Plus tôt ce mois-ci, Al Jazeera a publié une vidéo extraordinaire montrant la démolition contrôlée de l’université Israa dans la ville de Gaza, le 17 janvier. Les Forces de défense israéliennes (FDI) ont fait exploser 315 mines afin de détruire le complexe, la dernière université encore debout dans la bande de Gaza. Cette agression criminelle faisait suite au bombardement des universités islamiques et de l’université al-Azhar.
L'agence de presse palestinienne Wafa rapporte qu'à ce jour, 12 établissements d'enseignement supérieur de Gaza ont été endommagés ou détruits par les forces israéliennes.

L’armée israélienne cible également les écoles primaires et secondaires. Depuis le début de la guerre en octobre dernier, les écoles du premier et du second degré ont été bombardées maintes fois, les obligeant à fermer et conduisant à la décision du ministère de l'Éducation de mettre officiellement fin à l'année scolaire dans toute la bande de Gaza le 6 novembre.
Israël détruit toute l’infrastructure éducative de Gaza, dans le but de rendre cette destruction permanente.
Cela inclut l’éradication des porteurs humains de culture. Un rapport du 20 janvier d’Euro-Med Human Rights Monitor a dénoncé Israël pour l’assassinat ciblé de personnalités universitaires, scientifiques et intellectuelles dans diverses disciplines de recherche, dont 17 personnes titulaires d’un diplôme de professeur, 59 titulaires d’un doctorat et 18 titulaires d’une maîtrise.
La plainte sud-africaine déposée devant la Cour internationale de Justice (CIJ) le 11 janvier indique que parmi les principaux universitaires palestiniens assassinés figuraient:
- Le professeur Sufian Tayeh, président de l'Université islamique. Physicien primé et titulaire de la chaire UNESCO d'astronomie, d'astrophysique et de sciences spatiales en Palestine, le professeur Tayeh est mort aux côtés de sa famille dans une frappe aérienne.
- Le Dr Ahmed Hamdi Abo Absa, doyen du département de génie logiciel de l'Université de Palestine. Le Dr Abo Absa a été abattu par des soldats israéliens alors qu’il s’éloignait d’eux après avoir été libéré suite à une «disparition forcée» de trois jours.
- Le professeur Muhammad Eid Shabir, professeur d'immunologie et de virologie et ancien président de l'Université islamique de Gaza.
- Le Professeur Refaat Al-Ar'eer, poète et professeur de littérature comparée et d'écriture créative à l'Université islamique de Gaza.
Avant l’attaque génocidaire lancée contre Gaza, il y avait 625.000 élèves et 22.500 enseignants dans l’enclave. Depuis, pas moins de 350 écoles ont été détruites ou endommagées. Dans ce qui est sans aucun doute une sous-estimation, le Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations Unies rapporte qu'au moins 4.327 élèves ont été tués et 7.819 blessés. La même agence rapporte qu'au 24 janvier, 231 enseignants ou administrateurs avaient été tués et 756 blessés.
Ces actes, comme l’établit le document sud-africain de la CIJ, constituent des violations de la Convention de Genève, qui interdit «de diriger intentionnellement des attaques contre la population civile, des biens civils et des bâtiments dédiés à la religion, à l’éducation, à l’art, à la science, aux monuments historiques, aux hôpitaux et aux lieux où sont rassemblés les malades et les blessés ».
La plainte sud-africaine déposée auprès de la CIJ cite la résolution 2712 du Conseil de sécurité de l’ONU, qui exprime «une profonde préoccupation quant au fait que la perturbation de l’accès à l’éducation a un impact dramatique sur les enfants et que le conflit a des effets à vie sur leur santé physique et mentale». Il cite un entretien avec un coordinateur d'urgence de Médecins sans Frontières qui a passé cinq semaines à Gaza:
… c’est encore pire en réalité qu’il n’y paraît. C’est… la quantité de souffrance est juste quelque chose… d’incomparable. C'est vraiment insupportable. Je suis sans voix quand j’essaie de penser à l’avenir de [ces] enfants. Ce sont des générations d’enfants qui seront handicapées, qui seront traumatisées. Les enfants mêmes qui participent à notre programme de santé mentale nous disent qu’ils préféreraient mourir plutôt que de continuer à vivre à Gaza maintenant.
