David North
L’héritage que nous défendons

L’épisode Wohlforth

Nous approchons de la conclusion de notre analyse des Vingt-sept raisons qui – nous l’admettons bien volontiers – est allée nettement au-delà de ce nous pensions écrire ou même avions l’intention d’écrire. Mais s’il est permis à l’auteur de se défendre, celui-ci dira qu’une autopsie peut parfois se révéler ardue et un tant soit peu écœurante, surtout si le cadavre est dans un état avancé de décomposition. Et c’était bien le cas de Michael (Van Der Poorten) Banda car, comme il l’admet lui-même dans ses Vingt-sept raisons, sa rupture d’avec le trotskysme datait d’au moins dix ans lorsqu’il rédigea ce document.

En ligne avec la tradition des relations opportunistes qui prévalait dans la direction du Workers Revolutionary Party, Healy fit tout ce qu’il put pour empêcher que Comité International amorce une discussion qui eût révélé le déclin politique de celui qui fut son protégé durant de longues années. Un des principaux usages de la « pratique de la connaissance » de Healy était d’empêcher une analyse théorique concrète du programme et des perspectives au moyen de digressions dans le domaine de la « pensée pure ». Cela lui permettait de se lancer dans des combats farouches et fictifs sur l’enchaînement « correct » des catégories de la logique dans l’éclosion de « l’Idée absolue », tout en gardant le silence sur le scepticisme de Banda et sur son hostilité croissante vis-à-vis de toutes les conceptions fondamentales du trotskysme. Vers la fin, les efforts de Healy pour préserver l’image d’un Banda révolutionnaire prirent un tour ridicule et quelque peu comique : il exigea des membres du parti qu’ils se lèvent et ovationnent le « camarade secrétaire général » lorsqu’il apparaissait à la tribune d’un meeting public !

Et malgré la scission au sein du WRP, Healy était encore capable d’écrire quelque huit mois après la publication des Vingt-sept raisons que Banda – contrairement à ce terrible North – « a contribué puissamment à construire le WRP et le CIQI dans la pratique, et ce, dans les meilleures traditions du matérialisme historique ». [405] Pour des raisons qui ont à voir avec sa propre dégénérescence politique, Healy nie explicitement que Banda avait préparé de longue date sa rupture d’avec le trotskysme.

En lieu et place d’une analyse politique concrète de la longue opposition de Banda à la théorie de la révolution permanente, son adaptation au maoïsme et sa défense de positions nationalistes bourgeoises, Healy trouve refuge dans une distorsion idéaliste et mystique du processus politique réel. L’évolution de Banda, nous dit-on, est celle d’un « idéaliste subjectif fichtéen ». Pour ceux qui ne sont pas au nombre des initiés, nous nous permettons de dire que Fichte vécut de 1762 à 1814. Cela n’empêche pas Healy d’étayer son diagnostic tout à fait étonnant en renvoyant ses lecteurs au passage suivant de Hegel qui est sensé « expliquer » le destin de Michael Banda.

« La limitation infinie ou le frein de l’idéalisme de Fichte s’oppose peut-être à avoir pour fondement une chose en soi, si bien qu’il devient purement un déterminé pour le Moi… Mais ce déterminé est immédiat et il est une limite au Moi qui, transcendant son extériorité, l’incorpore ; et bien que le Moi puisse aller au-delà de la limite, le Moi possède une part d’indifférence en vertu de laquelle il contient un non-être immédiat du Moi, bien que lui-même contenu dans le Moi. » [406]

Élémentaire mon cher Watson. Pour ceux à qui le rapport entre le Moi fichtéen et l’anti-trotskysme de Banda ne sauterait pas encore aux yeux, Healy éclaire la question de la manière suivante : « Des hommes comme Banda, nous dit-il, ne réalisent pas… que ces formes vides du langage contiennent un contenu de ‘non être’ – la crise économique et politique en constante transformation – qu’ils en soient conscients ou non. Ces innombrables ’non-êtres’ s’accumulant, prennent leur revanche lorsque la multitude des ‘formes vides du langage’ leur saute au visage sans qu’ils soient capables de reconnaître leur contenu de non-être, les laissant dans une complète impréparation ». [407]

Healy voit la source des trahisons de Banda dans … la revanche des non-êtres de laquelle ses derniers et fidèles disciples, Vanessa Redgrave (décorée de l’Order of the British Empire) et Corin Redgrave tireront peut-être une série noire, dans un avenir lointain espérons-le.

