David North
L’héritage que nous défendons

Un nationaliste petit-bourgeois démasqué

Le principal objectif du ramassis écurant de distorsions et de mensonges présenté par Banda sous le titre de Vingt-sept raisons d’enterrer le Comité International est de discréditer et de détruire le mouvement trotskyste. C’est là l’œuvre d’un renégat dont l’évolution politique incarne la longue dégénérescence du Workers Revolutionary Party, un parti qui à une certaine époque défendit les principes du trotskysme avant de devenir un appendice centriste et droitier de la social-démocratie et un défenseur du stalinisme et du nationalisme bourgeois. C’est surtout après la transformation de la SLL en Workers Revolutionary Party que la section britannique du Comité International abandonna de façon systématique la ligne politique trotskyste de principe qu’elle avait défendue dans la lutte contre la réunification du SWP avec les pablistes. Ce processus fut analysé en profondeur par le Comité International dans sa déclaration datée du 9 juin 1986 et parue sous le titre de Comment le WRP a trahi le trotskysme : 1973-1985.

Banda rejette la position selon laquelle la dégénérescence du WRP est due à sa trahison de la lutte pour le trotskysme. Il prétend au contraire que cette dégénérescence est le résultat inévitable du fait que le WRP était lié au mouvement trotskyste, c’est-à-dire au Comité International. C’est pourquoi sa réaction à la crise du WRP est d’appeler à en finir avec le CIQI.

La plus malhonnête et la plus révélatrice cependant de ses déclarations est celle-ci :

« Si North et ses lèches-bottes cherchent les raisons de la dégénérescence du WRP dans l’abandon de la théorie de la révolution permanente, c’est qu’ils n’ont rien compris. Le fait est que, comme je l’ai montré à l’aide d’innombrables citations et exemples concrets, la SLL-WRP et le Comité International n’ont jamais adhéré à cette théorie. Ils l’ont répudiée dans la pratique.

Ce fut d’ailleurs aussi le cas en Indochine ou le Comité International a pendant des décennies défendu le mot d’ordre de : « Vive la révolution vietnamienne ! A bas le FNL ! ». C’est sur mon intervention personnelle contre Wohlforth de la Workers League que la ligne fut changée en : « Victoire au FNL ! » et ce, dans une lutte acharnée contre Healy et Lambert » (Italiques dans l’original).

Il nous faut tout d’abord faire un sort au mensonge odieux touchant à la ligne du Comité International et de la Workers League vis-à-vis de la Révolution vietnamienne. Ni la Workers League ni le CI n’ont jamais défendu le mot d’ordre de « A bas le FNL ! ». Il s’agit là tout bonnement d’une invention malveillante de plus de la part de Banda.

Banda prétend que pendant des années il s’est battu pour convaincre Healy et Wohlforth de ne plus scander : « A bas le FLN ! ». Il ne peut malheureusement pas indiquer avec précision les années où cette bataille s’est déroulée. Une omission qui est délibérée ; il suffit de se représenter le déroulement de la guerre du Vietnam pour démasquer son mensonge.

L’ « incident » du Golfe du Tonkin, organisé par le président Lyndon Johnson pour servir de prétexte au bombardement du Nord-Vietnam, eut lieu en août 1964. En février 1965, à la suite de l’attaque au mortier de la base aérienne militaire de Pleiku, on ordonna le bombardement systématique du Nord-Vietnam. En mars 1965, on décida d’augmenter considérablement l’intervention de l’infanterie américaine et à la fin de juillet 1965 l’administration Johnson annonça son intention de battre militairement le FNL par une intervention massive de soldats américains.

Le 22 février 1965 parut dans le Bulletin of international socialism une déclaration du Comité Américain pour la Quatrième Internationale (ACFI), le prédécesseur de la Workers League, qui disait : « La lutte du Front National de Libération doit être défendue par tous les moyens. Le centre de cette défense et la condition préalable de la victoire définitive est la longue lutte pour mener au pouvoir la classe ouvrière dans les pays capitalistes avancés, en particulier aux États-Unis ». Dans Newsletter du 10 juillet 1965 parut une déclaration intitulée : « Pour la défaite de l’impérialisme au Vietnam ! » où le comité central de la SLL déclarait : « Tout socialiste doit saluer les succès des combattants de la libération nationale au Sud-Vietnam. Une victoire de ces travailleurs et paysans héroïques sur l’impérialisme et ses fantoches sera un grand coup porté aux ennemis du mouvement ouvrier dans le monde entier ».

Dans son numéro du 24 juillet 1965, Newsletter déclarait sans ambiguïté :

« Le rôle des partis marxistes est de soutenir inconditionnellement tous les mouvements de libération dans leur lutte contre l’impérialisme.

« Dans le cas du Vietnam les travailleurs de chaque pays doivent se mobiliser afin d’affaiblir les forces impérialistes et d’accélérer la victoire du Vietcong.

