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La mondialisation : et la perspective socialiste

Conclusion
Par Nick Beams
7 juin 2000

Première partie
Seconde partie

Nick Beams, membre du bureau de rédaction international du World Socialist Web Site et secrétaire général du Parti de l'Égalité Socialiste en Australie, vient de donner une série de conférences dans six universités australiennes. La conférence de Beams, intitulée La mondialisation : le point de vue socialiste a trouvé son public auprès des étudiants, des universitaires, des travailleurs, et des professionnels à Sydney, Melbourne, Newcastle, et Canberra. Le wsws.org publie la conférence en trois parties.

Les prêtres catholiques enseignent que l'âme quitte le corps et monte au ciel à la mort. Les grands prêtres du marché prêchent une doctrine similaire en affirmant que l'argent peut être séparé du processus de production et accéder au paradis financier où l'argent peut engendrer infiniment de l'argent.

Est-il possible au capital de réaliser son rêve d'indéfiniment transformer de l'argent en plus d'argent ? Ou bien ce processus est-il intrinsèquement limité ?

La valeur des actions peut bien continuer d'augmenter et de générer des profits lors de transactions pourvu que de nouveaux capitaux apparaissent constamment sur le marché. Autrement dit, les revenus et les profits peuvent s'accumuler comme dans une vente pyramidale ou une chaîne de lettres.

Bien qu'il gagne toujours plus en importance par rapport au capital productif, le capital fictif ne peut toutefois échapper à ses origines. À un moment donné, il est confronté au fait qu'il est une réclamation sur la plus-value. Et cette dernière doit être en fait extraite de la classe ouvrière. Selon les défenseurs de la « nouvelle économie », les valeurs actuelles des actions n'est pas « irrationnelle », mais simplement une anticipation de l'augmentation de la productivité et des profits qui découlent des nouvelles technologies, et plus particulièrement de celles associées à l'Internet.

Il est indéniable que les nouvelles technologies apportent et vont continuer d'apporter de grandes augmentations de productivité. Mais, comme nous l'avons vu précédemment, l'augmentation de la productivité ne règle pas le problème.

Par conséquent, la structure du capitalisme mondial prend de plus en plus la forme d'une pyramide inversée où le poids du capital fictif, qui exige sa part de la plus-value comme tout autre capital, croît par sauts et par bonds par rapport à celui du capital productif, qui lui doit en fin de compte satisfaire à toutes ces nouvelles demandes.

Les quelques faits qui suivent illustreront ce phénomène. Au début de 1999, America Online, qui emploie 10 000 personnes, affichait une valeur boursière de 66,4 milliards de dollars US. Cependant, General Motors, qui emploie 600 000 travailleurs, affichait alors une valeur boursière de 52,4 milliards de dollars US. Les deux sections du Capital réclament leur part de la plus-value totale selon leur valeur en bourse. Mais il est évident que la contribution d'America Online, avec seulement 10 000 employés, à l'accumulation de la plus-value totale que se divise l'ensemble du capital est bien moindre que celle de General Motors avec ses 600 000 travailleurs. Même si tous les employés de America Online travaillaient gratuitement 24 heures par jour, ils ne pourraient produire la même quantité de plus-value que ceux de General Motors.

Dans le cas de Yahoo!, la contradiction entre les réclamations du capital sur la plus-value d'un côté et l'extraction véritable de cette dernière de l'autre est encore plus flagrante. Ainsi, avec seulement 673 employés, Yahoo! affiche une valeur boursière de 33,9 milliards de dollars US.

La pyramide inversée du capitalisme mondial est la source même de son extrême instabilité. En effet, des centaines de milliards de dollars de capital cherchent à maintenir leur taux de rendement, sondant le marché mondial en quête de plus de profits.

Lorsque les prix des titres de propriété (actions, obligations, biens immobiliers, etc.) augmentent, les capitaux affluent en quête de profit et achètent à bas prix pour ensuite vendre plus cher. Tout le monde s'enrichit et le soleil brille. Mais lorsque le marché est en baisse et qu'il devient évident que la valeur des actions était artificiellement gonflée, la débandade vers la sortie prend la forme d'un sauve-qui-peut généralisé et les valeurs des capitaux sont détruites du jour au lendemain - et non pas seulement le capital fictif, mais également le capital productif.

Suite à la crise asiatique de 1997-1998, certains ont suggéré que la crise soit le résultat de conditions particulières à cette région. En fait, l'effondrement asiatique au cours duquel des millions d'emplois ont été balayés et les banques et les entreprises se sont retrouvées aux prises avec des milliards de dollars de dettes impayables, ne fut pas le fruit de « conditions asiatiques », mais bien une conséquence logique du mode de fonctionnement général du marché capitaliste.

