La conférence «AmericaFest 2023» organisée par Turning Point Action, qui se déroule à Phoenix, en Arizona, au moment où nous écrivons ces lignes, confirme une fois de plus la transformation actuelle du Parti républicain en organisation politique fasciste.

Les organisateurs de la conférence, Turning Point Action et Turning Point USA, sont deux groupes d’étudiants d’extrême-droite actifs sur les campus. Ces deux organisations bénéficient du soutien généreux de multimillionnaires d’extrême-droite et de réseaux républicains ayant accès à du financement de «sources anonymes». Elles sont actuellement dirigées par Charlie Kirk, un agent républicain partisan de l’ex-président Donald Trump. Lors du coup d’État manqué de Trump, Kirk, par l’intermédiaire de Turning Point, a assuré le transport jusqu’à Washington DC de centaines de personnes au rassemblement «Stop the Steal» du 6 janvier 2021, qui a précédé la prise d’assaut fasciste contre le Congrès.

Bien que Trump ne soit pas censé prendre la parole à l’activité de cette année, plusieurs de ses principaux conseillers, anciens fonctionnaires de son administration et alliés au Congrès y sont actifs.

Parmi les dizaines d’intervenants à la conférence, citons Donald Trump Jr, Roger Stone, Stephen K. Bannon, les représentants Marjorie Taylor Greene de la Géorgie et Matt Gaetz de la Floride, le candidat républicain à la présidence Vivek Ramaswamy et l’ancien directeur de l’agence ICE (Immigration and Customs Enforcement) responsable de l’immigration et de l’application des lois douanières sous Trump, Tom Homan.

Après avoir pris la défense des «otages du 6 janvier» dimanche à la conférence, Marjorie Taylor Greene a posté lundi une photo souriante d’elle sur Twitter/X en compagnie de Jake Chansley, plus connu sous le surnom de «chaman de QAnon». Chansley, qui a été filmé en train de prononcer une prière fasciste dans l’enceinte du Sénat le 6 janvier, a plaidé coupable d’obstruction à une procédure officielle. Il a bénéficié d’une libération anticipée cette année, après avoir purgé 27 mois d’une peine de 41 mois.

Greene s’est déclarée «honorée» de rencontrer Chansley, affirmant que «le département de la Justice du régime Biden l’a poursuivi à tort pour s’être promené innocemment et sans violence dans le Capitale (sic)». Greene a ajouté être «en colère et frustrée par ma propre conférence du Parti républicain, car la plupart des Républicains à Washington refusent de faire quoi que ce soit pour aider les activistes du J6» et a appelé à leur libération.

La conférence de cette année coïncide avec la poursuite du génocide israélien à Gaza, qui suscite une opposition massive tant aux États-Unis que dans le monde entier. Face aux attaques droitistes des sionistes, de la police et des politiciens, des centaines de milliers de personnes participent à des manifestations quotidiennes contre ce massacre.

Faisant fi des calomnies selon lesquelles l’opposition aux crimes de guerre sionistes et au nettoyage ethnique perpétrés à Gaza et en Cisjordanie occupée est de l’antisémitisme, les manifestations contre le génocide se poursuivent depuis plus de deux mois dans les écoles, sur la voie publique et devant les bureaux des profiteurs de guerre et politiciens capitalistes indifférents et complices.

Alors qu’une opposition massive au génocide est partagée parmi de larges couches de travailleurs et de jeunes, leur opposition ne trouve aucun écho dans les deux grands partis défenseurs des intérêts de la bourgeoisie aux États-Unis. Ignorant les milliers de manifestations réclamant un cessez-le-feu, l’administration Biden fournit des milliards de dollars en matériel militaire et en munitions à l’IDF (Forces de défense israéliennes), qui ont déjà massacré plus de 20.000 Palestiniens, dont quelque 10.000 enfants, depuis le 7 octobre.

Loin d’imposer des «lignes rouges» à la campagne militaire des Forces de défense israéliennes, le président Joe Biden et les Démocrates ignorent les crimes de guerre israéliens, se joignant à leurs partenaires républicains pour calomnier leurs électeurs, dont des milliers de juifs, opposés aux massacres, les qualifiant d’antisémites et de partisans du «Hamas».

Sans grande surprise, le génocide perpétré à Gaza bénéficie d’un vaste soutien parmi les quelques milliers d’aspirants candidats du Parti républicain issus de la classe moyenne supérieure, les complices du coup d’État de Trump, les nationalistes chrétiens et les politiciens d’extrême-droite présents à la conférence AmericaFest 2023.

L’ancienne représentante du Minnesota Michele Bachmann, une fondamentaliste chrétienne brièvement favorite lors de l’investiture républicaine à la présidence en 2012, a justifié et préconisé l’extermination massive de tous les habitants de Gaza dans le cadre de l’émission de radio de Charlie Kirk diffusée depuis la conférence.

Kirk a préparé le terrain pour permettre à Bachmann de lancer sa diatribe génocidaire, en mentionnant ouvertement la théorie fasciste du «Grand Remplacement» et déclarant: «Minneapolis était l’une des plus belles villes aux États-Unis, et c’est l’un des exemples parfaits du Grand Remplacement – une ville autrefois sûre et paisible – et puis vous y amenez une bande de ressortissants du tiers-monde qui ne partagent pas nos valeurs de tolérance, et tout est détruit».

Kirk poursuit: «Les personnes qui devraient être les plus opposées à l’importation de musulmans dans notre pays sont les Juifs. Et je pense que cela commence à se produire, n’est-ce pas, Michele? De plus en plus de membres de la communauté juive disent: “Nous ne voulons pas d’eux ici, nous ne voulons pas de ces gens dans notre pays”. Vous venez de vous rendre en Israël, racontez-nous».

