À la suite de l’assassinat ciblé de sept travailleurs humanitaires de World Central Kitchen (WCK) par les Forces de défense israéliennes, la Maison-Blanche et les médias internationaux se sont mis en quatre pour convaincre tout le monde qu’un changement significatif de la politique d’Israël à l’égard des Palestiniens de Gaza était en train de se produire. L’annonce faite vendredi par le Premier ministre Benjamin Netanyahou de l’ouverture d’un nouveau point de passage pour les livraisons d’aide au nord de la bande de Gaza et de l’autorisation de livraisons temporaires à partir du port israélien d’Ashdod a été largement présentée comme un nouvel engagement humanitaire en faveur des 2,3 millions d’habitants de Gaza souffrant de la faim.
En réalité, il s’agit d’un geste qui vise à sauver la face et à étouffer l’éruption d’indignation populaire dans le monde face aux crimes de guerre barbares commis par Israël, tout en permettant à l’impérialisme américain de se poser hypocritement en force de retenue dans le génocide en cours. L’annonce de Netanyahou a été étroitement coordonnée avec Washington, quelques heures seulement après un appel téléphonique entre Biden et Netanyahou. Les médias ont présenté cet appel comme tendu, Biden étant censé insister sur l’adoption de mesures «spécifiques, concrètes et mesurables» pour atténuer la crise humanitaire. Toutefois, les principaux responsables du gouvernement Biden – notamment le porte-parole du Conseil de sécurité nationale, John Kirby – ont clairement indiqué qu’il n’y aurait aucun changement dans la fourniture d’armes à Israël et que le soutien de Washington était «inébranlable». Se référant à l’annonce faite par Netanyahou plus tard dans la journée de vendredi, Biden a déclaré sans ambages à un journaliste: «Je leur ai demandé de faire ce qu’ils font.»
L’ouverture d’un poste-frontière supplémentaire et d’une voie maritime temporaire vers Gaza est sans intérêt s’il n’y a pas de travailleurs humanitaires pour acheminer les denrées alimentaires et les fournitures médicales dont le besoin se fait cruellement sentir. La semaine dernière, les Forces de défense israéliennes ont interrompu toutes les livraisons d’aide au nord de Gaza par l’Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA). À la suite du massacre des travailleurs humanitaires, WCK, American Near East Refugee Aid (ANERA) et les Émirats arabes unis (EAU) ont suspendu leurs opérations d’aide à Gaza. WCK était censé jouer un rôle central dans le corridor d’aide maritime depuis Chypre, dont le gouvernement Biden avait vanté les mérites en mars, lorsqu’il avait annoncé son intention de construire un dock flottant au large de la côte de l’enclave. Le gouvernement chypriote a déclaré lundi qu’un navire organisé par WCK était revenu de Gaza sans décharger les 332 tonnes d’aide humanitaire qu’il transportait.
Les données du coordinateur des activités gouvernementales dans les territoires, l’agence gouvernementale israélienne qui contrôle l’accès à Gaza, révèlent que WCK était responsable de 60 pour cent des livraisons d’aide non gouvernementale à Gaza avant qu’il ne suspende ses activités. ANERA aurait livré en moyenne 150.000 repas par jour depuis octobre. Les Émirats arabes unis ont fourni 25 pour cent de l’ensemble de l’aide fournie par les pays étrangers.
D’autres organisations humanitaires encore en activité ont souligné qu’il était plus ou moins impossible de poursuivre leurs activités. «Nous partons en mission, on nous a dit que nous serions en sécurité, mais nous sommes retardés pendant des heures, notre personnel est interrogé, il est mis en danger ou tué, et ce n’est pas acceptable», a déclaré Tess Ingram, porte-parole de l’UNICEF, l’agence des Nations unies pour l’enfance.
Même si l’on accepte la propagande israélienne concernant les livraisons d’aide dans le cadre de la dernière annonce de Netanyahou, celles-ci resteront bien en deçà de ce qui est nécessaire. La radio de l’armée israélienne a indiqué que 350 camions d’aide pourraient désormais atteindre Gaza chaque jour, contre 200 actuellement. Cela ne représenterait que 70 pour cent des 500 camions d’aide qui arrivaient à Gaza chaque jour avant l’assaut israélien. L’affirmation selon laquelle 200 camions arrivent actuellement chaque jour est rejetée par des sources indépendantes, Oxfam affirmant qu’en moyenne 105 camions arrivent chaque jour à Gaza.
Depuis le début de l’attaque génocidaire d’Israël, les représentants du gouvernement n’ont jamais caché leur intention de procéder à un nettoyage ethnique de Gaza et d’utiliser la famine comme arme de guerre. Depuis la fameuse remarque du ministre de la Défense, Yoav Gallant, décrivant les Palestiniens comme des «animaux humains», jusqu’à la déclaration de l’ancien chef du Conseil national de sécurité israélienne, Giora Eiland, selon laquelle «de graves épidémies dans le sud de la bande de Gaza rapprocheront la victoire et réduiront le nombre de victimes parmi les soldats de Tsahal», et la demande du ministre des Finances, Bezalil Smotrich, pour «l’émigration volontaire des Arabes de Gaza vers les pays du monde», le régime sioniste n’a laissé aucun doute sur sa détermination à tuer une grande partie de la population de Gaza et à expulser le reste par la force.
