wsws.org/francais

Visitez le site anglais du WSWS

SUR LE SITE :

Contribuez au WSWS

Nouvelles et Analyses
Luttes Ouvrières
Histoire et Culture
Correspondance
L'héritage que nous défendons

A propos du CIQI
A propos du WSWS

AUTRES LANGUES

Allemand

Français
Anglais
Espagnol
Italien

Indonésien
Russe
Turque
Tamoul

Singalais
Serbo-Croate

 

Les accusations d'antisémitisme contre Stockwell Day
Que veut cacher la droite ?

par Guy Leblanc et Keith Jones
27 novembre 2000

Stockwell Day, le chef de l'Alliance canadienne, est-il un antisémite ou a-t-il fomenté la haine contre les juifs ? Ces questions ne cessent de resurgir dans les médias. Lors de la course à la direction de l'Alliance, Day avait tenté de mettre un terme à ces allégations, en déclarant qu'il était faux « à 1000 pour cent » qu'il ait jamais dit que les juifs « sont les enfants du diable ». Malgré tout, le doute subsiste, et cela pour trois raisons.

Day a bien connu James Keegstra, un négateur de l'Holocauste et antisémite notoire. Alors qu'il était directeur d'une école privée religieuse et porte-parole pour l'Association des écoles religieuses indépendantes d'Alberta, Day a défendu le programme éducatif des fondamentalistes chrétiens, y compris les livres scolaires reprenant des préjugés contre les juifs et les musulmans et la soi-disant fraude du gouvernement démocratique humaniste. Et finalement, il y a l'Alliance elle-même, son programme, ses origines et ceux qu'y sont attirés par cette organisation. Les appels fréquents du prédécesseur de l'Alliance, le Parti réformiste, à l'anglo-chauvinisme sont bien connus.

Au cours de la présente campagne électorale, l'Alliance a dépeint les autochtones, la section de la population canadienne la plus défavorisée et la plus marginalisée, comme des chouchoutés. Au contraire du Parti réformiste, l'Alliance n'a pas ouvertement demandé une diminution draconienne des niveaux d'immigrations, mais elle a suggéré que les libéraux ont permis au mauvais type de personne de venir au pays et ont proposé que les droits des demandeurs d'asile politique ne soient plus garantis par la Charte canadienne des droits et libertés. Plusieurs candidats de l'Alliance en ont appelé encore plus ouvertement aux préjugés anti-immigrants. Eric Lowther, le député allianciste de Calgary-Centre, a déclaré que son parti pourrait appuyer un référendum pour décider du taux d'immigration au Canada. À quelques jours des élections, Betty Granger, une candidate allianciste de la région de Winnipeg, a dû démissionner pour avoir dénoncé « l'invasion asiatique » de la côte ouest canadienne et dit que les immigrants tamouls se servaient du Canada comme d'une base pour appuyer le terrorisme.

Au cours de la campagne électorale, les grands médias se sont ligués contre la ministre de l'Immigration du gouvernement libéral de Jean Chrétien, Elinor Caplan, qui avait dénoncé les partisans de l'Alliance pour être des « négateurs de l'Holocauste, des bigots convaincus et des racistes ». Par ces accusations, Caplan dénonçait que le Western Canada Concept (WCC), fondé en 1980 par Douglas Christie pour s'opposer « au génocide planifié de la culture européenne chrétienne » et toujours dirigé par lui, organise un ralliement dont un des principaux objectifs était d'appuyer l'Alliance canadienne. Christie est un avocat bien connu du milieu néo-nazi pour avoir défendu la plupart des négateurs de l'Holocauste ayant eu des démêlés avec la justice canadienne depuis 25 ans, dont le tristement célèbre Ernst Zundel.

Il fallait s'y attendre, le National Post de Conrad Black a pris la tête de l'assaut contre Caplan. Le Post l'a accusée de salir Day et l'Alliance dans une tentative désespérée de défendre son comté dans laquelle on trouve une importante communauté juive contre le candidat de l'Alliance, lui-même juif. Comment pouvez-vous blâmer Day pour les positions d'une organisation, comme le WCC, qui n'est pas la sienne, demande le Post. L'Alliance n'a-t-elle pas retiré sa carte de membre à Christie lorsqu'elle a pris connaissance qu'il avait joint le parti plus tôt cette année ? Prenant l'offensive, le Post a accusé le gouvernement libéral de Chrétien de flirter avec l'antisémitisme parce qu'il a demandé à l'ambassadeur du Canada à l'ONU de voter pour une résolution blâmant l'Israël pour la flambée de violence récente au Moyen-Orient.

