Le chef de l’armée britannique lance un appel à la conscription et à la «mobilisation de l’ensemble de la nation» pour la guerre.

Le chef d’état-major interarmées britannique, le général Sir Patrick Sanders, a déclaré que le gouvernement devait se préparer dès maintenant à «mobiliser la nation» pour la guerre. Il a ajouté qu’une «armée citoyenne» serait nécessaire pour renforcer l’armée britannique en temps de guerre.

Sanders s’adressait à 1.000 hauts responsables militaires, fonctionnaires et fournisseurs d’armes du monde entier lors de la Conférence internationale sur les véhicules blindés (IAVC) à Londres.

Le général Patrick Sanders en 2022 [Photo by Open Government Licence v3.0]

Il a décrit la population civile comme une «génération d'avant-guerre» qui devait «penser comme des troupes» et être «préparée mentalement à se battre». Il s’agissait d’une «entreprise de toute la nation».

Le discours de Sanders a été conçu comme un avertissement que la guerre contre la Russie ne pourrait pas être gagnée en se basant sur la taille de l’armée régulière britannique, qui compte 74.110 hommes à temps plein. Il a appelé à une augmentation des effectifs pour atteindre 120.000 soldats dans les trois ans, dont des soldats réguliers, des réservistes et une «réserve stratégique» de personnel militaire à la retraite.

Mais cette armée professionnelle et de réserve élargie ne serait pas suffisante. La guerre de l'OTAN en Ukraine avait montré qu'une « armée civile » était nécessaire. « Les armées régulières commencent les guerres, les armées citoyennes les gagnent ».

«Nos amis d’Europe de l’Est et du Nord, qui ressentent de manière plus aiguë la proximité de la menace russe, agissent déjà avec prudence et jettent les bases d’une mobilisation nationale», a-t-il déclaré. «Nous avons besoin d’une armée conçue pour se développer rapidement afin de permettre le premier échelon, de fournir les ressources nécessaires au deuxième échelon, et de former et d’équiper l’armée citoyenne qui doit suivre».

Sanders a invoqué les récents avertissements des chefs de l’OTAN et du gouvernement suédois, selon lesquels les civils devaient être préparés à un conflit militaire à l’échelle européenne contre la Russie, pouvant aller jusqu’à une guerre nucléaire.

«Comme en a averti le président du comité militaire de l’OTAN la semaine dernière, et comme l’a fait le gouvernement suédois en préparant la Suède à l’entrée dans l’OTAN, prendre des mesures préparatoires pour permettre à nos sociétés de se mettre sur le pied de guerre en cas de besoin n’est plus seulement souhaitable, mais essentiel».

L’amiral, Rob Bauer, président du Comité militaire de l'OTAN, avait déclaré lors d’une réunion de hauts responsables de la défense la semaine dernière que les alliés de l’OTAN devaient être prêts à «trouver plus de monde en cas de guerre» et à envisager «la mobilisation, les réservistes ou la conscription».

Boris Pistorius, ministre allemand de la Défense, a prédit cette semaine une guerre totale entre la Russie et l’OTAN «d’ici cinq à huit ans». Carl-Oskar Bohlin, ministre suédois de la Défense civile, a déclaré aux civils qu’ils devaient être prêts pour la guerre: «Êtes-vous un particulier? Vous êtes-vous demandé si vous aviez le temps de rejoindre une organisation de défense volontaire? Si ce n’est pas le cas, bougez-vous! » En prévision de son entrée dans l’OTAN, la Suède a récemment réintroduit une forme de conscription nationale.

Le black-out médiatique

Alors que le discours de Sanders a été largement relayé par les médias britanniques, Downing Street est intervenu pour empêcher les journalistes d’en obtenir une copie. Cette sinistre interdiction s’est étendue à l’interdiction pour les chaînes de télévision de diffuser le discours de Sanders depuis le lieu de la conférence.

Deborah Haynes, rédactrice en chef de Sky News pour la sécurité et la défense, a tweeté mercredi que «les caméras de télévision n’ont pas été autorisées à diffuser son discours – la raison n’est pas claire».

Le Guardian a rapporté que le discours avait été «publié par l’armée britannique au nom du général en chef», mais pas par le ministère de la Défense (initiales anglaises MoD).

Mais le service de presse de l’armée britannique (géré par le MoD) a refusé de fournir une copie au World Socialist Web Site. Un attaché de presse a confirmé que le discours de Sanders «n’a pas été et ne sera pas» rendu disponible. Le ministère de la Défense a refusé d’en donner la raison. Le rédacteur en chef du Guardian chargé de la défense n’a pas répondu à notre demande de copie du discours, conformément à son rôle de porte-voix de l’armée et des agences de renseignement.

Mercredi soir, le Times, le Telegraph et l’Independent rapportaient que le bureau du Premier ministre, Rishi Sunak, était intervenu pour empêcher la diffusion ou la publication du discours de Sanders.

Le porte-parole officiel de Sunak a déclaré aux médias que les «scénarios hypothétiques» sur les conflits futurs n’étaient «pas utiles». Son cabinet a affirmé qu’il n’y avait «aucun projet» de conscription.

Selon le Times, «Le Numéro 10 [Downing Street, résidence du Premier ministre] a empêché à plusieurs reprises les chefs militaires de s’adresser aux médias et les initiés ont reproché à Rishi Sunak d’être paranoïaque sur la communication avant les élections générales».

