Tandis que se poursuivent les arrestations de masse de manifestants anti-génocide

L’université Columbia menace de déployer la Garde nationale

Mardi soir, les dirigeants de la manifestation étudiante à l'université Columbia ont révélé que l'administration de l'université avait menacé, lors des négociations, de déployer la Garde nationale pour écraser le campement.

En annonçant les menaces proférées à leur encontre, une dirigeante étudiante a invoqué le précédent du massacre de Kent State, le 4 mai 1970, lorsque la Garde nationale de l'Ohio, déployée par la Maison-Blanche de Nixon et le gouverneur de l'Ohio, a assassiné quatre étudiants qui protestaient contre la guerre au Viêt Nam et en a blessé neuf autres. «Ne vous y trompez pas», a-t-elle déclaré, «Ils menacent de s’en prendre à leurs propres étudiants, voire de les tuer.»

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Tard dans la nuit de mardi à mercredi, Minouche (Nemat) Shafik, présidente de l'université Columbia, a envoyé un courriel aux étudiants et au corps enseignant, lançant un ultimatum pour que le camp soit évacué avant minuit, brandissant la menace implicite d'une nouvelle opération de répression.

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La menace de l'administration de Columbia, dirigée par un ancien haut fonctionnaire du FMI, fait suite à l'incitation des républicains fascistes Tom Cotton et Josh Hawley et aux calomnies d’«antisémitisme» propagées par le président Joe Biden. Joe Biden a également indiqué clairement que la Maison-Blanche coordonnait et supervisait la répression de la liberté d'expression sur les campus et au-delà.

Dans une autre provocation de l'État contre les manifestants, le président républicain de la Chambre des représentants, Mike Johnson, un partisan ouvert de la tentative de coup d'État fasciste de Trump du 6 janvier, a annoncé qu'il se rendrait mercredi sur le campus de Columbia pour s'entretenir avec des «étudiants juifs». Johnson avait auparavant qualifié les manifestations anti-guerre de «scandaleuses et anti-américaines» et de «foules enragées antisémites».

La répression à Columbia est désormais le point central d'une campagne de répression croissante de l'État, visant les opposants au génocide et à la guerre.

Mardi soir, le département de la police de New York (NYPD) a procédé à des arrestations massives de centaines de membres de Jewish Voice for Peace qui s'étaient rassemblés pour bloquer la circulation sur la Grand Army Plaza, à Brooklyn, près du domicile du sénateur démocrate Chuck Schumer. Une grande banderole a été déployée au centre de la place : «Personne n'est libre tant que tout le monde ne l'est pas. Les Juifs disent : “Arrêtez d'armer Israël”.»

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Lundi soir, la police de New York a arrêté plus de 120 étudiants et professeurs de l'université de New York, qui demandaient la fin de la complicité de l'université dans le génocide. Le «groupe d'intervention stratégique» du NYPD a été mobilisé, les policiers se sont présentés en tenue anti-émeute, ont battu des manifestants et ont utilisé du gaz poivré contre au moins un membre de la presse étudiante.

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À l'instar de Columbia, NYU a été transformée en forteresse policière, avec des policiers postés sur tout le campus. Mardi matin, la place Gould a été barricadée par une rangée de contreplaqué verticale et des barricades de police.

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Faisant écho à la ligne du président Joe Biden et des républicains d'extrême droite, la présidente de l'université de New York, Linda G. Mills, a justifié l'intervention de la police militarisée de New York auprès de ses propres étudiants et enseignants en raison de la «haine», des «perturbations», des «slogans intimidants et de plusieurs incidents antisémites».

Comme le World Socialist Web Site l'a souligné à maintes reprises, les calomnies d’«antisémitisme» dirigées contre les opposants à la guerre est un tissu de mensonges et une déformation orwellienne de la réalité. «La fausse identification de l'opposition au génocide à l'antisémitisme vise à criminaliser toute opposition aux crimes de l'impérialisme et du capitalisme», a écrit le WSWS. «La cible n'est pas seulement les opposants au génocide à Gaza. Fondamentalement, l'objectif est d'anticiper l'émergence et de préparer la répression violente d'un mouvement beaucoup plus large contre la guerre et le capitalisme parmi les jeunes et, surtout, au sein de la classe ouvrière.»