De l'Asie et aussi de certains autres marchés, d'immenses mouvements de capitaux ont convergé vers les États-Unis, contribuant à gonfler encore plus la valeur des actions, ce qui crée les conditions pour un désastre encore plus important alors que les caisses de retraite, les épargnes et les investissements de millions de personnes risquent d'être littéralement sans valeur du jour au lendemain quand les cours de la bourse surévalués s'effondreront.

Un écrivain faisait remarquer récemment que le cauchemar que décrivaient les auteurs de science-fiction, l'humanité contrôlée par les robots et les machines, devient réalité mais avec le capital financier dans le rôle des machines. Les marchés financiers prennent en effet la forme d'un capitaliste collectif, le Capital au sens large, une espèce d'automate qui domine la vie des humains à travers le monde entier en subordonnant toutes les conditions de l'existence à l'effort incessant pour accumuler même la dernière once de plus-value. La racine de cette domination n'est pas la technologie, mais bien le système des rapports sociaux qui est basé sur l'expansion même de la valeur.

L'humanité confronte une crise : les mêmes technologies et forces de production, qui assurent les fondements matériels nécessaires à l'émancipation de l'humanité, qui font que pour la première fois dans l'histoire la perspective d'une véritable liberté de l'homme ne soit pas une utopie mais une potentialité réaliste, sont subordonnées à un système de production dont la logique objective même exige l'appauvrissement de la masse des producteurs de la richesse.

Il y a plus de 150 ans, dans une brillante anticipation de la situation actuelle confrontée par les vastes masses du monde entier, Marx écrivait : « à vrai dire, dans l'histoire passée, c'est aussi un fait parfaitement empirique qu'avec l'extension de l'activité au plan de l'histoire universelle, les individus ont été de plus en plus asservis à une puissance qui leur est étrangère [...] une puissance qui est devenue de plus en plus massive et se révèle en dernière instance être le marché mondial. »[4]

Examinons un moment le caractère de ce marché mondial - cet immense mouvement financier qui dicte la fermeture d'une entreprise ici, la destruction massive d'emplois là, qui décrète qu'à l'époque même des plus grandes avances productives de l'humanité, il n'y a pas suffisamment d'argent pour la santé et l'éducation, qui exige des compressions dans les services sociaux dans un pays et des « ajustements structuraux » dans l'autre. Malgré les prétentions de ses représentants, le marché n'est pas une création de Dieu, ni un don de la nature. Le marché, c'est l'expression aliénée des forces productives sociales de l'humanité.

La perspective socialiste

Comment aller au-delà de cette aliénation ? Marx insistait sur le fait que pour cela, il fallait que soient remplies deux conditions de nature pratique :

« Pour qu'elle devienne une "puissance insupportable", c'est-à-dire une puissance contre laquelle on fait la révolution, il est nécessaire qu'elle ait fait de la masse de l'humanité une masse totalement "privée de propriété", qui se trouve en même temps en contradiction avec un monde de richesses et de culture existant réellement, choses qui présupposent toutes deux un grand accroissement de la force productive, c'est-à-dire un stade élevé de son développement » [5]

Il est indéniable que ces conditions sont maintenant remplies. La mondialisation de la production a en effet entraîné une croissance de la classe ouvrière qui a vu son nombre croître de plusieurs centaines de millions dans des régions du monde où l'industrie existait encore à peine il y a seulement quelques décennies. Dans les pays capitalistes avancés, des sections entières de la population, autrefois considérées de la classe moyenne, se sont prolétarisées. Et dans le monde entier, bien qu'elles assument diverses formes, les luttes des travailleurs sont objectivement unifiées par le fait qu'elles sont provoquées en réaction aux opérations du marché mondial et aux exigences des mêmes banques et des même transnationales qui dominent toutes les économies nationales de la planète.

Aujourd'hui, la question la plus brûlante est de savoir sous quel programme et selon quelle perspective cette lutte contre le capitalisme mondial doit être organisée et menée. Au cours des derniers mois, nous avons vu une série de marche de protestations et de manifestations, d'abord contre l'Organisation mondiale du commerce, puis en mai contre le FMI et la Banque mondiale.

