Ryan Crocker, ancien ambassadeur des États-Unis: Presque tous les États arabes considèrent depuis longtemps les Palestiniens avec «crainte et dégoût»

Les régimes arabes n’ont pas levé le petit doigt pour s’opposer à la guerre génocidaire d’Israël et au nettoyage ethnique à Gaza.

Au lieu de cela, ils sont de connivence avec la bande de fascistes, de colons et de bigots du Premier ministre Benjamin Netanyahou, qui visent la suprématie juive «du Jourdain à la mer Méditerranée», alors même qu’ils s’inquiètent et appellent à un cessez-le-feu.

Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou, au centre, avec des commandants et des soldats dans le nord de la bande de Gaza, le 25 décembre 2023. Netanyahou a déclaré qu'Israël poursuivrait l'offensive jusqu'à ce qu'une «victoire finale» atteigne tous ses objectifs. [AP Photo/Avi Ohayon/GPO]

Netanyahou et son bailleur de fonds à Washington s’attendaient exactement à cela, car tout leur bilan en ce qui concerne les Palestiniens n’est qu’une trahison éhontée.

Lorsqu’on lui a demandé dimanche dernier si les Forces de défense israéliennes (FDI) allaient envahir Rafah, Netanyahou a répondu: «Nous irons là-bas. Nous ne les laisserons pas là.» Il a ajouté qu’il bénéficiait du soutien tacite de plusieurs dirigeants arabes, déclarant: «Ils le comprennent, et sont même d’accord avec cela discrètement», lors d’une interview accordée au géant allemand des médias Axel Springer le dimanche 10 mars. «Ils comprennent que le Hamas fait partie de l’axe terroriste iranien», a-t-il ajouté.

Netanyahou n’a cité aucun nom, mais il n’a pas eu besoin de le faire. L’Arabie saoudite, la Jordanie, le Qatar, l’Égypte et les Émirats arabes unis (EAU) ont tous été en communication constante avec Israël et de hauts responsables du gouvernement Biden, sous couvert de médiation en vue d’un accord sur la libération des otages détenus par le Hamas à Gaza.

Le diplomate américain à la retraite Ryan Crocker a toutefois été beaucoup plus explicite en confirmant chaque mot prononcé par Netanyahou. Dans une interview révélatrice accordée au magazine Politico le mois dernier, il a vendu la mèche en expliquant sans équivoque pourquoi, bien qu’ils soutiennent publiquement les droits des Palestiniens, aucun des régimes arabes n’est prêt à accueillir des réfugiés palestiniens, parce qu’ils considèrent depuis longtemps les Palestiniens avec «crainte et dégoût».

Crocker est bien placé pour le savoir. Il a commencé sa carrière diplomatique par un poste au consulat américain dans la ville portuaire intérieure de Khorramshahr, près des champs pétrolifères de l’Iran, en 1972, sous le règne du Shah, et a ensuite servi au Liban, en Syrie, en Afghanistan, en Irak, au Pakistan et au Koweït. Bien qu’il ne soit pas nécessaire de croire tout ce qu’il a dit, Crocker a fait la lumière sur la haine éternelle des régimes arabes à l’égard des Palestiniens et a donné des exemples de leur trahison et de leur duplicité répétées.

Ryan Crocker (à droite) reçoit la médaille présidentielle de la liberté des mains du président américain George W. Bush.

Passant en revue l’histoire des Palestiniens, Crocker a expliqué que la Nakba de 1948, lorsque plus de 700.000 Palestiniens se sont réfugiés en Jordanie, à Gaza, au Liban et en Syrie pour échapper au terrorisme sioniste et à la guerre israélo-arabe de 1947-1949, «a ébranlé la légitimité des régimes arabes. Sept États arabes ont déclaré la guerre aux sionistes et ont été mis en déroute de manière décisive. Les dirigeants arabes craignaient les conséquences de leur échec en Palestine, tant de la part d’éléments de leur propre société que des Palestiniens eux-mêmes [...] Mais le fait que les unités [de l’Armée de libération de la Palestine] étaient sous le commandement des armées arabes leur a permis de garder le contrôle des armes palestiniennes jusqu’à la guerre de Six Jours [de 1967]».

