Trump et Hegseth purge la direction du Pentagone pour préparer la guerre et la répression de masse

Le président américain Donald Trump a limogé le président de l'état-major interarmées, le général Charles Q. Brown, et cinq autres hauts responsables militaires, dans le cadre d'une purge annoncée soudainement vendredi en fin de journée. Les cinq autres sont l'amirale Lisa Franchetti, chef des opérations navales et membre de l'état-major interarmées, le général James Slife, vice-chef de l'armée de l'air, et les avocats militaires en chef de l'armée de terre, de la marine et de l'armée de l'air, connus sous le nom de juges adjudants généraux (JAG).

Le président de l'état-major interarmées, le général C. Q. Brown [AP Photo/Alex Brandon]

Trump a déclaré qu'il remplacerait Brown par un général de l'armée de l'air récemment retraité, Dan Caine, qui a passé les trois dernières années en tant que principal agent de liaison militaire à la CIA, après une carrière axée sur le commandement des forces d'opérations spéciales, l'aile de l'armée spécialisée dans les assassinats et les opérations secrètes. Caine a pris sa retraite en tant que général trois étoiles et non quatre étoiles, et pourrait avoir besoin d'une dérogation du Congrès concernant les qualifications requises pour devenir président de l'état-major interarmées.

Les déclarations de Trump et de son secrétaire à la Défense récemment confirmé, Pete Hegseth, remercient Brown, Franchetti et Slife pour leur « service et leur dévouement à notre pays », mais Hegseth avait attaqué Brown et Franchetti en les qualifiant d'«embauches DEI » dans un livre publié l'année dernière, affirmant qu'il ne savait pas s'ils avaient été promus en raison de leur « race » et de leur genre ou de leurs compétences militaires réelles.

Hegseth a certainement été l'élément moteur de la révocation des trois JAG, car il s'est montré un féroce opposant à tout effort visant à demander des comptes aux soldats et aux officiers pour les crimes de guerre. Seule une poignée d'affaires ont été portées devant le système juridique militaire, qui est géré par les JAG, mais Hegseth a utilisé sa position d'animateur sur Fox News pendant le premier mandat de Trump pour faire pression en faveur de l'annulation des procédures judiciaires ou de la délivrance de pardons purs et simples pour les soldats qui ont commis des actes de meurtre, dans certains cas si flagrants que leurs propres unités les ont dénoncés pour qu'ils soient poursuivis en justice.

Lors de l'annonce de la sélection du général Caine comme prochain président de l'état-major interarmées, Trump a cité le rôle de Caine dans les dernières étapes de la guerre menée par les États-Unis contre l’État islamique au cours de son premier mandat. Il a affirmé que lors d'une visite présidentielle aux forces américaines en Irak, le général Caine avait promis la victoire en une semaine plutôt qu'en plusieurs années et qu'il avait porté une casquette MAGA : des affirmations contestées par d'autres responsables présents à cette visite.

Le New York Times a rapporté dimanche soir :

M. Trump a révélé une autre raison pour son choix non conventionnel. Il a déclaré que le général Caine n'avait pas été retenu par le président Joseph R. Biden Jr pour une promotion, une affirmation que ne pouvaient commenter les responsables de Biden. Des collaborateurs affirment que, dans l'esprit de Trump, ce qu’il voit comme un refus est à accueillir, et cela prouve que le général Caine n'a pas de loyauté particulière envers l'administration précédente.

Quels que soient les détails, il est clair que l'objectif principal de la purge des dirigeants du Pentagone est de renforcer le contrôle personnel de Trump sur l'appareil militaire. Elle fait suite à la prestation de serment de son larbin politique Hegseth, un ancien capitaine de l'armée de terre déployé en Irak, en Afghanistan et au centre de torture de Guantanamo Bay, mais sans expérience de commandement supérieur, en tant que secrétaire à la Défense. Comme l'écrivait le WSWS au moment de l'audience de confirmation de Hegseth :

De tous les candidats nommés par Trump, les politiques de Hegseth sont peut-être les plus ouvertement fascistes. Il a ouvertement défendu les crimes de guerre et préconisé l'utilisation de l'armée contre les opposants politiques nationaux. La nomination de Hegseth est une démonstration du mépris total de Trump pour tout contrôle constitutionnel de son utilisation de la force militaire, que ce soit à l'intérieur du pays ou à l'étranger.

Trump remodèle le commandement du Pentagone sur la base de deux épisodes critiques survenus au cours de la dernière année de son premier mandat : les manifestations de masse qui ont suivi le meurtre policier de George Floyd à Minneapolis en mai 2020, et l'attaque du 6 janvier 2021 contre le Capitole.

