Le gouvernement libéral du Canada a été l'un des premiers à suspendre son financement à l'Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine (UNRWA) vendredi dernier, après qu'Israël a rendu publiques des allégations selon lesquelles une poignée de ses employés étaient impliqués dans le soulèvement du 7 octobre mené par le Hamas contre la répression et la dépossession du peuple palestinien.
La décision de suspendre tout financement de l'agence qui est au cœur des efforts humanitaires visant à empêcher la population de Gaza de mourir de faim, de déshydratation et de maladie n'est pas seulement insensible. Elle soutient les efforts du gouvernement israélien d'extrême droite dirigé par Benjamin Netanyahou pour débarrasser la bande de Gaza des Palestiniens par le massacre et le nettoyage ethnique, et s'inscrit dans le droit fil du soutien inconditionnel de l'impérialisme canadien à l'assaut génocidaire d'Israël, qui a déjà fait plus de 30.000 morts.
L'accusation israélienne selon laquelle 12 des 13.000 employés de l'UNRWA ont été impliqués dans des massacres et des enlèvements le 7 octobre était une provocation, soigneusement programmée pour détourner l'attention de la décision provisoire de la Cour internationale de justice sur le procès pour génocide intenté par l'Afrique du Sud à Israël. Au grand dam de Netanyahou et de son gouvernement, la CIJ a estimé que l'Afrique du Sud avait présenté des preuves irréfutables d'actes et d'intentions génocidaires de la part du gouvernement et des chefs militaires israéliens et que l'affaire devait être poursuivie. Toutefois, cédant à la pression des États-Unis, du Canada et des autres puissances impérialistes, la Cour a scandaleusement omis d'appeler Israël à cesser son bombardement de Gaza et son blocus de la nourriture, des médicaments, de l'énergie et d'autres produits de première nécessité, qui durent maintenant depuis près de quatre mois.
Dans un premier temps, Israël a déclaré que ses «informations» sur les 12 étaient le résultat de l'interrogatoire, c'est-à-dire de la torture, de «militants» capturés. Plus tard, il a changé sa version des faits, déclarant que les services de renseignement avaient surveillé leurs téléphones portables.
Le commissaire général de l'UNRWA, Philippe Lazzarini, a réagi en licenciant neuf travailleurs, dont sept qui travaillaient comme enseignants dans les écoles de l'UNRWA. L'un des accusés est présumé mort, tandis que deux autres sont recherchés.
Les États-Unis, suivis peu après par le Canada, puis par l'Australie et toutes les grandes puissances impérialistes européennes ont profité des accusations israéliennes pour annoncer qu'ils suspendaient tout financement à l'UNRWA. «Le Canada, a déclaré le ministre du Développement international Ahmed Hussen, prend cela très au sérieux et collabore étroitement avec l'UNRWA et d'autres donateurs sur cette question.»
Alors que le Premier ministre Justin Trudeau et son gouvernement libéral prennent «très au sérieux» les allégations non prouvées concernant un nombre minuscule d'employés de l'UNRWA, ils ont rejeté d'un revers de main, au début du mois, l'accusation largement documentée de génocide portée par l'Afrique du Sud contre Israël. La présentation à la CIJ comprenait de nombreuses déclarations d'intention génocidaire de la part de dirigeants politiques israéliens et des documents sur le massacre aveugle de la population de Gaza, dont une grande majorité de femmes et d'enfants.
Ce contraste saisissant découle du fait que l'impérialisme canadien soutient le génocide israélien. À l'exception des États-Unis, le Canada est depuis plus d'une décennie le plus fervent partisan d'Israël parmi les grandes puissances à l'ONU. Il a voté à plusieurs reprises contre les résolutions de l'ONU condamnant le traitement brutal infligé par Israël aux Palestiniens, y compris sa politique de colonisation illégale en Cisjordanie, et a fourni chaque année des dizaines de millions de dollars d'équipement aux Forces de défense israéliennes (FDI).