Il a décrit l’expérience des Palestiniens en tant que réfugiés dans les pays arabes voisins comme «un pur enfer dans l’ensemble». Ce n’est qu’en Jordanie qu’ils ont obtenu la citoyenneté. Au Liban, ils restent apatrides, ne peuvent pas posséder de biens et sont soumis à des restrictions quant aux emplois qu’ils sont autorisés à occuper, ce qui les expose à la super-exploitation.

La guerre israélo-arabe de 1967, qui a provoqué une nouvelle vague de réfugiés, principalement en Jordanie, a radicalement changé les relations des régimes arabes avec les Palestiniens. Leur défaite décisive a mis fin à toute possibilité de vaincre militairement Israël. Mais elle a également conduit le groupe Fatah de Yasser Arafat, qui s'est engagé à créer un État palestinien par la lutte armée, à prendre le contrôle de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP), un groupe chapeautant de multiples factions, chacune avec des idéologies différentes, chacune cherchant à obtenir le soutien de différents États arabes, de Moscou ou de Pékin.

L’OLP, désormais reconnue comme le «seul représentant légitime du peuple palestinien», est devenue un mouvement de masse. La lutte palestinienne est devenue quelque peu indépendante des régimes arabes, en particulier de la Jordanie et de la Syrie. Ces facteurs se sont conjugués pour déplacer la lutte pour le contrôle du territoire palestinien vers les terres arabes – le Liban en 1969 et la Jordanie en 1970 – et pour retourner les régimes arabes contre les Palestiniens. Fondamentalement, la lutte est devenue une lutte internationale, au-delà d’Israël et des territoires palestiniens, menaçant les élites dirigeantes des États voisins, eux-mêmes faibles, déchirés par les divisions et confrontés à une classe ouvrière et à une paysannerie de plus en plus appauvries, ainsi qu’à la diaspora palestinienne.

Comme l’a expliqué Crocker, alors que les dirigeants arabes apportaient régulièrement leur soutien à l’OLP dans ce qu’il a décrit comme «l’essentiel de la politique arabe [...] la pratique réelle des gouvernements arabes à l’égard des Palestiniens était exactement l’inverse». Dans une évaluation particulièrement révélatrice, il a déclaré qu’ils considéraient tous les Palestiniens qui avaient trouvé refuge dans leurs pays «comme une menace, une population étrangère qu’il fallait affaiblir, voire exterminer».

La Jordanie

Après 1967, les Palestiniens ont intensifié leurs attaques contre Israël à partir de la ville frontalière jordanienne de Karameh, bénéficiant d’un soutien croissant tant en Cisjordanie occupée qu’en Jordanie, dont plus de la moitié de la population était palestinienne. Avec la montée en puissance de l’OLP, certaines factions palestiniennes ont commencé à réclamer le renversement de la monarchie jordanienne, installée par la Grande-Bretagne au lendemain de la Première Guerre mondiale pour présider un mini-État conçu pour ne pas être viable et dépendre de Londres. Cela a conduit à de violents affrontements en 1970.

Soldats jordaniens encerclant un char de l'Armée syrienne de libération de la Palestine pendant le Septembre noir, 17 septembre 1970 [Photo: jordanske arkiver / ukjent opphav]

Comme l’explique Crocker, le roi Hussein de Jordanie est parvenu à vaincre l’OLP lors de ce que l’on a appelé le «Septembre noir», «non seulement grâce aux prouesses de l’armée jordanienne, mais aussi parce que la Syrie a refusé de fournir une couverture aérienne aux chars syriens soutenant les Palestiniens, comme elle l’avait promis» lorsqu’ils ont été attaqués par la Jordanie, ce qui a contraint la brigade à se replier. Les Palestiniens se sont ainsi retrouvés isolés et des milliers d’entre eux ont été massacrés par les forces d’Hussein lors de pogroms. «Cette force aérienne syrienne, écrit Crocker, était sous le commandement d’un général nommé Hafez al-Assad [futur dirigeant de la Syrie], dont la haine et la peur de tout ce qui était palestinien étaient intenses.»