Nous ne discuterons pas ici de l'appui du Post à la subjugation des Palestiniens par Israël, sauf en ce qui a trait aux deux points suivants. Le Post accuse les libéraux d'antisémitisme sur la base de la propagande sioniste, pour qui toute critique de l'État d'Israël est équivalente à de l'antisémitisme. Deuxièmement, une analyse de l'histoire récente montre que l'appui au sionisme et l'antisémitisme sont loin d'être incompatibles.

Très clairement, la charge en règle du Post avait pour but de mieux masquer le fait suivant : ni le Post ni Day lui-même ne se sont jamais dissociés des vues que Day, et une partie des gens avec qui il était en excellents termes, avaient adoptées dans la première moitié des années 1980.

Stockwell Day et l'affaire Keegstra

Le Post décrit la relation de Day et de Keegstra comme celle d'un propriétaire d'auto avec son mécanicien, ne cachant rien d'autre que le hasard qui les a mis dans le même village de Bentley. Le mieux qu'on puisse dire de cette description, c'est qu'elle manque de sincérité. Keegstra, et son associé Jim Green, un antisémite comme lui et un représentant du parti du Crédit social national, assistaient quotidiennement aux assemblées de prières dirigées par Day. De plus, Keegstra a déclaré qu'en 1983 et 1984, lui et Day discutaient souvent de la question « du droit à la libre expression »" et des démêlés avec la justice de Keegstra lui-même.

À cette époque, il faut le souligner, Keegstra, et les vues qu'il défendait, étaient déjà bien connues. En décembre 1982, il avait été congédié de son poste d'enseignant dans une école secondaire pour avoir enseigné que la conspiration juive pour dominer le monde était un fait établi. À la suite de ce congédiement, il entrepris une bataille juridique très publicisée pour se faire réembaucher avant de se faire poursuivre et accuser pour avoir « fomenté la haine contre un groupe identifiable ».

En mai 1983, le premier ministre conservateur d'Alberta, Peter Lougheed, avait considéré qu'il devait prononcer un discours officiel devant la législature provinciale pour condamner les vues de Keegstra pour être « hors de tout doute racistes, basées sur le préjugé religieux, inexactes et déformées historiquement ».
Il avait alors promis que la province entreprendrait une révision des programmes éducatifs et de supervision des classes pour assurer « une plus grande tolérance et un plus grand respect envers les groupes minoritaires ».

Selon Keegstra, Day et lui se sont rencontrés pour la première fois en 1983, au garage de Bentley où il travaillait comme mécanicien après avoir perdu son emploi de l'école secondaire de Eckville. Green est cité par Gordon Laird, dans l'article qu'il a publié au début de l'année : Day « avait dit qu'il voulait être un des premiers clients de Keegstra quand il a ouvert son nouveau garage. » (L'article de Gordon Laird, "Bentley, Alberta: Hellfire, Neo-Nazis and Stockwell Day" est en ligne à http://www.straightgoods.com/item313.asp)

À Bentley, Keegstra n'a pas mis un terme à ses activités politiques fascistes. Il fut nommé au post de second vice-président de l'aile albertaine du Parti du Crédit Social fédéral, et a fondé la Ligue de défense chrétienne avec Green pour lever des fonds pour ses batailles juridiques contre le gouvernement albertain et les cours criminelles. La présence de Keegstra a valu à Bentley la visite de plusieurs antisémites notoires, tel Ernst Zundel, un néo-nazi célèbre, et Douglas Christie, le dirigeant du WCC, fut l'avocat de Keegstra lors de son enquête préliminaire en 1984, et lors de son procès en 1985.

Green a ajouté que Day n'avait jamais dit qu'il appuyait ses positions antisémites. Celui qui était alors pasteur adjoint du Centre chrétien de Bentley et aujourd'hui le chef de l'Alliance canadienne aurait plutôt argumenté que son Église enseignait que les juifs étaient le peuple choisi de Dieu. Mais pas même Clare Hoy, un journaliste canadien bien connu pour défendre le conservatisme social qui a écrit une biographie publicitaire de Day, n'a pu dire qu'il y avait eu une rupture définitive entre Day et Keegstra.

Il important de noter qu'au moment même où Keegstra et Green brandissait la bannière du droit de parole, disant qu'il y avait un droit démocratique à prêcher la haine raciale, Day était impliqué dans sa propre bataille juridique contre le gouvernement albertain sur la question des droits des écoles religieuses à décider du programme éducatif. Au cours de cette bataille, Day a déclaré : « La loi de Dieu est claire. Les normes de l'éducation ne sont pas décidées par le gouvernement, mais par Dieu, la Bible, le foyer et l'école. » Aujourd'hui le chef de l'Alliance canadienne déclare qu'il ne souscrit pas, ni n'a jamais souscrit à ces positions, mais qu'en vertu de sa position en tant que porte-parole de l'Association des écoles religieuses indépendantes d'Alberta qu'il avait dû la défendre.