Pour couronner le cynisme du gouvernement canadien, Hussen a fait une deuxième déclaration mardi, affirmant qu'Ottawa fournirait 40 millions de dollars d'aide humanitaire à la population de Gaza. Cependant, il n'a fourni aucune précision sur la manière dont cette aide leur parviendra réellement, étant donné son refus de travailler avec l'UNRWA.
Le gouvernement conservateur de Stephen Harper avait coupé tout financement à l'UNRWA, l'agence qui, depuis 1949, apporte son soutien aux vagues successives de réfugiés palestiniens créées par les guerres soutenues par l'impérialisme israélien. Mais le gouvernement Trudeau, dans le cadre de ses efforts pour étendre l'influence du Canada au Moyen-Orient et en Afrique, a rétabli ce financement en 2016 et, ces dernières années, le Canada a fourni à l'UNRWA une aide annuelle de 30 millions de dollars ou plus.
La suspension du financement de l'UNRWA par le Canada et les autres puissances impérialistes entraînera rapidement l'arrêt de ses opérations, étant donné qu'ils sont la source de plus de 60 % de son financement et que la guerre à Gaza a déjà porté ses opérations à un point de rupture.
Elle aidera, et est censée aider, Israël à la fois politiquement et matériellement dans la poursuite de son assaut génocidaire contre Gaza.
Outre l'aide qu'il fournit lui-même, l'UNRWA coordonne la distribution de nourriture, d'eau et de soins de santé par d'autres groupes humanitaires à Gaza.
Aujourd'hui, les représentants de l'UNRWA préviennent qu'il ne leur reste plus que quelques semaines avant de devoir cesser toutes leurs activités, ce qui signifie que les pénuries de produits de première nécessité et les risques de famine et de maladie qui les accompagnent s'aggraveront rapidement.
Cela facilitera les efforts du gouvernement israélien pour nettoyer ethniquement Gaza des Palestiniens afin de faire place aux colonies israéliennes, comme cela a été ouvertement préconisé lors d'une conférence intitulée «Victoire d'Israël – La colonisation apporte la sécurité» à laquelle ont participé 11 membres du cabinet de Netanyahou dimanche dernier.
L'abolition de l'UNRWA, faut-il le rappeler, est depuis longtemps un objectif de la droite israélienne, qui a d'ailleurs reçu le soutien de l'ancien président américain Donald Trump, lorsque le dictateur en puissance était à la Maison-Blanche.
L'adhésion du gouvernement libéral à ce programme est indissociable de son rôle majeur dans les guerres menées par l'impérialisme américain dans le monde entier, qui se transforment en une troisième guerre mondiale pour la redivision du globe. Le Canada est impliqué dans l'escalade délibérée de la guerre menée par Washington au Moyen-Orient, ayant rejoint la coalition avec la Grande-Bretagne et l'Australie qui a commencé à bombarder le Yémen au début de ce mois. Ottawa est également un acteur clé de la guerre menée par les États-Unis et l'OTAN contre la Russie en Ukraine. Plus de 1000 soldats canadiens participent actuellement à la mobilisation massive de quelque 90.000 soldats de l'OTAN dans le cadre d'un exercice à travers la Baltique et l'Europe de l'Est, destiné à menacer la Russie et à se préparer à la guerre contre elle.
L'opposition officielle conservatrice du Canada a critiqué à plusieurs reprises le gouvernement Trudeau en estimant qu'il ne soutenait pas suffisamment Israël. Ainsi, Pierre Poilievre, le chef d'extrême droite des conservateurs, a traité Trudeau de complice du «terrorisme» pour avoir seulement «suspendu» le financement de l'UNRWA et ne pas l'avoir arrêté pour de bon. Faisant écho à la propagande de Netanyahou et des Forces de défense israéliennes, Poilievre a déclaré : «Trudeau devrait avoir honte de la façon dont il a dépensé notre argent pour financer cette organisation terroriste».