Il nous faut maintenant prendre congé du monde fictif de Healy et de ses Mois fichtéens, ses formes vides de langage et ses non-êtres pour nous pencher sur une autre des falsifications de Banda. Cherchant à attaquer la Workers League et à discréditer sa lutte pour la défense de la perspective trotskyste dans le Comité International, Banda réécrit l’histoire afin de pouvoir prétendre que l’actuelle direction de la Workers League est le produit d’une chasse aux sorcières sans principes contre son ancien secrétaire national, Tim Wohlforth. Voici son explication de la désertion de Wohlforth de la Workers League en septembre 1974 :

« Healy aggrava artificiellement la crise Wohlforth par ses accès de folie furieuse à propos de la sécurité et sa totale incapacité à traiter des problèmes de politique et de perspective de la Workers League. La question de Nancy Fields fut grossie et déformée hors de toutes proportions. À mon avis, les faiblesses de Wohlforth furent exploitées de façon sournoise par Healy afin de le chasser du parti. Il est nécessaire à des fins d’information de rectifier l’impression que c’est la direction de David North qui a combattu Wohlforth. Je dois cela à ma crédibilité. Toute la ‘lutte’ fut conduite par les dirigeants du WRP avec un appui tactique de la WL. Le cas de Nancy Fields doit être réexaminé de même que celui de Thornett, Blick et d’autres victimes de la méchanceté et du sadisme bureaucratique de Healy. »

Malgré le fait que l’aile Slaughter du WRP ait tardivement prétendu s’opposer aux Vingt-sept raisons de Banda – bien qu’elle n’ait pas hésité à fonder sa scission d’avec le Comité International précisément sur ce document – elle a aussi fait de l’affaire Wohlforth-Fields un des principaux chefs d’accusation de son procès contre la Workers League et le Comité International.

Dans le numéro de Workers Press daté du 18 octobre 1986, Geoff Pilling, qui défendit ardemment Healy contre les critiques soulevées par la Workers League en 1982 et 1984, écrivit que David North avait peur d’une enquête dans « la question de Tim Wohlforth ». Pilling et Slaughter essaient maintenant de faire croire à l’ensemble des membres du WRP, reprenant à leur compte les prétentions de Banda, que Wohlforth était une sorte de « victime ». Dans un document interne daté d’octobre 1986, la commission internationale du WRP informa ses membres qu’elle envoyait un de ses membres à San Francisco, « afin de pouvoir commencer à se faire, dans la mesure du possible, une idée générale des événements se rapportant à Tim Wohlforth. Il nous faut assumer l’entière responsabilité de son éloignement bureaucratique de la Workers League par Healy qui fut ensuite habilement soutenu par David North ». [408]

Qui donc est Tim Wohlforth et qu’est-il devenu ? Au début des années 1960, il joua un rôle clé dans la lutte contre la dégénérescence pabliste du Socialist Workers Party. En étroite collaboration avec le Comité International, il constitua en 1964 le Comité américain pour la Quatrième Internationale après qu’il ait été évincé du SWP avec huit autres de ses membres, pour avoir insisté pour qu’ait lieu une discussion sur la trahison du LSSP au Ceylan. En 1966, après la fondation de la Workers League, il en devint le secrétaire national.

Personne dans la Workers League n’irait nier la contribution de Wohlforth dans les premières années de l’organisation. Toutefois, l’effondrement du mouvement de protestation contre la guerre du début des années 1970, mouvement vers lequel la Workers League avait orienté une bonne partie de son activité pratique, jeta Wohlforth dans une profonde crise politique. En 1972, Wohlforth fut l’objet d’une dure, mais juste critique par le Comité International, parce qu’il avait affaibli l’orientation programmatique de la Workers League vers la classe ouvrière, c’est-à-dire la lutte qu’elle menait depuis plusieurs années pour un parti ouvrier basé sur les syndicats.

Cherchant un substitut au mouvement contre la guerre qui s’affaiblissait et réagissant de façon impressionniste aux événements se rattachant à la mutinerie à la prison d’Attica en 1971, Wohlforth décida de concentrer le travail du parti sur la radicalisation politique des détenus dans les prisons. Semaine après semaine, les pages de la presse du parti servirent à la publication de lettres de détenus et Wohlforth développa la théorie que les prisons étaient devenues les principaux centres de développement du marxisme ! Wohlforth ordonna qu’on publie dans Bulletin une « Lettre ouverte aux détenus » qui contenait le paragraphe suivant (dicté par Wohlforth à Lucy St. Johns, celle qui avait signé cette lettre) :

« Nombreux furent les cadres du parti bolchevique qui furent préparés et éduqués dans les prisons. Après 1905 et avant 1917, les prisons devinrent un centre de développement de la conscience politique…

« Aujourd’hui également, les prisons sont devenues un centre de développement de la conscience politique. Il est possible qu’une nouvelle génération de dirigeants révolutionnaires se développe dans les oubliettes d’aujourd’hui et en sorte. » [409]

Tout en reconnaissant le fait que l’existence d’une nombreuse population carcérale est le produit des conditions sociales produites par le capitalisme, il n’en restait pas moins que le fait d’assimiler les détenus des prisons américaines aux dirigeants de la révolution russe qui furent incarcérés à cause de la lutte consciente qu’ils entreprirent contre l’oppression tsariste était une bouffonnerie théorique, sans même parler de l’insulte politique que cela constituait. Qu’une telle ligne puisse être défendue dans les pages de Bulletin était une manifestation de la totale désorientation politique de Wohlforth et de son éloignement de la classe ouvrière.

