Les responsables du ministère palestinien de la Santé ont indiqué mardi que 704 Palestiniens avaient été tués par les frappes aériennes israéliennes dans le 24 heures précédentes, ce qui en fait la journée la plus meurtrière depuis le début du bombardement de Gaza il y a plus de deux semaines. Ces sinistres statistiques coïncidaient avec les déclarations de représentants de l’impérialisme américain et français soulignant leur soutien au massacre barbare de civils dans l’enclave palestinienne.
Les conditions de vie s’aggravent d’heure en heure dans la bande de Gaza. Les hôpitaux sont contraints de réduire leurs services dû au manque de carburant, que les autorités israéliennes empêchent d’entrer en provenance d’Égypte par le poste-frontière de Rafah. Même l’Agence des Nations unies pour les réfugiés (UNRWA) a signalé qu’elle pourrait devoir suspendre ses opérations à Gaza dans les 24 heures si les livraisons de carburant n’arrivaient pas.
«Nous accueillons 600.000 personnes dans plus de 160 installations souterraines, y compris des écoles, des centres médicaux et d’autres bâtiments tels que des entrepôts… Nous sommes tellement sollicités que nous devons ouvrir des entrepôts pour accueillir les personnes déplacées», a déclaré Juliette Touma, directrice de la communication de l’UNRWA. «Les fournitures s'épuisent également, nous ne pourrons donc pas en donner [aux Palestiniens de Gaza]. Nous ne pourrons pas faire des choses très simples comme démarrer notre flotte de voitures ou faire marcher les camions pour aller chercher les fournitures qui arrivent des frontières».
L’Organisation mondiale de la santé (OMS) a appelé à un «cessez-le-feu humanitaire immédiat» mardi pour permettre aux livraisons de carburant d’atteindre Gaza. Six hôpitaux de Gaza ont été entièrement fermés en raison du manque de carburant, a indiqué l’OMS, et l’hôpital «al-Shifa», l’hôpital Indonésien et l’hôpital de l’Amitié turque ont du mal à maintenir les services essentiels. «À moins que du carburant vital et des fournitures sanitaires supplémentaires ne soient livrés d’urgence à Gaza, des milliers de patients vulnérables risquent de mourir ou de souffrir de complications médicales dû à la fermeture de services essentiels causé par l’absence d’électricité», a averti l’OMS.
Le gouvernement israélien a réitéré hier son opposition farouche à toute livraison de carburant à Gaza. Seuls huit camions ont franchi le point de passage de Rafah en fin de soirée, cinq transportant de l’eau, deux de la nourriture et un du matériel médical pour 2,3 millions de personnes. Le porte-parole de l’armée israélienne Daniel Hagari a affirmé, sans fournir de preuves, que «le Hamas l’utilise [le carburant] pour ses besoins opérationnels».
L’armée israélienne a poursuivi sa campagne de bombardements aveugles tout au long de la journée de mardi. Elle a frappé plusieurs cibles dans le sud de la bande de Gaza, où les responsables du gouvernement israélien avaient ordonné à plus d’un million de personnes de fuir il y a près de deux semaines, ostensiblement pour se mettre «à l’abri» des attaques. Une frappe aérienne a détruit un immeuble résidentiel à Khan Younis, faisant des dizaines de victimes. Plus tard dans la journée, un porte-parole du ministère de la Santé de Gaza a déclaré que 50 personnes avaient été tuées par des frappes aériennes en l’espace d’une heure.
Tard dans la soirée, le Croissant-Rouge palestinien a fait état d’une frappe aérienne à proximité de son siège et de l’hôpital «al-Amal» de Khan Younis, où quelque 4.000 civils s’abritent des bombes israéliennes. De premières informations font état de dégâts importants et de nombreux blessés.
Si le gouvernement d’extrême droite de Netanyahou — profondément impopulaire en Israël — peut recourir à des méthodes de punition collective aussi brutales, c’est avant tout grâce au soutien inconditionnel dont il bénéficie de la part des puissances impérialistes, au premier rang desquelles les États-Unis. Le porte-parole de la Maison-Blanche John Kirby a souligné l’approbation par Washington de l’assaut sur Gaza, déclarant lors d’une conférence de presse mardi: «C’est la guerre. C’est un combat. C’est sanglant. C’est laid et cela va être sale. Et des civils innocents seront blessés dans ce qui vient».
