Reprise des élections à Berlin: Le déclin du SPD

Le résultat le plus frappant de la répétition partielle des élections fédérales de dimanche dernier à Berlin est la lourde perte subie par le parti du chancelier Olaf Scholz. Les sociaux-démocrates (SPD) ont perdu 7,8 points et n’ont obtenu que 14,6 pour cent des suffrages exprimés. Par rapport aux premières élections fédérales de septembre 2021, où ils avaient déjà obtenu un résultat médiocre, avec 23,5 pour cent, les sociaux-démocrates ont à nouveau perdu plus d’un tiers de leurs voix.

Le chancelier allemand Olaf Scholz prononce un discours au Bundestag à Berlin, en Allemagne, jeudi 19 octobre 2023. [AP Photo/Markus Schreiber]

La reprise du scrutin était devenue nécessaire parce que la Cour suprême avait jugé, à la fin de l’année dernière, que les graves lacunes dans la conduite de l’élection initiale rendaient une élection partielle nécessaire dans 455 des 2.256 circonscriptions électorales.

Un an plus tôt, la Cour suprême du Land de Berlin avait jugé que les principes d’universalité, d’égalité et de liberté de vote avaient été si gravement violés lors de l’élection de la Chambre des représentants (assemblée du Land) de Berlin, qui s’était déroulée le même jour dans les mêmes bureaux de vote, que l’ensemble de l’élection devait être répétée. C’est ce qui s’est passé il y a exactement un an.

En décidant de répéter les élections du Bundestag (parlement fédéral) dans seulement 455 circonscriptions, la Cour suprême de l’État de Berlin a tenté d’offrir une certaine protection au gouvernement fédéral et d’éviter un tremblement de terre politique. Néanmoins, le résultat des nouvelles élections est très révélateur et montre à quel point l’opposition au gouvernement est forte.

Environ 550.000 Berlinois avaient le droit de voter, mais seule la moitié d’entre eux s’est rendue aux urnes. Le taux de participation est passé de 75,4 pour cent à 51 pour cent. Ce résultat n’est peut-être pas surprenant dans le cadre d’une reprise d’élection, mais il exprime également un rejet de tous les partis du gouvernement fédéral : SPD, Verts, libéraux-démocrates (FDP).

En raison de la faible participation électorale, tous les partis sauf un ont perdu des voix dans les 455 circonscriptions, même ceux qui ont réalisé des gains relatifs en pourcentage. Le SPD a obtenu 54.000 voix de moins qu’en septembre 2021, les Verts 38.000 et le FDP 29.000. Seuls 3,3 pour cent des électeurs ont voté pour les libéraux, ce qui est bien inférieur au seuil de 5 pour cent requis pour une représentation parlementaire. Les chrétiens-démocrates (CDU), qui ont gagné 6,9 points pour atteindre 20,6 pour cent, ont également perdu 552 voix. Le Parti de gauche, qui a obtenu 12,6 pour cent dans son fief de Berlin (en hausse de 0,7 pour cent), a perdu plus de 15.000 électeurs.

Malgré une faible participation, seule l’Alternative pour l’Allemagne (AfD), parti d’extrême droite, a gagné des voix, avec 5.300 voix supplémentaires, et a augmenté son pourcentage de 5,6 points pour atteindre 12,6 pour cent.

La croissance des fascistes est le résultat direct des politiques de tous les partis au Bundestag (parlement fédéral), qui ont adopté leur programme réactionnaire et raciste et les ont intégrés dans le travail parlementaire et dans toutes les commissions. On se souvient encore de la page de couverture de Der Spiegel d’octobre 2023, qui représentait le chancelier avec le slogan «Il faut enfin déporter davantage!» À la mi-janvier, le Bundestag a adopté une loi sur l’accélération des déportations, sous les applaudissements de l’AfD.

Page de titre de Der Spiegel 43/2023. Scholz est photographié et cité en train de dire «Il faut enfin déporter davantage».

L’augmentation des voix de l’AfD montre que le mouvement de masse contre le parti fasciste ne peut réussir que s’il s’oppose de manière irréconciliable aux politiques de droite du gouvernement de coalition et qu’il devient le point de départ d’une mobilisation politique de la classe ouvrière contre le système capitaliste.

La perte massive de voix subie par le SPD est le prix payé pour ses politiques de droite de réarmement militaire, de préparation à la guerre, de xénophobie et de coupes sociales depuis l'arrivée au pouvoir de la coalition.

Il y a deux ans, le 27 février 2022, Scholz a prononcé son tristement célèbre discours de la «nouvelle ère». Il a exploité l’invasion de l’Ukraine par la Russie, que l’OTAN avait provoquée par son expansion constante vers l’Est, pour mener une guerre par procuration contre la Russie, la plus grande offensive de réarmement depuis Hitler et le stationnement d’unités de la Bundeswehr (forces armées) en Europe de l’Est.

