Le Premier ministre Justin Trudeau a annoncé la semaine dernière que son gouvernement suivait les traces des États-Unis et imposait des droits de douane de 100 % sur tous les véhicules électriques (VE) fabriqués en Chine. Cette mesure, qui doublerait le coût des VE et des véhicules hybrides importés de Chine, a été couplée à l'imposition de droits de douane de 25 % sur l'aluminium et l'acier chinois.
En annonçant les nouveaux droits de douane, Trudeau s'est posé en défenseur des «travailleurs canadiens». En réalité, ces taxes sont motivées par les intérêts et les ambitions prédatrices de l'impérialisme canadien et sont coordonnées avec Washington, son principal partenaire, pour réaffirmer l'hégémonie mondiale de l'impérialisme nord-américain par l'agression et la guerre.
Lors du sommet de l'OTAN de juillet, le communiqué final approuvé par les 32 membres, y compris le Canada, a dénoncé la Chine comme un «soutien décisif à la guerre de la Russie contre l'Ukraine». Les menaces de plus en plus belliqueuses de l'OTAN à l'encontre de Pékin et la coopération plus étroite avec des rivaux régionaux comme le Japon, la Corée du Sud et l'Australie visent à préparer la guerre dans le cadre de la campagne des puissances impérialistes visant à rediviser le monde. Les impérialistes jugent nécessaire d'empêcher l'émergence de la Chine en tant que concurrent économique dans les décennies à venir, en particulier dans les secteurs clés de l'«énergie propre» tels que les VE. Ils sont également déterminés à s'assurer la domination sur les matières premières nécessaires à leur production, ainsi que sur les armements et les systèmes d'armes avancés.
Trudeau a affirmé qu'il était nécessaire de doubler le coût des VE en provenance de Chine pour «mettre les travailleurs canadiens sur un pied d'égalité». Il s'est plaint que «des acteurs comme la Chine ont choisi de se donner un avantage injuste sur le marché mondial, compromettant la sécurité de nos industries essentielles et déplaçant les travailleurs canadiens dévoués de l'automobile et de la métallurgie. Nous prenons donc des mesures pour remédier à cette situation».
L'annonce de Trudeau a été faite lors d'une retraite du cabinet du Parti libéral à Halifax, en Nouvelle-Écosse, à laquelle a participé le conseiller à la sécurité nationale du président Joe Biden, Jake Sullivan, qui se rendait à Pékin pour des entretiens. Sullivan a déclaré aux journalistes que les États-Unis espéraient que le Canada et ses autres alliés adoptent une approche coordonnée pour nuire à la vente de véhicules électriques chinois. Pékin a réagi aux mesures prises par Ottawa en annonçant une enquête sur d'éventuels droits de douane sur le canola, l'un des principaux produits d'exportation du Canada.
Les mesures canadiennes de guerre commerciale contre la Chine – qui sont fortement soutenues par les conservateurs et les alliés gouvernementaux des libéraux au sein du Nouveau Parti démocratique – font partie intégrante de l'implication de plus en plus profonde du Canada dans les préparatifs économiques et militaires de l'impérialisme américain en vue d'une guerre avec la Chine. Fin juillet, un navire de guerre canadien a traversé le détroit de Taïwan dans le cadre d'une provocation militaire contre la Chine, une action menée en étroite coordination avec le Pentagone. Le gouvernement Trudeau, à la demande de l'establishment militaire et des milieux de la politique étrangère, a fait pression pour étendre la présence militaire du Canada en Asie-Pacifique, tout en menant un vaste programme de réarmement militaire afin qu'Ottawa puisse jouer un rôle majeur, comme il l'a fait lors des deux guerres mondiales impérialistes du siècle dernier, dans une guerre mondiale qui se développe rapidement.
Au cours des 18 derniers mois, la vie politique officielle du Canada a été dominée par un tollé provoqué par les agences de renseignement et amplifié par les médias bourgeois au sujet des supposés efforts chinois pour «subvertir» la démocratie canadienne. Les principaux objectifs de cette agitation ont été de forcer le gouvernement Trudeau à adopter une position encore plus dure à l'égard de Pékin, d'empoisonner les attitudes populaires à l'égard de la Chine et de délégitimer le sentiment d'opposition à la guerre.
Alors que les ventes de VE fabriqués par des entreprises basées en Chine n'ont pas encore décollé au Canada, l'entreprise américaine Tesla importe dans le pays des voitures fabriquées dans son usine géante de Shanghai depuis 2023. Les droits de douane, qui entreront en vigueur le 1er octobre, devraient obliger Tesla à transférer la production des exportations vers le Canada dans ses usines aux États-Unis ou en Europe.
Le véhicule le moins cher proposé par la société chinoise BYD coûte un peu plus de 14.600 dollars canadiens, tandis que les VE actuellement disponibles au Canada commencent à 40.000 dollars canadiens.
Le gouvernement canadien, en collaboration avec les gouvernements provinciaux de l'Ontario et du Québec, a déboursé 53 milliards de dollars canadiens sous forme d'incitations et de subventions pour encourager les constructeurs automobiles mondiaux à implanter dans le pays des activités liées aux véhicules électriques, de la fabrication des batteries à l'assemblage final.