Les problèmes de Wohlforth se trouvèrent cependant exacerbés par la façon opportuniste dont la Socialist Labour League effectua la scission d’avec l’Organisation communiste internationaliste, jusqu’alors la section française du CIQI. Le refus de la SLL d’approfondir les questions théoriques et politiques ayant trait à ses divergences avec l’OCI comme elle l’avait fait dix ans auparavant dans la lutte pratique contre le SWP, contribua à désorienter le Comité International et la Workers League. La critique adressée à Wohlforth au quatrième congrès du CIQI, en avril 1972, était fondée et justifiée, mais elle prit place dans le contexte de la scission précipitée d’avec l’OCI et de la désorientation croissante au sein de la SLL elle-même.

Tout en s’adaptant aux critiques immédiates de la SLL, Wohlforth poursuivit son orientation petite-bourgeoise. Au début de 1973, malgré les objections soulevées par le comité politique de la Workers League, Wohlforth proposa d’inviter les dirigeants de la Spartacist League à discuter publiquement de l’histoire de la Quatrième Internationale.

Cette initiative, qui fut prise sans consulter le Comité International, constituait un retour vers le milieu du radicalisme petit-bourgeois dont la Spartacist League était alors la représentante la plus achevée. La phase finale de la formation de la Workers League qui parachevait les cinq années de lutte contre le révisionnisme du SWP était constituée par la rupture irrévocable de son cadre d’avec le groupe Spartacist sous la direction de James Robertson. Inviter publiquement ce groupe sept ans plus tard à débattre de l’histoire de la Quatrième Internationale ne pouvait que signifier, comme le confirma l’évolution ultérieure de Wohlforth, qu’il remettait en question le caractère irrévocable de cette rupture.

Après que ces débats ont été critiqués par Healy avec sa rudesse si caractéristique, Wohlforth perdit ce qui lui restait d’équilibre politique et commença une opération de sabotage au sein de la Workers League qui en l’espace d’un an détruisit presque toute l’organisation. Le début de ces activités violentes et instables coïncidait avec le début d’une relation personnelle avec une femme du nom de Nancy Fields. Cette femme, qui allait bientôt exercer une influence énorme sur Wohlforth, fut promue à la direction du parti. Fields ignorait tout du marxisme, méprisait la classe ouvrière et se servait de sa position, entièrement due à sa relation personnelle avec Wohlforth, pour initier un véritable pogrome contre les cadres de la Workers League.

Slaughter et Pilling qui connaissent tous les faits concernant les actions brutales, violentes et destructives de Fields contre les membres du parti, rejoignent Banda qui la défend contre la Workers League. Dépensant des milliers de dollars tirés sans autorisation de la caisse du parti, Wohlforth et Fields faisaient le tour du pays, vivant dans le luxe, fermant des cellules du parti et en expulsant les membres. Fields utilisait les moyens les plus abjects pour forcer les cadres à quitter le parti : dans un cas, elle exigea d’une femme membre et enceinte de cinq mois qu’elle se fasse avorter ! Slaughter et Pilling connaissent cet incident et bien d’autres du même genre. Mais cela n’empêche pas ces récents champions de la « moralité révolutionnaire » de briser ardemment des lances pour Fields devant les membres du WRP qui sont d’une insondable ignorance.

Pour donner une idée de l’impact produit en un an sur la Workers League par la folie furieuse de Fields, citons une lettre écrite par Wohlforth à Healy, le 19 juillet 1974, deux mois à peine avant qu’il ne déserte le parti.

« Pour répondre à la question de savoir si tu peux venir à notre camp et à notre conférence, je voudrais juste te donner quelques informations sur la Workers League. Nous venons de vivre une période remarquable. J’estime que depuis la démission de X il y a à peu près un an et demi, quelques cent personnes ont quitté la WL. Ce chiffre ne concerne que des gens qui étaient dans le parti depuis un certain temps et qui jouaient un rôle important, pas ceux qui entrent et sortent, la sélection normale des membres. La majorité de ces gens ont quitté le parti dans la période de la préparation et après la tenue du camp d’été de l’an dernier qui fut le tournant décisif de l’histoire de la Ligue.