Le président français, Emmanuel Macron, a été le dernier dirigeant en date d’une des principales puissances impérialistes à se rendre en Israël, apparaissant aux côtés de Netanyahou lors d’une conférence de presse mardi pour déclarer sa solidarité indéfectible avec le génocide perpétré contre les Palestiniens. Macron a proposé d’étendre la coalition internationale formée pour combattre le groupe terroriste État islamique en Syrie et en Irak [Daesh] en 2014 pour y inclure le Hamas. Les pays qui luttaient contre Daech «devraient également lutter contre le Hamas», a-t-il déclaré. Selon un responsable de l’Élysée, la France était « prête à ce que la coalition internationale contre Daech [acronyme arabe de l’EI], dans le cadre de laquelle nous sommes engagés pour notre opération en Irak et en Syrie, puisse lutter aussi contre le Hamas » en fonction de ce qu’Israël demanderait de livrer.
La comparaison de la guerre actuelle avec les opérations multinationales contre l’État Islamique est révélatrice, puisque la guerre brutale menée par les États-Unis en Syrie et en Irak a conduit au meurtre aveugle de dizaines de milliers de civils. La «libération » de villes comme Mossoul et Raqqa du contrôle de l’EI a été obtenue par leur quasi destruction.
La perspective d’une implication directe des États-Unis et de la France souligne à quel point la guerre du régime israélien contre Gaza évolue rapidement vers un conflit à l’échelle de la région ou plus précisément vers un front moyen-oriental d’une guerre mondiale. Le gouvernement Biden a déjà envoyé deux groupes de combat de porte-avions dans la région, avec plus de 15.000 personnels, tout en proférant des menaces directes à l’encontre de l’Iran.
Mardi, le porte-parole du Pentagone, le général de brigade Pat Ryder, a confirmé que les bases américaines en Syrie et en Irak avaient été attaquées à dix reprises entre le 17 et le 24 octobre. Plus tard dans la journée, un rapport de NBC News a révélé que deux douzaines de soldats américains avaient été blessées lors de ces attaques. S’en prenant directement à Téhéran, Ryder a déclaré menaçant: «Nous savons que les groupes qui mènent ces attaques sont soutenus par le Corps des gardiens de la révolution iranienne (CGRI) et le régime iranien. Ce que nous voyons, c’est la perspective d’une escalade plus importante contre les forces et le personnel américains dans toute la région à très court terme, de la part des forces mandataires iraniennes et, en fin de compte, de l’Iran. Nous nous préparons à cette escalade à la fois en termes de défense de nos forces et de réponse décisive».
Lors d’un débat au Conseil de sécurité des Nations unies, le secrétaire d’État américain Anthony Blinken s’en est également pris à l’Iran, l’accusant de soutenir le Hamas, le Hezbollah et les Houthis «depuis des années». Faisant référence aux attaques contre les bases américaines, il a ajouté de façon sinistre: «Si l’Iran ou ses mandataires attaquent le personnel américain où que ce soit, ne vous y trompez pas: nous défendrons notre peuple, nous défendrons notre sécurité — rapidement et de manière décisive».
Le débat au Conseil de sécurité de l’ONU a également mis en évidence le rejet catégorique par Israël et ses alliés impérialistes de toute reconnaissance de l’oppression subie par les Palestiniens au cours des trois quarts de siècle écoulés. Le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, a fait quelques remarques qui, lors de précédents conflits au Moyen-Orient, auraient été plus ou moins largement acceptées. «Il est important de reconnaître que les attaques du Hamas ne se sont pas produites dans le vide», a-t-il déclaré. «Le peuple palestinien subit depuis 56 ans une occupation étouffante. Il a vu ses terres régulièrement dévorées par les colonies et en proie à la violence, son économie étouffée, ses habitants déplacés et leurs maisons démolies. Leurs espoirs d’une solution politique à leur situation se sont évanouis».
L’envoyé d’Israël auprès des Nations unies, Gilad Erdan, a réagi en demandant la démission de Guterres, qualifiant ses remarques de «choquantes », tandis que le ministre des Affaires étrangères, Eli Cohen, a annulé une réunion prévue avec le chef de l’ONU. Le chef de l'opposition, Benny Gantz, qui a été intégré au cabinet de guerre par Netanyahou, a qualifié Guterres d’«apologiste du terrorisme».
La menace imminente d’une extension régionale de la guerre et la punition collective brutale du régime israélien à l’encontre de la population palestinienne ne peuvent être stoppées que par le développement d’un mouvement anti-guerre de masse au sein de la classe ouvrière internationale. Les travailleurs du monde entier doivent exiger la fin de l’aide militaire à Israël et des dépenses militaires massives exigées par Biden et ses alliés impérialistes européens. Les travailleurs en Israël doivent lutter pour mettre fin à l’oppression des Palestiniens, ce qui est le seul moyen de s’opposer aux attaques du régime sioniste contre les droits démocratiques et sociaux des travailleurs israéliens. Les travailleurs arabes et juifs doivent s’unir dans toute la région sous la bannière d’un programme socialiste pour mettre fin à la domination impérialiste, aux divisions ethniques et religieuses et à la guerre.
(Article paru d’abord en anglais le 25 octobre 2023)