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La montée du dollar américain sème la pagaille sur le marché des devises

Par Nick Beams
Le 19 septembre 2000

Le marché des devises international est en état de crise suite à la montée constante de la valeur du dollar américain qui a atteint des niveaux records et face à laquelle tant l'euro que le dollar australien ont atteint des planchers records à la fin de la semaine dernière.

Vingt mois après son lancement au début de 1999, l'euro a atteint 85,34 cents américains ­ ayant perdu 27 p. 100 de sa valeur ­ tandis que le dollar australien à New York atteignait 54,4 cents, une perte de 17 p. 100. Dans les deux cas, le pire pourrait être à venir puisque selon les analystes, l'euro pourrait descendre jusqu'à 80 cents et le dollar australien à 52 ou même 50 cents. Au moins un analyste de marché a fait signalé que le dollar australien était « au bord d'une crise très sérieuse ».

La raison de la chute rapide des deux devises échappe aux responsables des banques centrales. Interrogé à savoir pourquoi la devise australienne suivait maintenant plutôt le cours de l'euro que celui du dollar américain, du yen japonais ou d'autres devises asiatiques comme auparavant, Ian Macfarlane, gouverneur de la Reserve Bank of Australia a dit : « je dois avouer que je ne peux pas donner d'explication logique de ce fait ». Il a par ailleurs rejeté les déclarations selon lesquelles les marchés financiers considéraient l'Australie comme un pays manquant d'innovations technologiques et dénué des caractéristiques de la « nouvelle économie », mais sans toutefois suggérer d'explication. « Je ne peux pas répondre facilement à la question à savoir pourquoi les marchés voient si peu de valeur dans le dollar australien, a-t-il dit. Personnellement, je pense que le fait que les marchés ont sous-estimé, et continuent de sous-estimer la force latente de l'économie australienne, constitue un facteur important ».

Wim Duisenberg, le président de la Banque centrale européenne, n'était pas plue en mesure d'expliquer pourquoi la valeur du dollar américain montait malgré une balance des paiements déficitaire d'environ 4,3 p. 100 du PNB, alors que la devise de l'Union Européenne affichant un surplus commercial chute rapidement. Prenant la parole au parlement européen, Duisenberg a dit que le déficit américain était « impossible à soutenir à long terme » mais que pour le moment « les Américains n'ont aucune difficulté à faire financer ce déficit, essentiellement par nous, l'Europe ».

Si la faiblesse générale du dollar australien peut s'expliquer par la balance des paiements déficitaire et le niveau de dette extérieure de l'Australie, les plus important d'ailleurs des grands pays capitalistes de l'OCDE, ces faits ne semblent pas expliquer cependant le déclin soudain des dernières semaines. Depuis le début de l'année, le déficit commercial australien a diminué de 1,2 point de pourcentage de son PNB, tandis que celui des États-Unis s'est accru de 1,1 point de pourcentage du PNB. Selon les théories conventionnelles, ceci aurait dû faire monter le dollar australien par rapport au dollar américain. La confusion est accentuée losqu'on regarde les mouvements du yen japonais, à peu près fixe comparé au dollar malgré les difficultés importantes de l'économie japonaise.

Un article de Barry Riley, journaliste au Financial Times, et publié le 8 septembre, reflète la confusion généralisée qui règne parmi les analystes et les commentateurs financiers : « l'économie japonaise, remarquait-il, continue à languir après 10 ans de stagnation, son système financier est fragile et les prédictions des emprunts du gouvernement sont terrifiantes ­ Moody's a donc déclaré la dette japonaise moins sûre qu'auparavant L'économie américaine qui surchauffe entraîne une inflation allant au-delà des 4 p. 100, alors que le déficit commercial américain annuel est d'environ 400 milliards de dollars. L'économie de la zone euro, entre-temps, est solide et équilibrée. Mais c'est la banque centrale européenne qui est en crise ».

L'effet des mouvements mondiaux des capitaux, particulièrement des investissements dans les secteurs de haute technologie, semble avoir renversé les rapports précédents où les valeurs des devises se déplaçaient plus ou moins selon les positions de balance des paiements des différents pays. L'impact de ces mouvements de capitaux sur les valeurs relatives des devises signifie que les méthodes traditionnelles par lesquelles les banques centrales tentent de soutenir la valeur des devises ne semblent plus fonctionner. Dans le cas de l'euro, le déclin s'est poursuivi malgré le fait que la banque centrale européenne ait augmenté les taux d'intérêt l'année passée. Certains pensent même que les augmentations des taux d'intérêt pourraient avoir un effet pervers puisqu'ils ralentissent la croissance économique et les profits, ce qui encourage l'exode des capitaux et aggraverait la chute de l'euro.

Les statistiques sur l'économie américaine suggèrent que ce sont les déplacements des capitaux plutôt que le commerce qui déterminent principalement la valeur des devises. On estime qu'au cours des derniers mois, jusqu'à un milliard de dollars rentraient quotidiennement aux États-Unis sous forme d'investissement de capitaux en quête de plus grands profits et en provenance de l'étranger, principalement européens. Les forces motrices de cette migration des capitaux sont l'importance des profits générés par les investissements en haute technologie aux États-Unis qui y sont plus grands par rapport à l'Europe, et le décalage entre les niveaux de productivité qui s'accroît peut-être encore.