«  Et même ce chiffre ne montre pas l’impact total de ce processus. Presque la moitié de ceux qui ont quitté le parti étaient de New York. Il s’agissait de près de la moitié du comité national et du comité politique. Il s’agissait aussi littéralement de toute la direction originelle des jeunes…

« Nous sommes aujourd’hui, bien sûr, un mouvement plutôt squelettique et très, très peu de gens font un très bon travail dans de nombreuses régions. Pour ce qui est des intellectuels, c’est pratiquement la fin – une grosse saloperie de désertion. Ce qui se fait dans ce domaine, c’est seulement moi et Nancy qui le faisons. On n’a plus rien dans les universités – je dis bien rien. Le parti est extrêmement faible dans les questions d’éducation et les questions théoriques…

« Quant aux syndicats, notre vieux travail essentiellement centriste dans les syndicats, surtout dans le SSEU, s’est effondré, précisément à cause de notre lutte pour changer son caractère et de l’orienter vers la jeunesse » (Italiques de l’auteur). [410]

Ainsi, selon le bilan de Wohlforth lui-même, en l’espace d’une année, la Workers League avait perdu plus de cent de ses cadres, la moitié des membres de son comité national et de son comité politique, l’ensemble de la direction originelle de son organisation de jeunes et pratiquement tous ses intellectuels. Par-dessus le marché, son travail syndical s’était effondré. En d’autres mots, à l’été de 1974, Wohlforth et Fields avaient presque réussi à liquider la Workers League. Cela explique pourquoi les ennemis du mouvement trotskyste ont gardé jusqu’à aujourd’hui une grande estime à l’égard de tous deux.

Occupons-nous à présent de ce qu’affirme Banda lorsqu’il dit, soutenu par Slaughter et Pilling, que « la question de Nancy Fields fut déformée et grossie hors de toute proportion ». Après être devenue l’inséparable compagnon de voyage de Wohlforth, celui-ci la choisit comme déléguée au cinquième congrès mondial du Comité International, en mai 1974, auquel participaient aussi des délégués de pays tels que l’Espagne où le travail politique se faisait dans l’illégalité.

En août 1974, après l’arrivée de la lettre citée plus haut en Angleterre, Healy invita Wohlforth à discuter la crise qui s’était développée dans la Workers League. Au cours de ces discussions, Wohlforth se fit poser des questions à propos de Nancy Fields. Elle n’était pas connue du Comité International avant sa participation au cinquième congrès mondial. Faisant remarquer la crise au sein de la Workers League et l’ascension simultanée, ultra-rapide et inexpliquée de Fields à une position d’autorité, Healy demanda en présence du comité politique si Wohlforth avait une raison quelconque de soupçonner Fields d’être en rapport avec la Central Intelligence Agency ; Wohlforth répondit que non.

Mais en l’espace de deux semaines, ce qui restait du comité central de la Workers League recevait des informations étonnantes qui jetaient sur les activités de Fields une lumière tout à fait nouvelle. Son oncle, qui l’avait élevée et soutenue financièrement depuis son enfance, Albert Morris, était un haut fonctionnaire de la CIA et un proche ami de son ancien directeur, le fameux Richard Helms (« L’homme qui avait la charge des secrets »). Wohlforth connaissait les relations familiales de Fields avec le personnel dirigeant de la CIA, mais n’en avait informé ni le Comité International ni le comité central de la Workers League. Quand on demanda à Wohlforth d’expliquer pourquoi il avait manqué d’informer son propre parti sur les antécédents de Fields, il dit qu’il ne pensait pas que ce fût important.

Il s’agissait d’une claire atteinte à la sécurité politique du mouvement révolutionnaire et de la responsabilité de Wohlforth vis-à-vis de la Workers League et du Comité International. Le comité central de la Workers League prit les mesures qui s’imposaient. Il éloigna Wohlforth de sa position de secrétaire national (mais pas des organes de direction du parti) et exclut provisoirement Nancy Fields du parti, jusqu’à ce qu’une commission internationale enquête sur ses antécédents et sur l’atteinte à la sécurité de la Workers League. Cette résolution fut adoptée à l’unanimité, y compris avec les voix de Wohlforth et Fields.

Mais moins d’un mois après et quelques semaines avant que la commission ne commence son travail, Wohlforth donna sa démission de la Workers League, déclarant qu’il refusait de collaborer avec l’enquête. Dans une lettre datée du 6 octobre 1974, répondant à la démission de Wohlforth, Slaughter le mit en garde contre le fait qu’il

« …s’imposait comme dirigeant individuel contre le mouvement. Ta conviction que N.F. ne constitue pas un risque pour la sécurité doit prévaloir sur les exigences de sécurité des comités de notre mouvement. L’estimation que tu fais de ton travail en tant que dirigeant est placée avant tout le reste. Tu es incapable de concevoir la Workers League comme un parti et comme une partie essentielle de la Quatrième Internationale. Au lieu de cela, tu ne la vois que comme ce qui rassemble ceux qui te suivent et qui s’effondrera avec toi…