« La campagne pour un soutien de classe inconditionnel de la Révolution vietnamienne menée contre tous les opportunistes, les staliniens et les révisionnistes est la condition première pour la construction de partis de la Quatrième Internationale dans chaque pays. Les trotskystes sont les critiques les plus intransigeants de la direction de ces mouvements coloniaux, parce qu’ils sont les plus loyaux défenseurs de la révolution anti-impérialiste.

« Il y a danger aujourd’hui que la guerre victorieuse du Vietcong ne soit isolée et minée et que des mains étrangères ne volent les fruits de la victoire. »

Ainsi, les trotskystes américains appelaient à la victoire du FNL un an et demi avant la fondation de la Workers League. La Socialist Labour League appela à la victoire du FLN dès les premiers jours de la guerre contre l’impérialisme américain. Il n’existe absolument aucun document permettant à Banda d’étayer l’accusation qu’il porte contre la CIQI et la Workers League.

Quant à sa tentative de nier que la dégénérescence du WRP est liée, comme l’affirme le CIQI, à l’abandon de la théorie de la révolution permanente, la meilleure façon d’y répondre est d’examiner les manifestations politiques de l’abandon progressif par la section britannique des principes qu’elle avait défendus au début des années 1960 et quel fut le rôle de Banda dans ce processus. Il joua dès 1967 un rôle de premier plan dans la révision et l’attaque des fondements théoriques du trotskysme. Son affirmation actuelle que « la SLL-WRP et le CI n’ont jamais adhéré à la théorie de la révolution permanente » n’est pas un simple mensonge. C’est une tentative de cacher le fait que sa propre interprétation de cette théorie n’avait, à partir du milieu des années 1960 du moins, plus rien à voir avec les conceptions de Trotsky.

A la fin des années 1960, Banda répudia dans ses écrits sur le Vietnam, la Chine et les mouvements révolutionnaires des pays arriérés en général, deux composantes fondamentales de la théorie de la révolution permanente : la première étant que la révolution démocratique ne peut s’accomplir dans les pays arriérés que par la dictature du prolétariat ; et la deuxième que l’établissement d’une société socialiste n’est pas pensable sans le renversement par le prolétariat international du capitalisme dans le monde entier. Les écrits de Banda étaient une apologie de la bourgeoisie nationale et défendaient la théorie stalinienne des deux étapes de la révolution socialiste.

Anticipant tous les divers mouvements nationaux et toutes les tendances qui, indépendamment de leurs divergences épisodiques avec la bureaucratie stalinienne tirent, en dernière analyse, leur ligne politique de la perspective stalinienne du « socialisme dans un seul pays », Trotsky écrivit :

« Si l’on se propose de construire la société socialiste à l’intérieur de limites nationales, cela signifie qu’en dépit des succès temporaires on freine les forces productives, même par rapport au capitalisme. C’est une utopie réactionnaire que de vouloir créer dans le cadre national un système harmonieux et suffisant composé de toutes les branches économiques sans tenir compte des conditions géographiques, historiques et culturelles du pays qui fait partie de l’unité mondiale. Si, malgré cela les créateurs et les partisans de cette doctrine participent à la lutte révolutionnaire internationale (avec ou sans succès, c’est une autre question), c’est parce qu’en leur qualité d’éclectiques incorrigibles, ils unissent d’une façon purement mécanique, un internationalisme abstrait à un socialisme national utopique et réactionnaire. Le programme de l’Internationale Communiste adopté par le VIe congrès est l’expression la plus parfaite de cet éclectisme. » [394]

Banda accordait peu d’importance dans son appréciation de la politique de Mao Tsé Toung et de Ho Chi Minh, à ce critère internationaliste déterminant, fasciné qu’il était par l’audace militaire du FNL et par le radicalisme de la révolution culturelle. Il s’ensuivit qu’il exagéra l’ampleur de leurs prétendues divergences politiques avec les prémisses essentielles du stalinisme et capitula entièrement devant leur politique. Les hommages que Banda plein d’enthousiasme dédiait au courage des combattants du FNL s’accompagnaient de plus en plus d’une attitude non-critique et d’une défense de la politique et de l’histoire de la direction nord-vietnamienne. C’est ainsi qu’à la suite d’une protestation de la part de l’Organisation Communiste Internationaliste (OCI), qui était à l’époque la section française du CIQI, la rédaction de Fourth International se vit contrainte de prendre ses distances vis-à-vis de l’éditorial de son numéro de février 1968, dans lequel Banda avait littéralement fait du FNL une nouvelle incarnation du Parti bolchévique.