Sa trahison a créé un précédent qui allait être répété non seulement par la Syrie, mais aussi par tous les régimes arabes.

La guerre civile au Liban 1975-1989

L’OLP s’installe au Liban. En vertu d’un accord conclu au Caire en novembre 1969, les mouvements de guérilla palestiniens y installent leurs bases, commencent à prendre le contrôle, au moins partiel, de 16 camps officiels de l’UNRWA qui accueillent 300.000 réfugiés et lancent des attaques contre Israël à partir du Sud-Liban. Beyrouth, qui abrite le quartier général militaire de l’OLP, devient un bastion ennemi pour Israël, ce qui donne lieu à de multiples attaques qui visent à saper le soutien populaire aux Palestiniens et à semer la discorde entre Palestiniens et Libanais.

C’est ainsi qu’est née la guerre civile libanaise qui a fait rage de 1975 à 1989, entre les Palestiniens et leurs alliés musulmans et l’élite réactionnaire chrétienne maronite au pouvoir, soutenue par Israël.

Israël devait recevoir un soutien inattendu. Au cours de la première phase de la guerre civile au Liban, alors que les forces phalangistes fascistes semblaient en déroute, l’armée syrienne est intervenue pour préserver l’État libanais et l’establishment maronite en bombardant Tall al-Za’tar, le grand camp de réfugiés palestiniens de Beyrouth-Est assiégé par les forces libanaises, le réduisant à l’état de ruines et faisant au moins 1.500 morts palestiniens en août 1976.

L'Égypte a signé un accord avec Israël à Camp David en 1978, garantissant la neutralité du plus important pays arabe au cas où Israël attaquerait l'un de ses autres voisins. Cet accord a permis à Israël d'envahir le Liban en juin 1982. Un attentat manqué contre l'ambassadeur israélien, Shlomo Argov, à Londres, perpétré par une faction palestinienne hostile à Arafat et à l'OLP, a fourni le prétexte pour chasser l'OLP et la Syrie du Liban.

Après qu’Israël a attaqué les forces syriennes dans la vallée libanaise de la Bekaa et bombardé plus de 60 avions syriens au cours de la première phase de l’invasion, neutralisant ainsi la Syrie pour le reste de la campagne, aucun des régimes arabes, y compris ceux du «Front de résistance» considéré comme le plus propalestinien – l’Algérie et la Libye – n’a pris la défense de l’OLP. Cela s’est produit alors que l’Irak était engagé dans une guerre de huit ans contre l’Iran.

Les attaques des forces arabes contre les Palestiniens se sont poursuivies même après l’expulsion de l’OLP du Liban. En septembre 1982, les forces phalangistes, sous la protection de l’armée israélienne, ont massacré quelque 3.000 Palestiniens, hommes, femmes et enfants, dans le quartier de Sabra et le camp de réfugiés adjacent de Chatila, à Beyrouth.

Après le massacre de Palestiniens dirigé par les forces libanaises avec la complicité de hauts responsables du cabinet et des forces de défense israéliens et perpétré par des phalangistes chrétiens et des membres de l'armée du Sud-Liban dans les camps de réfugiés de Sabra et Chatila [Photo: Robin Moyer, USA, Black Star for Time. Beirut, Lebanon, 18 September 1982. ]

Comme l’a dit Crocker, c’était un massacre parmi d’autres.