Le développement d'une telle opposition a alerté les cercles dirigeants qui reconnaissent bien qu'en dépit de l'augmentation de la valeur des actions et du triomphalisme capiteux du marché qui prévalait encore il y a seulement quelques années, les vastes masses de la population mondiale sont profondément insatisfaites et même hostiles à l'ordre social actuel.

Mais quelques semaines seulement après l'apparition sur la scène de ces mouvements, les questions de programme et de perspective se retrouvaient au premier plan - des questions que nous avons examinées dans les déclarations des manifestations contre l'OMC et le FMI, ainsi que lors de notre récente discussion sur le World Socialist Web Site avec le professeur Michel Chossudovsky.

Tous les éléments dominants de ce mouvement de protestation, indépendamment des différences tactiques qu'ils peuvent avoir entre eux, par exemple si le FMI et les autres institutions du capitalisme mondial doivent être « réformés » ou « éliminés » partagent la même perspective politique sous-jacente : il faut restaurer la souveraineté nationale pour faire face à la domination du système financier mondial.

Le professeur Chossudovsky a démontré très clairement que le libre marché n'avait que la dévastation économique à offrir aux peuples. Mais précisant sa perspective, il déclarait : « nous devons restaurer la vérité, la souveraineté de nos pays et la souveraineté du peuple de nos pays. »

C'est là qu'on trouve la différence fondamentale entre l'opposition socialiste au capitalisme mondial, qui cherche à unir la classe ouvrière internationale par-delà les frontières nationales, et l'opposition nationaliste petite-bourgeoise à la « mondialisation » qui prône la restauration du pouvoir de l'État national.

Cette perspective est essentiellement réactionnaire au sens historique du terme. En effet, à toutes les étapes du développement du capitalisme, des mouvements qui demandaient de revenir au passé sont apparus en réaction aux bouleversements sociaux entraînés par la révolutionnarisation des forces productives.

Lors de la première phase du développement du capitalisme industriel, on décriait ainsi la destruction de l'économie paysanne et de la production artisanale petite-bourgeoise. Puis à l'ère de la monopolisation et de la formation des gigantesques conglomérats capitalistes au tournant du siècle dernier, des mouvements apparurent pour demander la restauration de la production à petite échelle qui caractérisaient la période précédente révolue. Et maintenant, en réaction à la dernière phase du développement du capitalisme, nous entendons des demandes pour un retour au capitalisme régulé à l'échelle nationale, lié au boum d'après-guerre et basé sur les politiques keynésiennes de stimulation de la consommation.

Dans notre déclaration du 30 novembre 1999 intitulée Principes politiques premiers pour un mouvement contre le capitalisme global, nous avions signalé qu'il n'était pas possible de considérer que la « mondialisation » était identique au « capitalisme mondial » autrement qu'en se basant sur une confusion.

« Il importe de différencier, avons nous insisté, d'une part le caractère de plus en plus global de la production et de l'échange des marchandises, un développement progressif en soi, dont le moteur est les avancées révolutionnaires du domaine des sciences informatiques, des télécommunications et du transport, et d'autre part les conséquences désastreuses sur le plan social qui ne résultent pas de la mondialisation comme telle, mais bien plutôt de la subordination continuelle de la vie économique à un système basé sur la recherche anarchique du profit privé, et lié à la forme dépassée de la nation en tant qu'organisation politique.

« La grande question à l'ordre du jour n'est pas comment revenir à l'époque largement mythique d'une vie économique nationale et isolée, mais plutôt qui contrôlera l'économie globale et au nom de quels intérêts sera décidé comment utiliser ses immenses possibilités techniques et culturelles ? ».

Plaçons les demandes de restauration de la souveraineté nationale dans leur contexte historique. L'État-nation a été créé par la bourgeoisie dans ses efforts pour développer les forces productives et refaçonner le monde pour répondre aux besoins du nouvel ordre social qu'elle engendrait. Mais le système des États-nations est devenu carrément réactionnaire maintenant avec le développement mondial des forces productives. Par conséquent, baser une perspective politique sur la demande de la restauration de la souveraineté nationale, c'est prendre la même position que ces mouvements qui tentèrent autrefois de s'opposer au capitalisme en insistant sur le maintien de l'ordre féodal.

Contrairement aux mouvements de protestation petits-bourgeois qui regardent vers le passé, l'opposition socialiste au capitalisme mondial est orientée vers l'avenir. Ou, plus exactement, elle base sa perspective sur le processus objectif de l'économie capitaliste qui pose présentement les bases pour le développement d'un ordre social supérieur et pour le progrès de la civilisation.