Au cours de la même période, les discours enthousiastes de Banda en faveur des Gardes rouges, malgré l’utilisation du mot « critique », se distinguaient par ses concessions injustifiées et dangereuses vis-à-vis de la perspective qui était à la base de la « révolution culturelle » de Mao. C’est ainsi qu’en janvier 1967 Banda fit l’éloge de Mao comme dirigeant du prolétariat chinois en lutte contre la bureaucratie : « Les meilleurs éléments sous la direction de Mao et de Lin Piao furent contraints de sortir du cadre du parti et d’en appeler à l’intervention de la jeunesse et de la classe ouvrière. Pour la première fois depuis 1926, la classe ouvrière chinoise est entrée en action de façon autonome. Voilà la vraie signification des derniers événements de Pékin, Shangaï et Nankin ». (Italiques dans l’original). [395]

Dans un discours prononcé le même mois à Londres, Banda donna de la lutte politique qui faisait rage dans la bureaucratie chinoise une description qui prenait les affirmations de Mao pour argent comptant.

« En Chine se déroule actuellement une lutte contre les couches qui représentent la pression de l’impérialisme pesant sur l’État chinois et le parti, ceux qui veulent arrêter la révolution, qui ne veulent pas la poursuivre, qui sont satisfaits de leurs salaires et de leurs privilèges actuels, qui méprisent la classe ouvrière en Chine et ailleurs et veulent imposer leur ligne au parti et à l’État chinois.

« Ils s’opposent à ce qu’ ‘éclosent mille fleurs’ ou à ce que les écoles théoriques rivalisent…. La direction Mao qui jouit du soutien des Gardes rouges lutte contre ce groupe sous le drapeau de ‘l’égalitarisme’.

« Ils luttent contre les privilèges, contre les plein-pouvoirs autocratiques, pour la démocratie en Chine, pour le droit de dire aux juges, à la police et aux ministres ce que les gens pensent réellement de leur politique et de les mettre à la porte s’ils ne s’améliorent pas. » [396]

L’analyse de Banda était une dangereuse manifestation de révisionnisme pabliste dans la direction de la section britannique du CIQI. Banda attribuait à Mao le même rôle que Hansen avait attribué à Castro : celui d’un substitut inconscient, ou dans le meilleur des cas, semi-conscient, de la Quatrième Internationale. Alors que Castro avait été consacré dirigeant de la révolution socialiste à Cuba, Banda fit plus ou moins de Mao un dirigeant de la révolution politique en Chine : « Le Parti communiste chinois (créé par Mao Tsé Toung), les syndicats chinois, le mouvement de jeunesse chinois, toutes ces organisations ont dégénéré au-delà de tout retour. C’est pour cela que Mao dut lâcher les Gardes rouges ». [397]

Il est impossible de croire que Banda ne savait pas que son affirmation que Mao avait créé le PC chinois ne correspondait pas aux faits. Il est impossible de tirer une conclusion autre que celle-ci : Banda a délibérément ignoré l’histoire du Parti communiste chinois entre 1921 et 1927, les années de formation cruciales et le fondement nécessaire à une étude marxiste de son évolution politique. Affirmer que Mao avait créé le PC chinois revenait à nier que la direction Mao était elle-même un produit de la trahison de la Révolution chinoise par Staline entre 1925 et 1927.

Le discours de Banda comportait une distorsion du trotskysme plus grave encore. Il déclarait par rapport à un article prophétique de Trotsky, La guerre des paysans en Chine et le prolétariat  :

« Trotsky déclarait dès 1932, dans une lettre aux membres de l’Opposition de gauche en Chine, que le Parti communiste chinois, s’il devait arriver au pouvoir, se trouverait rapidement en face d’un conflit nouveau, parce que le Parti communiste chinois, étant donné qu’il s’appuyait principalement sur la paysannerie attirerait au cours de la révolution démocratique nationale beaucoup de gens qui ne sont pas de véritables communistes mais des démocrates petits-bourgeois.

« Il écrivit que tôt ou tard une crise éclaterait entre l’aile ouvrière et l’aile bureaucratique et paysanne du Parti communiste et conduirait à une révolution complémentaire en Chine…

« Les événements actuels en Chine sont à bien des égards la réalisation des prédictions faites par Trotsky. » [398]

C’était là une falsification de ce que Trotsky avait écrit. Banda citait cet article de 1932 afin de justifier son soutien critique de Mao en tant que dirigeant d’une tendance prolétarienne et prétendait dans le meilleur style pabliste que Mao réalisait le testament politique de Trotsky. Mais en réalité La guerre des paysans en Chine et le prolétariat représentait une condamnation sans appel de toute la ligne politique du PC chinois sous la direction de Mao.