De même, Poilievre a attaqué le gouvernement Trudeau pour ses appels hypocrites à une «pause humanitaire» dans l'assaut contre Gaza, affirmant que rien ne devrait s'opposer à la «guerre juste» d'Israël. Il a également reproché au gouvernement de ne pas avoir immédiatement envoyé des navires et des avions de guerre pour participer à l'attaque contre le Yémen.
La Coalition Avenir Québec (CAQ), parti de droite, a également attaqué à plusieurs reprises le gouvernement Trudeau pour avoir appelé à des «pauses humanitaires» à Gaza. Mardi, la CAQ a précisé sa position en déclarant qu'elle n'était pas favorable à un arrêt des combats à Gaza avant «la capitulation du Hamas». Le gouvernement du Premier ministre québécois François Legault, qui a passé les dernières semaines à imposer de vastes reculs à 600.000 travailleurs du secteur public, a défini cette capitulation comme la libération par le Hamas de tous ses otages et la remise de toutes ses armes, soit les conditions exigées par le régime de Netanyahou pour déclarer sa victoire.
Le Nouveau Parti démocratique, soutenu par les syndicats, qui s'est engagé à maintenir le gouvernement minoritaire de Trudeau au pouvoir jusqu'en juin 2025, a pris ses distances par rapport à la décision concernant l'UNRWA. Heather McPherson, porte-parole du NPD pour les affaires étrangères, a déclaré : «Les enquêtes doivent se poursuivre, mais cette décision punit la population affamée de Gaza qui a besoin d'un cessez-le-feu et pour qui l'UNRWA est l'une des seules sources d'aide».
Une telle attitude ne mérite que le mépris. Le parti de McPherson soutient un gouvernement qui, en accord avec son allié américain, s'est amèrement opposé aux appels à l'arrêt des bombardements israéliens sur Gaza depuis le début de la guerre. McPherson et le NPD n'ont pas hésité à soutenir l'escalade imprudente de la guerre en Ukraine par Ottawa en fournissant des milliards de dollars d'aide militaire et financière. Selon les estimations, plus de 500.000 soldats ukrainiens et des dizaines de milliers de Russes ont été massacrés au cours de cette guerre qui dure maintenant depuis près de deux ans.
En outre, les néo-démocrates ont démontré leur soutien inflexible à l'occupation illégale des terres palestiniennes par Israël au cours des dernières années. Qu'il s'agisse d'empêcher les candidats pro-palestiniens de se présenter aux élections ou de censurer les discussions sur les résolutions critiquant Israël lors de ses congrès, le NPD a démontré à l'élite dirigeante son engagement inébranlable envers l'allié le plus important de l'impérialisme au Moyen-Orient.
Depuis le 7 octobre, le NPD a facilité la chasse aux sorcières contre les manifestants pro-palestiniens que le gouvernement Trudeau a contribué à lancer. Dans les premiers jours du massacre, le NPD de l'Ontario a expulsé Sarah Jama, membre de la législature de l'Ontario, du caucus du parti pour avoir qualifié Israël d’«État d'apartheid» et pour avoir refusé de condamner le soulèvement du 7 octobre.
Face au soutien unanime de l'establishment politique canadien au génocide israélien, la seule force sociale capable de mettre fin au massacre est la classe ouvrière canadienne et internationale. Les centaines de milliers de personnes qui se sont jointes aux manifestations répétées contre l'horreur qui se déroule à Gaza doivent se tourner vers la classe ouvrière, en luttant pour la mobiliser dans une grève générale politique internationale afin de faire plier les puissances impérialistes à l'origine du massacre à Gaza. Cette lutte doit avoir pour objectif de mettre fin au système de profit capitaliste qui engendre la guerre et de le remplacer par une société socialiste.
(Article paru en anglais le 31 janvier 2024)