À Gaza, Israël a enterré au bulldozer les corps de Palestiniens non identifiés dans des fosses communes

Des Palestiniens traversent les ruines laissées par l’offensive aérienne et terrestre israélienne dans la ville de Gaza, vendredi 5 décembre 2025. [AP Photo/Abdel Kareem Hana]

Mercredi, CNN a publié les résultats d’une enquête révélant que des bulldozers israéliens avaient charrié des cadavres palestiniens, les poussant dans des fosses communes près du point de passage de Zikim; des dizaines de victimes non identifiées ont ainsi été ensevelies dans le sable de Gaza.

Cette enquête, de même que de précédents reportages sur des ensevelissements massifs de Palestiniens inconnus, révèlent des preuves de crimes de guerre commis par l’armée israélienne avec le soutien total de l’impérialisme américain et européen et la complicité des régimes bourgeois arabes.

L’enquête, publiée le 3 décembre, retrace le sort des Palestiniens portés disparus alors qu’ils tentaient de rejoindre des convois d’aide humanitaire indispensables près du point de passage de Zikim, au nord de Gaza. Le passage de Zikim est le principal point d’entrée vers le nord de la bande de Gaza le long de la frontière avec Israël.

Grâce à l’analyse de vidéos, de photos, d’images satellites et d’entretiens avec des conducteurs et des témoins locaux, le reportage établit que les forces israéliennes ont utilisé des bulldozers militaires pour enfouir les corps dans la terre, créant ainsi des tombes non signalées ou à peine marquées le long du corridor humanitaire.

L’investigation relie ces scènes à un schéma plus large de profanation; elle documente le nivellement de cimetières et la destruction de tombes de fortune dans tout Gaza au fur et à mesure de l’avancée des forces terrestres israéliennes. Les habitants décrivent des zones où les morts sont restés plusieurs jours sous un feu constant, inaccessibles aux ambulances, avant que les bulldozers n’arrivent pour dégager la route et recouvrir les corps.

L’image qui se dégage n’est pas celle de «dommages collatéraux» mais d’une politique délibérée de la terreur, où les Palestiniens sont privés non seulement de la vie, mais aussi du droit le plus élémentaire d’être identifiés et pleurés par leur communauté et leurs proches.

Les fosses creusées par bulldozer près de Zikim rejoignent une seconde réalité tout aussi horrifiante: les milliers de disparus de Gaza dont les corps n’ont jamais été identifiés. Fin octobre, le New York Times avait documenté un enterrement de masse dans le centre de Gaza, où 54 corps rendus par Israël ont été inhumés ensemble, faute de pouvoir être identifiés individuellement.

Le personnel hospitalier a décrit des restes arrivant avec des étiquettes numérotées et des informations minimales, dépassant leur capacité limitée à effectuer un travail médico-légal sous les bombardements et le siège. Les familles, selon le Times, fouillaient les hôpitaux et les cimetières de fortune à la recherche du moindre indice sur leurs proches, souvent avec pour seul repère un numéro ou une description fragmentaire.

Le mélange de bombardements d’intensité extrême, d’effondrement des infrastructures médicales et de fosses creusées au bulldozer a produit une situation où d’innombrables Palestiniens disparaissent littéralement dans le sable, leur sort n’étant connu que de façon très générale: tués en cherchant de la nourriture, tués en fuyant, tués chez eux puis enterrés dans une fosse creusée par un engin israélien. Cela n’est pas un hasard mais une méthode de terreur et de meurtre de masse visant à effacer à la fois la mémoire et les preuves.

Le droit humanitaire international, codifié dans les Conventions de Genève et leurs protocoles additionnels, impose des obligations claires concernant le traitement des morts. Les parties à un conflit doivent rechercher, récupérer et respecter les corps des personnes tuées, les protéger de toute profanation et faciliter leur identification ainsi qu’un enterrement digne, avec transmission des informations aux familles par des canaux neutres.

Le droit coutumier condamne également les atteintes à la dignité humaine, ce qui, en pratique, s’étend au traitement des corps et des sépultures.

Enfouir des cadavres dans des fosses non signalées à l’aide de bulldozers, détruire des cimetières ou laisser des corps exposés là où les familles ne peuvent pas les atteindre sans danger constitue une violation flagrante de ces lois. Lorsque de telles pratiques s’inscrivent dans le cadre de tueries indiscriminées ou ciblées de civils et d’une campagne de déplacement massif, elles constituent des crimes de guerre.

Les preuves de tels actes peuvent et doivent faire partie intégrante des arguments juridiques et politiques invoqués pour condamner les crimes contre l'humanité et le génocide. Le traitement réservé aux morts à Gaza par le gouvernement et l'armée sionistes est indissociable des attaques systématiques menées contre les vivants.