« À cette heure tardive, camarade Wohlforth, nous te demandons de reconsidérer ta position et de la changer immédiatement. Il n’est pas trop tard. Nous te demandons de reprendre immédiatement les fonctions dirigeantes que tu assumes dans la Workers League et le Comité International et de collaborer au travail de l’enquête. Cette enquête a dû être retardée de quelques jours pour achever son travail, mais les mesures sont prises pour commencer l’enquête effective dans les prochains jours. Les camarades ont reçu des instructions pour achever ce travail au plus tôt et en faire le rapport au Comité International. Le comité te demande, camarade Wohlforth, de retirer immédiatement ta lettre de démission et de participer sans restriction au travail de la commission d’enquête. Ce n’est qu’ainsi que tu peux te préparer à retrouver ta position dans la direction. » [411]

Banda, il s’en souvient peut-être, se rendit aux États-Unis en avion en octobre 1974 pour tenter, vainement, de convaincre Wohlforth de redevenir membre de la Workers League. Malgré le fait que Wohlforth tenta de saboter le travail de la commission internationale, celle-ci effectua son travail et produisit un rapport daté du 9 novembre 1974 qui tirait les conclusions suivantes au sujet de Nancy Fields.

« L’enquête a établi que, depuis l’âge de 12 ans et jusqu’à la fin de ses études universitaires, N.F. fut élevée et soutenue financièrement par son oncle et sa tante, Albert et Gigs Morris. Albert Morris est le chef du département ordinateurs IBM de la CIA à Washington et un des grands actionnaires de la société IBM. Il fut un membre de l’OSS, le prédécesseur de la CIA et travailla en Pologne comme agent de l’impérialisme. Parmi ceux qui fréquentaient souvent la maison Morris au Maine au cours des années 1960, il y avait Richard Helms, l’ex-directeur de la CIA et actuellement ambassadeur des États-Unis en Iran.

« Nous avons constaté que le travail réalisé par N.F. dans le parti était celui d’une personne extrêmement instable qui n’a jamais rompu avec les méthodes opportunistes du radicalisme petit-bourgeois. Elle utilisa des méthodes administratives et entièrement subjectives là où il s’agissait de traiter de problèmes politiques. Ces méthodes furent extrêmement destructives, surtout dans le domaine très important de la construction de la direction. T.W. (Tim Wohlforth) était très au courant de cette instabilité et porte la responsabilité d’avoir fait entrer N.F. dans la direction. Il s’est retrouvé dans une position isolée où il finit par cacher au Comité International les anciennes relations de Fields avec la CIA. Il en porte nettement la responsabilité politique.

« L’enquête a constaté les faits suivants :

« Après avoir procédé aux interviews et avoir examiné tout le matériel disponible, il n’y a rien qui indique que N.F. ou T.W. soient en quelque manière que ce soit liés au travail de la CIA ou d’une autre agence gouvernementale. L’enquête tient compte des nombreuses années de lutte de T.W. au profit du parti et du CI dans des conditions souvent très difficiles et le presse de corriger ses erreurs individualistes et pragmatistes et de revenir au parti.

« Notre recommandation est que T.W., après avoir retiré sa démission revienne dans les comités dirigeants du parti et reprenne son travail à la rédaction de Bulletin et qu’il a le droit d’être proposé pour toutes les fonctions, y compris celle de secrétaire national, à la prochaine conférence nationale du parti au début de 1975.

« Nous recommandons que la suspension de N.F. soit levée à cette condition qu’on ne lui permette pas de d’occuper une fonction quelconque dans la Workers League pour une période de deux ans.

« L’enquête attire fortement l’attention de toutes les sections sur la nécessité de maintenir une vigilance constante dans les questions de sécurité. À cause des luttes de classes sans précédent qui doivent nécessairement éclater du fait de la crise capitaliste mondiale, notre mouvement a d’excellentes possibilités de grandir. Cette situation signifie aussi que les activités contre-révolutionnaires de la CIA et toutes les agences impérialistes qui opèrent contre nous seront intensifiées. Consacrer une attention méticuleuse à ces questions de sécurité comme une partie du tournant vers les masses pour la construction de partis révolutionnaires constitue un devoir révolutionnaire élémentaire. » [412]

Le fait que le Comité International a osé soulever la question de la vigilance vis-à-vis de la police politique de l’État capitaliste mit hors de lui Joseph Hansen, du SWP, lui qui était à la tête d’une organisation qui, selon des rapports rendus publics, avait été infiltrée par des centaines d’agents du FBI. Il se déclara immédiatement solidaire du « droit » de Wohlforth à dissimuler, pour des raisons personnelles, des informations d’une importance extrême touchant à la sécurité du mouvement révolutionnaire. Hansen savait pertinemment qu’une attitude similaire de la part de Sylvia Ageloff en 1938-1940 qui n’informa pas la Quatrième Internationale de tout ce qu’elle savait sur son amant Ramon Mercader, favorisa l’assassinat de Trotsky par celui-là.

