Biden et le syndicat des métallurgistes battent le tambour pour une campagne anti-Chine

S’exprimant devant un parterre de responsables du syndicat de la métallurgie USW (United Steel Workers) à Pittsburgh, le président Joe Biden a annoncé le triplement des droits de douane sur les importations d’acier et d’aluminium en provenance de Chine. Cette mesure s’ajoute aux droits de douane imposés par le gouvernement Trump et que Biden a maintenus.

L’objectif principal du discours était de galvaniser le nationalisme économique et le sentiment anti-chinois, comme partie des efforts faits pour entraîner le peuple américain dans une guerre avec la Chine. Guerre qui serait encore plus terrible que celle menée actuellement par les États-Unis et l’OTAN contre la Russie en Ukraine et que le génocide israélien de Gaza.

Biden a également réitéré son opposition à la vente du trust US Steel à Nippon Steel, le principal sidérurgiste japonais: «US Steel est une entreprise américaine emblématique depuis plus d’un siècle. Elle doit rester une entreprise totalement américaine, détenue et exploitée par des Américains, par des métallurgistes syndiqués américains – les meilleurs du monde. Et c’est – c’est ce qui va se passer. Je vous le promets».

La semaine dernière, le Premier ministre japonais, Fukio Kishida, s’est rendu à Washington et a eu l’honneur de s’adresser à une session conjointe du Congrès, ainsi qu’à un dîner d’État à la Maison-Blanche. L’objectif de cette visite était de mieux intégrer le Japon, qui a tué des dizaines de millions de Chinois lors de son invasion de la Chine en 1937-1945, dans les alliances militaires de Washington contre la Chine.

Au sommet de la semaine dernière, Biden a présenté le Japon comme le partenaire le plus important des États-Unis dans le Pacifique, implicitement comme un allié dans un futur conflit avec la Chine. Au cours de la visite, il n’a pas été suggéré que le rachat de US Steel par une grande entreprise japonaise pourrait être bloqué pour des raisons de «sécurité nationale».

C’est pourtant la seule raison pour laquelle le gouvernement Biden peut bloquer cette vente, en utilisant les pouvoirs du Comité sur les investissements étrangers aux États-Unis (CFIUS), présidé par la secrétaire au Trésor Janet Yellen, qui examine ces fusions et acquisitions à grande échelle du point de vue de la sécurité nationale des États-Unis.

Un élément clé de la politique de guerre de Biden est une politique corporatiste sur le front intérieur, qui associe les entreprises américaines et la bureaucratie syndicale à l’État dans le cadre d’une alliance de temps de guerre. À la réception de la Maison-Blanche en l’honneur de Kishida, le président du syndicat automobile UAW (United Auto Workers) Shawn Fain, était l’un des invités. C’était la cinquième apparition conjointe de Biden et Fain depuis novembre, où ils s’étaient partagé la scène pour imposer aux travailleurs de l’automobile un contrat maintenant utilisé pour supprimer des milliers d’emplois.

Cette politique a également motivé la décision de Biden de dévoiler les nouveaux tarifs douaniers au siège de l’USW. Au cœur de son discours, il a placé une diatribe contre les exportations d’acier chinoises. Et affirmé, sans aucune preuve, que ces exportations étaient subventionnées par le gouvernement chinois.

«Parce que les entreprises sidérurgiques chinoises produisent beaucoup plus d’acier que la Chine n’en a besoin, elles finissent par déverser ce surplus d’acier sur les marchés mondiaux à des prix déloyalement bas», a déclaré Biden. «Et ces prix sont injustement bas parce que les entreprises sidérurgiques chinoises n’ont pas à se soucier de faire des bénéfices, car le gouvernement chinois les subventionne lourdement».

Il a résumé l’argument dans les termes les plus incendiaires, déclarant: «Ils ne sont pas en concurrence. Ils trichent. Ils trichent. Et nous en avons vu les dégâts ici, en Amérique».

D’un point de vue économique, Biden dit n’importe quoi. Si la Chine subventionnait les exportations d’acier à grande échelle vers les États-Unis, Pékin subventionnerait effectivement les entreprises américaines qui achètent de l’acier, y compris la vaste industrie américaine de l’armement, la plus importante au monde.

