L’assassinat du président américain John F. Kennedy

Il y aujourd’hui soixante ans, le 22 novembre 1963, était assassiné le président John F. Kennedy.

Il y a dix ans, j’écrivais dans un essai publié sur le World Socialist Web Site et consacré au cinquantenaire de cet assassinat:

Les États-Unis sont un pays aux multiples et sombres secrets. Il se peut que le peuple américain ne sache jamais qui a tué Kennedy. Mais les causes profondes de sa mort peuvent être expliquées. L’assassinat de Kennedy a soudainement, en un terrible moment, confronté les Américains aux conséquences imprévues et explosives de l’interaction entre les contradictions sociales malignes à l’intérieur des États-Unis et le rôle réactionnaire et sinistre joué par eux dans l’après-guerre comme première puissance impérialiste au monde.

Les événements de la dernière décennie ont étayé cette évaluation des circonstances de l’assassinat et de leur signification politique.

Tout d’abord, pour ce qui est de l’assassinat même, la conclusion officielle de la Commission Warren — à savoir que le meurtre du président était l’œuvre d’un «tireur solitaire», Lee Harvey Oswald, et qu’il n’était pas lié à une conspiration politique plus large — reste aussi manifestement invraisemblable aujourd’hui qu’elle l’était il y a dix ans, et encore plus dans les jours qui ont suivi l’assassinat. La grande majorité du public reste convaincue que Kennedy a été la victime d’une conspiration politique impliquant la Central Intelligence Agency et d’autres acteurs étatiques de haut niveau.

Le président John F. Kennedy dans un cortège avec son épouse, Jacqueline Kennedy. [Photo: Abbie Rowe, National Park Service]

La sortie d’un nouveau documentaire, « JFK: What the Doctors Saw» (Ce que les médecins ont vu) fournit des informations longtemps cachées qui discréditent encore plus le rapport Warren. Ce documentaire révèle que tous les médecins qui ont soigné le président mortellement blessé dans la salle de traumatologie 1 du Parkland Memorial Hospital de Dallas ont identifié l’impact de la balle sur le devant du cou de Kennedy comme blessure d’entrée. Cette conclusion unanime des experts médicaux qui ont soigné le président contredit catégoriquement l’affirmation de la Commission Warren selon laquelle toutes les balles qui ont touché Kennedy avaient été tirées de l’arrière.

Dans sa critique du documentaire, le New York Times — qui a défendu les conclusions de la commission Warren contre toutes les critiques depuis leur première publication en 1964 — ne remet pas en cause le témoignage des médecins. La critique conclut: «Vous finirez le film en convenant que ce que les médecins ont vu est crucial. Mais ce que tout cela signifie pour le mystère le plus durable de l’Amérique est moins clair».

En fait, ce que «tout cela signifie» est on ne peut plus clair: l’évaluation des blessures du président Kennedy par les témoins oculaires médecins discrédite de manière décisive le rapport Warren. Les balles ne pouvaient pas provenir uniquement du Texas Book Depository Building, qui se trouvait derrière le président. Au moins une des balles a frappé le président de face. Au moins deux tireurs étaient impliqués. Kennedy a donc été victime d’une conspiration politique.

Quant à la signification politique plus profonde de l’assassinat de Kennedy, les événements de la dernière décennie ont confirmé l’évaluation de l’événement, faite il y a un demi-siècle, comme une première manifestation de l’effondrement de la démocratie américaine, sous la pression de contradictions internes et internationales interagissant.

Pendant les années de sa présidence, Kennedy a cherché à dissimuler, par de grandes envolées oratoires, la crise grandissante des fondements sociaux et politiques de la démocratie américaine. Mais même en 1963, comme je l’ai noté il y a dix ans, «le gouffre entre les invocations rhétoriques de la démocratie et la réalité brutale de la politique américaine était devenu impossible à dissimuler, que ce soit au niveau international ou à l'intérieur des États-Unis».

L’assassinat de novembre 1963 a permis de démettre un président de ses fonctions grâce à une conspiration cachée. En 2021, l’effondrement de la démocratie avait atteint un tel degré qu’un coup d’État, dont l’objectif était de renverser le résultat d’une élection nationale, fut organisé par le président même, sans grand effort pour le dissimuler. Il faut voir l’assassinat de Kennedy en 1963 et la tentative de coup d’État de Trump en 2021 comme des étapes différentes de la crise et de l’effondrement de la démocratie américaine.

