Le président américain Joe Biden a fait la déclaration mémorable : « Israël est le meilleur investissement de trois milliards de dollars que nous fassions. S’il n’y avait pas Israël, les États-Unis devraient inventer un Israël pour protéger ses intérêts dans la région. »
Le fait que l’administration Biden vient de demander une aide d’urgence supplémentaire de 14,3 milliards de dollars, soit plus de trois fois le montant annuel, pour Israël confirme que ce que l’on entend par ces éloges est le rôle d’Israël en tant qu’État de garnison, fer de lance de l’agression de l’impérialisme américain dans une région du Moyen-Orient stratégiquement vital.
L’offensive génocidaire contre Gaza est entièrement financée par Washington dans le cadre d’objectifs de guerre plus larges visant l’Iran.
Sur cette somme faramineuse, quelque 5,25 milliards de dollars iront au ministère de la Défense, en grande partie pour remplacer les stocks d’armes donnés à Israël ; 4 milliards de dollars iront aux sociétés d’armement israéliennes et à Raytheon pour les systèmes de défense aérienne et antimissile ; 1,35 milliard de dollars à Israël pour la recherche et le développement d’intercepteurs laser ; 150 millions de dollars pour les besoins du département d’État ; et 3,5 milliards de dollars distribués de façon discrétionnaire par Biden, en dehors du contrôle du Congrès et du public, au gouvernement belliciste israélien.
Les efforts déterminés de Washington pour garantir que son chien d’attaque puisse continuer à massacrer les Palestiniens à Gaza soulignent que les crimes horribles qui y sont commis font partie de la campagne de l’impérialisme américain visant à établir la suprématie des États-Unis dans tout le Moyen-Orient.
Tout cela constitue une violation flagrante de la législation américaine interdisant l’aide aux gouvernements impliqués dans des violations des droits de l’homme et aux États dotés de l’arme nucléaire ou cherchant à utiliser ces fonds pour développer des armes nucléaires. Israël n’a jamais admis posséder l’arme nucléaire, mais ce n’est un secret pour personne qu’il pointe des missiles vers tous ses rivaux dans la région. Seymour Hersch, dans son livre « The Samson Option », a documenté le rôle direct des présidents américains successifs, Eisenhower, Kennedy et Johnson, dans le programme nucléaire israélien.
Les États-Unis ont fourni à Israël plus d’aide depuis la Seconde Guerre mondiale que tout autre pays, pour un total de 158 milliards de dollars en dollars non corrigés de l’inflation en aide bilatérale et en financement de la défense antimissile, soit 260 milliards de dollars en 2021 (ajustés à l’inflation) en dollars américains. Tandis qu’Israël recevait une aide économique importante entre 1971 et 2007, aujourd’hui, presque toute l’aide américaine à Israël prend la forme d’une assistance militaire.
Les États-Unis fournirent très peu d’aide, seulement 50 millions de dollars par an, jusqu’à la guerre israélo-arabe de 1967, lorsque l’État sioniste a démontré sa force face à toutes les armées arabes et a commencé à régner sur la population palestinienne. L’aide américaine a augmenté après chaque intervention militaire et répression des Palestiniens. Elle s’est accentuée après les pourparlers de paix d’Oslo, puis à nouveau après leur échec. Cette aide s’est maintenue même si Israël n’avait plus de menaces militaires extérieures depuis longtemps. Le but de l’aide américaine est d’assurer la supériorité militaire de Tel-Aviv.
En 1986, l’aide s’élevait à 3 milliards de dollars par an (répartis entre 1,2 milliard de dollars d’aide économique et 1,8 milliard de dollars d’aide militaire), plus quelque 500 millions de dollars par an provenant d’autres volets du budget américain – ou, dans certains cas, hors budget. En 2009, l’aide militaire à elle seule s’est élevée à 3 milliards de dollars par an et en 2018 à 3,8 milliards de dollars par an, faisant d’Israël le plus grand bénéficiaire par habitant de l’aide américaine dans le monde.
