Des rassemblements israéliens demandent la fin du gouvernement Netanyahou, des élections anticipées et un accord sur la libération des otages

Plus de 100.000 personnes se sont rassemblées devant la Knesset à Jérusalem dimanche soir pour la plus grande manifestation contre le gouvernement fasciste du Premier ministre Benjamin Netanyahou depuis le début de la guerre génocidaire d’Israël contre Gaza en octobre.

Les manifestants ont appelé le gouvernement à démissionner, à organiser des élections anticipées et à conclure un accord pour obtenir la libération des otages toujours détenus par le Hamas et d'autres groupes palestiniens à Gaza. Sur les 134 otages encore en captivité, au moins 36 sont morts selon des sources militaires israéliennes, ce qui est probablement sous-estimé. Les orateurs ont appelé les dirigeants de l'opposition, les anciens chefs militaires Benny Gantz et Gadi Eisenkot, à quitter la coalition gouvernementale et à se battre pour des élections.

La police pousse des personnes qui participent à une manifestation contre le gouvernement du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou, le 31 mars 2024 [AP Photo/Ohad Zwigenberg]

Les manifestations ont été organisées par une série de groupes dont certains ont mené les manifestations antigouvernementales qui ont duré neuf mois l’an dernier, bien que la réforme judiciaire de Netanyahou n’ait pas été à l’ordre du jour. Les manifestants brandissaient des drapeaux israéliens bleus et blancs et des banderoles sur lesquelles on pouvait lire «Élections maintenant». Ils scandaient des mots d’ordre comme «Vous avez détruit le pays et nous allons le réparer». Alors que la principale manifestation se déroulait devant la Knesset, plusieurs centaines de personnes ont tenté de bloquer le boulevard Begin, l’une des principales routes autour de Jérusalem, la police utilisant du liquide ‘skunk’ pour disperser la foule et arrêtant une vingtaine de manifestants.

Les leaders des manifestations dont la «Force Kaplan» et les «Frères d’armes» ont déclaré qu’ils installeraient plus de 100 tentes près de la Knesset et qu’ils organiseraient des manifestations, des rassemblements et des activités jusqu’à mercredi. Netanyahou ayant déclaré que la guerre se poursuivrait pendant des mois, ils craignent que chaque jour qui passe ne coûte la vie à d’autres otages. La Knesset a voté la suspension de ses travaux du 7 avril au 19 mai.

Yair Lapid, leader de l’opposition et ancien premier ministre, était l'orateur principal du rassemblement. Il a déclaré que Netanyahou détruisait les relations d’Israël avec son principal bailleur de fonds, les États-Unis, et qu’il abandonnait les captifs à leur sort. La foule a répondu: «Des élections maintenant! Des élections maintenant!»

Le fait que le gouvernement n’ait pas tenu compte des avertissements concernant l’imminence d’une attaque du Hamas contre le sud d’Israël et qu’il ait décidé de réduire les mesures de sécurité destinées à protéger les villes et les villages — en fait, des actions délibérées visant à créer un prétexte pour le nettoyage ethnique de Gaza — fait l’objet de critiques de plus en plus vives.

Un autre groupe de manifestants, emmené par les réservistes des ‘Frères d’armes’, s’est rassemblé à Me’a She’arim, un quartier ultra-orthodoxe de Jérusalem, pour réclamer qu’on mette fin à l’exemption pour les étudiants religieux ultra-orthodoxes de l’obligation universelle du service militaire.

Les hommes jeunes sont actuellement tenus de servir pendant 32 mois et les femmes pendant 24 mois, puis, en tant que réservistes, pendant 54 jours au cours d’une période de trois ans, jusqu’à ce qu’ils aient au moins 40 ans. Cette exemption qui a son origine dans un accord conclu en 1948, a longtemps irrité les Israéliens laïques. Elle est devenue de plus en plus controversée au cours de l’actuelle guerre, qui a tué jusque là environ 600 soldats, le nombre le plus élevé depuis des années.

La Knesset discute actuellement d’une nouvelle loi qui permettrait aux ultra-orthodoxes d’éviter le service militaire, suite à une décision de la Cour suprême selon laquelle de telles exemptions sont illégales et doivent prendre fin le 31 mars, date désormais reportée au 30 avril. Les partenaires d’extrême droite et ultra-orthodoxes de Netanyahou ont juré de démissionner de son gouvernement si la loi n’était pas adoptée.

Un autre arrêt de la Cour suprême ordonnant la fin des subventions gouvernementales pour les nombreux hommes ultra-orthodoxes étudiant la Torah dans des écoles religieuses au lieu de servir dans l’armée est venu s’ajouter au sentiment croissant de crise politique.

Une autre manifestation a eu lieu à Tel-Aviv où des familles d’otages et leurs sympathisants ont bloqué une autoroute principale pour protester contre le refus de Netanyahou de mener des négociations sérieuses avec le Hamas.