La raison de l’intervention de Sunak est claire: rien ne doit être fait pour alerter le public britannique sur les conséquences catastrophiques de l’escalade des opérations militaires dans le monde de la part du gouvernement conjointement avec les États-Unis et les puissances de l’OTAN.

En cette année électorale, où environ la moitié de la population mondiale se rend aux urnes, les gouvernements capitalistes sont déterminés à empêcher toute discussion ou tout débat sur la question de vie et de mort qu’est la guerre. Aucune opposition ne sera tolérée, qu’il s’agisse du génocide soutenu par l’impérialisme à Gaza ou de l’extension de la guerre mondiale menée par les puissances de l’OTAN de l’Ukraine au Moyen-Orient, et par l’alliance militaire AUKUS, fer de lance d’un renforcement militaire dirigé contre la Chine.

L’opposition de millions de gens ordinaires au génocide et à la guerre ne pourrait être plus claire compte tenu des manifestations de masse dans le monde entier. Alors que la nouvelle du discours de Sanders s’est répandue hier, le mot «conscription» a fait le tour des réseaux sociaux. Un sondage réalisé par l’acteur Ricky Tomlinson sur Twitter/X posait cette question: «Seriez-vous prêt à vous engager et à vous battre pour le roi et le pays?». Il a été visionné plus de 45.000 fois et 93 pour cent de ceux ayant voté ont répondu «non» à une conscription.

Des milliers d’autres personnes ont dénoncé avec colère la simple évocation de la conscription militaire. Parmi les commentaires sur Twitter/X, on peut lire: «Le service national? Des riches demandent à des pauvres de mourir pour un pays dont ils n’ont rien à foutre» et: «S’ils pensent une seule seconde qu’ils vont envoyer mon fils de 21 ans servir de chair à canon pour de riches idiots incapables de gouverner, ils peuvent aller se faire foutre. Littéralement, sur mon cadavre».

L'alliance guerrière des conservateurs et des travaillistes

Ce sentiment anti-guerre massif entre en collision non seulement avec les conservateurs, mais aussi avec un Parti travailliste montrant un engagement total en faveur de la guerre et de la répression politique intérieure. Le leader travailliste Sir Keir Starmer a ouvertement soutenu le génocide israélien à Gaza, qualifiant les manifestations de défense du peuple palestinien de «marches de la haine» et l’opposition au gouvernement fasciste d’Israël d’«antisémitisme» à éradiquer.

Hier, Starmer a écrit sur Twitter/X que «le Parti travailliste agira toujours dans l’intérêt national pour protéger la sécurité de la Grande-Bretagne à l’intérieur et à l’extérieur du pays». Il a inclus une vidéo de son discours à la Chambre soutenant les frappes aériennes britanniques au Yémen, où il dit: «Soyons clairs, nous soutenons cette action ciblée pour renforcer la sécurité maritime en mer Rouge… nous devons rester unis et forts».

***TWITTER/X***

https://twitter.com/Keir_Starmer/status/1749849728009871487?ref_src=twsrc%5Etfw%7Ctwcamp%5Etweetembed%7Ctwterm%5E1749849728009871487%7Ctwgr%5Ee115c90168c1a427235b65abff720f3aefb0bb49%7Ctwcon%5Es1_c10&ref_url=https%3A%2F%2Fwww.wsws.org%2Fen%2Farticles%2F2024%2F01%2F25%2Flvbd-j25.html

Travaillistes et conservateurs fonctionnent comme un seul et même parti de la guerre. Starmer a apporté un soutien sans faille au déploiement militaire britannique au Moyen-Orient depuis le 7 octobre, y compris aux raids de bombardement sur le Liban qui visent à préparer la guerre contre l’Iran. Les avions de surveillance britanniques soutiennent activement le génocide israélien depuis les bases de la RAF à Chypre.

Sunak n’a aucun différend avec Sanders, il veut juste que les plans de guerre britanniques, y compris les plans de conscription, ne soient pas dévoilés. Son ministre de la Défense, Grant Shapps, a prononcé un discours la semaine dernière à Lancaster House, dans lequel il a annoncé un changement historique, d’un «monde d’après-guerre, à un monde d’avant-guerre».

Shapps a qualifié la chute du mur de Berlin de «lointain souvenir», affirmant que les «dividendes de la paix» consécutifs à la fin de la Guerre froide étaient révolus. Il a réitéré la promesse du gouvernement de porter l’engagement militaire de la Grande-Bretagne dans le cadre de l’OTAN à 3 pour cent du PIB, avertissant que «dans cinq ans, nous pourrions nous retrouver sur plusieurs théâtres [de guerre]» et accusant la Russie, la Chine, l’Iran et la Corée du Nord de bouleverser «l’ordre fondé sur des règles». Un discours démenti par trois décennies de violence impérialiste qui ont, depuis la première guerre du Golfe en 1990-1991, tué et mutilé des millions de personnes.

Alors que le gouvernement a cherché à minimiser l’appel de Sanders en faveur de la conscription, l’ancien commandant britannique de l’OTAN, le général Sir Richard Sherriff, a déclaré jeudi à «Sky News» que les défis mondiaux actuels et les coupes budgétaires opérées dans le secteur de la défense depuis la fin de la Guerre froide signifiaient qu’il fallait «dépasser bon nombre de préjugés et d’idées reçues, et franchement penser à l’impensable».

«Je pense que nous devons aller plus loin et examiner attentivement la question de la conscription», a-t-il ajouté.

(Article paru d’abord en anglais le 26 janvier 2024)

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