Trotsky, qui puisait dans la riche tradition de la lutte des marxistes russes contre les narodnikis (populistes paysans) s’opposait avec force à la conception que la paysannerie pouvait constituer la principale base sociale d’un véritable parti communiste. Un véritable parti communiste doit avant tout et principalement être l’avant-garde du prolétariat des villes. Trotsky décrivait de façon frappante le processus social par lequel des « révolutionnaires communistes » qui se trouveraient à la tête d’armées paysannes seraient changés en dirigeants d’un mouvement populaire hostile au prolétariat. Il expliquait que les antagonismes sociaux entre le prolétariat et la paysannerie ne pouvaient être surmontés par le simple fait d’appeler l’armée paysanne « Armée rouge » et par le fait que celle-ci était dirigée par des gens qui se considéraient comme marxistes.

Trotsky faisait remarquer qu’il existait un rapport entre la retraite des staliniens dans les campagnes après 1927 et 1928 et le fait qu’ils avaient précédemment, entre 1925 et 1927, subordonné le prolétariat à la bourgeoisie nationale. Il refusait de considérer comme légitime, indépendamment des succès épisodiques de l’Armée rouge, la tentative des staliniens de substituer la paysannerie au prolétariat comme base sociale du mouvement socialiste révolutionnaire.

Trotsky, de plus et contrairement à ce qu’affirmait Banda, ne parlait pas, lorsqu’il envisageait les conséquences d’une victoire de l’armée paysanne, d’un conflit entre « l’aile ouvrière » du PC chinois et son aile bureaucratique et paysanne. Ceci est une invention de Banda essayant de présenter Mao comme le dirigeant d’éléments prolétariens au sein du PC. Ce que Trotsky évoquait en réalité c’était le danger qu’un PC chinois ayant pour base la paysannerie puisse se changer en ennemi déclaré du prolétariat et qu’il ne mobilise la paysannerie contre l’avant-garde marxiste représentée par les trotskystes chinois.

Cet article fut certes écrit avant la rupture définitive de Trotsky avec la Troisième Internationale suite à la défaite de la classe ouvrière allemande en 1933, mais ne laisse aucun doute sur le fait que les intérêts du prolétariat chinois ne pouvaient être défendus de façon conséquente qu’en développant la fraction bolchévique - les adhérents de l’Opposition de gauche (le prédécesseur de la Quatrième Internationale).

Banda séparait, de façon superficielle et incorrecte, Mao des conséquences de la ligne de classe suivie par le PC chinois pendant les quarante années précédentes et il ignorait toutes les caractéristiques de la révolution culturelle qui, se fondant sur la conception non marxiste du socialisme paysan de Mao, étaient réactionnaires. La dissémination de sections du prolétariat à la campagne, la glorification du village par opposition à la ville, l’attaque contre la science, la culture et contre pratiquement toute forme d’activité intellectuelle n’avaient rien à voir avec le marxisme, mais reflétaient au contraire le provincialisme de la paysannerie. La révolution culturelle finit par conduire la Chine au bord de l’effondrement économique et poussa Mao à faire brusquement volte-face et en 1971 à se réconcilier avec l’impérialisme américain.

La plus cruelle des suites de la « théorie » maoïste fut la politique des Khmers rouges au Cambodge. L’entrée de l’armée paysanne à Phnom Penh en 1975 conduisit à une catastrophe. La paysannerie considéra, comme Trotsky l’avait prédit, l’ensemble de la population urbaine en ennemi, y compris la classe ouvrière. Cette attitude réactionnaire entraîna la terrible évacuation de la ville et d’immenses pertes en vies humaines.

On peut mesurer l’ampleur des illusions de Banda dans la direction Mao Tsé Toung à l’affirmation suivante : « La dialectique de l’histoire transforme inévitablement la révolution culturelle en révolution politique ». [399]

Afin de préserver l’unité de la direction et de faire avancer le travail pratique en Grande-Bretagne, Healy évita un conflit avec Banda et son approche pabliste des problèmes de la Révolution chinoise. Ceci constituait déjà une retraite politique vis-à-vis des responsabilités théoriques assumées par les trotskystes britanniques au cours de leur lutte contre le SWP. En outre le laissez-faire de Healy face aux conceptions de Banda affaiblissait inévitablement la ligne de classe de la section britannique. Son attitude non critique vis-à-vis d’Ho Chi Minh et de Mao Tsé Toung reflétait les vues de larges couches d’intellectuels dont le scepticisme à l’égard des capacités révolutionnaires du prolétariat allait de pair avec un engouement pour une « guerre populaire » ayant pour base sociale la paysannerie.

A la fin des années 1960 ce romantisme politique jouissait d’une audience grandissante, le résultat d’une radicalisation de larges couches de la classe moyenne en réaction aux crises économiques et politiques croissantes de l’impérialisme. Le fait que Healy évitait tout conflit politique avec Banda sur cette question revenait à une capitulation politique aux conséquences graves devant ces éléments petit-bourgeois. Le développement numérique de la Socialist Labour League était largement dû à l’afflux d’éléments petits-bourgeois et les compromis qui existaient au sein de la direction signifiaient que ces nouvelles recrues ne pouvaient être formées sur la base des leçons théoriques et politiques de la lutte contre le pablisme. Ainsi, la croissance en nombre de l’organisation ne fut pas accompagnée d’un nouveau développement des cadres trotskystes. La Socialist Labour League commença à évoluer vers une organisation centriste et répéta sous une autre forme et dans des circonstances objectives différentes, le processus politique qui avait conduit, plusieurs années auparavant, à la désintégration du Socialist Workers Party.