Pilling, du WRP a écrit, « c’est à la suite d’accusations portées contre Wohlforth que l’infâme enquête de Healy, Sécurité et la Quatrième Internationale « fut lancée, comme si cette enquête était en quelque sorte illégitime. La défense agressive par Hansen du droit de Wohlforth d’ignorer les besoins de son propre parti en fait de sécurité et le fait qu’il qualifie le souci de la sécurité de paranoïa soulevait pour la Quatrième Internationale des questions politiques fondamentales. Comment développer un cadre révolutionnaire sans s’opposer à la position de Hansen ? Si on acceptait que les membres d’une organisation révolutionnaire, sans parler des dirigeants, établissent et maintiennent des liens avec des individus pouvant être en rapport avec les agences de renseignements de l’État capitaliste sans que cela soit connu du parti, cela signifiait que le parti serait laissé sans défense face aux agissements de la police politique.

Lorsqu’à son sixième congrès, en mai 1975, le CIQI décida de lancer une enquête – la première depuis 1940 – sur les circonstances qui avaient entouré l’assassinat de Léon Trotsky, l’objectif poursuivi était de faire prendre conscience à la nouvelle génération de révolutionnaires marxistes du terrible tribut en vies humaines que dut payer le mouvement trotskyste du fait de l’attaque combinée des agences de l’impérialisme mondial et de la bureaucratie soviétique. Le CIQI ne prévoyait pas que son enquête allait le mener à découvrir des documents impliquant Hansen et le liant au GPU soviétique et au FBI américain et qui expliquait pourquoi Hansen avait réagi si agressivement aux actions du CIQI vis-à-vis de Wohlforth.

La façon dont le CIQI avait traité l’affaire Wohlforth et l’organisation de l’enquête Sécurité et la Quatrième Internationale était dans la tradition du mouvement trotskyste. Alors que l’accusation de paranoïa, lancée par Hansen trouvait un écho bienveillant dans l’ensemble du milieu malsain des radicaux petits-bourgeois qui malheureusement infecte le mouvement ouvrier, le Comité International avait raison de rappeler Wohlforth à l’ordre. Il n’hésiterait pas à agir de la sorte si des circonstances semblables se reproduisaient. Les liens de Wohlforth avec une femme qui avait dans sa proche famille un haut fonctionnaire de la CIA n’étaient pas simplement « ses affaires ».

Le 28 septembre 1940, juste un mois après l’assassinat de Trotsky, James Cannon expliquait à propos de la « vie personnelle » des membres du parti :

« Eh bien …il nous faut en finir avec cette négligence. Nous voulons savoir qui est qui dans le parti. Nous ne voulons pas d’une chasse à l’espion généralisée parce que cela est pire que le mal auquel cela est censé porter remède. Le camarade Trotsky a dit à maintes reprises que le fait de se soupçonner mutuellement entre camarades peut fortement démoraliser le mouvement. Mais d’autre part, il y a une certaine négligence dans le mouvement, qui est un reste du passé. Nous n’avons pas même éclairé suffisamment le passé de gens qui ont des fonctions dirigeantes – d’où ils viennent, comment ils vivent, avec qui ils sont mariés, etc. Chaque fois que ce genre de question – des questions élémentaires pour le mouvement révolutionnaire – a été soulevée, l’opposition petite-bourgeoise se mettait à crier : ‘Au nom du ciel, vous vous immiscez dans la vie privée des camarades !’ Oui, c’est exactement ce que nous faisions ou plus précisément ce que nous menacions de faire – il n’en a jamais rien été dans le passé. Si nous avions fait plus attention à ces questions, nous aurions peut-être empêché dans le passé un certain nombre de mauvaises choses.

« Nous proposons d’établir une commission de contrôle dans le parti. Nous sommes tout à fait prêts à le faire maintenant. Ce sera un organe composé de camarades responsables et jouissants d’autorité qui prendra les choses en main et mènera toute enquête jusqu’au bout quoi qu’il arrive. Cela mettra un terme aux soupçons portés à l’aveuglette d’une part et à un laxisme déplacé dans notre parti d’autre part. Le résultat global ne peut être que de rassurer le parti et de renforcer sa vigilance. Nous pensons que tout le parti, maintenant que la canaille petite-bourgeoise ne nous gêne plus, est prêt pour la nomination d’un tel comité. » [413]

En janvier 1975, Wohlforth rédigea un document dénonçant le Comité International et la Workers League qu’il fit parvenir au Socialist Workers Party. Même après cela, Cliff Slaughter lui envoya un appel, daté du 22 janvier 1975 qui disait : « Nous te demandons d’abandonner cette ligne qui consiste à fournir de l’aide à tous les ennemis du Comité International et de la Workers League, d’apporter ton document au parti et d’accepter qu’une discussion à son sujet ait lieu dans le cadre de la discipline acceptée par toi de la Ligue et de l’autorité politique du CI. » [414]