Trois ans plus tard, en 1985, les chiites libanais du mouvement Amal, ainsi que d'autres factions musulmanes et palestiniennes, ont assiégé pendant près de trois ans les camps de Chatila et de Bourj el-Barajneh, dans ce qui est devenu la «guerre des camps». Soutenus par Damas, qui craignait qu’Israël n’utilise les Palestiniens comme prétexte pour envahir la Syrie, et par Téhéran, leur objectif était de déloger les partisans du Fatah et de l’OLP. Elle a entraîné la mort de plusieurs milliers de Palestiniens et fait de nombreux blessés.

Aucun pays voisin ne veut accueillir l'OLP

L’un des récits les plus révélateurs de l’interview de Crocker est sa description des problèmes rencontrés par les États-Unis pour organiser l’évacuation de l’OLP, à la suite du bombardement massif du Liban par Israël et du siège de Beyrouth qui, ensemble, ont fait au moins 19.000 morts. Il s’est avéré extrêmement difficile de trouver un pays arabe disposé à accueillir les factions de l’OLP et ses dirigeants. Crocker a déclaré que la Libye et le Soudan avaient accepté d’accueillir quelques Palestiniens:

«Je ne sais pas comment nous avons pu convaincre les Tunisiens d’accepter les dirigeants de l’OLP. L’un des aspects les plus difficiles de l’ensemble des efforts diplomatiques déployés pour mettre fin aux combats a consisté à essayer de trouver des lieux d’accueil pour les dirigeants de l’OLP et les membres de la base, car personne n’en voulait. Ces discussions ont été extrêmement difficiles. Une fois encore, il convient de noter que les Syriens n’ont accepté aucune de ces propositions. Nous n’avons même pas demandé à la Jordanie. Il s’agissait donc de pays plus éloignés, qui n’étaient pas directement impliqués dans le conflit et qui n’avaient pas de population palestinienne importante. Je pense que les Tunisiens ont fini par accepter parce qu’ils estimaient que le fait de ne pas avoir de population palestinienne signifiait qu’ils ne risquaient pas d’être déstabilisés à l’intérieur du pays.»

La Syrie

Crocker a souligné qu'Arafat et son mouvement Fatah, dont l'idéologie nationaliste laïque avait un large écho, représentaient une menace particulière pour la Syrie. Le «soutien» de ce pays faible et instable à la cause palestinienne n’a jamais été plus qu'une tentative de dominer les masses palestiniennes et de les utiliser comme pions dans ses manoeuvres politiques à l'intérieur et à l'extérieur du pays, au service des intérêts nationaux de la Syrie – plus précisément, ceux de la clique au pouvoir. D'où son intervention dans une alliance de fait avec Israël contre les Palestiniens en 1976, alors que le Liban risquait d'être coupé en deux, pour soutenir les forces phalangistes.

Yasser Arafat dans un camp de réfugiés du Sud-Liban, Damour, 1978 [Photo by Hans Weingartz - Hans Weingartz/ Randi Crott: Auf nach Palästina! / CC BY-SA 3.0]

L’invasion du Liban par Israël en 1982 a rendu un service vital à Damas, lui-même en proie à une guerre civile contre les Frères musulmans, «en démantelant les structures de l’OLP au Liban et en forçant l’OLP à évacuer Beyrouth».

L’idéologie du Fatah devait conduire au refus de la plupart des régimes arabes d’accueillir l’OLP après son expulsion du Liban en 1982, mais leur haine des Palestiniens est un élément, selon Crocker, que les gouvernements américains successifs et Israël n’ont pas réussi à saisir et à exploiter. Il a cité en exemple l’échec d’Israël à conclure un accord avec la Syrie, tout à fait possible selon lui en janvier 2000, qui aurait permis d’isoler davantage Arafat et l’OLP.