La capitulation de Banda devant les perspectives nationalistes de Mao et d’Ho Chi Minh fut accompagnée d’une révision complète de la position trotskyste à l’égard de la bourgeoisie nationale dans un pays arriéré. Après avoir glorifié le potentiel révolutionnaire de la guerre paysanne aux dépens de la révolution prolétarienne, il adopta ce point de vue que la bourgeoisie nationale d’un pays arriéré pouvait jouer un rôle progressiste dans la lutte anti-impérialiste et devait de ce fait être soutenue. Cette ligne était le prolongement logique de la théorie de Staline-Mao ; l’attitude opportuniste de celle-ci vis-à-vis de la paysannerie n’est qu’un élément dans la séparation qu’elle effectue entre la lutte démocratique nationale et la lutte socialiste révolutionnaire.

Le début de la guerre israélo-arabe de 1967 fut pour Banda l’occasion de répudier explicitement la théorie de la révolution permanente. Contrairement à l’OCI qui adopta une position neutre dans cette guerre, la Socialist Labour League reconnut que le conflit opposait une nation opprimante à plusieurs nations opprimées et appela correctement à la défaite des armées sionistes. Dans les articles de Banda toutefois, la défense des nations opprimées par l’impérialisme se mua en soutien politique de leur régimes bourgeois. Rejetant tout ce que Trotsky avait écrit sur cette question et oubliant tout ce que la SLL avait elle-même écrit à ce propos quelques années auparavant, Banda attribuait à la bourgeoisie arabe un rôle progressiste dans la lutte contre l’impérialisme et insistait pour subordonner le prolétariat à sa direction.

Dans un article paru dans Newsletter le 8 juillet 1967 et où il essayait de faire du trotskysme une défense de l’hégémonie de la bourgeoisie nationale il écrivit :

« Jamais Trotsky n’a prétendu que, puisque les pays sous-développés ont encore à résoudre les tâches d’une révolution démocratique bourgeoise retardée, ils doivent ou peuvent éviter la phase démocratique bourgeoise et se précipiter directement dans leur phase socialiste révolutionnaire. Une telle distorsion ressemble plus à un dogme de l’immaculée conception qu’au marxisme.

« Les pays arriérés du monde restent arriérés parce qu’ils sont opprimés par l’impérialisme. C’est plus vrai dans les pays arabes qu’ailleurs. Quatre-vingt millions de travailleurs restent soumis au joug de l’impérialisme malgré une indépendance politique formelle. C’est là le ressort de la révolution arabe qui n’est pas une révolution socialiste mais une révolution nationale bourgeoise et démocratique.

« Cette révolution ne se ‘muera’, pour parler comme Lénine, en révolution socialiste que dans la mesure où elle passera sous direction prolétarienne.

«  Mais avant de pouvoir aspirer à prendre la direction le prolétariat doit soutenir de façon conséquente et sans ambiguïté les revendications de la révolution nationale, en particulier la revendication de l’unité et de l’indépendance totale de la nation arabe.

« Refuser de le faire sous prétexte que Nasser, Aref ou même Hussein se prononcent pour ces revendications signifierait enfermer le mouvement marxiste dans un isolement sectaire. » (Italiques de l’auteur).

Répétant les vieux sophismes des staliniens, Banda déduisait des tâches démocratiques inachevées des masses égyptiennes un rôle progressiste pour la bourgeoisie égyptienne (et arabe). Son allusion abstraite aux « revendications de la révolution nationale » ignorait les énormes antagonismes de classe existant dans les nations arabes opprimées (surtout en Egypte) et revenait à exiger que le prolétariat se soumette à la tutelle de la bourgeoisie dans la lutte anti-impérialiste. Son rejet catégorique de toute dynamique socialiste (anticapitaliste) dans la lutte anti-impérialiste revenait à rendre illégale toute action autonome du prolétariat contre la bourgeoisie au nom de « l’unité nationale anti-impérialiste ».

Et cependant l’axiome central de la théorie de la révolution permanente est que c’est précisément la lutte des classes intérieure du prolétariat contre la bourgeoisie nationale qui produit l’énergie révolutionnaire nécessaire pour briser la domination d’un pays arriéré par l’impérialisme. Jamais la lutte anti-impérialiste ne pourra vaincre tant que le prolétariat n’aura pas, au cours d’une lutte de classe acharnée, établi sa totale autonomie vis-à-vis de la bourgeoisie nationale et mobilisé derrière lui les millions de paysans opprimés.

