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La plate-forme électorale de l'Alliance:
la réaction pure et dure

Par Guy Leblanc
18 novembre 2000

L'Alliance canadienne a la plate-forme électorale le plus à droite qu'un parti ayant une chance de former le gouvernement fédéral ait présenté depuis un siècle

La plateforme électorale de l'Alliance, à l'image de celle du Parti républicain américain, est un fourre-tout de politiques conservatrices et parfois ouvertement réactionnaires. Les politiques fiscale et économique semblent avoir été textuellement recopiées des documents publiés par des « think tank » comme l'Institut Fraser ou l'Institut américain des entreprises. Plusieurs autres politiques, comme un appui du gouvernement fédéral aux écoles religieuses, l'abolition de l'enregistrement obligatoire des armes à feux et l'emprisonnement de tous les immigrants illégaux, font appel aux préoccupations de la droite religieuse et aux peurs et aux préjugés de la petite bourgeoisie en difficulté.

L'Alliance demande ouvertement d'immenses réductions d'impôts pour les riches et les ultrariches, et d'autres diminutions dans les dépenses publiques, une augmentation immédiate de 2 milliards, ou 20 pour cent, du budget militaire canadien, et pour plus d'argent et de pouvoirs pour les forces policières et les cours. Au même temps, l'Alliance décrit les plus pauvres et les plus vulnérables parmi les Canadiens, les chômeurs et les autochtones, comme des chouchoutés.

Mais, les politiques les plus radicales que défend l'Alliance en sont textuellement absentes ou transposées dans des phrases codées. Contrairement à ce qui était énoncé dans ses documents de fondation, qui appelaient pour la « liberté de choix » dans la santé, la plateforme électorale de l'Alliance promettait de maintenir les principes sur lesquels est fondé le système de santé universel et public au Canada. Toutefois, l'Alliance déclare aussi qu'elle appuie les efforts des provinces pour « l'innovation » dans le domaine de la santé, un mot de code pour une plus grande participation du secteur privé et pour l'introduction des « mécanismes du marché » dans le système de santé.

Quant aux problèmes sociaux comme les sans-abri, la pauvreté des enfants et l'endettement des étudiants postsecondaires, la plateforme de l'Alliance n'a tout simplement rien à dire.

Récompensons les riches et les ultrariches

Lors de son congrès de fondation en janvier dernier, l'Alliance faisait de sa demande pour un taux unique de taxation de 17 pour cent l'axe de son programme. Dans sa plateforme, l'Alliance a promis qu'elle mettrait en place un programme de diminutions d'impôts sur le revenu, sur les sociétés et sur les gains en capitaux au coût de 125 milliards de dollars pour les cinq prochaines années, la plus grande partie revenant à la couche la plus privilégiée de la société. Un gouvernement allianciste imposerait les revenus jusqu'à 100 000 dollars à 17 pour cent d'ici quatre ans. Les riches et les ultrariches verraient le taux de taxation sur les revenus dépassant 100 000 passer à 25 pour cent, de 29 pour cent qu'il est présentement, avec la promesse qu'un deuxième mandat allianciste leur offrirait les 17 pour cent.

Une autre proposition de l'Alliance aurait pour effet de soustraire une grande partie du revenu des riches et des ultrariches de tout impôt. L'Alliance propose de faire passer de 13 500 dollars à 30 pour cent du revenu imposable la somme maximale pouvant être allouée chaque année à puisse être déposé dans un REER, un compte bancaire spécial, chaque dollar déposé venant diminuer d'autant le revenu imposable. Seuls les mieux nantis sont même en mesure de penser pouvoir économiser 30 pour cent de leurs revenus.

Dans une large mesure, le programme de diminutions d'impôts de l'Alliance a été repris dans le « mini-budget » des libéraux déposé quelques jours avant le déclenchement des élections. Dans un brusque virage à droite pour tenter d'endiguer l'engouement du monde des affaires pour l'Alliance, les libéraux ont élaboré 100 milliards de diminutions d'impôts, y compris une exemption d'impôts sur 50 pour cent des gains en capital.

Toutefois, d'importantes différences demeurent. En plus de proposer 25 milliards en réductions d'impôts de plus que les libéraux, l'Alliance veut augmenter les dépenses pour le système de santé, le budget militaire, les cours, les prisons, la police et finalement consacré un minimum de 6 milliards par année à la réduction de la dette. Même si elles s'appuient sur des prévisions économiques très optimistes pour les cinq prochaines années, le programme de l'Alliance est déficitaire.

