Wagenknecht favorable à une coopération avec les chrétiens-démocrates et l'Alternative pour l'Allemagne d'extrême droite

Lorsque l’Alliance Sahra Wagenknecht (BSW) a été fondée, le World Socialist Web Site a expliqué que la nouvelle organisation prônait un programme « de droite et pro-capitaliste » . Cela a depuis été confirmé sans équivoque. Dans une longue interview accordée au Frankfurter Allgemeine Zeitung, le porte-parole de la Bourse de Francfort, Wagenknecht déclare non seulement sa volonté de former une coalition avec les chrétiens-démocrates (CDU), mais se montre également ouverte à travailler avec l'Alternative pour l'Allemagne (AfD) d’extrême droite.

Sahra Wagenknecht [Photo by Raimond Spekking (via Wikimedia Commons) / CC BY-SA 4.0]

Lorsqu'on lui a demandé avec qui elle envisagerait de former un gouvernement après les élections régionales en Allemagne de l'Est à l'automne, Wagenknecht a répondu : « C'est une question de négociation une fois que les résultats des élections seront connus. Ensuite, il y aura des discussions, certainement aussi avec la CDU.»

La volonté de Wagenknecht de former une coalition avec la CDU met à nu toutes les prétentions du BSW de représenter une alternative aux partis de l'establishment. En fait, Wagenknecht elle-même construit un parti nationaliste de droite qui ne se démarque pas des autres partis capitalistes par son orientation centrale.

En Allemagne de l’Est notamment, la CDU joue un rôle important de larbin de l’AfD. En 2020, en collaboration avec le Parti libéral-démocrate (FDP), elle a veillé à ce qu'un premier ministre du Land (région) soit élu pour la première fois en Thuringe avec les voix des fascistes. En septembre 2023, grâce aux votes du FDP et de l'AfD, la CDU a abaissé les droits de mutation immobilière à cinq pour cent. Dans divers districts urbains et ruraux du Brandebourg et de Saxe, elle a déposé des motions en collaboration avec l'AfD pour réduire les allocations accordées aux demandeurs d'asile.

Récemment, le leader de la CDU de Thuringe, Mario Voigt, a demandé la suppression complète des allocations versées aux réfugiés ukrainiens. Dans le district de Saale-Orla, en Thuringe, le nouvel administrateur de district de la CDU, Christian Herrgott , a annoncé, avec le soutien de Voigt et du ministre fédéral du Travail Hubertus Heil (social-démocrate, SPD), son intention d'obliger les demandeurs d'asile à travailler quatre heures par jour pour une somme dérisoire de 80 cents l'heure.

Interrogée sur le fait que la CDU en Thuringe en particulier a fait adopter plusieurs motions avec le soutien de l'AfD, Wagenknecht a explicitement défendu cette coopération avec les fascistes : « La CDU a présenté des motions que l'AfD a acceptées. C’est un processus démocratique normal. »

Et elle précise qu’elle travaillerait également avec l’AfD pour mettre en œuvre des politiques de droite et anti-réfugiés. « Un gouvernement ne devrait-il pas, par exemple, introduire la carte de paiement pour les réfugiés simplement parce que l' AfD pourrait l'accepter ? Quel genre de compréhension de la politique est-ce ! »

Elle poursuit dans le même jargon de droite : « Depuis des années, tous les partis, à l’exception de l’AfD, nient que l’immigration incontrôlée soit un problème. Mais les gens manquent de logements, les enseignants sont surchargés de travail, les enfants ne parlent pas allemand et il existe des conflits culturels. »

Pour justifier son orientation vers l'AfD, Wagenknecht affirme que contrairement au chef de l'AfD en Thuringe, Björn Höcke, la co-présidente de l'AfD, Alice Weidel, ne représentait pas « des positions d'extrême droite, mais des positions conservatrices et économiques libérales ». Elle peut tenir des « discours agressifs, mais je ne peux pas reconnaître en elle une idéologie völkisch, c'est-à-dire la supposition selon laquelle les nations ne sont pas constituées par la culture, mais par les gènes et le sang ».

