Joe Biden glorifie le président de l’UAW

Shawn Fain nommé l’une des 100 personnes les plus influentes de l’année par le magazine Time et Biden

Le président Joe Biden aux côtés de Shawn Fain, président du syndicat des Travailleurs unis de l'automobile (UAW), lors de la convention politique de l’UAW, le mercredi 24 janvier 2024, à Washington [AP Photo/Alex Brandon]

Face à la colère croissante de la base face à un contrat de trahison historique qui a entraîné des milliers de licenciements, le Parti démocrate, la pseudo-gauche et les grands médias tentent de fabriquer l’image d’un président de l'United Auto Workers, Shawn Fain, qui serait le héros de la classe ouvrière américaine.

En réalité, Shawn Fain est une figure de proue des tentatives du capitalisme américain et de la Maison-Blanche de Biden d'imposer une discipline de travail aux travailleurs. Une nouvelle alliance corporatiste entre le gouvernement, la bureaucratie syndicale et Wall Street a été organisée, dont l'un des principaux objectifs est de faire la guerre.

En l'honneur de sa fonction politique de plus en plus importante, Fain a été désigné par le magazine Time comme l'une des 100 personnes les plus influentes de l'année. C'est la dernière distinction que Fain a reçue de la part de la presse bourgeoise ; CNN Business l'avait précédemment nommé «chef syndical de l'année».

C'est Joe Biden qui a rédigé la déclaration du magazine Time qui l'a promu.

Dans son court essai, Biden commence par approuver l'affirmation de Fain selon laquelle «dans ce syndicat, les membres sont la plus haute autorité. Dans ce pays, c'est le peuple qui est la plus haute autorité» et ajoute qu'il le sait parce qu'il a été «le premier président à aller sur les piquets de grève».

En fait, l'arrivée au pouvoir de Fain est le résultat d'une intervention du gouvernement américain visant à redorer le blason des dirigeants de l'UAW, sérieusement discrédités par des décennies de trahisons massives et de corruption.

Le gouvernement fédéral s'est servi d'une élection entachée d'énormes irrégularités – avec un taux de participation dérisoire de 9 % et plus de bulletins de vote marqués comme ne pouvant être livrés que de bulletins réellement soumis – pour placer Fain à la présidence du syndicat, avec le soutien de la faction «réformatrice» de la pseudo-gauche Unite All Workers for Democracy (UAWD).

Le musellement des votes a «écarté les membres», selon les termes d'un juge fédéral. En particulier, sa fonction était de censurer toute information sur la campagne du travailleur socialiste de Mack Trucks Will Lehman.

Biden ment ensuite sur le rôle de Fain, en faisant passer ce traître pour un grand leader syndical.

Il écrit : «Shawn représente le succès durement acquis par les syndicats – des Teamsters au SEIU, en passant par les scénaristes et les acteurs, les dockers et les travailleurs de la santé, les baristas, les travailleurs d'entrepôts et bien d'autres – qui ont fait de 2023 l'année des syndicats». C'est un mensonge. Chacune de ces luttes a vu l'éruption d'une énorme colère de la base contre l'appareil syndical qui, dans chaque cas, a cherché à isoler, à user et finalement à trahir la lutte des travailleurs.

En ce qui concerne les travailleurs de l'automobile, Biden a vanté les prétendues augmentations salariales «historiques» que Fain a négociées dans le cadre de la convention nationale de l'automobile de 2023.

En réalité, les augmentations de salaire minimales n'ont même pas suivi l'inflation, et encore moins compensé les concessions passées. Au terme de ce contrat de près de cinq ans, les travailleurs seront plus en retard que jamais. De plus, des licenciements massifs sont en cours, des milliers de travailleurs de Ford, General Motors et Stellantis ayant été licenciés depuis le début de l'année.

Renforcer la bureaucratie pour préparer la troisième guerre mondiale

Le fait que Biden ait fait une telle déclaration témoigne de l'extraordinaire sérieux avec lequel le gouvernement prend en compte la crédibilité de la bureaucratie syndicale pro-guerre et pro-patronale. Si Biden se donne tant de mal à mentir pour Fain, c'est parce qu'il existe une relation symbiotique entre l'appareil syndical et le gouvernement Biden.

D'une part, comme ils le font depuis des décennies, les syndicats ont loyalement réprimé la lutte des classes et étouffé les revendications des travailleurs en matière de sécurité de l'emploi et d'améliorations réelles des salaires et des conditions de travail.

L'appareil de l'UAW s'est aligné sur la campagne de guerre contre la Russie et la Chine. Son soutien à la guerre s'est manifesté par son appui donné à «Joe le génocidaire» lors de sa conférence d'action politique à Washington DC cette année, où les responsables syndicaux ont expulsé de force des manifestants pro-palestiniens hors de la salle. Du haut du podium, Biden a prononcé un discours, invoquant «l'arsenal de la démocratie» – le nom donné par les relations publiques à l'économie de guerre pendant la Seconde Guerre mondiale – déclarant qu'aujourd'hui, comme par le passé, les travailleurs américains devaient construire «des porte-avions et des chars d'assaut».

Le rôle critique de la bureaucratie dans la préparation du «front intérieur» en réprimant l'opposition de la classe ouvrière est démontré par l'élévation rapide de Fain aux plus hauts échelons politiques. Il a été l'invité d'honneur du discours de Biden sur l'état de l'Union en mars, où les menaces contre la Russie et la Chine étaient le thème principal.

Au début du mois, Fain a assisté à une réception organisée à la Maison-Blanche pour le premier ministre japonais, au cours de laquelle la question d'une alliance militaire contre la Chine était à l'ordre du jour. Il a dégusté de la côte de bœuf aux côtés de bellicistes comme Anthony Blinken et de milliardaires comme Jamie Dimon, le patron de JPMorgan Chase.