Stellantis, en partenariat avec LG, construit actuellement une usine de batteries pour véhicules électriques à Windsor, en Ontario, avec 15 milliards de dollars de fonds publics promis, tandis que 13 milliards de dollars doivent être remis à Volkswagen pour construire sa propre usine de batteries à St. Thomas (Ontario). Enfin, 7 milliards de dollars ont été offerts à Northvolt pour la construction d'une usine de batteries au Québec.
Grâce à ces subventions publiques massives et aux nouveaux droits douaniers, la bourgeoisie canadienne espère s'imposer comme un acteur majeur de l'industrie mondiale émergente des véhicules électriques, alors même que les constructeurs automobiles transnationaux – notamment les Trois Grands : Ford, GM et Stellantis – restructurent leurs opérations, fermant des usines et supprimant des emplois pour accroître leur rentabilité.
Ce programme est soutenu par les libéraux, les néo-démocrates, les conservateurs, le Bloc québécois et les Verts. Unifor, le principal syndicat des travailleurs de l'automobile, et l'ensemble de la bureaucratie du Congrès du travail du Canada l'appuient également sans réserve. Les syndicats ont fait pression sur le gouvernement Trudeau pour qu'il ouvre le robinet et offre aux constructeurs automobiles les montants qu'ils demandent pour construire de nouvelles usines ou réoutiller leurs usines actuelles. Cela va de pair avec l'imposition aux travailleurs de conventions collectives remplies de reculs, afin d'attirer les investissements et de protéger la «compétitivité mondiale» du capitalisme canadien.
Les syndicats sont pleinement intégrés aux plans de guerre de l'impérialisme canadien et participent à la conspiration transfrontalière avec l'administration Biden-Harris pour étouffer la lutte des classes dans toute l'Amérique du Nord. De hauts responsables d'Unifor et du CTC ont tenu des réunions à huis clos avec des représentants des gouvernements Trudeau et Biden pour discuter de leurs efforts à l'échelle de l'Amérique du Nord pour étouffer l'opposition des travailleurs à leur programme commun d'austérité et de guerre.
Les déclarations de personnalités comme Lana Payne, présidente d'Unifor, vont dans le sens de la position adoptée par Shawn Fain, président de l’UAW (syndicat des Travailleurs unis de l’automobile), qui a pris l'habitude d'apparaître en public avec des t-shirts représentant des bombardiers B-52 et d'invoquer «l'arsenal de la démocratie» pour souligner le soutien de son syndicat à la politique de guerre mondiale de Washington. Il fait référence au rôle des syndicats qui s’efforçaient d’étouffer l'opposition de la classe ouvrière pendant la Seconde Guerre mondiale, afin que l'impérialisme américain ait la paix sur le front intérieur alors qu'il luttait sauvagement contre ses rivaux impérialistes pour la domination du monde. Cela illustre parfaitement le rôle que l'UAW et Unifor ont l'intention de jouer dans la troisième guerre mondiale qui se profile rapidement, au nom de la classe dirigeante de Washington et d'Ottawa.
«Le Canada peut et doit protéger les emplois dans l'industrie automobile et manufacturière de ce pays, dont des milliers de travailleurs dépendent pour leur subsistance», a déclaré Payne dans un communiqué saluant les nouveaux droits de douane. «Rien ne justifie l'abandon d'emplois hautement qualifiés et bien rémunérés au profit de véhicules bon marché à forte intensité de carbone, construits dans des conditions de travail déplorables. Notre syndicat se félicite des droits de douane canadiens qui s'alignent sur ceux des États-Unis pour présenter un front uni en faveur du secteur automobile et des communautés qui en bénéficient. Nous devons tous nous rappeler que le bon marché a un coût très élevé : un coût pour les bons emplois et les communautés du Canada.»
Payne et ses collègues bureaucrates syndicaux se font les champions d'un «front uni» avec des gouvernements qui se préparent à la guerre avec la Chine, soutiennent à fond le génocide des Palestiniens et ont déclenché une guerre sanglante avec la Russie, qu'ils ne cessent d'intensifier. Ils cherchent à opposer les travailleurs canadiens à leurs frères et sœurs chinois dans un nivellement par le bas, tout en offrant leur main-d'œuvre aux géants mondiaux de l'automobile pour qu'ils l'exploitent. Ce nationalisme empoisonné attise les flammes de la fièvre guerrière que toutes les grandes puissances encouragent.
Au lieu de cela, les travailleurs doivent lutter pour s'unir avec les autres travailleurs au niveau international, qui sont exploités par les mêmes conglomérats transnationaux et font face à la même menace d'être entraînés dans la guerre. Les alliés des travailleurs canadiens de l'automobile ne se trouvent pas parmi les patrons canadiens et leurs représentants politiques au Parlement, mais parmi les travailleurs aux États-Unis, en Chine, en Europe et partout ailleurs. Ensemble, ils doivent mener une lutte commune contre la guerre impérialiste et pour garantir des emplois de qualité et des services publics pour tous grâce à la réorganisation de l'économie mondiale selon des principes socialistes.
(Article paru en anglais le 5 septembre 2024)