À Guernica, des milliers de personnes établissent un lien entre les bombardements fascistes de 1937 et le génocide de Gaza

Le caractère sadique et psychopathe de la campagne d’extermination massive menée par Netanyahou et Biden à Gaza apparaît chaque jour plus clairement et de façon plus atroce. Face à l’indignation de centaines de millions de personnes, les assassins ne cessent de se surpasser. Il n’y a aucun crime qui ne soit à leur portée.

La fracture sociale et morale dans le monde entier entre les classes dirigeantes d’une part et la masse de la population de l’autre, est devenue absolument irréparable. Le mot d’ordre de Rosa Luxembourg «le socialisme ou la barbarie» n’a jamais été aussi urgent et irréfutable.

Vendredi, à Guernica, dans le nord de l’Espagne, plusieurs milliers de personnes ont formé avec leur corps une énorme mosaïque représentant, comme l’a expliqué un commentateur, «la douleur des victimes des attaques israéliennes lancées contre Gaza et le drapeau palestinien». La représentation faisait référence au célèbre tableau anti-guerre de Pablo Picasso, ‘Guernica’, tout comme l’affiche annonçant l’événement.

Loading Tweet ...
Tweet not loading? See it directly on Twitter

L’événement a été organisé par l’Initiative citoyenne Guernica-Palestine, qui regroupe des syndicats et diverses organisations politiques. Elle s’est déroulée sur la place du marché de la ville basque où, en avril 1937, des avions envoyés par l’Allemagne d’Hitler et l’Italie de Mussolini ont bombardé des civils, faisant des centaines de morts, pour soutenir le général Franco et ses forces fascistes pendant la guerre civile espagnole.

Cette attaque, considérée comme le premier assaut aérien militaire de grande envergure contre des civils sans défense, a horrifié l’opinion publique mondiale. «Jamais auparavant, dans une guerre moderne, des non-combattants n’avaient été massacrés en si grand nombre et par de tels moyens», a écrit un commentateur.

Le tableau de Picasso n’était qu’une des nombreuses réponses artistiques à un événement qui a donné au monde une indication des horreurs à venir.

En 2003, des responsables des Nations unies sont entrés dans l’histoire en masquant une reproduction en tapisserie de l’œuvre de Picasso, accrochée à l’extérieur de la salle du Conseil de sécurité des Nations unies à New York, lors de la présentation par le secrétaire d’État américain Colin Powell, le 5 février, de l’argumentaire américain en faveur de la guerre contre l’Irak.

L’intervention de Powell, qui a admis plus tard qu’elle n’était qu’un tissu de mensonges, a servi de justification à l’invasion et à l’occupation sanglante et néocoloniale de ce pays du Moyen-Orient. «Alors que le Conseil se réunissait pour écouter Powell mercredi, des ouvriers ont placé un rideau bleu et les drapeaux des pays membres du Conseil devant la tapisserie», avions-nous commenté à l’époque.

«Outre son évocation générale du sentiment anti-guerre», soulignait le WSWS,

Le tableau de Picasso menaçait d’évoquer des parallèles historiques que l’administration Bush et les responsables de l’ONU ne voulaient manifestement pas que les médias ou le public fassent. Pour toute une génération, le bombardement de Guernica et l’interprétation de l’événement par Picasso signifiaient la barbarie du fascisme et la détermination générale à résister à sa violence et à sa brutalité.

Dans sa déclaration sur la mosaïque humaine du 8 décembre, l’Initiative citoyenne Guernica-Palestine insiste sur le fait que «le monde et l’histoire ne doivent pas accepter un nouveau Guernica» et qu’«Israël commet un génocide à l’encontre du peuple palestinien». L’Initiative a appelé la communauté internationale à partager les souffrances du peuple palestinien et à mettre fin au massacre.