Depuis octobre 2023, l’État israélien mène une campagne qui a dévasté la bande de Gaza et tué des dizaines de milliers de personnes, en majorité des femmes et des enfants. Des quartiers entiers ont été rayés de la carte par des frappes aériennes et d’artillerie, des tours d’habitation, des écoles, des marchés et des camps de réfugiés ont été pulvérisés lors d’attaques qui ne sauraient être justifiées par une distinction sérieuse entre combattants et civils.

Des hôpitaux et cliniques – Shifa, Al-Quds, Nasser et bien d’autres – ont été à maintes reprises pris pour cibles, assiégés et attaqués, sur la base d’allégations non étayées qu’ils serviraient d’«infrastructure terroriste». Jamais Israël ni son parrain à Washington n’ont produit la moindre preuve que les établissements médicaux de Gaza aient été utilisés à cette fin.

Parallèlement, des zones que l’État israélien lui-même avait désignées comme «zones sûres» ou des corridors d’évacuation ont été bombardés et pilonnés de façon répétée, provoquant des massacres parmi ceux qui avaient obéi aux ordres d’évacuation. Et l’étranglement délibéré de l’approvisionnement en nourriture, eau, carburant et médicaments, combiné à la destruction des terres agricoles et des infrastructures de pêche, constitue une utilisation de la famine comme arme de guerre.

Les points de distribution d’aide ont été transformés en pièges mortels où les foules cherchant de la farine ou des conserves sont abattues ou tuées par les frappes aériennes. Les journalistes, les soignants et les secouristes ont été tués à un rythme sans précédent, malgré leur statut protégé par le droit international.

Au cœur de cette campagne il y a une stratégie de déplacement forcé et de nettoyage ethnique. Dès les premières semaines de l’offensive, Israël a ordonné aux civils du nord de Gaza de fuir vers le sud, pour ensuite les soumettre à de nouveaux bombardements une fois arrivés dans des camps et abris surpeuplés.

Les colonnes de réfugiés qui empruntaient des «itinéraires sûrs» ont été prises pour cible par des tireurs embusqués et des attaques aériennes. Ceux qui sont restés dans le nord ont été confrontés au siège, à la famine et à la destruction de tous les aspects de la vie civile.

Les fosses communes creusées au bulldozer près du passage de Zikim font partie intégrante de l’offensive génocidaire. Les gens ont été tués alors qu’ils tentaient d’atteindre l’aide, dans des zones sous contrôle israélien, puis enterrés sans identification par des engins israéliens. Cet amalgame de déplacement, de famine, de meurtre de masse et de profanation des morts est la réalité concrète de ce que la classe dirigeante israélienne et ses soutiens impérialistes appellent «la sécurité »

Washington a fourni à Israël les bombes, les obus, les renseignements et la protection diplomatique nécessaires à la poursuite de sa guerre, accélérant les livraisons de munitions alors même que le nombre de victimes explosait et que les preuves d’une famine de masse s’accumulaient. Aux Nations unies, les États-Unis ont opposé leur veto ou vidé de leur substance les résolutions appelant à un cessez-le-feu et à la responsabilité, tout en répétant le mantra qu’Israël avait «le droit de se défendre».

Les gouvernements européens, tout en murmurant parfois sur la «proportionnalité», ont poursuivi leurs ventes d’armes et leur coopération sécuritaire, et ils ont criminalisé et réprimé les manifestations de masse contre le génocide.

Les régimes bourgeois arabes – de l’Égypte aux monarchies du Golfe en passant par la Jordanie – ont agi en complices, en maintenant le siège, en réprimant la solidarité au sein de leurs propres populations et en cherchant à obtenir une place à table dans le cadre d’accords d’après-guerre. Leur premier souci n’est pas le sort des masses palestiniennes, mais la préservation de leur propre pouvoir et leur intégration au plan de réalignement impérialiste régional.

Dans ce contexte, parler de «plan de paix» et de «reconstruction» pour Gaza, le tout piloté par Washington et Tel Aviv, est une fraude cynique. Les projets en préparation prévoient la reconstruction de certaines parties de l’enclave dévastée sous contrôle militaire israélien permanent, surveillées par des forces supplétives et financées par les capitaux des puissances impérialistes et des pays du Golfe.

Pour la classe dirigeante israélienne, cela représente une opportunité pour renforcer sa mainmise et remodeler la géographie et la démographie de Gaza; pour les États-Unis et leurs alliés régionaux, cela promet des contrats lucratifs et un nouveau degré de domination impérialiste.

L'implication de personnages comme Jared Kushner, le gendre de Donald Trump – dont l'empire immobilier familial incarne la spéculation parasitaire et l'oligarchie financière – souligne le caractère de classe de ces projets. Le système qui a transformé Gaza en champ de la mort cherche maintenant à faire de ses ruines une manne financière dont les survivants doivent être exclus, sauf en tant que main-d'œuvre surexploitée sous la menace armée des troupes d'occupation israéliennes.

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