La répression s'intensifie également dans d'autres régions du pays. Près de 50 étudiants manifestants à l'université Yale à New Haven (Connecticut) ont été arrêtés lundi, tandis que neuf étudiants qui faisaient partie d'un campement pro-palestinien à l'université du Minnesota ont été arrêtés mardi matin. L'université Harvard aurait été transformée en forteresse policière et le comité de solidarité avec les Palestiniens de Harvard, qui a organisé toutes les grandes manifestations sur le campus, a été suspendu.

En réponse à ces attaques flagrantes contre la liberté d'expression, des campements de solidarité, des occupations et des manifestations continuent d'émerger sur les campus et dans les rues de tout le pays.

Les protestations se développent également au niveau international. En Italie, des étudiants ont manifesté mardi pour soutenir les protestations à l'université Columbia.

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Lundi, le WSWS s'est entretenu avec des manifestants à l'Université de New York, peu avant la répression policière. Jennifer, qui étudie la politique, a déclaré au WSWS : «Ils répriment la liberté. Le recours aux forces de police n'est jamais pour nous. C'est parce que le gouvernement soutient le génocide et en est complice. Nous ne sommes pas officiellement en guerre mondiale, mais ce qui se passe s'y apparente.»

Un autre étudiant, qui a souhaité garder l'anonymat, a expliqué : «À l'université de New York, nous sommes aux côtés des étudiants de l'université Columbia pour défendre leurs droits. La liberté d'expression est en train d'être supprimée dans toute l'Amérique. Je n'ai jamais manifesté de ma vie, mais après avoir vu ce qui se passait à Columbia, j'ai voulu participer à la manifestation ici. Le génocide est injuste et il n'y a pas de mots pour décrire la situation à Gaza. Le monde entier est en deuil. Les États-Unis sont complices.»

Mardi après-midi, après la répression policière de lundi soir, plusieurs centaines d'étudiants et de professeurs de l'université de New York ont participé à une manifestation dans le parc de Washington Square pour s'opposer au génocide et à l'attaque contre les droits démocratiques.

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Mardi après-midi, à l'université du Minnesota, un millier d'étudiants et d'enseignants se sont rassemblés pour une manifestation d'urgence à la suite de l'arrestation, dans la matinée, d'étudiants participant à un campement de solidarité avec Gaza.

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À Columbia, le campement de solidarité avec Gaza s'est étendu sur le campus depuis les arrestations de la semaine dernière. Mardi, de grandes foules d'étudiants et de professeurs ont manifesté.

Le campement de solidarité avec Gaza sur le campus de l'université Columbia, le 23 avril 2024.

Catherine, étudiante diplômée en affaires internationales à Columbia, s'est adressée à une équipe de l'International Youth and Students for Social Equality (IYSSE) au campement mardi.

Quiconque tente d'isoler la Palestine ou toute autre lutte de libération de l'écosystème plus large des peuples opprimés, des luttes de la classe ouvrière contre le capitalisme, contre ces forces qui cherchent à opprimer et à marginaliser notre peuple, ne suit pas les principes de notre mouvement. Parce que la Palestine, si elle est notre boussole, si elle est une lutte de libération qui doit être gagnée pour parvenir à la libération de tous les peuples, n'est pas une lutte isolée, mais une lutte qui est profondément imbriquée avec les peuples de la classe ouvrière partout dans le monde.

Nous voyons les étudiants travailleurs commencer à s'organiser d'une manière que nous n'avions pas vue sur ce campus depuis des années. [...] Je pense donc qu'il y a, au moins dans mon environnement immédiat ici à Columbia, beaucoup d'élan dans l'idée d’un débrayage de la main-d'œuvre dans les universités, dans ce qui permet aux lieux de travail de fonctionner ici. C'est l'un des leviers de pouvoir qui est absolument nécessaire pour que nous puissions négocier des revendications telles que le désinvestissement, l'amnistie, la fin des déplacements, etc.