Les louanges de Banda à l’adresse de Nasser dont il fait le symbole de l’unité arabe dans ses Vingt-sept raisons n’est qu’une preuve récente de ce que sa propre évolution politique était celle d’un nationaliste bourgeois de gauche. Dans ce sens, la biographie de Banda-Van Der Poorten reflète celle de nombreux jeunes bourgeois des pays coloniaux faisant partie de la même génération. Leur dégoût de l’impuissance de la bourgeoisie nationale des pays coloniaux les poussa vers la classe ouvrière et vers le marxisme. Mais leur relation avec le prolétariat resta bien faible et cessa dès que l’impérialisme se montra disposé à s’arranger avec la bourgeoisie nationale. Ils interprétèrent ces concessions comme la preuve que la bourgeoisie nationale joue, en fin de compte, un rôle progressiste et non pas comme des retraites calculées de l’impérialisme dans le but de prévenir son expropriation complète par le prolétariat. Il y a de l’ironie dans le fait que Banda succombe aux mêmes illusions et aux mêmes pressions politiques que celles qui détruisirent les dirigeants révolutionnaires qui furent les idoles de sa jeunesse. Dans son pays d’origine, le Sri Lanka, l’octroi de l’indépendance en 1947 avait conduit le LSSP à entamer sa rupture d’avec le trotskysme, rupture qui allait s’achever par la transformation du LSSP en pilier réformiste du pouvoir bourgeois indigène.

Si l’on considère l’évolution de Banda dans son ensemble, on constate que son « trotskysme » n’était qu’un fin vernis recouvrant un radicalisme petit-bourgeois qui avait bien peu de choses à voir avec une véritable conception prolétarienne du monde. Il ne comprit jamais l’essence de la théorie de la révolution permanente : la libération nationale des masses dans les pays arriérés n’est réalisable que sous la direction du prolétariat et de son parti marxiste. Alors que le trotskysme se tourne toujours vers la classe ouvrière pour résoudre les problèmes fondamentaux de développement social et voit en tout temps sa tâche principale dans la construction d’une direction de la classe ouvrière, il suffisait souvent du radicalisme éphémère de divers nationalistes bourgeois de « gauche » - surtout s’ils avaient recours à la lutte armée - pour détourner Banda du point de vue prolétarien du Comité International. Plus Banda perdait courage devant le caractère prolongé de la lutte pour développer la conscience révolutionnaire dans la classe ouvrière européenne et nord-américaine, plus il devenait réceptif aux développement spectaculaire des mouvements nationaux dans les pays arriérés.

Le rejet du rôle révolutionnaire du prolétariat par Banda avait encore un autre aspect. Banda défendait le « droit » de la bourgeoisie des pays arriérés de défendre les frontières nationales. Il a aujourd’hui l’audace de prétendre que le CIQI n’a jamais accepté la théorie de la révolution permanente, alors que c’est son adaptation opportuniste à la bourgeoisie de l’Inde pendant la guerre indo-pakistanaise de 1971 qui fut l’objet d’une attaque ouverte de la Revolutionary Communist League, la section sri lankaise du Comité International.

Ce conflit a une très grande importance, non seulement parce qu’il réfute l’affirmation mensongère de Banda selon laquelle le CIQI n’a jamais défendu la théorie de la révolution permanente, mais parce qu’elle fait également la lumière sur la contradiction fondamentale existant dans la relation de la SLL-WRP avec le Comité International. La lutte menée par la SLL contre le pablisme avait été soutenue par les trotskystes du monde entier. Les documents que Slaughter écrivit entre 1961 et 1964 en défense de la théorie de la révolution permanente avait jeté les bases théoriques pour l’éducation d’une nouvelle génération de révolutionnaires. La fondation de la Workers League aux États-Unis et de la Revolutionary Communist League au Sri Lanka étaient le résultat direct de la lutte contre le pablisme et leurs cadres furent formés sur la base des leçons théoriques de cette lutte. Et c’était là la source politique du conflit existant à l’intérieur du CIQI. Tandis que Banda trouve pratique de présenter le CIQI comme l’unité abstraite de toutes les sections, la dérive à droite de la direction Healy-Banda-Slaughter mit à jour les profondes divergences qui existaient à l’intérieur du Comité International.

En mars 1971, l’armée pakistanaise envahit le Pakistan Oriental et entreprit un génocide pour empêcher à tout prix la création d’un État indépendant du Bengladesh. Dès l’automne de cette année, l’armée pakistanaise se trouvait fortement affaiblie de par la résistance bengalaise, dirigée par le parti radical Mukti Bahini. Prévoyant sa déroute imminente, le gouvernement d’Indira Gandhi, qui craignait l’établissement d’un État bengali à direction radicale, décida d’intervenir en envoyant à son tour des troupes au Pakistan Oriental.