Dans le premier cas, Trump est entré en conflit avec le secrétaire à la Défense de l'époque, Mark Esper, et le général Mark Milley, prédécesseur de Brown à la tête de l'état-major interarmées, au sujet de sa menace d'invoquer la loi sur l'insurrection de 1807 et de déployer des troupes de l'armée contre les manifestations George Floyd. Esper et Milley se sont opposés à ce recours à l'armée et, comme l'a rapporté le Times dimanche soir, « Trump a été contrarié par le fait que le général a prêté serment d'allégeance à la Constitution, et non à lui. Leur relation n'a plus jamais été la même. »

Brown a fait sa propre déclaration sur les manifestations George Floyd dans un message vidéo adressé aux troupes qu'il commandait, exprimant sa sympathie pour les Afro-Américains victimes de violences policières et évoquant ses propres expériences de discrimination, y compris dans l'armée. Le Times a rapporté que des conseillers de Trump ont cité cette vidéo pour expliquer la méfiance de Trump à l'égard de la loyauté politique du général.

En ce qui concerne le 6 janvier, alors que Trump a pu retarder le déploiement des troupes de la Garde nationale au Capitole pendant plus de trois heures, grâce aux efforts de loyalistes au Pentagone tels que le secrétaire à la Défense par intérim Christopher Miller et son principal assistant Kash Patel, désormais assermenté en tant que directeur du FBI, il a sans aucun doute estimé que le général Milley et d'autres personnes, y compris peut-être le général Brown, alors chef d'état-major de l'armée de l'air, s'étaient opposés à sa tentative de coup d'État.

Milley a confirmé par la suite qu'il avait craint, tout au long de la transition entre la victoire électorale de Biden en novembre 2020 et l'investiture en janvier 2021, que Trump ne tente de se maintenir au pouvoir par la force.

Le général Brown exécutait les instructions de Trump sur la militarisation de la frontière entre les États-Unis et le Mexique et se trouvait actuellement à El Paso, au Texas, pour inspecter le déploiement des troupes lorsque Hegseth lui a téléphoné pour lui annoncer qu'il était limogé. Mais Trump était clairement déterminé à préparer l'armée américaine à être utilisée comme une force de répression de masse à l'intérieur du pays, en violation de la loi Posse Comitatus, qui interdit l'utilisation de soldats dans un rôle de police intérieure.

Les licenciements au Pentagone ont suscité des critiques de la part des démocrates du Congrès et de certains médias, mais celles-ci portaient essentiellement sur l'attaque de Trump contre les politiques de diversité, d'équité et d'inclusion (DEI), et non sur la menace plus large pour les droits démocratiques découlant de l'utilisation de l'armée sur le territoire des États-Unis.

Le sénateur Jack Reed, principal démocrate de la commission des forces armées, a formulé ses critiques dans ce contexte, en publiant une déclaration qui disait :

Renvoyer des dirigeants en uniforme comme une sorte de test de loyauté politique, ou pour des raisons liées à la diversité et au genre qui n'ont rien à voir avec les performances, érode la confiance et le professionnalisme dont nos militaires ont besoin pour mener à bien leurs missions.

Adam Smith, représentant de Washington et principal démocrate de la commission des forces armées de la Chambre des représentants, a qualifié le licenciement de Brown de « totalement injustifié », dans une déclaration publiée sur X/Twitter. « Un chef intelligent et compétent remplacé par un trois étoiles à la retraite ? L'Amérique est affaiblie une fois de plus. »

Le sénateur Tim Kaine de Virginie, colistier d'Hillary Clinton à la vice-présidence en 2016, a qualifié ces licenciements de « sans raison, par pure mesquinerie ». Il a poursuivi en ces termes :

Au lieu de se concentrer sur des mesures visant à garantir que notre armée reste la plus létale au monde face aux menaces globales, y compris de la Chine, le président Trump et le secrétaire Hegseth prennent des mesures qui rendent les Américains moins sûrs.

En ce qui concerne les opérations à l'étranger de l'armée américaine, le licenciement par Hegseth des trois principaux avocats militaires en uniforme, le lieutenant-général Joseph B. Berger III, le lieutenant-général de l'armée de l'air Charles Plummer et le contre-amiral Lia Reynolds, est particulièrement inquiétant. Selon les médias, Hegseth n'a eu aucun contact avec ces officiers depuis qu'il a prêté serment, et leurs supérieurs n'ont pas été prévenus qu'ils allaient être démis de leurs fonctions.

Renvoyer les juristes qui élaborent les lignes directrices relatives à ce qui est admissible en temps de guerre, sur la base du droit américain et international, revient à déclarer que ces lignes directrices, même si elles sont actuellement largement ignorées, seront entièrement supprimées. Comme l'a déclaré Hegseth lors de son audition de confirmation, lorsqu'on lui a demandé si les conventions de Genève s'appliqueraient aux opérations militaires américaines :

Une politique de sécurité nationale axée sur l'Amérique ne va pas confier ses prérogatives à des organismes internationaux qui prennent des décisions sur la manière dont nos hommes et nos femmes prennent des décisions sur le champ de bataille.

(Article paru en anglais le 24 février 2025)

Loading