Octobre 2023 et les régimes arabes

Revenons à 2023. Aujourd’hui, Netanyahou n'a pas l'intention de laisser passer ce conseil. Il n’hésite pas à présenter le soutien de l’Iran au Hamas, au Hezbollah libanais et aux Houthis au Yémen comme une menace pour la stabilité des régimes arabes. Sa confiance dans la poursuite d’un assaut terrestre sur Rafah repose sur le soutien des régimes arabes, amplement démontré au cours des cinq derniers mois.

Aucun des producteurs de pétrole des pays arabes du Golfe n’a jugé bon de suggérer d’imposer un embargo sur le pétrole aux partisans d’Israël, comme ils l’avaient fait après la guerre israélo-arabe de 1973. Ni l’Égypte ni la Jordanie, qui ont signé des traités avec Israël, n’ont révoqué leurs traités. Aucun des États ayant signé des accords de normalisation avec Israël dans le cadre des accords d’Abraham – les Émirats arabes unis (EAU), le Bahreïn (avec l’approbation de son payeur, l’Arabie saoudite), le Maroc et le Soudan – n’a cherché à annuler les accords. Seule la Jordanie, dont plus de la moitié de la population est d’origine palestinienne, a retiré son ambassadeur d’Israël.

Un bulldozer décharge les corps des Palestiniens tués par Israël dans une fosse commune à Rafah, dans la bande de Gaza, mardi 26 décembre 2023. [AP Photo/Fatima Shbair]

La guerre n’a pas fait dérailler les efforts déployés depuis longtemps par Washington pour négocier un accord de normalisation entre Israël et l’Arabie saoudite. Même le supposé soutien de Riyad à la solution dite des deux États appartient au passé. En septembre, le dirigeant de facto du pays, Mohammed Ben Salman, a déclaré à un intervieweur à la télévision qu’il n’exigeait pas une solution à deux États, mais qu’il espérait simplement un accord qui «faciliterait la vie des Palestiniens». Le ministre des Affaires étrangères, le prince Faisal Ben Farhan, a ensuite déclaré à CNN qu’un tel traité dépendait d’une «voie viable vers l’établissement d’un État palestinien». [C’est nous qui soulignons]

Entre-temps, la coopération entre les Saoudiens et Israël se poursuit, notamment en ce qui concerne les investissements et le commerce d'équipements de haute technologie et de surveillance israéliens.

La Jordanie, tout comme les Émirats arabes unis et l’Arabie saoudite, joue un rôle clé dans le fonctionnement de l’économie israélienne. En empruntant la route du Cap Horn pour éviter les attaques des Houthis du Yémen contre les navires de la mer Rouge ayant des liens avec Israël ou ses soutiens, les États-Unis et le Royaume-Uni, les régimes arabes fournissent un «corridor terrestre» pour le transport des marchandises vers Israël.

Tous les régimes arabes ont continué à commercer avec Israël, qui est devenu leur source privilégiée de technologie de surveillance et de piratage utilisée pour contrôler l’activisme politique et les dissidents au sein de leurs propres populations agitées. Les États arabes signataires des accords d’Abraham sont les troisièmes plus gros acheteurs d’armes israéliennes.

Le boucher du Caire, Abdel Fattah Al-Sisi, qui utilise depuis longtemps l’armée pour servir de gardien de prison à Gaza au nom d’Israël, s’est opposé aux plans d’Israël qui visent à repousser les 2,3 millions de Palestiniens de Gaza dans le désert égyptien du Sinaï. Il ne s’agissait pas d’une préoccupation pour le sort des Palestiniens, mais d’une crainte qu’ils deviennent le centre d’une opposition politique plus large à son régime, à l’impérialisme américain et à tous ses alliés dans la région. Sa contre-proposition consistait à les loger dans le désert israélien du Néguev plutôt que dans le Sinaï, «jusqu’à ce qu’Israël soit capable de vaincre le Hamas et le Djihad islamique. Ensuite, les Palestiniens pourraient retourner dans leur pays».