Avec 22 milliards d’euros d’aide directe et 19 milliards d’euros d’aide de l’UE depuis le début de la guerre, l’Allemagne est devenue le plus grand financier de la guerre et le plus grand donateur de l’Ukraine après les États-Unis. La liste officielle du soutien militaire allemand à l’Ukraine s’allonge de plus en plus et montre à quel point Berlin est impliqué dans la guerre de l’Ukraine contre la Russie. La liste comprend déjà 105 chars de combat principaux, 30 véhicules de combat d’infanterie, 42 véhicules blindés de transport de troupes, 15 chars antiaériens et 9 systèmes de défense aérienne. À cela s’ajoutent des véhicules blindés de dépannage, des véhicules blindés de pose de ponts, des véhicules blindés de déminage et un demi-million de cartouches de munitions pour tous les types d’armes.

Quelques jours avant la répétition des élections à Berlin, le ministre de la Défense, Boris Pistorius, (SPD) a ouvertement menacé la Russie de guerre. Dans plusieurs interviews, il a déclaré que l’Allemagne devrait se préparer à une guerre avec la puissance nucléaire russe dans «une période de cinq à huit ans». Depuis des semaines, il appelle l’Allemagne à se «préparer à la guerre» et à renforcer son rôle de leader au sein de l’OTAN.

Dans le même temps, les puissances de l’OTAN ont ouvert un deuxième front au Moyen-Orient. Le gouvernement allemand soutient inconditionnellement le génocide israélien contre les Palestiniens, et ils répriment toute opposition à ce génocide, la qualifiant d’«antisémite».

Si certains pensaient que la perte massive de voix lors de la «petite élection du Bundestag» – comme on a souvent appelé la répétition des élections à Berlin – persuaderait le SPD de se montrer moins belliqueux et de réduire sa propagande en faveur du réarmement, ils ont pu constater lundi qu’ils avaient tort.

Le matin suivant l’élection, devant les caméras de télévision, Scholz a posé la première pierre d’un agrandissement de l’usine de munitions Rheinmetall en Basse-Saxe, le deuxième plus grand fabricant d’armes d’Allemagne. Le quotidien financier Handelsblatt l’a cité en ces termes: «Nous ne vivons pas en temps de paix», et a rapporté avec jubilation comment le chancelier SPD a loué l’importance de l’industrie de la défense et s’est tenu devant des chars et des caisses de munitions pendant «plus d’une heure» pour une séance de photos.

Le chancelier allemand Olaf Scholz visite une ligne de production sur le futur site d'une usine d’armement où le fabricant d'armes Rheinmetall prévoit de produire de l'artillerie à partir de 2025, à Unterluess, en Allemagne, lundi 12 février 2024. [AP Photo/Fabian Bimmer]

Mardi, la candidate principale du SPD pour les élections européennes, Katarina Barley, a abordé l’enjeu de l’armement nucléaire de l’Allemagne. Maintenant que Donald Trump a remis en question l’obligation de défense de l’OTAN, nous devons penser à «nos propres bombes nucléaires», a déclaré Barley. Mercredi, Michael Roth, expert en affaires étrangères du SPD, a suivi et a exigé: «Nous devons arrêter l’impérialisme russe – même sans les États-Unis si nécessaire.»

Les cris de guerre lancés depuis le siège du SPD à la Maison Willy Brandt deviennent de plus en plus agressifs et irrationnels. Cent dix ans après avoir accepté les crédits de guerre du Kaiser en août 1914 et conduit des millions de travailleurs au massacre de la Première Guerre mondiale, le SPD joue aujourd’hui à nouveau un rôle clé en faisant passer les intérêts prédateurs de l’impérialisme allemand contre la résistance de la classe ouvrière.

Mais contrairement à cette époque, le SPD a perdu depuis longtemps son influence sur la classe ouvrière. Après les crimes monstrueux du militarisme allemand au cours des deux guerres mondiales, les cris de guerre lancés depuis le siège du SPD et la chancellerie sont accueillis avec dégoût, colère et une résistance qui s’intensifie.

Le déclin du SPD n’est pas une surprise et doit être salué. L’abandon du parti que Rosa Luxembourg avait déjà qualifié de cadavre puant en 1914 doit être le prélude à un virage conscient vers un programme socialiste.

Telle est la signification de la campagne électorale européenne du Sozialistische Gleichheitspartei (Parti de l’égalité socialiste, SGP), qui lutte avec ses partis frères dans toute l’Europe et au niveau international pour mobiliser la classe ouvrière contre la guerre et le fascisme.

La déclaration électorale du SGP se lit comme suit:

La seule conclusion légitime que l’on peut tirer de la guerre d’extermination de l’Allemagne nazie et de l’Holocauste, les pires crimes de l’histoire de l’humanité, est celle-ci: la classe ouvrière ne doit plus jamais permettre la guerre et le fascisme, et doit éliminer une fois pour toutes la racine de cette horreur, le capitalisme.

● Arrêtez la guerre de l’OTAN en Ukraine! Pas de sanctions ni de livraisons d’armes!

● Deux guerres mondiales, cela suffit! Arrêtez les fauteurs de guerre!

● 100 milliards d’euros pour les crèches, les écoles et les hôpitaux, pas pour l’armement et la guerre!

(Article paru en anglais le 18 février 2024)

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