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Un demi-siècle après l'assassinat du président John Fitzgerald Kennedy

David North

22 November 2013

Il y a cinquante ans aujourd’hui, le 22 novembre 1963, John Fitzgerald Kennedy, le 35e président des États-Unis, était assassiné alors que son cortège traversait Dealey Plaza à Dallas, au Texas. Contrairement à tant d’autres clichés sur l’histoire américaine, il est vrai que pratiquement aucune personne suffisamment âgée pour avoir une conscience politique n’oubliera jamais l’endroit où elle se trouvait lorsque la nouvelle des «trois coups de feu tirés sur le cortège du président à Dallas» s’est répandue à travers les États-Unis et dans le monde. Même après un demi-siècle, les événements traumatisants de ce vendredi après-midi et des jours qui ont suivi restent vivaces dans la conscience d’innombrables millions de gens.

La première question qui se pose à l’occasion de cet anniversaire est de savoir pourquoi la mort de John F. Kennedy conserve une telle emprise sur la conscience du peuple américain, même après un demi-siècle. Il n’était pas le premier, mais le quatrième président américain à être assassiné. Bien sûr, l’assassinat d’Abraham Lincoln en avril 1865 reste dans la conscience nationale, près de 150 ans après les faits, comme l’un des événements les plus tragiques et les plus traumatisants de l’histoire américaine. Mais cela n’est pas difficile à comprendre. Lincoln était, après tout, le plus grand président des États-Unis, une figure légitimement aimée de l’histoire mondiale qui a dirigé les États-Unis dans une guerre civile ayant mis fin à l’esclavage. La place de Lincoln dans l’histoire du pays est unique, et son assassinat est un moment essentiel de l’expérience américaine.

Les deux présidents suivants à mourir de la main d’un assassin — James Garfield en 1881 et William McKinley en 1901 — ont été pleurés en leur temps et rapidement oubliés. Pourquoi, alors, l’assassinat de Kennedy n’a-t-il pas disparu de la conscience nationale? L’une des raisons évidentes est que la mort de Kennedy est survenue à l’ère de la télévision. L’assassinat lui-même a été filmé, le meurtre de son assassin présumé, Lee Harvey Oswald, a été retransmis en direct à la télévision nationale, et les funérailles du président ont été suivies par la quasi-totalité du pays. Les images enregistrées confèrent aux événements de novembre 1963 une immédiateté qui semble presque intemporelle.

Cependant, des raisons plus importantes expliquent la résonance politique durable de la mort de Kennedy. La plus évidente est que l’écrasante majorité du peuple américain n’a jamais accepté la version officielle de l’assassinat présentée dans le rapport Warren, à savoir que le meurtre du président était l’acte d’un tireur isolé, Lee Harvey Oswald, qui ne faisait pas partie d’une conspiration politique plus large.

Malgré tous les efforts des médias pour discréditer les critiques du rapport Warren en les qualifiant de «théoriciens du complot», le peuple américain a rendu son verdict sur le sujet. Le rapport Warren a été perçu, presque dès le jour de sa publication en 1964, comme une dissimulation politique. Et c’était certainement le cas. Le rapport a été commandité par le président Lyndon Johnson — qui a déclaré à ses confidents politiques qu’il pensait que Kennedy avait été victime d’une conspiration — pour rassurer un public légitimement méfiant.

La composition de la commission Warren a empêché toute enquête sérieuse sur l’assassinat. Elle comptait parmi ses membres des gardiens de haut niveau des secrets d’État tels que l’ancien directeur de la CIA Allen Dulles (qui avait été licencié par Kennedy à la suite du fiasco de la Baie des Cochons) et John J. McCloy, un vieil ami de Dulles, qui comptait parmi les plus influents et les plus puissants des «Sages» ayant dirigé la politique étrangère américaine après la Seconde Guerre mondiale. McCloy a joué un rôle essentiel en persuadant les membres de la commission Warren qui doutaient de la théorie du tireur unique de garder pour eux leurs opinions dissidentes et de se rallier à la conclusion unanime selon laquelle Lee Harvey Oswald avait agi seul dans l’assassinat du président.