De la même manière, les États-Unis fournissent une aide économique à un pays de 9 millions d’habitants dont le PIB s’élève à 564 milliards de dollars, soit bien plus que le PIB combiné de ses voisins arabes immédiats, y compris l’Égypte, qui compte 105 millions d’habitants. Seule l’Arabie Saoudite, avec ses immenses richesses pétrolières, a un PIB plus important – à peine supérieur à mille milliards de dollars – au Moyen-Orient.
L’aide américaine à l’ensemble de l’Afrique subsaharienne, avec sa population d’environ un milliard d’habitants, s’élève à environ 8 milliards de dollars par an.
Normalement, l’aide américaine est liée à des projets spécifiques et à l’achat de biens et services américains, et supervisée par l’agence gouvernementale USAID ; mais la majeure partie de l’aide américaine à Israël va directement dans son Trésor public sous forme de transfert en espèces. L’aide prend généralement la forme de prêts assortis d’intérêts et d’obligations de remboursement. La plupart des prêts militaires accordés à Israël ont cependant été convertis en subventions, le reste des prêts militaires ayant été « pardonnés » par le Congrès, finançant ainsi l’achat d’armes américaines – une subvention détournée au complexe militaro-industriel. Seules les aides économiques devaient être remboursées avec intérêts.
Même les subventions annuelles accordées à Israël se sont révélées insuffisantes à plusieurs reprises. Entre 1992 et 1996, les États-Unis sont intervenus en fournissant 10 milliards de dollars de garanties de prêt, permettant à Israël d’emprunter des fonds à moindre coût, afin d’éviter la faillite de l’État.
Les États-Unis ont également donné leur feu vert à l’expansion des colonies. Alors qu’officiellement le président Bill Clinton a déduit le coût des colonies de l’aide, il a simplement mis à disposition des montants équivalents sous forme de subventions provenant d’autres sources qui ont subventionné les colonies. En 2003, lors de la deuxième Intifada, l’administration Bush a fourni 9 milliards de dollars supplémentaires, un programme qui a été prolongé en 2012.
Washington a également fourni une couverture politique à Israël aux Nations Unies. Depuis 1972, les États-Unis ont opposé leur veto à au moins 53 résolutions du Conseil de sécurité critiquant la politique et les actions d’Israël dans les territoires occupés, tout en utilisant la menace de veto pour faire retirer ou édulcorer des résolutions à d’innombrables autres occasions.
L’État de garnison de l’impérialisme américain
Que fait Israël pour les États-Unis qui mérite un si généreux soutien ?
Avant tout, Israël a tenu à distance la bureaucratie stalinienne de Moscou pendant la guerre froide avec ses victoires contre l’Égypte et la Syrie, toutes deux armées par l’Union soviétique, en 1967 et 1973. Il a empêché les Palestiniens et leurs partisans de remporter des victoires au-delà des frontières d’Israël : en Jordanie en 1970 et au Liban de 1976 à 1982 – où il a soutenu la Phalange chrétienne fasciste contre l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) et ses alliés chiites dans la guerre civile libanaise qui a fait rage entre 1975 et 1990 – ainsi que dans les territoires occupés. Il a ainsi contribué à réprimer la classe ouvrière arabe et à maintenir au pouvoir les régimes nationaux bourgeois décrépits et corrompus.
En fait, Israël a remplacé la Grande-Bretagne après son retrait « à l’est de Suez » comme gendarme du Moyen-Orient au nom de l’impérialisme américain.
L’armée israélienne a occupé le Liban entre 1982 et 2000, bien après que les États-Unis aient été contraints de se retirer suite aux attentats à la bombe massifs du Hezbollah contre les forces américaines en 1983. En 2006, il a lancé une guerre contre le Liban, qui s’est finalement soldée par un échec, visant à transformer son voisin du nord en un État vassal dans le cadre des plans de l’impérialisme américain visant à établir son hégémonie sur l’ensemble de la région.
À l’instar de ses précédentes interventions contre les Palestiniens et leurs alliés, l’objectif immédiat de la guerre – l’élimination du Hezbollah soutenu par l’Iran et la Syrie en tant que force militaire et politique au Liban – était d’écraser toute résistance à la domination israélienne et américaine et de renforcer le pouvoir des forces de droite pro-américaines comme préparation essentielle au changement de régime en Syrie et, à terme, en Iran.