Banda salua avec enthousiasme l’intervention de l’armée indienne. Sans en discuter dans le Comité International, il écrivit une déclaration qui soutenait la bourgeoisie de l’Inde et qui fut publiée au nom du Comité International. Voici ce qu’on pouvait y lire : « Nous soutenons de façon critique la décision du gouvernement bourgeois de l’Inde d’apporter une aide militaire et économique au Bengladesh. Nous condamnons la tentative de l’impérialisme américain de mettre fin au conflit par une intervention de l’ONU ainsi que sa menace de mettre un terme à l’aide économique de l’Inde. » [400]

Tout en reconnaissant pour la forme le « caractère réactionnaire de la bourgeoisie de l’Inde », il insistait pour dire que Gandhi avait le droit d’intervenir au Bangladesh et ne disait pas un mot des tâches autonomes du prolétariat indien. La prise de position de la Revolutionary Communist League, la section sri lankaise du CIQI, était diamétralement opposée à celle mise en avant par Banda avec l’accord de Healy et Slaughter. Elle appelait le prolétariat de l’Inde et du Pakistan à s’opposer aux actions militaires de leur propre classe dirigeante :

« C’est précisément parce que les trotskystes défendent inconditionnellement et sans ambiguïté la lutte pour le Bangladesh qu’ils sont pour la victoire des forces armées du Mukti Bahini sur l’armée pakistanaise. Nous déclarons qu’il est du devoir du prolétariat pakistanais de lier son destin à celui de la lutte pour le Bangladesh et de lutter pour la défaite de ‘sa propre armée’. Le prolétariat pakistanais devrait, dans la meilleur tradition de l’internationalisme prolétarien, adopter la position léniniste du défaitisme révolutionnaire, parce que la guerre de la classe dirigeante pakistanaise est une guerre d’agression nationale menée dans l’intérêt du statu quo impérialiste.

« Mais en même temps nous nous démarquons catégoriquement de tous ceux qui camouflent les objectifs annexionnistes et contre-révolutionnaires de la guerre menée par l’Inde, à l’Est comme à l’Ouest, grâce à un soutien de façade du mouvement au Bengladesh. Nous appelons le prolétariat indien à rejeter les prétentions de la bourgeoisie indienne à être la libératrice du Bengale Oriental. Les trotskystes déclarent que l’intervention armée de l’Inde au Bengale Oriental avait un seul et unique objectif, celui d’empêcher que la lutte pour le Bengladesh ne se transforme en une lutte pour la réunification du Bengale tout entier sur une base révolutionnaire. L’intervention armée de l’Inde avait pour but de briser la lutte de libération bengalaise, de réprimer le soulèvement des masses au Bengale et d’établir un gouvernement fantoche usurpant le nom de gouvernement du Bengale, contrôlant et limitant le mouvement de masse dans l’intérêt de la bourgeoisie et de l’impérialisme. Nous appelons par conséquent aussi le prolétariat indien à adopter vis-à-vis de la guerre contre-révolutionnaire de la bourgeoisie indienne une position de défaitisme révolutionnaire et de soutenir au contraire la lutte du Mukti Bahini par tous les moyens. » [401]

Le 16 décembre 1971, le secrétaire de la RCL Keerthi Balasuriya écrivit une lettre dans laquelle il protestait contre la ligne adoptée par la section britannique au nom du Comité International.

« La guerre de l’Inde contre le Pakistan n’est pas une guerre de libération. L’objectif de cette intervention consiste à établir une dictature en Inde même qui ait les moyens d’opprimer les luttes nationales et celles de la classe ouvrière. Tout en poussant de hauts cris sur l’oppression organisée par Khan, Indira Gandhi a elle-même opprimé tous les droits démocratiques de la classe ouvrière indienne et des masses opprimées grâce à l’État d’urgence et essaye d’annexer le Cachemire et le Bengale Oriental.

« Il est impossible de soutenir la lutte de libération nationale du peuple bengalais et l’unification volontaire de l’Inde sur une base socialiste sans s’opposer à la guerre indo-pakistanaise. Sans opposition de l’intérieur de l’Inde et du Pakistan contre la guerre il est totalement absurde de parler d’une Inde socialiste unie qui seule est en mesure d’assurer le droit à l’autodétermination des nombreuses nations du sous-continent indien.