Antisémitisme, réaction politique et Crédit social

À première vue, il peut sembler étrange que Day, qui a lui-même été impliqué dans une bataille juridique avec le gouvernement et qui veut faire carrière en politique, n'est pas entrepris de très clairement se dissocier de Keegstra et Green.

Mais l'antisémitisme a longtemps été populaire en Alberta rural, où il se nourrit de deux traditions distinctes, mais interreliées : le fondamentaliste protestant et le populisme de droite.

De 1935 à 1971, l'Alberta a eu un gouvernement qui tirait son nom et son inspiration politique première de la doctrine du crédit social. « Bible Bill » Aberhart, le prêcheur qui a fondé le Parti du crédit social d'Alberta, ne reprenait à son compte le point de vue de celui donna naissance au mouvement, C.H.Douglas, quant à l'existence de la conspiration financière des juifs pour dominer le monde. Mais il a prononcé des discours ouvertement antisémites et, concession aux idéologues créditistes au sein de son parti, a fondé un comité gouvernemental pour disséminer la propagande du crédit social, principalement les écrits de Douglas. En 1947-48, le successeur de Aberhart au poste de premier ministre de l'Alberta, Ernest Manning (le père du fondateur du Parti réformiste, et député allianciste Preston Manning) a purgé la direction du parti des antisémites et aboli le Comité du crédit social. Mais les écrits de Douglas ont continué à circuler à la périphérie du Parti du crédit social et ont nourri l'intolérance religieuse des sectes protestantes.

Les positions antisémites ne constituaient pas l'unique héritage des créditistes à l'Alberta des années 1980,. Une des raisons pour lesquelles le premier ministre albertain Peter Lougheed a dû publiquement dénoncé Keegstra fut qu'un des députés provinciaux de son propre parti, le Parti conservateur, avait déclaré dans une entrevue qu'il n'avait jamais vu de preuve que les juifs furent l'objet d'extermination de masse ou de persécution de la part du régime nazi.

Keegstra est le produit de la double tradition de la droite religieuse et politique de l'Alberta rurale. Day, au contraire, fut attiré à Bentley, en plein centre de la « Bible Belt », le nom donné à la région de l'Ouest canadien extrêmement religieuse, parce que ce village se tournait de plus en plus vers le fondamentalisme religieux. Alors que Day n'aurait supposément pas été d'accord avec Keegstra et Green quant à l'antisémitisme, il était parti intégrale du milieu social du fondamentalisme religieux et de la réaction politique qui lui a donné naissance. De plus, Day, soit par sympathie, soit par calcul politique, ne voit pas pourquoi il devrait se dissocier clairement de Keegstra, de Green ou de leurs idées réactionnaires.

Quant à Keegstra et Green, ils continuent à exprimer leur admiration pour Day. Comme le pigiste Gordon Laird l'a noté, Keegstra et Green se perçoivent comme une minorité persécutée et soupçonnent presque tous les politiciens, y compris Preston Manning, d'être trop proches du « nouvel ordre mondial » et du « gouvernement juif mondial ». Ces déclarations jettent une lumière troublante sur la question de leur admiration pour Day.

Avant de traiter de ce qui est l'aspect le plus révélateur de l'histoire politique de Day, un autre point devrait être fait. Stockwell Day est lié au mouvement d'extrême-droite qu'est le WCC par la famille. Au moins jusqu'en 1996, c'est-à-dire longtemps après que l'appui de Doug Christie aux antisémites et aux néonazis fut de notoriété publique, on a pu compter Stockwell Day Senior parmi le groupe restreint des partisans enthousiastes du WCC.

Sur le site du WCC, il est possible de trouver une lettre du père de l'Alliance canadienne datée de 1996 où se dernier laisse libre cours à ses préjugés raciaux. Relatant une conversation qu'il a eue avec un agent d'immigration au sujet d'une de ses employées, Stockwell Day Senior écrit avec une certaine ce qu'il aurait dit. « Je trouve curieux que cette personne ne soit pas la bienvenue. Elle est une Néo-Zélandaise sans dossier criminel ; elle est comme nous ; elle parle la même langue que nous ; elle prie comme nous. Et pourtant, dans la salle d'attente, j'avais l'impression d'assister à une réunion de famille des Harlem Globe Trotters. Que diable se passe-t-il ? » (http://www.westcan.org/august96.htm)

Bien entendu, des positions de Stockwell Day, le père, on ne peut automatiquement déduire celle du fils. Mais, le fait que le père de Day soit un supporteur du WCC en dit beaucoup sur les influences que Day le fils a connu tout au cours de sa jeunesse. Le biographe de Day, Clare Hoy, souligne que ce sont ses parents, tous deux des admirateurs de Ayn Rand, qui l'ont initié aux politiques de droite pro-marché. « Il y avait tellement de politique dans la maison de Day, 'les enfants n'ont eu aucune chance. Il fallait qu'ils soient intéressés par la politique ' » lui a dit Gwen Day, la mère de Stockwell.