Les femmes et les enfants ont subi 70 pour cent des morts et des blessés à Gaza. Dans une exposition publiée par Al Jazeera, les noms d'environ la moitié des enfants victimes sont répertoriés, ainsi que leur âge. Les milliers de noms individuels donnent une idée de l’horreur indescriptible vécue par la population.
Le silence de la présidente de l’AFT Randi Weingarten et de l’appareil des syndicats enseignants aux USA sur la destruction systématique et calculée des infrastructures éducatives par Israël et l’assassinat ciblé d’éducateurs à Gaza en dit long.
Plus éloquents encore sont leurs actes. L’AFT et la National Education Association (NEA) font activement campagne en faveur de Biden pour la présidentielle de 2024. Par cet appui, l’appareil syndical a donné son sceau d’approbation au plein soutien financier, logistique, militaire et politique du gouvernement américain au génocide sioniste.
Dans le même temps, l’AFT et la NEA cherchent à réprimer les manifestations anti-guerre parmi leurs membres, tout comme elles ont réprimé la lutte pour les protections contre le COVID et ont sapé et trahi pendant des décennies les luttes des enseignants et de la classe ouvrière dans son ensemble sur les salaires, les conditions de travail, les emplois et les inégalités.
Mais l’opposition parmi les enseignants augmente. Une pétition qui circule largement au sein de la NEA exige que le syndicat révoque son soutien à Biden pour la course présidentielle de 2024 jusqu'à ce qu'il obtienne un «cessez-le-feu permanent», cesse «d'envoyer des fonds militaires, des équipements et des renseignements à Israël» et s'engage «à une procédure équitable et régulière pour les demandeurs d’asile et les réfugiés.»
Un article récent qui parle de cette pétition fait référence à la «fragmentation» de la NEA, le plus grand syndicat des États-Unis. Selon The Nation, «19 organismes de la NEA au niveau local, régional et des États [ont appelé] à un cessez-le-feu à Gaza, y compris le Conseil national des associations d’éducation urbaine».
En réponse à ces développements, la présidente de l’AFT, Weingarten, a republié sur Twitter/X une chronique du 22 janvier rédigée par J Street, un lobby pro-israélien et un comité d’action politique, dont elle est membre éminent du conseil d’administration. La déclaration, «L’heure de la diplomatie», appelle à un «arrêt négocié des combats» afin «d’apporter la liberté aux otages» et un «soulagement» à la population de Gaza.
La référence à «l’arrêt des combats» et au «soulagement» ne signifie pas une opposition ni à la guerre ni à son caractère génocidaire. Cela fait bien plutôt écho aux déclarations de hauts responsables américains, notamment le secrétaire d’État Antony Blinken et le porte-parole de la sécurité nationale de la Maison Blanche John Kirby, selon lesquels les États-Unis font pression pour une «pause humanitaire» négociée d’un mois dans les combats et un «échange d’otages».
Il reste à voir si une telle pause aura lieu, mais même si elle se produit, elle ne modifiera en rien la stratégie de nettoyage ethnique et d’annexion de Gaza et de la Cisjordanie qui est à la base de la campagne génocidaire actuelle. En fait, la libération des derniers otages américains et israéliens détenus par le Hamas permettra sans doute au régime fasciste de Tel Aviv et à ses alliés à Washington d’avoir les coudées plus franches pour mener à bien leur «solution finale» du «problème palestinien».
Dans cette chronique, Weingarten et J Street insistent pour dire qu’«Israël avait le droit incontesté de répondre militairement à l’horrifiante attaque terroriste du 7 octobre». Elle donne ensuite son feu vert à de nouveaux crimes commis par Israël contre les Palestiniens, affirmant que Tel Aviv «aura la responsabilité permanente de continuer à protéger et à défendre ses citoyens et de demander des comptes à ceux qui ont perpétré l’attaque du 7 octobre».