Lors d'une récente conférence, Alan Greenspan, directeur de la Réserve fédérale américaine, soulignait que la réduction du coût de travail qu'entraîne les nouvelles technologies permettaient aux entreprises américaines de limoger plus facilement leurs ouvriers qu'en Europe, ce qui y rendait par conséquent les investissements plus intéressants aux États-Unis. Robert Hormats, vice-président de Goldman Sachs/International, a repris la même idée : « l'opinion générale est que le processus de restructuration et d'innovation dans les sociétés, bien qu'il ait évidemment lieu en Europe, n'est tout simplement pas aussi important qu'aux États-Unis ». Selon certains calculs, malgré les changements structurels apportés dans les sociétés européennes, les profits réalisés sur les capitaux investis dans les sociétés sont toujours supérieurs de 10 p. 100 aux États-Unis comparé à l'Europe. Le Fonds Monétaire International (FMI) qui a également souligné le danger représenté par la balance des paiements déficitaire des États-Unis, semble aussi partager l'opinion que c'est la perception de grands profits et de haute productivité aux États-Unis qui oriente la migration du capital vers les États-Unis et soutient la valeur du dollar.

Répondant à une question sur la valeur des devises et les risques engendrés par le déficit commercial américain lors d'une conférence de presse tenue le 11 septembre où il dévoilait le rapport du FMI sur les marchés internationaux des capitaux, Garry Schinasi , économiste du FMI, a déclaré que les déplacements de capitaux déterminaient à présent les valeurs relatives des devises. « Selon moi, les investisseurs internationaux perçoivent les États-Unis comme source de plus grands profits ajustés à des valeurs de risque. Tant que cela ne changera pas, il est difficile de voir pourquoi le dollar perdrait de sa valeur. Mais il se pourrait bien que l'importance de la balance des paiements reprenne son importance à un moment donné. Les investisseurs pourraient en effet penser que les produits et les services achetés avec le capital étranger ne puissent plus être financés de manière soutenable à l'avenir. Cela pourrait en effet arriver, mais il est difficile de dire quand ».

D'autres analystes suggèrent que lorsque les perceptions changeront, soit à cause d'une montée de l'inflation, d'une chute de la bourse, ou de quelque crise financière imprévue, le dollar perdra alors toute sa valeur artificielle, ce qui provoquera un départ précipité des capitaux et une récession. Mais indépendamment du moment où le dollar perdra sa valeur artificielle, les migrations internationales de capitaux qui ont créé cette situation et les pressions qui en découlent auront encore une fois démontré l'incapacité des gouvernements nationaux de contrôler leurs devises nationales, ce qui aura des conséquences politiques non négligeables. En Europe de récents sondages révèlent que l'opinion en faveur de l'euro est à son plus bas niveau en Allemagne, tandis que le résultat du prochain référendum danois sur la question de la participation à la zone euro est impossible à prévoir.

En Australie, si les nouvelles relatives à la chute du dollar ont été éclipsées par les Jeux Olympiques, on ne se soucie pas moins de ses conséquences économiques et politiques à long terme. Ainsi, un article du journaliste politique Geoffrey Barker du Australian Financial Review paru le 18 septembre suggérait que la chute du dollar australien soulignait la nécessité d'avoir « des mesures internationales pour apporter la responsabilité aux opérations des marchés financiers internationaux ». D'un ton un peu désespéré, l'article insistait sur le fait que l'on devait trouver « un moyen d'encourager le marché international des devises de reconnaître les conséquences sociales et même éthiques de ses actions ». Cependant, comme Barker a dû le reconnaître, la recherche insatiable des profits par le Capital, transmise par les pressions des marchés financiers mondiaux, entraîne une restructuration constante de l'économie. « Depuis le début des années 1980, l'Australie a beaucoup fait pour s'ouvrir au monde. Elle a éliminé plusieurs réglementations ayant trait aux institutions financières et, avec quelque douleur, au marché du travail. Mais bien que l'Australie ait ainsi obtenu un niveau impressionnant de succès dans l'ensemble, elle est aussi devenue un pays moins équitable. Le message transmis aux particuliers comme aux sociétés a été de s'adapter ou de mourir en étant recyclables et mobiles à l'infini, et en ne se concentrant que sur le résultat à court terme.

« Mais les poteaux des buts ne cessent d'être déplacés. Dans l'opinion des marchés internationaux, l'Australie apparaît toujours moins intéressante que les États-Unis. Elle est perçue comme insuffisamment engagée dans la nouvelle économie. Et c'est pourquoi le dollar continue à chuter tandis que les directeurs économiques et les hommes politiques continuent à se demander comment mieux défendre l'idéologie du libre marché auxquelles ils ont prêté serment ». Barker propose la création de critères acceptés mondialement pour responsabiliser les marchés financiers comme ceux auxquels sont assujettis les institutions financières et politiques nationales. Les « impératifs de la démocratie », a-t-il rappelé, ne peuvent pas être continuellement refoulés par la spéculation sur les devises « sans perturbations sociales continues ».


Voir aussi:
Le danger d'une crise mondiale forcent les pays du G7 à soutenir l'euro 26 septembre 2000

La conférence de la Réserve Fédérale américaine souligne l'instabilité financière 1er septembre 2000

Le déficit commercial record des USA : symptôme de graves problèmes économiques  28août 2000


 

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