Wohlforth refusa d’accepter cette ligne d’action et confirma que sa désertion de la Workers League était irrévocable. Quelques mois plus tard, répudiant tout ce qu’il avait écrit durant les quinze années précédentes, Wohlforth avait rejoint le Socialist Workers Party. Ce développement confirmait que la source politique des activités destructrices de Wohlforth au sein de la direction de la Workers League y compris sa relation avec Fields et le fait qu’il avait couvert le passé suspect de cette dernière, était une capitulation devant les pressions de l’impérialisme américain. C’est pourquoi il ne fut pas en mesure selon ce que dictaient les principes et se retrouva dans les rangs de l’organisation dont il avait combattu la trahison dix ans auparavant. Sa dégénérescence politique n’allait pas s’arrêter là. La meilleure preuve qu’on peut apporter contre les tentatives actuelles du WRP de présenter Wohlforth comme une « victime » du healysme est l’évolution politique de ce traître depuis qu’il a quitté la Workers League. Son retour au SWP, où on le fit rapidement entrer au comité politique, n’était qu’une des étapes d’une trajectoire politique qui allait conduire Wohlforth à répudier le marxisme et la dictature du prolétariat.

Sa position anticommuniste actuelle se trouve résumée dans un article qu’il écrivit pour le numéro de septembre-octobre 1986 de Against the Current, un journal radical dont le comité de rédaction comporte entre autres Noam Chomsky et Ernest Mandel. L’article de Wohlforth, intitulé Les deux âmes du léninisme, explique que le stalinisme est un produit du léninisme.

« Je pense avoir prouvé que l’État à parti unique fut une construction consciente de la part de Lénine et Trotsky. Il ne fut pas imposé aux dirigeants bolcheviques du fait de la trahison de l’opposition de la classe ouvrière. Il fut justifié théoriquement par les principaux représentants du léninisme de l’époque.

« À mon avis, le léninisme n’est pas l’héritage légitime démocratique et révolutionnaire de la classe ouvrière. Nous nous trouvons à présent dans une période post-léniniste, une période dans laquelle nous devrions insister sur une politique pluraliste de la classe ouvrière plutôt que sur l’oppression des partis de la classe ouvrière et des fronts révolutionnaires, composés de plusieurs partis plutôt que de la direction d’un parti d’avant-garde. » [415]

Quand Wohlforth préféra démissionner de la Workers League plutôt que d’accepter une enquête du parti sur une violation de sa part des préceptes élémentaires de la sécurité révolutionnaire et lorsqu’il insista sur son droit personnel à placer ses propres intérêts personnels au-dessus de ceux de la classe ouvrière, il exprimait déjà, sous une forme embryonnaire, les positions nettement anticommunistes dont la citation ci-dessus n’est que l’expression consommée.

Venons-en pour finir à l’affirmation de Banda selon laquelle ce serait le WRP qui mena « toute » la bataille contre Wohlforth avec seulement « l’appui tactique de la Workers League ». Nous considérons ceci comme l’aspect le plus révélateur peut-être de la falsification de l’affaire Wohlforth par Banda. Le fait est que la Workers League n’a jamais prétendu que « c’était la direction de David North qui avait lutté contre Wohlforth ». En 1974, David North était membre du comité politique de la Workers League. Lorsqu’en août 1974, les faits concernant Fields furent révélés, il fut de ceux qui votèrent pour la motion demandant la suspension de Fields et le remplacement de Wohlforth comme secrétaire national. Ce fut Fred Mazelis, un membre fondateur de la Workers League, qui succéda à Wohlforth et assuma, dans des conditions extrêmement difficiles, les responsabilités de secrétaire, une position qu’il tint pendant les quinze mois qui suivirent. Pendant cette période décisive furent établies les fondations pour la création d’une direction véritablement collective qui fonctionne jusqu’à ce jour dans la Workers League.

Si on analyse la lutte contre Wohlforth du point de vue de son contenu politique, il devient évident que le rôle joué par la Workers League et par le WRP est exactement le contraire de ce que Banda prétend. La Workers League mena la lutte politique contre Wohlforth, le WRP lui fournit un appui tactique.

C’est la direction de la Workers League qui réalisa toute l’analyse politique et théorique de la dégénérescence de Wohlforth. En avril 1975, le comité politique de la Workers League publia un document magistral intitulé Qu’est-ce qui fait fuir Wohlforth ? qui donnait une analyse détaillée de la rupture de Wohlforth d’avec le Comité International. Ce document traitait de questions fondamentales de la théorie marxiste et de perspective politique. La Workers League produisit ensuite un autre document important : La Quatrième Internationale et le renégat Wohlforth, rédigé en commun par North et Alex Steiner. Y était approfondie l’analyse par le parti de l’attaque de Wohlforth contre les principes du trotskysme après son entrée dans le Socialist Workers Party.