L’un des membres de la commission, le député Hale Boggs, qui allait devenir chef de la majorité à la Chambre des représentants, a reconnu par la suite qu’il avait des doutes sur la fameuse théorie de la «balle unique» (qui affirmait que la même balle avait traversé Kennedy et le gouverneur du Texas, John Connally). Boggs a été tué en octobre 1972 lorsque son avion privé s’est apparemment écrasé en Alaska. Ni son corps ni l’avion n’ont jamais été retrouvés.

Depuis des décennies, les défenseurs de la commission Warren utilisent le terme «théorie de la conspiration» comme épithète pour discréditer toutes les preuves et tous les arguments suggérant une cause politique à l’assassinat d’un président américain. L’assassinat devait au contraire être considéré comme un événement insensé et dépourvu de sens, sans rapport avec l’état de la société et de la politique américaines. En aucun cas l’assassinat du président ne pouvait être considéré comme le résultat sanglant d’un conflit et d’une crise au sein du gouvernement, de quelque chose de très sinistre et pourri dans l’État américain. Tel était le but de la dissimulation officielle.

Les États-Unis sont un pays aux multiples et sombres secrets. Il se peut que le peuple américain ne sache jamais qui a tué Kennedy. Mais les causes profondes de sa mort peuvent être expliquées. L’assassinat de Kennedy a soudainement, en un terrible moment, confronté les Américains aux conséquences imprévues et explosives de l’interaction entre les contradictions sociales malignes à l’intérieur des États-Unis et le rôle réactionnaire et sinistre joué par eux dans l’après-guerre comme première puissance impérialiste au monde.

John F. Kennedy est entré à la Maison-Blanche en janvier 1961. Seize ans seulement s’étaient écoulés depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. En août 1945, le gouvernement Truman, anticipant la lutte à venir avec l’Union soviétique, a pris la froide décision de larguer des bombes atomiques sur deux villes japonaises, Hiroshima et Nagasaki, pour démontrer l’omnipotence et l’implacabilité des États-Unis. La bombe atomique était un instrument de nécessité politique plutôt que militaire.

Comme l’a écrit plus tard l’historien américain Gabriel Jackson: «Dans les circonstances spécifiques d’août 1945, l’utilisation de la bombe atomique a montré qu’un chef d’État psychologiquement très normal et démocratiquement élu pouvait utiliser cette arme comme l’aurait fait le dictateur nazi. De cette façon, les États-Unis, pour quiconque se préoccupe des distinctions morales dans la conduite des différents types de gouvernement, ont estompé la différence entre fascisme et démocratie». [Civilisation et barbarie dans l’Europe du XXe siècle (New York: Humanity Books, 1999), pp. 176-77].

Les États-Unis sont sortis de la guerre en tant que puissance capitaliste dominante dans le monde. La Grande-Bretagne avait été ruinée par la guerre, et son long et humiliant recul par rapport à sa gloire impérialiste passée était déjà bien entamé et impossible à stopper. La tentative de la bourgeoisie française de s’accrocher à son empire se dirigeait vers un désastre, d’abord au Vietnam et, un peu plus tard, en Algérie. La classe dirigeante américaine pensait que son heure était venue. Elle pensait que la conjonction d’une puissance industrielle apparemment illimitée, du rôle hégémonique du dollar dans le nouveau système monétaire international et de la possession exclusive de la bombe atomique garantirait sa domination sur le monde pour les décennies à venir. Dans un élan d’orgueil, elle a même rebaptisé les années 1900 à son nom, les appelant le «siècle américain».

Mais au moment de l’investiture de Kennedy, le cours de l’histoire de l’après-guerre avait sapé les illusions et la confiance en soi de l’élite dirigeante américaine. La vague de la révolution populaire anti-impérialiste s’était régulièrement amplifiée au cours des 15 années précédentes. La révolution chinoise avait chassé du pouvoir le régime pro-impérialiste de Chiang Kai-shek. Les rêves du général MacArthur et d’autres fous du Pentagone et d’une partie de l’establishment politique, selon lesquels les États-Unis pourraient faire reculer militairement le gouvernement chinois et même le gouvernement soviétique, ont été anéantis par la catastrophe de la guerre de Corée. Mais le passage du «démantèlement» à l’«endiguement» n’a pas modifié la volonté contre-révolutionnaire fondamentale de l’impérialisme américain.