Devant ce trou budgétaire, plusieurs économistes ont tiqué, remettant en cause le programme de l'Alliance en déclarant qu'il ne saurait être réalisable sans d'autres coupes dans les dépenses publiques. L'Alliance a déjà indiqué qu'elle réduirait d'environ 10 pour cent les sommes consacrées aux programmes discrétionnaires du gouvernement fédéral (c'est-à-dire les programmes qui ne sont obligatoires en vertu de la loi, comme les transferts aux provinces) sans plus de clarifications. La plateforme de l'Alliance toutefois indique d'autres coupes pour les prestataires de l'assurance-chômage et indique que des 9 pour cent des dépenses gouvernementales comme du gaspillage : la télévision publique, les arts, l'Agence canadienne de développement international et les subsides aux compagnies de la Couronne, en fait tout hormis la santé, la police, l'armée, les pensions de vieillesse et les allocations familiales.

Ceci étant dit, il faut souligner que les diminutions d'impôts de l'Alliance, tout comme celles des libéraux, sont basées sur les prévisions que l'économie continuera à croître selon les taux actuels jusqu'à la fin des temps. Au moindre ralentissement économique, peu importe laquelle des deux politiques fiscales sera en vigueur, il y aura de grandes pressions fiscales et politiques pour une nouvelle ronde de coupes des services publics et des programmes sociaux comme celles des libéraux de 1995 à 1997.

Une nouvelle ronde de privatisation est déjà à l'ordre du jour selon l'Alliance : « Nous devons empêcher le gouvernement de faire concurrence au secteur privé ou d'investir dans les sociétés privées. »

Prendre les plus vulnérables pour cible

Peu de temps après été élu chef de l'Alliance, Stockwell Day avait congédié un conseiller en stratégie du parti parce qu'il avait déclaré que « les gens des provinces de l'Atlantique étaient des paresseux », habitués « à se faire payer à ne rien faire » et qu'ils devraient cesser d'attendre des chèques de l'assurance-chômage pour se chercher des emplois ailleurs au Canada où il s'en trouve. Ce qui n'empêche pas qu'on puisse lire dans la plateforme :

« Cependant, le gouvernement n'aide pas les gens quand il les paie pour garder un emploi qui n'offre pas de revenu sûr. Pourtant, voilà exactement ce que l'assurance-emploi fait à de nombreux travailleurs dans les régions désavantagées sur le plan économique. Un gouvernement de l'Alliance canadienne offrira un filet de sécurité aux chômeurs. L'assurance-emploi restera une façon d'offrir un soutien financier temporaire en cas de perte d'emploi inattendue - un véritable programme d'assurance, pas un programme de subvention régional. Nous voulons que le recours à l'AE soit plus court et moins fréquent. Les travailleurs et les employeurs qui font moins appel au système paieront des cotisations moindres. Tous les travailleurs, peu importe leur lieu de résidence, seront traités de la même façon. »

Si, pour l'instant, l'Alliance a modéré ses ardeurs anti-québécoises et anti-immigrantes, elle n'en continue pas moins à attiser la colère et les frustrations des Canadiens, surtout ceux des régions rurales de l'Ouest, contre les autochtones. Alors que ces derniers constituent la section de la population qui connaît les conditions de vie les plus misérables au Canada, avec des taux d'analphabétisme et de mortalité infantile plusieurs fois supérieurs à la moyenne nationale, l'Alliance base ses demandes programmatiques sur la conception raciste qu'ils ne constituent rien de plus qu'une couche privilégiée noyautée par les criminels.

« Nous allons... veiller à ce que les conseils de bande soient tenus responsables de l'argent des contribuables qu'ils dépensent et à ce qu'ils soient imputables envers leurs communautés. »

Et si l'Alliance veut « faire en sorte que les autochtones puissent participer à l'économie de marché en étant directement propriétaires de leurs terres et de leurs ressources », elle affirme aussitôt : « Le règlement des revendications territoriales en suspens doit être traité en priorité. Nous voulons que ce processus soit juste, efficace et pratique. Les revendications territoriales doivent respecter les propriétaires actuels, par des négociations ouvertes à tous les intervenants et sujettes à l'examen public. »

Promoteur de la réaction sociale

De façon générale, le programme de l'Alliance révère la famille bourgeoise traditionnelle, la proclamant
« le principal pilier de la société » et la contreposant au « gros gouvernement ». Mais, il en serait quitte pour sa peine celui qui y chercherait une référence aux effets dévastateurs du « libre marché » sur les familles à cause du chômage, les longues heures de travail, le travail sur appel, l'insécurité économique et tout le reste.