Bachmann a répondu: «Oui [...] le peuple juif est un peuple extrêmement tolérant, ils ont le “Musée de la Tolérance”, et ils font tout pour essayer d’aider et d’accommoder [...] et les gens qu’ils ont défendus [à Gaza] sont venus pour les égorger, tuer leurs enfants, tout voler, violer les femmes, c’est plus scandaleux que tout ce qu’on peut imaginer!»

Bachmann rajoute que la «première vague» du 7 octobre comptait «de 3.000 à 4.000 terroristes», mais «ce que les gens ne savent pas, c’est que les habitants de Gaza, les soi-disant “Palestiniens innocents”, sont venus par la suite par milliers, par vagues».

Qualifiant les «habitants de Gaza» de «mercenaires à la solde» de l’Iran, dont l’«industrie» est le «terrorisme», Bachmann a déclaré: «Il est temps que Gaza disparaisse».

Poursuivant sa diatribe, Bachmann déclare: «Les deux millions de personnes qui vivent là-bas sont des assassins malins. Ils doivent être expulsés de ce territoire, qui doit être transformé en parc national.»

Satisfait, Kirk a conclu son segment radio en déclarant: «Michele Bachmann, elle fait du bon travail, tout le monde!», rajoutant qu’il souhaitait: «La politique israélienne en matière d’immigration. De grands murs, beaucoup de déportations et pas de gens qui nous haïssent!»

«Oui! Oui!» a répondu Bachmann.

Dans une autre interview promouvant la «théorie du grand remplacement» avec Tom Homan, ancien directeur de l’agence ICE sous l’administration Trump, Kirk a présenté une table couverte de passeports jetés selon lui par des immigrants illégaux à la frontière États-Unis-Mexique, disant que les passeports et les cartes d’identité provenaient de la Chine, du Népal, de l’Inde et de la Russie.

«Un ressortissant chinois, un autre», dit Kirk à Homan, ajoutant: «Ce sont des hommes en âge de se battre, Tom». Homan lui répond: «Ils jettent leur passeport avant d’entrer aux États-Unis parce qu’ils ne veulent pas que nous sachions qui ils sont».

Homan affirme que «près de neuf millions» d’immigrants sont entrés dans le pays depuis l’élection de Biden et que ce qui se passe à la frontière est «le plus grand échec en matière de sécurité depuis le 11 septembre».

«Ces personnes peuvent être des violeurs, des meurtriers [...] Pensez-vous que c’est le PCC (Parti communiste chinois) qui les envoie?» demande Kirk à Homan.

«Absolument, lui répond l’ancien directeur de l’agence ICE. Absolument, ils empoisonnent notre pays avec du fentanyl. Ils envoient des hommes en âge de servir dans l’armée. L’administration Biden ne fait rien à ce sujet».

Kirk a ensuite montré plusieurs cartes d’identité présumées, dont une qui, selon lui, est celle d’un «bébé venant de l’Inde».

«C’est le grand remplacement en temps réel. Ils nous remplacent, c’est ce qu’ils font. Ceux qui disent le contraire ne regardent pas les faits. Tom, je suis si heureux que vous soyez ici...»

En plus des politiciens républicains, l’organisation indépendante Arizona Right Watch signale que parmi les participants se trouve un «groupe local associé aux Oath Keepers appelé les Lions of Liberty», l’un des 150 commanditaires de la conférence qui ont payé pour avoir un kiosque.

Le groupe Lions of Liberty est dirigé par l’ancien vice-président de la section des Oath Keepers de l’Arizona, Jim Arroyo. C’est l’un des nombreux groupes de miliciens d’extrême-droite qui ont répondu à l’appel de Trump pour intimider les électeurs en surveillant les boîtes de dépôt pendant les élections de mi-mandat de 2022.

Arizona Right Watch a également repéré au moins un membre du «gang fasciste violent Proud Boys, portant les couleurs de son organisation, et représentant le chapitre des “Black River Proud Boys”».

Parlant un langage de guerre civile aux fascistes présents, l’ancien conseiller de Trump à la Maison-Blanche et l’un des architectes du coup d’État de Trump, Steve Bannon, hurle: «Nous sommes en guerre!» Après avoir dénoncé le «vaccin bidon», le «6 janvier», «Pence le Judas» et la «Vipère Nikki Haley», Bannon déblatère: «La guerre arrive; allez-vous les laisser prendre votre pays? L’élection a été volée par le Deep State [l’«État profond»] et les “mondialistes”. Nous avons gagné en 2020 et ils nous ont volé l’élection!»

Empruntant les expressions de Trump et d’Hitler, Bannon dénonce le Washington Post comme étant «[…] de la racaille. Attendez, laissez-moi changer ça: de la vermine!»

Reprenant les promesses faites par d’autres intervenants anti-immigration, Bannon promet que sous la Maison-Blanche de Trump, «notre première priorité n’est pas simplement de fermer la frontière, mais de les renvoyer chez eux. Je ne parle pas seulement des criminels et des personnes placées dans des institutions psychiatriques. Je veux dire que chacun des neuf millions d’entre eux doit partir.»

La conférence AmericaFest 2023 de Phoenix illustre le fait que la pourriture fasciste ne se résume pas qu’au cercle intime de Trump, mais qu’elle s’est métastasée à l’ensemble du Parti républicain et dans de vastes sections de l’oligarchie financière.

(Article paru en anglais le 19 décembre 2023)