Les États-Unis installent en permanence des «formateurs» militaires à Taïwan

Un article de Newsweek publié jeudi a rapporté pour la première fois que des troupes des forces spéciales américaines seraient stationnées à Taïwan de manière permanente, plutôt que dans le cadre d’un arrangement temporaire ou par rotation. Le déploiement de troupes américaines à Taïwan constitue une violation de la politique d’«une seule Chine», en vertu de laquelle les États-Unis reconnaissent de fait Pékin comme le gouvernement légitime de toute la Chine, y compris Taïwan.

Deux hélicoptères Sikorsky UH-60 «Black Hawk» s’approchent pendant les exercices militaires annuels Han Kuang à l’aéroport international de Taoyuan, dans le nord de Taïwan, le mercredi 26 juillet 2023. [AP Photo/Chiang Ying-ying]

Citant le United Daily News (UDN), basé à Taïwan, le site Internet de Newsweek déclare que «les bérets verts du 1er  groupe de forces spéciales sont cette année stationnés de façon permanente dans deux bases du 101e  bataillon de reconnaissance amphibie, une force d’opérations spéciales de l’armée de Taïwan».

Le déploiement américain est particulièrement provocateur, car certaines des forces spéciales américaines sont basées à Kinmen, un groupe d’îles fortifiées contrôlées par Taïwan et situées à seulement 10 kilomètres de la ville portuaire chinoise de Xiamen. Un autre groupe est stationné sur les îles Pescadores, au large de la côte taïwanaise, dans le détroit de Taïwan.

En principe, les troupes américaines participent à la formation des forces taïwanaises, mais leur déploiement facilite également la collecte de renseignements sur les mouvements dans le détroit de Taïwan et sur la côte chinoise. Xiamen dispose de bases navales et aériennes.

Selon l’UDN, des troupes américaines sont également présentes sur une base militaire à Taoyuan, dans le nord de Taïwan. Ils participent à la formation à l’utilisation de drones que l’armée taïwanaise cherche à acheter pour son Airborne Special Service Company, une unité d’élite des forces spéciales.

Ni Washington ni Taipei n’ont fourni de détails sur le nombre de formateurs américains ou sur la formation donnée. Ce n’est qu’en 2021 que la présidente taïwanaise Tsai Ing-wen avait officiellement confirmé que des forces spéciales américaines se trouvaient à Taïwan et formaient des forces locales. Le ministère américain de la Défense avait reconnu que 30 soldats américains étaient présents, mais uniquement pour garder l’Institut américain à Taïwan, qui fonctionne comme une ambassade américaine non officielle à Taipei.

À l’époque, le ministre taïwanais de la Défense Chiu Kuo-cheng avait déclaré aux parlementaires du pays que des instructeurs américains avaient travaillé avec les forces taïwanaises sous des gouvernements successifs. Il ne considérait pas ce déploiement comme une présence militaire américaine permanente sur l’île.

La présence permanente de forces spéciales américaines à Taïwan fait partie de préparatifs bien plus vastes de l’impérialisme américain pour une guerre avec la Chine. En violant délibérément la politique d’«une seule Chine», Washington attise les tensions avec la Chine au sujet de Taïwan d’une manière similaire à celle qui a poussé la Russie à envahir l’Ukraine.

Lorsque Washington a établi des relations diplomatiques avec Pékin en 1979, il a fermé son ambassade à Taipei, mettant fin aux liens diplomatiques officiels, et n’a maintenu que des contacts officieux discrets. Tout en continuant à vendre des armes à Taipei, les États-Unis avaient mis fin à leur pacte militaire de longue date avec Taïwan et retiré toutes leurs forces militaires.

Sous la présidence de Trump et maintenant de Biden, les États-Unis ont rompu les protocoles diplomatiques de longue date limitant les contacts entre Taipei et Washington, augmenté les ventes d’armes, y compris d’armes offensives ; ils ont désormais stationné des formateurs américains à Taïwan. Le gouvernement Biden a salué l’élection, le mois dernier, de Lai Ching-te, le candidat du Parti démocratique progressiste (DPP) pro-indépendance, à la présidence taïwanaise.