Il a ordonné à l’armée de fortifier la frontière égyptienne avec Gaza pour empêcher les Palestiniens de fuir dans le Sinaï. Si les Palestiniens parviennent à franchir la frontière renforcée, ils seront hébergés dans un camp de prisonniers en construction dans le nord du Sinaï jusqu’à ce qu’ils puissent retourner à Gaza.

C’est Al-Sisi qui a présenté pour la première fois les plans d’une Autorité palestinienne (AP) «revitalisée» à Doha en décembre dernier, lors d’une réunion des principaux alliés arabes de l’impérialisme américain dans la région: un nouveau gouvernement provisoire de l’AP composé de «technocrates» organiserait des élections parlementaires et présidentielles pour déterminer l’administration d’après-guerre de la Cisjordanie et de la bande de Gaza. Le rôle de l’AP serait de garder une prison à ciel ouvert que les régimes arabes ont été complices de créer, non seulement à Gaza mais aussi en Cisjordanie.

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En fin de compte, leurs efforts pour élaborer un tel plan de stabilisation de la région – même s’il est irréalisable et inacceptable pour Israël – visent à obtenir l'engagement de Washington à soutenir leur propre «sécurité» dans l’éventualité d’un nouveau «printemps arabe», ou d’un mouvement de masse qui vise à les renverser, à neutraliser la menace des Houthis pour l’Arabie saoudite et à faire la guerre à l’Iran, qui a soutenu les forces opposées à leur régime, dans le cadre des préparatifs de Washington pour la guerre contre la Chine.

La voie à suivre

L’oppression du peuple palestinien a été maintenue non seulement par la violence et la puissance militaire israéliennes, mais aussi par la trahison de la bourgeoisie arabe. L’alignement des États arabes sur Israël et l’impérialisme américain signifie l’effondrement politique final de tous les régimes qui ont émergé après le découpage impérialiste de l’après-Première Guerre mondiale du Moyen-Orient, riche en ressources, par la Grande-Bretagne et la France.

En outre, les Palestiniens, sous la direction d’Arafat, du Fatah et de l’OLP – avec sa perspective d’un État-nation palestinien à réaliser par la lutte armée et le soutien des régimes arabes et de l’Union soviétique – ont été incapables de proposer une perspective et un programme capables d’unir la classe ouvrière et les masses laborieuses de la région dans ce qui est essentiellement une lutte internationale. Aujourd’hui, la direction de l’Autorité palestinienne dominée par le Fatah et dirigée par Mahmoud Abbas est également complice de la répression sauvage d’Israël, soucieuse uniquement de garantir les privilèges de la Cisjordanie et des milliardaires de la diaspora, dépendante de son rôle de force de police pour Washington et Jérusalem.

Ces événements tragiques confirment avec force la théorie de la révolution permanente de Trotsky, démontrant qu’à l’époque de l’impérialisme, les travailleurs et les masses opprimées des pays les moins avancés ne peuvent satisfaire aucun de leurs besoins les plus fondamentaux – libération de l’oppression impérialiste, droits démocratiques, emplois et égalité sociale – sous la direction d’une quelconque section de la bourgeoisie nationale.

Léon Trotsky [Photo by Bundesarchiv, Bild 183-R15068 / CC BY-SA 3.0]

Dans les conditions d’une économie mondialisée, la fin des guerres et des génocides, de l’oppression nationale et de l’exploitation sociale ne se trouve pas sur une voie nationale, mais plutôt sur une voie internationale et socialiste. Elle exige la prise de pouvoir par la classe ouvrière dans le cadre de la lutte pour une révolution socialiste mondiale. Cela commence par une lutte déterminée pour unifier la classe ouvrière, arabe, persane, juive, kurde et au-delà de toutes les autres divisions nationales, ethniques et religieuses, pour une Fédération socialiste du Moyen-Orient. Cela nécessite la mise en place d’une nouvelle direction, le Comité international de la Quatrième Internationale.

(Article paru en anglais le 18 mars 2024)

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