Ce week-end, il a prononcé un discours belliciste lors de la conférence de Labor Notes, dont une grande partie a été consacrée à le célébrer en tant que supposé sauveur de la classe ouvrière américaine.

Portant une veste avec la silhouette d'un bombardier et la phrase «Arsenal de la démocratie», il a qualifié les travailleurs de «plus grande armée du monde». À l'extérieur de la conférence, la police a arrêté et malmené des manifestants pro-palestiniens, tandis que les organisateurs de la conférence tentaient de verrouiller les portes.

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En contrepartie, l'administration Biden a aidé l'appareil syndical à recruter de nouveaux membres cotisants, notamment en acceptant de faire pression sur les constructeurs automobiles pour qu'ils intègrent l'UAW dans les usines de batteries pour véhicules électriques et en soutenant la campagne de syndicalisation de l'UAW dans le Sud.

Mais l'UAW n'est pas le seul syndicat dont la bureaucratie est entraînée dans le nouvel effort de guerre. La semaine dernière, Joe Biden a profité d'un discours prononcé devant des représentants du syndicat des Métallos à Pittsburgh pour annoncer le triplement des droits de douane sur les importations d'acier chinois, dernière mesure en date d'une série de mesures de guerre commerciale visant à alimenter le sentiment anti-chinois.

Le «facteur Will Lehman»

Ces développements soulignent l'importance de la campagne de Will Lehman, ouvrier socialiste de l'automobile, lors de la campagne électorale de l'UAW pour 2022.

Lors des élections, Will Lehman a été le seul candidat à exprimer les intérêts de la base. Il ne cherchait pas à réformer l'appareil de l'UAW, mais à l'abolir. Fain et Ray Curry, alors président sortant de l'UAW, représentaient tous deux cet appareil et, par extension, la direction patronale et l'État. Comme l'a déclaré Lehman lors du débat présidentiel de l'UAW,

L'UAW aime brandir le drapeau américain et dire «Only Made in USA», alors que cela nous divise. Nous avons besoin d'une unité mondiale pour faire face aux multinationales, et cette unité ne peut venir que des travailleurs qui s'organisent dans les ateliers.

Je suis socialiste, je défends un programme ouvrier [...] Ce sont tous des capitalistes. Ils vont tous travailler dans le cadre de ce que le capitalisme permet. Les travailleurs ont besoin d'organisations ouvrières pour exercer un contrôle démocratique sur la production de ces installations, d'une manière qui profite aux besoins humains et non au profit privé. En opposition à la folie du système capitaliste, nous avons besoin d'une économie planifiée, et nous avons besoin que les travailleurs contrôlent cette économie.

En réponse à une question du modérateur sur la manière dont il travaillerait avec la bureaucratie de l'UAW, Lehman a expliqué que son objectif était d'abolir l'appareil syndical et de placer le pouvoir entre les mains de la base.

Je n'ai pas l'intention d'utiliser les mêmes méthodes bureaucratiques que celles utilisées depuis des décennies. D'autres s'y sont essayés et ils échoueront. Il ne s'agit pas d'obtenir une place dans la bureaucratie [...]

Je m'adresse aux travailleurs de l'usine, car c'est là que se trouve le pouvoir [...] Il faut bien comprendre qu'il s'agit de deux couches distinctes. [...] Je ne m'adresse pas aux bureaucrates, je m'adresse aux travailleurs, où qu'ils soient, quelle que soit l'industrie, nous devons réorganiser tout cela en fonction des besoins humains, et non de ce système de profit privé.

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Fain et l'UAWD ont prétendu que ce programme ne faisait que démontrer l'inexpérience et le manque de sérieux, voire l'«anti-syndicalisme» de Lehman. Ce qu'ils voulaient dire en réalité, c'est qu'on ne pouvait pas lui permettre d'interférer avec un appareil bureaucratique qui est un élément essentiel de l'État capitaliste.

L'idée que les travailleurs puissent voter pour un socialiste a tellement terrifié l'appareil de l'UAW qu'il a délibérément censuré toute information sur l'élection, et en particulier sur la campagne de Will Lehman, auprès de la base.

Malgré le barrage de mensonges visant à chloroformer la classe ouvrière, Lehman a obtenu près de 5000 voix en 2022, en dépit du musellement systématique des votes. L'appel de Lehman en faveur d'une stratégie socialiste et internationaliste pour s'opposer à la guerre et à l'austérité continue d'obtenir un soutien significatif de la part des travailleurs de l'automobile.

Dans un article d'opinion publié dans Newsweek, Lehman évalue l'importance du contrat de capitulation de 2023 et le rôle critique que joue l'UAW dans la campagne guerrière menée par les États-Unis,

Les principales préoccupations de la Maison-Blanche et des dirigeants de l'UAW ont été de contenir les grèves des travailleurs de l'automobile dans des limites soigneusement définies et de garantir la «compétitivité» des entreprises lors de leur transition vers les véhicules électriques.

Fain et Biden craignent également qu'un mouvement de grève grandissant ne vienne contrecarrer les projets de Washington d'intensifier et de financer massivement ses guerres. Pendant la grève, Biden, Fain et le président de Ford ont tous fait l'éloge de la transformation des usines automobiles vers la production militaire pendant la Seconde Guerre mondiale.

L'intégration de l'appareil de l'UAW dans la campagne de l'administration Biden et de l'impérialisme américain dans son ensemble pour la troisième guerre mondiale montre que la lutte contre la guerre est liée au développement d'une rébellion contre l'appareil syndical corporatiste dans son ensemble.

(Article paru en anglais le 22 avril 2024)

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