Ces documents représentaient un renouveau de la lutte contre le révisionnisme pabliste par la Workers League. À la lumière de la trahison de Wohlforth, le parti tout entier assimila à nouveau les formidables conséquences historiques de la scission de 1953 et de la lutte ultérieure contre le Socialist Workers Party. C’est sur ces fondations consolidées que le parti se tourna plus vigoureusement que jamais vers la lutte pour la construction d’un parti d’avant-garde marxiste de la classe ouvrière aux États-Unis comme une partie du parti mondial de la révolution socialiste.

Quelle fut la contribution du WRP à cette bataille décisive ? Les documents montrent que pas un seul des dirigeants du WRP n’écrivit même un article qui analyse la théorie et la politique de la trahison de Wohlforth malgré que celui-ci eût joué un rôle de premier plan dans le travail du CIQI pendant de nombreuses années. C’était là la manifestation d’une indifférence théorique reflétant le fait que le WRP s’était éloigné, depuis un certain temps déjà, de sa lutte antérieure contre le révisionnisme. Le WRP se tint à l’écart de la lutte théorique contre Wohlforth et n’assimila pas les leçons à retenir de cette expérience vitale par laquelle le CIQI était passé aux États-Unis. C’est pourquoi les dirigeants du WRP peuvent aujourd’hui mentir impunément sur la rupture d’avec Wohlforth, sans craindre d’être contredit par les membres de leur propre organisation qui n’ont jamais su et se fichent bien aujourd’hui de savoir quoi que ce soit sur la vie réelle du Comité International.

Il serait en outre utile de comparer l’analyse exhaustive réalisée par la Workers League à la façon dont Banda et Healy ont agi face aux divergences politiques soulevées par Alan Thornett au sein du WRP. Mis à part la manière bureaucratique avec laquelle la direction du WRP a empêché la discussion en ayant recours aux expulsions, les documents polémiques de Banda, Un menchévik démasqué et Où va Thornett ? se distinguaient par leur orientation nationaliste. Malgré le fait que les documents de Thornett remettaient en question la légitimité de la lutte menée par le Comité International contre le révisionnisme pabliste depuis 1953, ces questions décisives étaient traitées avec indifférence, du point de vue surtout d’une défense de la direction du WRP en Grande-Bretagne.

Les documents de Banda minimisaient en outre constamment l’héritage programmatique du trotskysme, parce qu’ils opposaient à tout moment la « méthode philosophique », une formule qui jouait un rôle purement décoratif dans le texte de Banda, à son articulation effective dans le programme et la perspective du parti. Cette déformation du marxisme favorisa le révisionnisme qui avait pris racine dans le WRP. Le WRP insistait que les questions programmatiques étaient d’importance secondaire, que les questions « fondamentales » de la lutte contre le révisionnisme ne pouvaient être comprises qu’après avoir traité de la « méthode » au niveau des abstractions les plus pures, au moyen d’une pseudo-analyse des catégories logiques en soi et pour soi qu’on faisait passer pour le contenu interne et essentiel de toutes les questions politiques (ces dernières étant traitées avec dédain comme n’étant que l’expression extérieure et non-essentielle du mouvement des formes logiques de la pensée) servait à excuser dans la pratique les violations les plus éhontées des conceptions programmatiques de la Quatrième Internationale.

Pour la Workers League, la lutte contre Wohlforth constitua un chapitre décisif de son développement politique comme parti trotskyste capable de s’ancrer dans les luttes de la classe ouvrière américaine. Pour le Workers Revolutionary Party, la querelle avec Thornett s’avéra n’être qu’une étape intermédiaire sur le chemin menant à une profonde crise politique et qui le conduirait finalement à son effondrement.

C’est dans la lutte contre Wohlforth que fut en outre préparé le fondement politique de l’opposition de la Workers League au cours révisionniste du WRP. Au moment même où la direction du WRP abandonnait les principes qu’elle avait défendus dans la période précédente contre les pablistes, la Workers League rééduquait l’ensemble de ses membres sur la base de ces leçons historiques. À partir de 1976, les chemins du WRP et de la Workers League se séparèrent de plus en plus jusqu’à ce que cette dernière déclare ouvertement ses divergences à l’automne de 1982.


[405]

News Line, 23 septembre 1986.

[406]

Ibid.

[407]

Ibid.

[408]

Extrait de l’original.

[409]

Bulletin, 19 juin 1972.

[410]

Cliff Slaughter, édit. Trotskyism versus Revisionism : A Documentary History, t.7, The Fourth International and the Renegade Wohlforth, Labor Publications, Detroit 1984, pp.172-173.

[411]

Ibid., pp.262-264.

[412]

Ibid., pp.270-272.

[413]

James P. Cannon, The Socialist Workers Party in World War II : James P. Cannon Writings and Speeches, 1940-1943, édit. Les Evans, Pathfinder Press, New York 1975, pp.81-82.

[414]

Slaughter, ed., Trotskyism versus Revisionism, t.7, p.266.

[415]

T. Wohlforth, The Two Souls of Leninism dans Against the Current, t.1, no. 4-5, septembre-octobre 1986, p.42.