En établissant des relations diplomatiques avec Washington, Pékin avait suspendu la réunification avec Taïwan, mais avait clairement indiqué qu’il ne le ferait pas indéfiniment. Tout en proposant une réunification pacifique selon le principe «une Chine, deux systèmes» Pékin a fait savoir maintes fois qu’il répondrait par la force à toute déclaration formelle d’indépendance de la part de Taipei. En cherchant à intégrer cette île économiquement et militairement stratégique dans leur sphère d’influence, les États-Unis propulsent de façon irresponsable la région vers la guerre.

Le stationnement permanent de forces spéciales américaines à Taïwan n’est qu’un aspect d’une présence militaire américaine montante. Si le ministère américain de la Défense n’a admis le déploiement que d’une poignée de militaires, le Wall Street Journal lui, a rapporté en février que les États-Unis prévoyaient d’envoyer entre 100 et 200 soldats à Taïwan dans les mois à venir.

Selon des responsables américains anonymes, cette augmentation prévue constituait le plus important déploiement de forces à Taïwan depuis des décennies. En outre, un contingent militaire taïwanais devait se rendre aux États-Unis pour suivre une formation donnée par la Garde nationale du Michigan. Il s’agissait notamment de participer à des exercices annuels avec plusieurs pays au Camp Grayling, dans le nord du Michigan.

Des officiels américains ont déclaré au Wall Street Journal que les troupes américaines à Taïwan n’étaient pas seulement impliquées dans la formation des forces locales à l’utilisation des armes américaines, mais participaient aussi à des manœuvres militaires visant à contrer une potentielle offensive chinoise. Le ministre taïwanais de la Défense, Chiu, a confirmé a ce journal que les troupes taïwanaises aux États-Unis recevaient une formation aux techniques de combat de base, ainsi qu’une formation avancée axée sur les opérations d’état-major et le déploiement de troupes.

En avril dernier, le Taiwan Times avait confirmé que le commandement américain Indo-Pacifique avait envoyé plus de 200 formateurs militaires à Taïwan, dont 80 pour cent venaient de l’armée américaine. La plupart étaient stationnés dans de nouveaux centres de formation et dans les brigades de réserve de l’armée taïwanaise.

L’augmentation du nombre de formateurs américains à Taïwan vise en partie à préparer l’extension, cette année, du service militaire obligatoire pour les jeunes hommes de l’île, qui passera de quatre à douze mois, dans le cadre de son renforcement militaire face à la Chine. Washington, qui cherche à affaiblir et à déstabiliser la Chine dans tout conflit, a pressé Taipei d’adopter une stratégie du «porc-épic» visant à infliger un maximum de dégâts aux forces militaires chinoises.

L’article du Taiwan Times notait l’année dernière que bien que certains instructeurs américains aient formé des troupes d’opérations spéciales taïwanaises, l’armée américaine avait « déterminé qu’il y avait un fossé entre la formation des unités de base de l’armée taïwanaise et l’instruction sur les tactiques de combat». Plus de 160 des formateurs américains étaient des sous-officiers ayant une expérience du combat, envoyés pour vérifier l’efficacité générale du combat et proposer des méthodes d’entraînement pour l’améliorer.

L’article soulignait le fait que les forces américaines évaluaient l’état de préparation général de Taïwan à la guerre. En avril dernier, des instructeurs américains «seraient entrés dans la base aérienne de Chiashan… pour réévaluer la sécurité des bunkers, comme des installations anti-déflagrantes et de protection, en particulier la sécurité des zones où sont stockés les avions de chasse et les munitions».

Bien que le nombre de soldats américains à Taïwan soit encore relativement faible, leurs activités et leur taille croissante indiquent que Washington a l’intention de préparer l’île à devenir un piège militaire pour la Chine dans un avenir pas si lointain, et non dans des décennies. Déjà en guerre avec la Russie en Ukraine, soutenant la guerre génocidaire d’Israël à Gaza et élargissant le conflit au Moyen-Orient, les États-Unis entraînent délibérément la Chine dans une guerre mondiale aux conséquences catastrophiques.

(Article paru en anglais le 10 février 2024)

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