Les guerres fréquentes d’Israël ont permis aux États-Unis de tester en direct leurs armes, souvent contre des armes soviétiques. Grâce à son arsenal nucléaire, Israël disposait d’armes capables d’atteindre l’Union soviétique. Il a empêché l’émergence de l’Irak en tant que puissance nucléaire en bombardant le réacteur nucléaire irakien en 1981. De même, en 2007, il a bombardé un réacteur nucléaire présumé dans le sud-est de la Syrie, apparemment après que l’administration Bush ait exprimé son refus de le faire et malgré les craintes que la Syrie riposterait.
Les agissements des services secrets d’Israël ont fourni une couverture non moins précieuse à ses maitres à Washington permettant à ces derniers de nier toute implication. Tel-Aviv a servi de canal pour acheminer des armes américaines vers des régimes que les États-Unis ne pouvaient aider ouvertement : l’Afrique du Sud de l’apartheid, l’Iran de l’ayatollah Khomeini pendant la guerre Iran-Irak, ainsi que de nombreuses dictatures militaires et forces rebelles de droite, en particulier en Amérique latine. Le service de renseignement israélien, le Mossad, fournit à Washington des renseignements non seulement au Moyen-Orient mais dans d’autres zones stratégiques clés comme la Russie et l’Asie centrale et même dans certaines parties de l’Amérique latine.
En Iran, des agents israéliens ont assassiné de hauts scientifiques nucléaires et saboté des infrastructures critiques. Outre les attaques aériennes et maritimes contre des cibles iraniennes, l’armée a mené des milliers d’attaques contre les forces soutenues par l’Iran en Syrie depuis le début de la guerre par procuration soutenue par la CIA pour un changement de régime en 2011.
Israël avait testé de nouvelles formes d’interrogatoire et de torture, qui allaient ensuite être utilisées en Irak, et était le pionnier des « assassinats ciblés » de dirigeants palestiniens, une pratique désormais largement reprise par Washington, y compris contre ses propres citoyens au Yémen.
Washington prépare une guerre contre l’Iran
« L’aide » américaine n’est rien d’autre qu’un paiement pour services rendus, conditionné à l’exécution fidèle par Tel-Aviv des diktats de Washington.
Le World Socialist Web Site a averti à plusieurs reprises que le gouvernement fascisant du Premier ministre Benjamin Netanyahou tentait de déclencher une confrontation totale avec les Palestiniens. Depuis le début de 2023, l’armée, la police et les colons multipliaient leurs attaques quotidiennes contre les villes et villages de Cisjordanie, et des fanatiques religieux tentaient d’établir un contrôle toujours plus grand sur l’enceinte de la mosquée al-Aqsa.
Dans le même temps, Netanyahou intensifiait son discours contre l’Iran et ses alliés en Syrie et au Liban. Ses efforts visaient à inciter à des représailles, créant un climat de peur et d’appréhension pour détourner les tensions sociales explosives et l’opposition politique à son gouvernement vers l’extérieur, contre un « ennemi commun ».
Les États-Unis ont approuvé la guerre à l’avance. Pour ce faire, ils travaillent en étroite collaboration avec la machine de guerre israélienne, fabriquée aux États-Unis, en envoyant des navires de guerre et des troupes en Méditerranée orientale et dans le Golfe. Au niveau diplomatique, ils refusent même d’envisager un cessez-le-feu.
Le président Joe Biden légitime ouvertement le génocide et le nettoyage ethnique perpétrés par Israël en tant qu’instrument de la politique étrangère américaine. Il s’agit d’une continuation de son agression militaire en Irak, en Somalie, en Afghanistan, en Libye et en Syrie et annonce de futures attaques militaires contre l’Iran et ses alliés en Syrie, au Liban et ailleurs afin que les États-Unis assoient leur domination sur cette région riche en ressources.
Le massacre à Gaza par Israël soutenu par les États-Unis ne peut prendre fin que par la mobilisation politique indépendante de la classe ouvrière à travers tout le Moyen-Orient et à l’échelle internationale, y compris les travailleurs israéliens qui s’opposent à la xénophobie raciste de leur gouvernement et de leurs partis politiques, dans une lutte pour le socialisme et contre le capitalisme.
(Article paru en anglais le 19 novembre 2023)