Au lieu d’une confrontation militaire frontale avec l’URSS et la Chine, la stratégie anticommuniste de l’«endiguement» a engagé les États-Unis dans une séquence sans fin d’opérations répressives antidémocratiques et contre-insurrectionnelles visant à soutenir des régimes fantoches pro-américains haïs. Tout gouvernement étranger identifié par les États-Unis comme ayant des sympathies anti-impérialistes, et a fortiori socialistes, était susceptible d’être déstabilisé et ses dirigeants devenaient des cibles à abattre.

Créée par le gouvernement Truman en 1947, la Central Intelligence Agency s’est imposée sous Eisenhower dans les années 1950. Ce fut la décennie des coups d’État parrainés par les États-Unis — les plus tristement célèbres étant ceux du Guatemala et de l’Iran — et des conspirations sans fin contre les régimes considérés comme une menace pour les intérêts mondiaux des États-Unis. Ce que l’on a fini par appeler «l’État de sécurité nationale» — fondé sur l’alliance entre de puissants intérêts d’entreprises, une armée massive et une panoplie d’agences de renseignement hautement secrètes — a pris des dimensions incompatibles avec le maintien des formes traditionnelles de démocratie aux États-Unis. Quelques jours avant de quitter ses fonctions, le président Eisenhower, peut-être effrayé par le monstre dont il avait favorisé la croissance, a prononcé un «discours d’adieu» télévisé dans lequel il a averti le peuple américain que la croissance du «complexe militaro-industriel» représentait un immense danger pour la survie de la démocratie américaine.

Dans son discours d’investiture du 20 janvier 1961, Kennedy s’est efforcé d’adopter un ton d’audacieuse détermination. Dans le passage le plus grandiloquent, il a déclaré que le «flambeau avait été transmis à une nouvelle génération d’Américains» qui seraient prêts à «payer n’importe quel prix, supporter n’importe quel fardeau, affronter n’importe quelle épreuve, soutenir n’importe quel ami et s’opposer à n’importe quel ennemi» pour défendre les intérêts mondiaux des États-Unis. Mais malgré toute cette envolée rhétorique, le discours de Kennedy exprimait les défis auxquels étaient confrontée l’élite dirigeante. Dans un passage plus franc, il avertissait que si les États-Unis «ne peuvent pas aider les nombreux pauvres, ils ne pourront pas sauver les quelques riches».

Le discours de Kennedy était une tentative de réconciliation rhétorique des prétentions démocratiques des États-Unis — qui avaient déjà été fortement discréditées aux yeux du monde par la répression de l’ère McCarthy et le déni continu et brutal des droits civiques fondamentaux des Afro-Américains — avec les impératifs de l’impérialisme américain. Ces exercices rhétoriques ont fini par définir le visage public du gouvernement Kennedy.

Mais sous la surface, c’était une réalité plus hideuse qui prévalait. Moins de trois mois après son investiture, Kennedy a donné son accord final au lancement d’une invasion contre-révolutionnaire de Cuba par une armée anti-castriste créée par la CIA. Le nouveau président a reçu l’assurance que les envahisseurs seraient accueillis en libérateurs lorsqu’ils débarqueraient à Cuba. La CIA savait qu'aucun soulèvement de ce type n'était en vue, mais elle supposait que Kennedy, une fois l’invasion commencée, se sentirait obligé d’engager des forces américaines pour empêcher la défaite d’une opération parrainée par les Américains. Mais Kennedy, craignant des représailles soviétiques à Berlin, a refusé d’intervenir pour soutenir les mercenaires anti-castristes. L’invasion a été défaite en moins de 72 heures et plus de 1.000 mercenaires ont été capturés. La CIA n’a jamais pardonné à Kennedy cette «trahison».

S’il est probable que le désastre de la Baie des Cochons ait éprouvé Kennedy — sa colère face aux fausses assurances que lui avaient données la CIA et l’armée américaine n’était pas un secret — la défaite d’avril 1961 n’a pas mis fin à l’engagement de Kennedy pour les opérations de contre-insurrection. Sa fascination — et celle de son frère Robert — pour les complots d’assassinat, en particulier contre Castro, a été amplement documentée. Ces complots ont fini par nécessiter le recrutement de gangsters de la mafia, entraînant l’administration Kennedy dans des relations autodestructrices avec le monde criminel.