Stockwell Day et le programme de l'ACE

Le succès qu'a connu Day pour faire reconnaître légalement les 15 écoles religieuses jusque-là hors-la-loi, y compris sa propre École d'éducation chrétienne de Bentley, le mena à entrer en politique active. Dans cette lutte, Day a vigoureusement défendu devant divers organismes gouvernementaux le programme éducatif du Accelerated Christian Education (ACE, Éducation chrétienne accélérée), un programme concocté à School of Tomorrow, au Texas. Il a même dit qu'il était prêt « à faire de la prison s'il le fallait » pour défendre le droit de son école à choisir ce qui y était enseigné.

Le programme de l'ACE est entièrement basé sur le point de vue de la droite religieuse, et probablement de ses éléments les plus extrêmistes. Le programme se mérita les critiques d'un comité du gouvernement albertain, le Comité pour la tolérance et la compréhension mutuelle, pour promouvoir « une certaine insensibilité envers les noirs, les juifs et les autochtones ». Selon Ron Ghitter, le président de ce comité et un conservateur d'origine juive, « les écoles de l'ACE étaient des écoles dogmatiques... lorsqu'ils en sortaient, les enfants avaient un christianisme plutôt tordu avec des accents d'antisémitisme. »

Ghitter cite du matériel scolaire dans lequel on pouvait lire que « toutes les variations du bouddhisme et de l'islam venaient du diable. »

Le programme de l'ACE rejette l'évolution en faveur de la « science de la création » et un manuel scientifique indiquait que « Ce ne sont pas tous les maladies qui sont causées par les démons, mais certains troubles le sont. »

Dans un autre texte, il est affirmé que la démocratie « représente la déification ultime de l'homme, qui est l'essence même de l'humanisme et est totalement étrangère à la parole de Dieu. » Ian Smith, le premier ministre du parti République de Rhodésie qui défendait la minorité blanche, Ian Paisley, le démagogue anti-catholique de l'Irlande du Nord, et le dictateur militaire chilien, Augusto Pinochet sont présentés comme de grands hommes.

Aucun des nombreux documents publics qu'a consulté le World Socialist Web Site ne montre que Day ait répudié le programme de l'ACE. Lorsqu'on lui fait mention des déclarations ouvertement antisémites et bigotes du programme de l'ACE, Day répond que ces aspects du programme ne furent jamais enseignés dans son école. Ce que Day et ses apologistes nient, c'est qu'il y est le moindre lien entre ces points particuliers et le programme dans son ensemble : le créationnisme, le dénigrement de la société laïque, et la promotion de la réaction politique.

Cette position a une double signification, puisqu'un des points principaux du programme politique de Day est le soutien financier du gouvernement fédéral aux écoles religieuses. Cette promesse fut la principale cause de l'appui de la droite religieuse lui donna lors de la course à la direction de l'Alliance, et fut intégrée à la plateforme électorale de l'Alliance.

Le WSWS ne nie pas que les vues d'un individu évoluent et changent. Mais Day et ses partisans au sein des grands médias soutiennent qu'il n'y a rien du passé de Day qui ne mérite répudiation. Plutôt, ils croient que la meilleure défense dans ce cas est de lancer une attaque frontale contre ceux qui soulèvent la question des croyances et des gestes passés de Day.

Pourquoi ? Assurément, il est difficile d'expliquer comment un homme supposément sans antipathie pour les juifs a au même moment fréquenté des antisémites virulents et lutté pour le droit d'enseigner un programme éducatif contenant du matériel antisémite. Plus fondamentalement, les défenseurs de Day sont plus anxieux que ses croyances fondamentalistes et la tradition politique de droite de laquelle il se réclame ne fassent pas l'objet d'examen public, parce qu'ils sont très au fait que la grande majorité des Canadiens les rejettent.

Et si ce n'est l'antisémitisme ouvert, l'intolérance envers les autochtones, les homosexuels et d'autres groupes marginalisés émaillent le programme de l'Alliance et sont partie intégrale du milieu politico-religieux d'où vient Day.

Le fait que de puissantes sections de la grande entreprise proposent des gens comme Day au poste de premier ministre est un avertissement pour les travailleurs qu'un assaut contre les droits démocratiques et leurs acquis se prépare.

Voir aussi:


 

Untitled Document

Haut

Le WSWS accueille vos commentaires


Copyright 1998 - 2012
World Socialist Web Site
Tous droits réservés