C’est là une justification des crimes de guerre, et non une exigence d’y mettre fin.
Personne ne devrait non plus être induit en erreur par l’ajout du mot «cessez-le-feu» dans certaines publications récentes de Weingarten sur les réseaux sociaux. Son discours sur un cessez-le-feu n’exprime pas un changement de position, mais une adaptation rhétorique aux préoccupations des membres de l’AFT – massivement favorables à un cessez-le-feu – réalisée dans le but de rassembler les enseignants derrière Biden pour l’élection présidentielle de novembre.
Le 29 janvier, le Conseil exécutif de l’AFT a adopté une résolution appelant à «la fin de la guerre entre Israël et le Hamas par un cessez-le-feu bilatéral négocié» et à «des mesures vers une solution à deux États». Cette résolution réaffirme, au milieu de paroles affligées sur des «cycles de violence et de représailles», la justification standard de la guerre: «Nous reconnaissons depuis longtemps le droit d’Israël de protéger ses citoyens contre les crimes de guerre et d’agression. L’horrifiant massacre de civils israéliens perpétré par le Hamas, le Jihad islamique et d’autres le 7 octobre a été le plus grand massacre de Juifs depuis l’Holocauste.»
Il est ridicule que la résolution de l’AFT cherche à imputer la responsabilité fondamentale du bain de sang à Gaza (le mot «génocide» n’apparaît pas) non pas à Israël, mais au «régime dictatorial du Hamas».
Le «processus» d’une «solution à deux États» est censé être à l’ordre du jour depuis les accords d’Oslo de 1993, qui ont créé l’Autorité nationale palestinienne. Depuis lors, le régime sioniste procède à des massacres répétés de masse des habitants de Gaza, intensifie la répression, étend la guerre et il est désormais en train commettre ouvertement un génocide. Il a toujours bénéficié du soutien total et indispensable de l’impérialisme américain, sans lequel il ne pourrait pas poursuivre sa politique expansionniste.
Le processus dit des «deux États» était et reste une couverture pour l’agression israélienne. Même dans le cas improbable où un système à deux États surgirait des cendres et des cadavres du massacre actuel, cela ne représenterait en aucun cas une avancée pour les masses palestiniennes opprimées.
Comme l’explique l’article «Bernie Sanders: la face gauche du génocide», un État palestinien serait chargé par l’impérialisme américain et Israël de maintenir un joug d’État policier sur la population. On installerait des éléments de l’Autorité palestinienne détestée et corrompue, démise de ses fonctions à Gaza en 2006 à cause de sa soumission à Israël et sa corruption notoire, qui serviraient d’administrateurs fantoches de la domination continue par l’impérialisme de la région et de ses peuples.
Il n’existe pas de solution nationale progressiste à l’attaque génocidaire lancé contre les masses palestiniennes. Le génocide de Gaza fait lui-même partie de la plongée du capitalisme mondial, en proie à la plus grande crise de son histoire, vers la barbarie: guerre mondiale, génocide, régime autoritaire et fasciste, et paupérisation accrue de la classe ouvrière. Mais cette crise produit également des luttes révolutionnaires de la classe ouvrière au niveau international.
Weingarten et l’ensemble de l’appareil syndical servent de police du travail à la classe dirigeante, réprimant la lutte des classes et cherchant à maintenir la subordination politique de la classe ouvrière aux partis capitalistes. Cette bureaucratie pro-impérialiste et pro-guerre doit être renversée et remplacée par des organisations de la base luttant pour unir les luttes de tous les travailleurs dans une offensive internationale pour mettre fin à l’impérialisme et au capitalisme et pour établir le socialisme mondial. Un élément essentiel de ce programme est la lutte pour les États socialistes unis du Moyen-Orient.
Nous exhortons les éducateurs aux États-Unis à rejoindre le Comité de sécurité des enseignants de la base, qui fait partie de l’Alliance internationale ouvrière des comités de base, pour lutter pour cette perspective.