policière.

Le ministre de l’Intérieur de Macron, Darmanin, sympathisant du parti royaliste d’extrême droite Action française, incarne l’évolution fasciste de la classe dirigeante française. Ses sympathies pour ce parti, fondé en 1899 pour soutenir l’emprisonnement de l’officier juif innocent Alfred Dreyfus et devenu un soutien idéologique clé de la collaboration avec le nazisme dans la Seconde Guerre mondiale, lui ont fait, une fois en poste, dénoncer la nourriture casher et halal.

Lors d’un débat télévisé avant l’élection présidentielle de 2022, il a attaqué la dirigeante néofasciste Marine Le Pen, la qualifiant de «molle» à l’égard de l’islam.

En 2021, Darmanin a mené la campagne de l’État en faveur de la loi anti-séparatiste qui, parmi d’autres dispositions antidémocratiques, exige des 8 millions de musulmans de France qu’ils respectent la «cohésion nationale» et «l’ordre public». Cette loi est maintenant étendue à tous ceux qui s’opposent au soutien apporté par Macron à un État israélien en train de massacrer la population de Gaza aux yeux du monde entier.

L’arrestation par la police française de juifs opposés à l’assaut génocidaire de l’État israélien contre les Palestiniens de Gaza démasque le mensonge que l’interdiction des manifestations de solidarité avec Gaza vise à protéger le peuple juif. Elle vise bien plutôt à protéger l’État policier français d’une opposition populaire croissante, y compris à son soutien de la politique d’assassinat de masse du régime israélien.

Le gouvernement massivement impopulaire de Macron se maintient au pouvoir grâce à la guerre impérialiste à l’extérieur et à la répression policière à l’intérieur. Il a consacré des milliards d’euros à soutenir en Ukraine un régime infesté de fascistes dans une guerre avec la Russie et à un programme sans précédent de réarmement en France même. Il gouverne contre le peuple, n’ayant résisté aux grèves de masse contre ses coupes dans les retraites, massivement impopulaires, que grâce à un mélange de violences policières et de soutien d’une bureaucratie syndicale complaisante. Les milieux dirigeants craignent manifestement que l’éruption de l’opposition au génocide de Gaza ne fasse voler en éclats cet édifice politique pourri.

L’arrestation de Meyer alors qu’est lancé l’assaut sur Gaza doit servir d’avertissement à tous les travailleurs, jeunes et intellectuels socialistes qui se souviennent des crimes de la collaboration française avec le nazisme. Comme dans les années 1940, le système capitaliste est entré dans une crise politique mortelle. L’opposition à ce système doit prendre la forme d’un mouvement révolutionnaire international de la classe ouvrière, agissant indépendamment des bureaucraties syndicales nationales corrompues, dans une lutte pour le socialisme.

(Article paru d’abord en anglais le 16 octobre 2023)

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