La promotion du « conservatisme social » par l'Alliance trouble bien quelques-uns de ses partisans de la classe moyenne aisée urbaine et du monde des affaires. Mais la position de l'Alliance sur la famille cherche à gagner ceux qui ne peuvent attendre de voir ce qui reste encore de l'État-providence éliminé en échange de réduction de taxes en se basant sur le point de vue que ce doit être la famille et les individus qui sont responsables du soutien social. « Les familles élèvent et éduquent la prochaine génération de Canadiens; les familles s'entraident quand quelqu'un est malade ou en difficulté; nombre de familles exploitent des entreprises et ont des employés. Pourtant, au lieu d'aider les familles, les programmes gouvernementaux les perturbent et les déstabilisent, et le lourd fardeau fiscal rend leur situation économique encore plus précaire »

On trouve une grande partie de la base électorale de l'Alliance dans les organisations de bigots et de fanatiques religieux à travers le pays. En échange de leur appui à l'Alliance, et à Day lui-même lors de la course à la direction dans laquelle il affrontait Preston Manning, les groupes religieux ont obtenu d'importantes concessions.

Malgré que cela soit de juridiction provinciale, l'Alliance leur promet de financer les écoles religieuses principalement par des crédits d'impôts.

Mais, plus important, et beaucoup plus explosif socialement, l'Alliance veut permettre à ses forces d'orchestrer des campagnes contre l'avortement, pour la peine capitale, ou le retrait de droits démocratiques aux gais et lesbiennes.

« Les simples citoyens et les groupes communautaires ont le sentiment que leur opinion est ignorée ou négligée. Stockwell Day et l'Alliance canadienne savent que nous pouvons faire mieux. En tant que gouvernement, nous allons rendre les institutions fédérales plus démocratiques, en... [p]ermettant aux Canadiens de réclamer la tenue de référendums nationaux afin de mettre leurs priorités à l'ordre du jour national. »

La position de l'Alliance est de mauvaise foi à deux comptes. Alors que Day déclare à qui veut l'entendre qu'il n'utilisera pas sa position pour imposer ses positions réactionnaires à la population, pendant des années il a travaillé main dans la main avec les groupes anti-avortement qui déjà se prépare pour le jour où ils pourront forcer un vote restreignant les droits à l'avortement. Deuxièmement, et beaucoup fondamental, il ne sera jamais démocratique de retirer un droit fondamental, même si cette mesure était approuvée par un référendum.

D'une façon générale, il n'y a pas de droits démocratiques qui ne peuvent être abrogés, selon l'Alliance. «[N]ous allons prendre toutes les mesures nécessaires pour maintenir la loi fédérale actuelle sur la pornographie juvénile, afin de contrer ceux qui veulent faciliter l'accès au matériel de pornographie juvénile en invoquant la liberté d'expression. » Une autre des ces fameuses expressions codées, par « toutes les mesures nécessaires » l'Alliance veut dire, comme elle l'a souvent exprimée avant les élections, l'abrogation des droits accordés par la Charte des droits et libertés à l'aide sa clause « nonobstant ».

Main dans la main avec la partie de son programme qui atténue le filet social, et prive l'État de ressources pour aider les moins fortunés, l'Alliance veut renforcer l'ensemble de l'activité répressive de la société.

Malgré que les taux de meurtres et de crimes violents diminuent depuis une décennie, l'Alliance appelle au renforcement des forces policières, à des peines d'emprisonnement plus longues et au resserrement des libérations conditionnelles. Les personnes condamnées trois fois pour des crimes violents ou sexuels deviendraient automatiquement « délinquants dangereux », ce qui signifie qu'ils pourront demeurer indéfiniment, selon le bon vouloir de la Couronne. Dès 16 ans, les jeunes seraient automatiquement soumis aux mêmes lois que les adultes, et dès 14 ans pour les crimes graves.

Bien que la plateforme de l'Alliance dise assez peu sur la politique extérieure, elle en dit assez pour faire savoir qu'un gouvernement allianciste entreprendrait de coordonner encore plus la politique extérieure et militaire du Canada avec celle des États-Unis. Et pour mieux défendre les intérêts canadiens à l'étranger, l'Alliance augmenterait immédiatement le budget militaire et réduirait l'aide humanitaire. « Nous devons établir l'équilibre entre la compassion et les préoccupations humanitaires d'une part, et la défense des intérêts économiques et la protection du Canada et de ses alliés d'autre part. »

Stockwell Day, depuis qu'il est arrivé à la tête de l'Alliance, a déclaré vouloir ramener le « respect » à Ottawa. La plateforme électorale de l'Alliance, lorsque fait usage du verbe « respecter », c'est pour exiger le respect de la famille, des dollars des contribuables, des provinces, du droit de posséder une arme à feu, de la propriété des terres contestées par les autochtones, de la volonté de « protéger la vie et les biens des Canadiens avec nos Forces armées et la GRC » Avec ce qui est le mantra de l'Alliance, « le respect », on voit en fait le véritable objectif de Day, de l'Alliance et d'une section toujours plus importante de l'élite des affaires au Canada : légitimer les idées les plus réactionnaires du libre marché et du conservatisme social qui il y a encore peu était hors normes, pour mieux intensifier l'assaut contre la classe ouvrière et les droits démocratiques fondamentaux .

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