Aux États-Unis, les tensions sociales qui allaient exploser plus tard dans les années 1960 étaient déjà apparentes sous le gouvernement Kennedy. La détermination des Afro-Américains à exercer leurs droits civiques s’est heurtée à la violence des gouvernements des États qui ont défié l’arrêt «Brown contre le Bureau de l’Éducation » de la Cour suprême en 1954. En outre, malgré la propagande anticommuniste incessante de l’État et des médias, soutenue avec enthousiasme par le bureaucraties syndicales, la classe ouvrière a continué à réclamer des améliorations substantielles de son niveau de vie et de ses prestations sociales. Kennedy, qui se présentait comme représentant de la tradition réformiste du New Deal, a proposé un programme législatif qui a abouti, après son assassinat, à l’adoption de la loi établissant Medicare.

Au cours de la dernière année de sa présidence, les divisions politiques au sein de la classe dirigeante sur des questions cruciales de politique internationale se sont accentuées. La décision de Kennedy d’éviter une invasion de Cuba lors de la crise des missiles d’octobre 1962 s’est heurtée à l’opposition des chefs d’état-major. Après la résolution de cette crise éprouvante, qui a conduit les États-Unis et l’URSS au bord de la guerre nucléaire, Kennedy a poursuivi et obtenu l’adoption du traité d’interdiction des essais nucléaires.

Ces mesures ne signifiaient pas que Kennedy avait abandonné son programme de guerre froide. En fait, les trois derniers mois de sa présidence ont été marqués par l’intensification de la crise au Vietnam. Bien qu’il ne soit pas possible de déterminer la voie que Kennedy aurait choisie au Vietnam s’il avait vécu, l’histoire ne permet guère d’affirmer qu’il était favorable au retrait des forces américaines. Kennedy a autorisé le renversement du président sud-vietnamien Diem, qui s’est soldé par l’assassinat de ce dernier le 1er novembre 1963. L’objectif du coup d’État était d’établir un nouveau régime anticommuniste capable de mener la guerre contre le Front national de libération plus efficacement que Diem. Trois semaines plus tard, Kennedy était assassiné à Dallas.

L’assassinat du président Kennedy a marqué un tournant décisif dans l’histoire moderne des États-Unis. En 1913, un demi-siècle avant la mort de Kennedy, Woodrow Wilson a été intronisé 28e président des États-Unis. C’est sous son gouvernement que les États-Unis sont entrés dans la Première Guerre mondiale en 1917, en promettant de «rendre le monde sûr pour la démocratie». C’est sous la bannière de l’invocation hypocrite d’une démocratie mondiale par Wilson que les États-Unis se sont imposés pour la première fois comme la principale puissance impérialiste. Cette position s’est consolidée sous la présidence de Franklin D. Roosevelt (1933-1945), qui a cherché à préserver une base populaire pour le capitalisme aux États-Unis par le biais des réformes sociales du «New Deal». Ces réformes ont permis au gouvernement Roosevelt de présenter son intervention dans la Seconde Guerre mondiale comme une lutte pour la démocratie et contre le fascisme.

Le gouvernement Kennedy a mis fin à cette ère. Il est significatif que ce gouvernement soit entré en fonction précisément au moment où les économistes commençaient à prendre note des premiers signes significatifs d’érosion dans la position mondiale du capitalisme américain. Alors que le capitalisme européen, puis japonais, se remettait des ravages de la Seconde Guerre mondiale, la suprématie économique des États-Unis fut remise en question. Huit ans seulement après l’assassinat de Kennedy, les bouleversements de la balance des échanges et paiements internationaux ont entraîné l’effondrement du système de convertibilité dollar-or de Bretton Woods. Les États-Unis étaient définitivement entrés dans une ère de déclin prolongé.

John F. Kennedy a été le dernier président à pouvoir associer son gouvernement, dans l’esprit du public, aux traditions démocratiques des États-Unis. Mais les fondements politiques et moraux de sa présidence avaient déjà été fatalement érodés par l’évolution de l’impérialisme américain. Quelle que soit la sincérité des idéaux et des aspirations démocratiques de la grande masse de la population, les États-Unis étaient entrés dans la Seconde Guerre mondiale pour garantir les intérêts mondiaux du capitalisme américain. Dans les années qui ont suivi la guerre, leur politique a pris un caractère de plus en plus criminel. Le gouffre entre les invocations rhétoriques de la démocratie et la réalité brutale de la politique américaine était devenu impossible à dissimuler, que ce soit au niveau international ou à l’intérieur des États-Unis. Les enthousiastes de Kennedy, surtout après la mort du président, ont qualifié son administration de «Camelot». Une description plus apte serait «un mensonge brillant et rayonnant».

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