L’affiche Gaza-Guernica

En 1937, le journaliste britannique George Steer a écrit ce récit du bombardement de Guernica pour le Times:

Guernica, la ville la plus ancienne des Basques et le centre de leur tradition culturelle, a été complètement détruite hier après-midi par les raids aériens des insurgés. Le bombardement de cette ville ouverte située loin derrière les lignes a duré exactement trois heures et quart, au cours desquelles une puissante flotte d’avions composée de trois types d’avions allemands, des bombardiers Junkers et Heinkel et des chasseurs Heinkel, a déversé sans interruption sur la ville des bombes pesant jusqu’à 1.000 livres et, d’après les calculs, plus de 3.000 projectiles incendiaires en aluminium de deux livres. Les chasseurs, quant à eux, plongeaient en rase-mottes depuis le centre de la ville pour mitrailler la population civile réfugiée dans les champs…

Steer poursuit ainsi:

À 2 heures du matin aujourd’hui, lorsque j’ai visité la ville, qui offrait partout un spectacle horrifiant, en flammes d’un bout à l’autre. On pouvait voir le reflet des flammes dans les nuages de fumée au-dessus des montagnes à 10 miles de distance. Pendant toute la nuit, les maisons tombèrent jusqu’à ce que les rues ne soient plus que de longs amas de débris rouges et impénétrables.

Le journaliste a ajouté ces détails sur le bombardement:

Le lundi était jour de marché habituel à Guernica pour la campagne. À 16h30, alors que le marché était plein et que les paysans arrivaient encore, la cloche de l’église sonna l’alarme pour signaler l’approche d’avions…

Cinq minutes plus tard, un seul bombardier allemand apparut, tournoya au-dessus de la ville à basse altitude, puis lâcha six lourdes bombes, visant apparemment la gare. Les bombes, accompagnées d’une pluie de grenades, tombèrent sur un ancien institut ainsi que sur les maisons et les rues avoisinantes. L’avion s’est ensuite éloigné. Cinq minutes plus tard, un deuxième bombardier est arrivé, qui a lancé le même nombre de bombes au milieu de la ville. Environ un quart d’heure plus tard, trois Junkers arrivèrent pour continuer le travail de démolition, et à partir de ce moment-là, le bombardement devint de plus en plus intense et continu, ne cessant qu’à l’approche du crépuscule, à 7h45. Toute la ville de 7.000 habitants, plus 3.000 réfugiés, est lentement et systématiquement déchiquetée…

Steer décrit la tactique des bombardiers

… qui peut intéresser les étudiants de la nouvelle science militaire... Tout d’abord, de petits groupes d’avions lancent des bombes lourdes et des grenades à main sur toute la ville, choisissant les zones les unes après les autres de manière ordonnée. Puis, des avions de combat arrivaient en rase-mottes pour mitrailler ceux qui, paniqués, quittaient en courant leurs refuges, dont certains avaient déjà été pénétrés par des bombes de 1.000 livres, qui font un trou de 25 pieds [près de 8 mètres] de profondeur. Beaucoup de ces gens ont été tués alors qu’ils couraient…

… ensuite, jusqu’à 12 bombardiers apparurent à la fois, larguant des bombes lourdes et incendiaires sur les ruines. Le rythme de ce bombardement d’une ville ouverte était donc logique: d’abord, des grenades à main et des bombes lourdes pour paniquer et faire fuir la population, puis des mitrailleuses pour la pousser à descendre, ensuite des bombes lourdes et incendiaires pour détruire les maisons et les incendier sur la tête de leurs victimes.

En changeant ce qui doit l’être, y compris le caractère bien plus meurtrier des armes israéliennes de destruction massive, fournies par les États-Unis et les autres puissances «démocratiques», cela pourrait décrire l’homicide de masse à Gaza.

Guernica est l’un de ces noms de lieux qui ont une terrible résonance historique, avec d’autres comme Lidice, Babi Yar, le ghetto de Varsovie, My Lai, Sabra et Shatila, et, plus récemment, Fallujah et Mossoul, liste à laquelle il faut à présent ajouter la bande de Gaza.

(Article paru d’abord en anglais le 10 décembre 2023)

Loading