L'année 2025 a été marquée par une offensive contre les immigrants sans précédent dans l'histoire américaine. Avec la complicité du Parti démocrate et de l'appareil syndical, le gouvernement Trump a lancé une vaste opération de détentions et d'expulsions massives à l'échelle nationale. Chaque jour, des agents fédéraux lourdement armés et souvent masqués investissent les quartiers, les lieux de travail, les écoles et les domiciles.
Dimanche, le Washington Post a rapporté que l'ICE [agents des douanes et de la protection des frontières] procède désormais à environ 2 600 arrestations «en général» par semaine. Sous la première présidence d'Obama, la moyenne hebdomadaire était de 640 arrestations. Sous celle de Trump, elle était de 569. Même sous Biden, qui a présidé à une forte augmentation, on est resté autour de 1 100 arrestations par semaine. Trump a plus que doublé ce chiffre en quelques mois et a annoncé son objectif d'expulser un million de personnes cette année.
L'affirmation que l'opération cible les «criminels» est un mensonge. L'ICE a abandonné les arrestations en prison au profit de raids massifs sur les lieux de travail, notamment les stations de lavage automobile, les chantiers de construction et les usines agro-alimentaires. Le seul «crime» des immigrants visés est de vouloir travailler.
L'opposition politique est elle aussi criminalisée. Yaa'kub Vijandre (article en anglais), résident de longue date de Dallas et bénéficiaire du programme DACA (Action différée pour les arrivées d'enfants), est détenu depuis près de trois mois et risque l'expulsion vers un pays qu'il n'a pas connu depuis son enfance. Son «crime»? Avoir refusé de devenir informateur du FBI et de continuer à dénoncer l'impérialisme américain et le génocide à Gaza. Si cela justifie une détention, cela justifie la persécution de n’importe qui.
Les personnes arrêtées se voient systématiquement refuser leurs droits constitutionnels fondamentaux. La récente enquête de l’émission «CBS 60 Minutes», dont la diffusion a été interrompue, a révélé l'extradition illégale de près de 300 immigrants vers la prison de haute sécurité de CECOT au Salvador, en vertu de la Loi sur les étrangers ennemis. Ils y ont été détenus pendant des mois sans avocat, dans des conditions revenant à de la torture. Des conditions similaires ont été constatées dans des centres de détention en Floride, au Texas, en Arizona, en Californie, au New Jersey et en Louisiane.
Ce qu’on est en train de construire, c'est une machine à expulser les gens à l'échelle nationale. Le directeur par intérim de l'ICE, Todd Lyons, a ouvertement déclaré que l'objectif du gouvernement Trump est de devenir «l'Amazon» des expulsions: «Comme Prime, mais avec des êtres humains.»
La surpopulation et la négligence ont déjà entraîné une forte augmentation des décès de détenus. Au moins 30 immigrants sont morts en détention cette année, dont plusieurs dans des circonstances très suspectes. Plus tôt ce mois-ci, en l'espace de quatre jours, quatre immigrants sont décédés dans des prisons privées gérées par l'ICE.
La campagne anti-immigration est le fer de lance d'une campagne dictatoriale plus vaste. Le coup d'État du 6 janvier n'était pas une aberration. Celui-ci s'est poursuivi sous le second gouvernement Trump. La répression de l'immigration sert de terrain d'expérimentation pour le démantèlement des droits constitutionnels, notamment le droit du sol et le droit à une procédure régulière.
La campagne de Trump en faveur des expulsions poursuit trois objectifs interdépendants.
Premièrement, la campagne anti-immigrés vise à diviser la classe ouvrière. Les travailleurs immigrés sont désignés comme boucs émissaires pour les problèmes créés par la classe dirigeante elle-même: stagnation des salaires, chômage, infrastructures délabrées et services sociaux en ruines. En retournant la colère des travailleurs autochtones contre les immigrés plutôt que contre la grande entreprise et les milliardaires responsables de décennies de désindustrialisation et d’austérité, le pouvoir politique cherche à empêcher l’émergence d’un mouvement ouvrier unifié. Une classe ouvrière divisée ne peut pas riposter.
Deuxièmement, cela permet de détourner l'attention de la crise politique et des agissements criminels de la classe dirigeante. De nouvelles révélations liées au réseau Epstein continuent d'impliquer Trump, tandis que son gouvernement réduit drastiquement les prestations sociales, mène des frappes militaires à l'étranger et s'en prend aux travailleurs aux États-Unis.
Troisièmement, la répression de l'immigration fournit le cadre juridique et politique permettant d'étendre les pouvoirs de l'État policier à l'ensemble de la population. On utilisera les justifications utilisées pour déployer des troupes dans les villes et expulser des résidents sans procédure régulière contre les travailleurs en grève et les opposants politiques, quel que soit leur statut migratoire.