En d’autres termes: Wagenknecht privilégie les positions culturellement racistes par rapport aux positions völkisch-nationalistes. Sa différence avec Höcke est un trompe-l’oeil. En fait, Weidel travaille en étroite collaboration avec Höcke et son Flügel (Aile) et défend elle-même des positions d’extrême droite. Ses « discours agressifs » au Bundestag (parlement fédéral) sont des tirades fascistes dans lesquelles, entre autres, elle fustige le « taux de natalité » parmi les « immigrés musulmans », s'insurge contre les « filles portant le foulard » et insulte les réfugiés en les qualifiant de « porteurs de couteaux subventionnés » et « bons à rien ».

Le conseiller personnel de Weidel à l'époque, Roland Hartwig, a participé à la tristement célèbre réunion secrète de Potsdam qui planifiait l'expulsion massive de millions de personnes. C’est d’ailleurs précisément vers l’AfD de Thuringe dirigée par Höcke que Wagenknecht peut imaginer se tourner pour faire adopter des propositions.

Les déclarations de Wagenknecht dans le Frankfurter Allgemeine Zeitung ne sont pas un lapsus, mais résultent directement de son orientation politique. Lors de sa création, le BSW a déclaré qu'il n'était pas un parti de gauche. Il ne s’agissait pas de développer la résistance contre le génocide à Gaza, l’opposition à l’offensive militaire de l’OTAN contre la Russie et la colère contre le gouvernement de coalition, mais de canaliser cette résistance vers la droite et de l’étouffer. À cette fin, il est prêt à faire cause commune non seulement avec les partis gouvernementaux (SPD, FDP et Verts), mais aussi avec la CDU et l'AfD.

Cette politique s'inscrit dans la continuité de la politique de droite du Parti de gauche, dont le BSW s'est séparé. Cela est particulièrement évident en Thuringe. Dirigée par le Premier ministre de la région du Parti de gauche Bodo Ramelow, la Thuringe affiche l'un des taux d'expulsion les plus élevés d'Allemagne. La coopération avec l’AfD et la CDU y est également particulièrement développée. Début 2020, Ramelow a utilisé son vote pour nommer Michael Kaufmann, de l'AfD, vice-président de l'Assemblée du Land de Thuringe. Et le gouvernement minoritaire du Parti de gauche-SPD-Verts qu’il dirige s’appuie sur le bon vouloir de la CDU.

L'interview de Wagenknecht illustre le fossé qui existe entre l'humeur de la population en général et celle de tous les partis capitalistes, y compris le BSW. Alors que des millions de personnes sont dégoûtées par l’AfD et la politique d’extrême droite de tous les partis du Bundestag et descendent en masse dans la rue, Wagenknecht ouvre grand les bras à l’AfD et se présente comme son comparse.

Les travailleurs et les jeunes qui veulent lutter contre le fascisme, le militarisme et la guerre doivent en tirer les conséquences qui s’imposent. Comme l’a écrit le président du Sozialistische Gleichheitspartei (SGP, Parti de l’égalité socialiste) Christoph Vandreier, tête de liste aux élections européennes, dans son commentaire (article en anglais) sur la création du BSW :

Les travailleurs doivent accueillir la troisième tentative de Wagenknecht de sauver le capitalisme avec une hostilité ouverte. Le BSW ne s'oppose pas à la politique de guerre et de coupes sociales du gouvernement, mais la soutient. La seule façon de s’opposer au militarisme, d’empêcher une troisième guerre mondiale et de défendre les droits sociaux passe par la mobilisation internationale de la classe ouvrière contre le capitalisme. Aucun problème ne peut être résolu sans briser le pouvoir des banques et des sociétés et sans les placer sous contrôle démocratique. Un tel mouvement nécessite l’unification des travailleurs au-delà de toutes les frontières nationales, ethniques et religieuses.

(Article paru en anglais le 8 mars 2024)

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