Les rassemblements de dimanche font suite à des manifestations organisées samedi soir à Tel-Aviv, Jérusalem, Haïfa, Be'er Sheva, Césarée et dans d’autres villes pour réclamer la libération des otages, qualifiant Netanyahou d’«obstacle à l’accord». Il est largement admis que sans accord, les otages mourront en captivité, étant donné que Netanyahou s’est engagé à lancer une invasion terrestre de Rafah, où sont piégés plus d’un million et demi de Palestiniens, pour la plupart déplacés d’autres zones de Gaza.

Amos Malka, ancien chef de la direction du renseignement militaire, a déclaré lors du rassemblement: «Si les familles savaient à quel point le fossé est mince, que Netanyahou refuse de combler par des négociations avec le Hamas, elles exploseraient».

Lors d’une conférence de presse convoquée à la hâte, peu avant son entrée à l’hôpital pour une intervention chirurgicale, Netanyahou a déclaré: «L’appel à des élections maintenant, un moment avant la victoire, paralyserait Israël pendant au moins six mois. Cela paralyserait les négociations pour la libération de nos otages, cela mettrait fin à la guerre avant que ses objectifs ne soient complètement atteints, et le premier à s’en réjouir serait le Hamas, ce qui veut tout dire». Il a insisté pour dire que l’offensive contre Rafah se poursuivrait.

Ces manifestations ont lieu dans un contexte de dislocation sociale et d’agitation croissante dues à la guerre. En février, le Bureau central des statistiques d’Israël a indiqué que l’économie israélienne (500 milliards de dollars) s’était contractée de près de 20 pour cent au dernier trimestre 2023. Cela était dû au déplacement interne de près de 200.000 personnes près des frontières d’Israël avec Gaza et le Liban, à l’appel de 360.000 réservistes (revus à la baisse en janvier), au retrait des permis de travail de 75.000 Palestiniens de Cisjordanie et 12.000 de Gaza travaillant surtout dans le bâtiment et l’agriculture, et de 15.000 travailleurs sans papiers, et à la perte de revenus vitaux venant du tourisme et des industries de haute technologie.

La Banque d’Israël a prévenu que la guerre coûterait probablement 53 milliards de dollars jusqu’en 2025, dû à l’augmentation du coût du financement de l’armée et à la perte de recettes fiscales. La semaine dernière, les lycéens ont organisé un débrayage d’une journée pour protester contre le manque de finances dans l’éducation, la pénurie d’enseignants et les négociations salariales non résolues entre le ministère des Finances et le syndicat enseignant.

Le mouvement croissant contre Netanyahou est également animé par des préoccupations concernant l’isolement croissant d’Israël sur la scène internationale et les dommages causés à la réputation du pays, même par les critiques discrètes du gouvernement Biden, rendues nécessaires par la crainte que les démocrates ne perdent des voix, en particulier parmi les jeunes, à l’élection présidentielle de novembre dans des États-charnières comme le Michigan.

Dans la mesure où le gouvernement Biden considère le chef de l’opposition et membre du cabinet de guerre Benny Gantz comme un dirigeant plus acceptable, l’opposition à Netanyahou s’est concentrée sur ses sondages prédisant une défaite pour ce dernier dans des élections législatives, et une majorité de travail de 71 sièges sur les 120 que compte la Knesset. Mais ce n’est que parce que cet ex-chef d’état-major serait plus «efficace» dans la poursuite de la guerre contre Gaza, première étape d’une guerre plus large préparée contre l’Iran et ses alliés au Liban et en Syrie, elle-même une partie des préparatifs de guerre des États-Unis contre la Chine.

L’exigence que Netanyahou et sa bande fasciste démissionnent, que soient organisées de nouvelles élections et que les otages soient libérés sont valables. Mais elles ne pourront jamais être réalisées en faisant appel à un criminel de guerre comme Gantz. Toute la carrière de celui-ci démontre son engagement en faveur du militarisme dans la poursuite des objectifs d’Israël, y compris la «solution finale» pour les Palestiniens. En lançant sa campagne électorale en 2019, Gantz s’est vanté du rôle qu’il a joué comme chef des Forces de défense israéliennes en 2014 dans la guerre de Gaza, «en renvoyant des parties de Gaza à l’âge de pierre» — une politique qu’il parachève à présent comme membre du cabinet de guerre de Netanyahou.

Il est essentiel que les travailleurs et les jeunes israéliens suivent l’exemple donné par de nombreux Juifs dans le monde et qu’ils adoptent une position déterminée contre la guerre à Gaza comme partie d’un mouvement international de masse contre le capitalisme et pour le socialisme. Cela signifie rompre avec toutes les factions de la bourgeoisie sioniste, défendre la vie des Palestiniens et pas seulement des otages, forger l’unité de la classe ouvrière palestinienne et juive dans une lutte pour le socialisme et contre leurs oppresseurs communs.

La tâche essentielle à laquelle sont confrontés les travailleurs et les jeunes est la construction de partis révolutionnaires indépendants, de sections du Comité international de la Quatrième Internationale, y compris d’une section israélo-palestinienne, afin de donner la direction politique nécessaire pour renverser l’État sioniste et les régimes bourgeois arabes et construire les États socialistes unis du Moyen-Orient.

(Article paru en anglais le 02 avril 2024)

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