L'élément politique le plus significatif de cette attaque est peut-être la complicité du Parti démocrate. Un titre du Washington Post du 8 décembre le résumait sans détours: «Les démocrates, qui autrefois fustigeaient Trump sur la question de l'immigration, se sont tus.» La direction du Parti démocrate, notamment le sénateur Chuck Schumer et le représentant Hakeem Jeffries, a refusé d’appeler à l’abolition de l'ICE car elle approuve la politique de Trump.
Bernie Sanders est allé plus loin, louant la politique frontalière de Trump comme «une amélioration par rapport à celle de Biden» et reprenant le slogan MAGA: «Sans frontières, il n'y a pas de nation». Alors que des résidents de longue date disparaissent sans procès régulier, celui qui se prétend «socialiste démocrate» s'est rangé du côté de la réaction capitaliste.
Alexandria Ocasio-Cortez, qui avait autrefois appelé à «abolir l'ICE», est restée silencieuse en réponse au mémorandum présidentiel n°7 de Trump sur la sécurité nationale, qualifiant «l'anticapitalisme» et «l'anti-américanisme» de terrorisme intérieur.
Les démocrates ont ouvert la voie à cette offensive. Obama a été le pionnier des expulsions massives et de la séparation des familles. Biden a démantelé le droit d'asile. Trump étend désormais cette politique à un système national de détention, d'extradition et de répression.
La bureaucratie syndicale est également complice. Le président de l'UAW, Shawn Fain, soutient les tarifs douaniers et la politique de guerre commerciale de Trump. Le président des Teamsters, Sean O'Brien, a approuvé les expulsions massives et a refusé de défendre les membres de son syndicat harcelés par des agents fédéraux masqués à Chicago. Le nationalisme économique est le terrain d’entente de la bureaucratie syndicale avec Trump.
Cette offensive contre les immigrants n'est pas propre aux États-Unis. Partout en Europe, les gouvernements de tous bords politiques érigent des murs, militarisent les frontières et criminalisent les réfugiés fuyant les guerres déclenchées par ces mêmes gouvernements impérialistes. «Assurer la sécurité intérieure» est le pendant domestique de la préparation à la guerre à l'extérieur.
L'attaque contre les immigrés ne vise pas seulement une partie de la population. Elle constitue le fer de lance d'une campagne pour instaurer un État policier, dirigée contre l'ensemble de la classe ouvrière. La présence d'agents armés et masqués et de la Garde nationale dans les rues ne s'arrêtera pas une fois les «illégaux» expulsés. Ce même appareil sera retourné contre tous les travailleurs qui résistent à la dictature, aux inégalités et à la guerre.
La défense des immigrants est indissociable de la défense des droits démocratiques dans leur ensemble. Les travailleurs et les jeunes doivent former des comités de défense de la base dans leurs quartiers et sur leurs lieux de travail afin de protéger tous les travailleurs, quel que soit leur statut d'immigration.
Les travailleurs doivent défendre le droit de chacun de vivre et de travailler dans le pays de son choix. Sanders, reprenant les propos de Trump, déclare: «Sans frontières, il n’y a pas de nation.» Face à ce venin nationaliste, les travailleurs doivent déclarer: «Les travailleurs n’ont pas de patrie!» et «Prolétaires du monde, unissez-vous!»
Une opposition importante se développe face aux attaques contre les immigrants. À Chicago et dans d'autres villes, des initiatives spontanées ont été prises par des travailleurs pour protéger les immigrants dans leurs quartiers lors des apparitions d'agents de l'ICE. Des lycéens ont fait grève pour protester contre ces razzias.
Mais cette opposition grandissante ne peut pas être subordonnée au Parti démocrate ni aux tribunaux, qui ont maintes fois prouvé qu'ils étaient des instruments du pouvoir de l'oligarchie financière. Elle exige la mobilisation politique indépendante de la classe ouvrière.
La classe ouvrière doit exiger l'arrêt immédiat des expulsions, la libération de tous les détenus, la fin des rafles et des extraditions, ainsi que les pleins droits civiques pour tous les travailleurs immigrés. Cela implique la construction d'un mouvement de masse dans la classe ouvrière contre l'ensemble de l’appareil policier, frontalier et de renseignement, ainsi que contre le système de l’État-nation qu'il défend.
La lutte pour la défense des immigrés est un combat essentiel de la lutte des classes. La classe dirigeante qui met en place la machine à expulser les immigrants est la même que celle qui détruit les emplois, sabre les prestations sociales et prépare de nouvelles guerres. La défense des droits démocratiques ne peut progresser que par la mobilisation politique indépendante de la classe ouvrière contre le système capitaliste même.
(Article paru en anglais le 29 décembre 2025)