« La déclaration du CI soutient de façon critique ‘certaines décisions du gouvernement indien’ sans prendre une attitude de principe vis-à-vis de la guerre du Pakistan et de l’Inde. On ne peut soutenir cette position ni en Inde ni ailleurs. La classe ouvrière en Inde doit-elle soutenir cette guerre ou non ? Comment construire une section du CI en Inde sans apporter de réponse à ces questions ? S’opposer à la guerre menée par Indira Gandhi signifie mobiliser la classe ouvrière indienne de façon autonome afin de renverser le gouvernement Gandhi et le remplacer par un gouvernement ouvrier et paysan. Ce n’est qu’avec cette ligne défaitiste révolutionnaire que les révolutionnaires peuvent lutter pour la liberté du Bengale et l’unification socialiste de l’Inde. » [402]

La position révolutionnaire de la RCL provoqua la colère de Banda. Il défendit la ligne adoptée par la SLL dans une lettre datée du 27 janvier 1972, où il avançait une position revenant à une défense servile des intérêts de classe de la bourgeoisie de l’Inde. Banda déclarait, citant l’article d’un journaliste bourgeois, Jack Anderson, qui écrivait pour la presse à sensation américaine, que l’intervention de Gandhi était justifiée « parce que le marché intérieur déjà restreint de la bourgeoisie indienne » devait être protégé - comme si la politique du prolétariat dépendait des tentatives désespérées de la bourgeoisie d’un pays arriéré de défendre son économie capitaliste chétive contre la pression de l’impérialisme.

Plus remarquable encore était l’affirmation de Banda que la guerre entre l’Inde et le Pakistan avait « changé la situation de façon dramatique. « La contradiction entre la classe ouvrière et les capitalistes en Inde n’a pas cessé d’exister. Non, mais elle a été supplantée par le conflit entre la nation indienne et l’impérialisme représenté par le Pakistan ». (Italiques de Banda). [403].

En écrivant ces lignes, Banda abandonnait entièrement le marxisme. Prétendre qu’une guerre entre un pays oppresseur et un pays opprimé (ce dont il ne s’agissait pas en tous cas dans la guerre indo-pakistanaise de 1971) supprimait la lutte des classes dans le pays opprimé, signifie défendre la ligne politique du menchévisme et du stalinisme. Si l’on développait la position de Banda jusqu’à sa conclusion logique elle représentait un argument en défense d’une interruption de la lutte des classes et de la formation d’une alliance de front populaire entre la classe ouvrière et la bourgeoisie nationale. La ligne de Banda correspondait à la politique de ceux que Trotsky condamnait en 1927 comme de « tristes philistins et sycophantes », parce qu’ils croyaient qu’ « il était possible de parvenir à la libération nationale à travers un apaisement de la lutte des classes, en freinant les grèves et les soulèvements agraires et en renonçant à armer les masses ». [404]

Ces documents politiques montraient deux choses : premièrement que ceux qui, au sein du CIQI, se basaient sur l’héritage de la lutte contre le révisionnisme pabliste défendaient la théorie de la révolution permanente au moment où la direction du Workers Revolutionary Party les abandonnait ; deuxièmement que Mike Banda était le précurseur de la théorie du rôle révolutionnaire de la bourgeoisie nationale qui conduisit, au milieu des années 1970, aux rapports mercenaires entretenus par Healy avec la bourgeoisie arabe. Le fait que personne dans le WRP ne se soit élevé contre les activités de Healy au Moyen-Orient s’explique par le fait que Banda avait préalablement fourni la justification théorique de cet opportunisme sans bornes. Lorsque Banda déclara au début du mois de novembre 1985 que sa rupture avec Healy ne se fondait pas sur des divergences programmatiques il disait, pour une fois, la vérité.

Les opérations de Healy au Moyen-Orient n’était en réalité pas pires que les positions prises par Banda. En 1978, alors que Healy justifiait l’assassinat de membres du Parti communiste irakien par le régime Baas, Banda attaqua la section australienne du CIQI, la Socialist Labour League, parce qu’elle avait défendu le droit à l’autodétermination du Timor Oriental. Banda expliqua que l’invasion de la partie orientale de l’Ile de Timor par les armées du dictateur indonésien, le général Suharto, qui se solda par le massacre de milliers de travailleurs et de paysans, était justifié parce qu’elle contribuait à l’unité indonésienne ! Ce prétendu expert de la théorie de la révolution permanente avait dégénéré en nationaliste réactionnaire et son principal souci politique était de défendre les frontières d’États bourgeois.

Le fait que cet homme occupait le poste de secrétaire général du Workers Revolutionary Party témoigne de la profonde putréfaction politique de cette organisation.


[394]

Léon Trotsky, La Révolution permanente, Éditions de Minuit, Paris 1963, p.9.

[395]

Newsletter, 21 janvier 1967.

[396]

Newsletter, 28 janvier 1967.

[397]

Ibid.

[398]

Ibid.

[399]

Newsletter, 15 avril 1967.

[400]

Workers Press, 6 décembre 1971.

[401]

Déclaration de la Revolutionary Communist League, Fourth International, t.14, n°1, mars 1987, p.38.

[402]

Ibid., p.42.

[403]

Ibid., p.49.

[404]

Leon Trotsky on China, édit. Les Evans et Russell Block, Monad Press, New York 1976, pp.161-162.