La quantité réelle d’acier chinois entrant actuellement aux États-Unis ne représente que 0,6 pour cent de la consommation totale d’acier. Un responsable de la Maison-Blanche a souligné ce fait pour démontrer que l’augmentation des droits de douane n’aurait pas d’effet significatif sur l’inflation. Mais cela ne fait que prouver que le triplement des droits de douane par Biden sert l’objectif politique d’attiser l’hystérie anti-chinoise.

D’un point de vue politique, le président américain lance un appel au chauvinisme national et aux préjugés anti-chinois qui dépasse même celui son prédécesseur Trump, le premier à imposer des droits de douane sur l’acier et l’aluminium chinois.

Les bureaucrates de l’USW ont bu cela comme du petit lait. Les propos anti-chinois de Biden ont été interrompus plusieurs fois par des ovations. L’USW, comme l’UAW, a été à la pointe de l’incitation au protectionnisme et au sectarisme anti-asiatique afin de masquer sa propre collaboration avec les patrons de l’acier.

Quant à une vente de US Steel à Nippon Steel, même si le résultat en était la fermeture complète de US Steel, cela représenterait bien moins de pertes d’emplois que ceux déjà éliminés par les patrons ‘américains pur-sang’ de Pittsburgh au cours des quatre dernières décennies.

Cela inclut trois des cinq complexes sidérurgiques de la région de Pittsburgh même, ainsi que des aciéries à Youngstown et Lorain (Ohio), à Granite City et dans le sud de Chicago (Illinois), à Ensley (Alabama) et d’innombrables autres installations plus petites. Au cours des 16 dernières années, US Steel est passé du huitième au vingt-quatrième rang mondial des producteurs d’acier.

En outre, la multiplication par trois des droits de douane pourrait même ne pas avoir lieu. Biden a formulé sa demande en demandant au Représentant américain au commerce d’enquêter sur «les pratiques commerciales du gouvernement chinois concernant l’acier et l’aluminium». Si l’enquête révèle des preuves, Biden «lui demandera alors d’envisager de tripler les droits de douane sur les importations d’acier et d’aluminium en provenance de Chine».

Lorsque ce processus administratif sera terminé, avec les inévitables révisions et contestations juridiques des industries consommatrices d’acier comme l’industrie automobile, l’élection présidentielle de 2024 sera déjà passée depuis longtemps. Biden sera alors soit ex-président, soit un président en fin de mandat. Sa politique en matière d’acier sera déterminée par les impératifs de la production de guerre.

Biden a ensuite suggéré d’intensifier la répression des exportations chinoises dans le secteur de la construction navale, citant son importance pour le commerce extérieur: «La construction navale est essentielle pour notre sécurité nationale, y compris pour la force de la marine des États-Unis».

En contradiction totale avec sa description de la Chine comme colosse de l’acier, de l’aluminium et de la construction navale, Biden a ensuite basculé vers une représentation délirante de l’économie américaine comme la plus forte du monde, ayant les meilleures conditions pour la classe ouvrière.

«Sous ma direction, le chômage n’a jamais été aussi bas pendant aussi longtemps en 50 ans», a-t-il déclaré, sous une nouvelle ovation des bureaucrates de l’USW. «Cela fait 50 ans. Les salaires augmentent. L’industrie manufacturière américaine est en plein essor. Nous avons créé près de 800.000 nouveaux emplois manufacturiers depuis que je suis devenu président, dont 28.000 ici même en Pennsylvanie».

Il serait tentant de dire que les seules personnes qui croient à ces balivernes se trouvent au siège de l’USW et écoutent Biden. Mais ils n’y croient pas non plus. Biden et les bureaucrates cherchent à vendre ces prétentions illusoires dans le but d’obtenir des votes. Mais de tels arguments ne font que mettre les travailleurs en colère – qui peuvent voir de leurs propres yeux l’état réel de l’emploi et du niveau de vie – et rendent même, pour certains, un Trump crédible.

(Article paru en anglais le 18 avril 2024)

Loading