Dans ce contexte, l’explication la plus plausible est que le massacre des travailleurs de WCK était une décision mûrement réfléchie, prise au plus haut niveau de l’État israélien, en concertation avec Washington, dans le but de saboter l’acheminement de l’aide à Gaza et d’intensifier ainsi le génocide. Les trois véhicules clairement identifiés ont été frappés séparément sur un tronçon de route de 2,4 kilomètres. Biden et Netanyahou tentent à présent de gérer les retombées diplomatiques.
Selon Oxfam, les quelque 300.000 personnes qui seraient bloquées dans le nord de la bande de Gaza survivent depuis janvier avec à peine 12 pour cent de l’apport calorique quotidien recommandé. Les 245 calories consommées en moyenne correspondent à moins d’une boîte de fèves. Pour l’ensemble de la bande de Gaza, les livraisons d’aide autorisées par Israël depuis le début de ses bombardements ne représentent que 41 pour cent des calories recommandées pour l’ensemble de la population.
Dans son communiqué de presse du 3 avril, l’organisation humanitaire note que «le gouvernement israélien connaît depuis près de vingt ans le nombre exact de calories quotidiennes nécessaires pour prévenir la malnutrition dans la bande de Gaza, en le calculant en fonction de l’âge et du sexe dans son document intitulé “Food Consumption in the Gaza Strip – Red Line” (Consommation alimentaire dans la bande de Gaza – Ligne rouge). Non seulement elle a utilisé un calcul plus élevé de 2,279 calories par personne, mais elle a également pris en compte la production alimentaire nationale à Gaza, que l’armée israélienne a maintenant pratiquement anéantie».
Les chiffres des Nations unies et du Croissant-Rouge palestinien estiment que 50.000 enfants souffrent de malnutrition aiguë. La malnutrition a coûté la vie à 31 enfants jusqu’à présent, et ce chiffre devrait augmenter à mesure que la famine s’installe. Amitabh Behar, directeur général d’Oxfam International, a déclaré ce qui devient de plus en plus évident pour des millions de personnes dans le monde: «Israël choisit délibérément d’affamer les civils. Imaginez ce que c’est, non seulement d’essayer de survivre avec 245 calories jour après jour, mais aussi de voir vos enfants ou vos parents âgés faire de même. Tout cela en étant déplacé, avec peu ou pas d’accès à l’eau potable ou à des toilettes, en sachant que la plupart des soins médicaux ont disparu et sous la menace constante des drones et des bombes.»
Les bombes fournies à Israël par l’impérialisme américain et ses alliés européens continuent de pleuvoir sur Gaza. La mort d’au moins 54 Palestiniens a été confirmée au cours des 24 dernières heures vendredi, ce qui porte le bilan officiel à 33.091 morts. Une frappe qui a démoli une maison dans le camp de réfugiés de Nuseirat, dans le centre de la bande de Gaza, a fait trois morts plus tard dans la journée. Selon les derniers chiffres de l’UNRWA, 62 pour cent des habitations de Gaza ont été détruites ou endommagées depuis le début du génocide.
Face à ces crimes horribles, les puissances impérialistes restent pleinement déterminées à participer à la «solution finale» de la question palestinienne. L’impérialisme américain soutient le génocide dans le cadre d’un plan plus large visant à mener une guerre à l’échelle de la région, avec le soutien d’Israël, contre l’Iran, dans le but de consolider sa domination sur le Moyen-Orient, riche en énergie.
Lors d’une réunion du Conseil des droits de l’homme des Nations Unies vendredi, les États-Unis et l’Allemagne ont voté contre une résolution appelant à l’arrêt des ventes d’armes à Israël. La déclaration non contraignante, adoptée par 28 voix pour, 6 voix contre et 13 abstentions, demandait également qu’Israël soit tenu pour responsable d’éventuels crimes de guerre et crimes contre l’humanité à Gaza.
Washington et Berlin ne peuvent soutenir de telles propositions, car tout véritable tribunal pour crimes de guerre devrait inclure le président Biden, le secrétaire d’État Blinken, le chancelier Scholz et la ministre des Affaires étrangères Baerbock aux côtés de Netanyahou sur le banc des accusés. Alors que le gouvernement Biden a livré plus de 100 cargaisons d’armes puissantes à Israël depuis octobre, l’Allemagne a décuplé ses livraisons d’armes à Israël après que le gouvernement fasciste de Netanyahou a lancé le génocide. Lundi et mardi prochains, la Cour internationale de justice de La Haye tiendra des audiences dans une affaire portée par le Nicaragua, qui accuse l’Allemagne de complicité de génocide en raison de ses livraisons d’armes à Israël et des déclarations de responsables gouvernementaux affirmant leur soutien inconditionnel au régime sioniste, qui massacre des civils.
(Article paru en anglais le 6 avril 2024)