Un autre étudiant de Columbia, qui a demandé à rester anonyme, a déclaré à l'IYSSE :

Je pense que le Parti démocrate est tout aussi complice, d'une certaine manière plus insidieuse, que le Parti républicain lorsqu'il s'agit de la question de la Palestine. Je me souviens avoir été très choquée lorsque j'ai déménagé pour la première fois en Palestine il y a des années, et qu'un de mes amis a dit (c'était lorsque je suis revenue après la première élection de Trump), honnêtement, nous préférons Trump à Obama. Et j'ai dit : «De quoi tu parles ? Il m'a dit : «Au moins, Trump nous trompe ouvertement. Obama le fait dans notre dos. [...] J'ai réfléchi à son commentaire au fil des ans, et je pense qu'il est très emblématique de la façon dont ces partis fonctionnent.

Si je suis aux États-Unis en novembre, je ne voterai pas pour Biden. Je pense qu'il s'agit d'une dynamique que nous voyons se manifester de manière anecdotique ici à Columbia, avec des commentaires du type : si ce n'est pas Shafik qui est notre président actuel, ce sera quelqu'un de pire, quelqu'un d'encore plus sioniste. Et je pense que c'est la même chose que ce que nous entendons dire à propos de Biden, l'argument du «moindre mal». Les gens adorent cela. Je dirais qu'il est grand temps que les gens réalisent que l'argument du «moindre mal» n'est plus tenable. Parce qu'il nous permet de rationaliser, d’accepter en quelque sorte le fait que nous sommes obligés de choisir entre ces deux partis. Et je pense que tant que nous considérerons que nous n'avons pas d'autre choix, nous ne pourrons pas commencer à exister en dehors du système bipartite.

Une partie importante du corps enseignant de Columbia s'est fortement mobilisée pour défendre les étudiants. Lundi, plus de 100 professeurs ont débrayé pour soutenir les étudiants, et plus de 100 professeurs non titulaires de Columbia, Barnard et Teachers College ont publié une déclaration publique à l'intention des étudiants :

Face à ces événements, nous sommes à vos côtés. Vous devriez pouvoir exprimer vos opinions et participer à des manifestations pacifiques sur le campus, notamment dans les espaces publics. Vous ne devez certainement pas craindre d'être sanctionnés pour vos opinions politiques. Vous ne devriez pas être effrayés par le fait que la police s'aligne aux portes, prête à déferler sur notre campus à l'invitation de l'administration.

Mardi, 18 membres du département de sociologie de l'université de Columbia ont publié une déclaration dénonçant les arrestations de la police de New York :

La décision d'appeler la police sur le campus a également violé le principe important de la protection de la liberté d'expression sur le campus. Si l'on ajoute à cela le témoignage de la présidente Shafik et des membres du conseil d'administration devant le Congrès, dans lequel ils n'ont pas défendu les valeurs essentielles de la liberté académique, l'action de la police ressemble à une capitulation devant des forces extérieures à l'université qui voudraient restreindre la liberté académique et la liberté d'expression.

Les enseignants ont demandé à l'université «d'annuler immédiatement ces suspensions» et ces expulsions et ont annoncé qu’«en tant que membres de la faculté du département de sociologie, nous continuerons à ouvrir nos cours à ces étudiants, nous noterons leurs examens et leurs travaux et nous leur donnerons des notes finales dans nos cours afin qu'ils puissent recevoir des crédits».

Mardi, une déclaration vidéo faite par un membre de l'IYSSE à Columbia a souligné la nécessité de faire appel à la classe ouvrière et de la mobiliser :

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Dans la mesure où le mouvement contre le génocide ne rompt pas ouvertement avec le Parti démocrate et ne s'enracine pas dans la classe ouvrière, il risque d'être isolé, d’être détourné politiquement et de devenir une cible facile pour la répression étatique.

Nous exhortons donc les étudiants : tournez-vous vers la classe ouvrière internationale ! Mobilisez le soutien des enseignants, des travailleurs de la santé, de l'automobile, de la logistique et des transports en commun ! Rompez avec la politique capitaliste du Parti démocrate !

Et nous exhortons les travailleurs : prenez la défense des étudiants ! L'attaque contre leurs droits démocratiques est une attaque contre l'ensemble de votre classe.

Tout dépend maintenant de la fusion de la lutte contre le génocide, la guerre impérialiste et l'attaque contre les droits démocratiques avec le développement de la lutte des classes et la construction d'une direction révolutionnaire dans la classe ouvrière.

(Article paru en anglais le 24 avril 2024)

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