Le développement de la production capitaliste est toujours et partout mis de l'avant par la bourgeoisie pour accumuler des profits et intensifier la lutte de classe. Or c'est ce même développement des forces productives qui mine la domination de la bourgeoisie et prépare les conditions de son renversement. Comme Marx l'expliquait dans le Manifeste du Parti communiste, la bourgeoisie « ressemble au sorcier qui ne sait plus dominer les puissances infernales qu'il a évoquées ».

La mondialisation de la production et de la finance n'a pas seulement engendré le fossoyeur du capitalisme mondial sous la forme de la classe ouvrière internationale, mais elle a également préparé les fondements objectifs d'une économie socialiste mondiale planifiée.

Qu'est d'autre en effet l'entreprise transnationale moderne avec son système de planification élaborée, ses mécanismes d'information et de contrôle, sinon le précurseur développé dans le cadre du capitalisme des formes de planification et de production socialistes ? S'il est possible aujourd'hui d'organiser la production et la distribution des biens et services par delà les continents et les pays par l'entremise d'entreprises transnationales dont plusieurs ont des revenus supérieurs à des économies nationales entières, alors il sera éminemment possible également d'effectuer demain la planification socialiste à l'échelle mondiale afin de satisfaire aux besoins de l'humanité qui verra les forces productives enfin libérées de la logique de l'inlassable accumulation de la plus-value et mises au service de l'humanité au lieu d'être utilisées comme instrument de domination.

Si avec le développement des marchés financiers mondiaux et des systèmes connexes de communication, il est aujourd'hui possible d'être constamment au courant de l'activité économique dans n'importe quel coin de la planète, alors il est tout aussi possible de développer les moyens d'information et de communication nécessaires pour permettre la participation, pour la première fois dans l'histoire, des grandes masses de la population à la planification, à l'organisation et au contrôle de la vie économique.

Tel est le but pour lequel le mouvement socialiste lutte, un objectif qui n'est pas dérivé des plans d'un pseudo réformateur universel quelconque, mais bien des processus mêmes qui se déroulent devant nos yeux.

La Révolution russe

La construction du mouvement politique qui accomplira cette perspective va de pair avec l'assimilation des leçons politiques du XXe siècle, et surtout de l'événement le plus important de ce siècle, la Révolution russe de 1917.

Le fait que cette révolution n'ait pu s'étendre, et les conséquences que cela entraîna : la dégénérescence du premier État ouvrier en un régime totalitaire stalinien et plus tard la restauration du capitalisme en URSS, ont créé une grande confusion et une immense désorientation politique.

Mais les conditions objectives permettant la clarification des éléments les plus avancés de la classe ouvrière et de l'intelligentsia, et par leur entremise des grandes masses de la population, sont actuellement créées par le développement du capitalisme mondial.

La Révolution russe n'est pas tombée du ciel. Elle a été le résultat, résultat prévu et activement préparé par le mouvement marxiste, de la première phase de la mondialisation capitaliste de la fin du XIXe siècle.

La première tentative de renverser le barbarisme dans lequel le capitalisme mondial avait plongé l'humanité a échoué - la bourgeoisie fut en effet en mesure de s'agripper au pouvoir et la révolution dégénéra.

Il faut toutefois placer cette première tentative dans un contexte historique plus vaste. Les mêmes conditions qui ont entraîné la Révolution russe se développent à nouveau. Bien entendu, l'histoire ne se répétera pas de façon identique, mais il n'empêche que pas une seule des contradictions historiques qui ont entraîné l'éruption de 1917 n'a été résolue. Si le capitalisme avait été en mesure, au cours des 100 dernières années, d'assurer le développement harmonieux des forces productives, le progrès social, économique et culturel des grandes masses des peuples de la Terre, alors nous serions contraints de reconnaître que la perspective du socialisme international reste une utopie impossible à réaliser.

Clairement, tel n'est pas le cas. Toutes les contradictions historiques du capitalisme qui ont provoqué les luttes révolutionnaires de la première partie du XXe siècle, prennent maintenant une forme encore plus explosive. La perspective historique qui a guidé la Révolution russe, la réorganisation du monde par la révolution socialiste internationale, reste la seule voie viable pour sortir de l'impasse dans laquelle le capitalisme mondial a jeté l'humanité. La construction d'une nouvelle organisation internationale sur la base de cette perspective est la tâche urgente à l'ordre du jour dont le Parti de l'égalité socialiste et le Comité International de la Quatrième Internationale ont fait leur objectif.

Notes:
4. Marx, L'Idéologie allemande, p. 49
5. op. cit., p. 98-99

 

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