Dans de multiples déclarations au cours des dernières 24 heures, les responsables américains ont clairement indiqué qu’ils ne prendraient aucune mesure contre Israël, quel que soit le nombre de civils qu’il massacre dans son assaut prévu contre Rafah, où un million de personnes déplacées ont trouvé refuge. Ces déclarations donnent en fait à Israël un chèque en blanc pour commettre sans retenue des crimes de guerre dans son assaut contre la ville.
Lundi, le porte-parole du Conseil national de sécurité des États-Unis, John Kirby, s’est vu demander si les États-Unis réduiraient leur aide militaire à Israël si ce dernier attaquait Rafah sans tenir compte de «ce qui arrive aux civils».
Kirby a répondu: «Nous continuerons à soutenir Israël. Ils ont le droit de se défendre contre le Hamas, et nous continuerons à nous assurer qu’ils ont les outils et les capacités pour le faire».
Pour enfoncer le clou, Politico a rapporté mardi, sur la base des déclarations de trois responsables américains, que «le gouvernement Biden ne prévoit pas de punir Israël s’il lance une campagne militaire à Rafah sans assurer la sécurité des civils».
Politico poursuit: «Aucun plan de réprimande n’est prévu, ce qui signifie que les forces israéliennes pourraient entrer dans la ville et faire des victimes civiles sans subir de conséquences de la part des États-Unis».
Plus d’un million de Palestiniens ont été contraints de se réfugier à Rafah, la ville la plus méridionale de Gaza, suite à la campagne de nettoyage ethnique menée par Israël dans toute la bande de Gaza. Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou a clairement indiqué dimanche qu’Israël avait l’intention de lancer un assaut militaire de grande envergure contre Rafah, promettant la «victoire finale».
Dimanche, Joe Biden a déclaré: «L’opération militaire majeure à Rafah ne devrait pas avoir lieu sans un plan crédible pour assurer la sécurité et le soutien des plus d’un million de personnes qui s’y abritent».
Les déclarations de Kirby et des responsables qui ont parlé à Politico montrent clairement que cette déclaration est dénuée de sens et que les États-Unis soutiendront les actions d’Israël, quel que soit le nombre de gens qu’il massacre.
La réponse de Kirby mardi à la question : «Que se passe-t-il si Israël ne fournit pas ce plan et s’installe à Rafah? » montre avec quelle insolence l’impérialisme américain cautionne le génocide. Kirby a rejeté la question comme un «jeu», déclarant: «Je ne vais pas entrer dans un jeu hypothétique».
La question n’est pourtant ni un jeu ni une hypothèse. Israël tue entre 100 et 200 personnes chaque jour à Gaza, et le nombre de morts s’élève à plus de 35.000. Ces victimes ont été tuées par des bombes américaines, lancées avec le soutien logistique des États-Unis et bénéficiant de la couverture politique du gouvernement Biden.
Le soutien ouvert aux actions génocidaires d’Israël est d’autant plus frappant que des personnalités de l’establishment politique américain ont déclaré qu’Israël commettait des crimes de guerre.
S’exprimant au Sénat lundi, le sénateur démocrate Chris Van Hollen a accusé Israël de commettre un crime de guerre en refusant de fournir de la nourriture à la population de Gaza. «Les enfants de Gaza meurent aujourd’hui parce qu’on leur refuse délibérément de la nourriture… C’est un crime de guerre. C’est un crime de guerre classique. Et cela fait de ceux qui l’orchestrent des criminels de guerre». Cela n’a pas empêché Van Hollen de voter en faveur d’un projet de loi qui prévoit des milliards de dollars de financement supplémentaire à Israël.
Si ces mots s'appliquent au gouvernement Netanyahou, ils s'appliquent avec encore plus de force au gouvernement Biden.
Israël a continué à bombarder Rafah par des frappes aériennes mardi, tuant des dizaines de personnes dans la ville avant même l’invasion totale prévue. Selon le ministère de la santé de Gaza, 133 personnes ont été tuées entre lundi et mardi après-midi.
Lundi, Volker Türk – haut-commissaire des Nations unies aux droits de l’homme – a averti qu’«une éventuelle incursion militaire totale à Rafah – où quelque 1,5 million de Palestiniens sont entassés dans une zone minuscule – est terrifiante, étant donné la perspective qu’un nombre extrêmement élevé de civils, encore une fois principalement des enfants et des femmes, seront probablement tués et blessés».
Mardi, le Programme alimentaire mondial a déclaré dans un communiqué que ses efforts pour nourrir les personnes affamées à Gaza étaient «constamment entravés» par le gouvernement israélien. «Le PAM est profondément préoccupé par l’extension de l’offensive militaire à Rafah, où plus d’un million de personnes sont entassées dans une zone minuscule. Le PAM a élargi ses points de distribution, mais les efforts déployés pour atteindre les personnes dans le besoin dans l’ensemble de la bande de Gaza sont constamment entravés», ajoute le communiqué. «Il n’y a aucun endroit sûr».
Le responsable des affaires humanitaires des Nations unies, Martin Griffiths, a averti que l’offensive imminente contre Rafah serait un «massacre», déclarant: «Aujourd'hui, je tire une nouvelle fois la sonnette d'alarme: les opérations militaires à Rafah pourraient conduire à un massacre à Gaza. Elles pourraient aussi laisser une opération humanitaire déjà fragile à l’article de la mort».
La Cour internationale de justice (CIJ), quant à elle, a confirmé avoir reçu une requête de l’Afrique du Sud lui demandant d’intervenir pour mettre fin à l’assaut sur Rafah. Dans sa requête, l’Afrique du Sud «demande à la Cour d’examiner de toute urgence si l’évolution de la situation à Rafah exige qu’elle exerce son pouvoir pour empêcher une nouvelle violation imminente des droits des Palestiniens de Gaza».
Le mois dernier, la CIJ avait statué qu’Israël pouvait «plausiblement» commettre un génocide à Gaza. Mais après cette décision, Israël, avec le soutien des États-Unis, n’a fait qu’intensifier ses bombardements de civils, ses exécutions sommaires de masse et la privation délibérée de nourriture visant la population de Gaza.
Mardi, les forces israéliennes ont pris pour cible le correspondant d’Al Jazeera Arabic, Ismail Abu Omar, le blessant grièvement ainsi que le photojournaliste Ahmed Matar. Dans un communiqué, Al Jazeera écrit que cette attaque est «un crime à part entière qui s’ajoute aux crimes d’Israël contre les journalistes, et un nouveau volet dans la série des attaques délibérées contre les journalistes et les correspondants d’Al Jazeera en Palestine».
Les responsables israéliens ont quant à eux menacé d’étendre la portée géographique de la guerre. Mardi, l’armée israélienne a effectué des frappes dans le sud du Liban. Le ministre israélien de la Défense, Yoav Gallant, a déclaré qu’il existait «une possibilité réaliste» que l’armée israélienne doive «ramener de force les habitants du nord dans leurs foyers», ce qui implique une offensive militaire plus large contre le Liban.
Il a ajouté: «Cela signifie qu’il faut créer une situation de sécurité différente par la force, et cela peut mener à toutes sortes de choses… nous pouvons atteindre n’importe quel endroit où nous déciderons d’aller, au Liban et au-delà».
(Article paru en anglais le 14 février 2024)