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France: enseignants et parents d'élève manifestent contre les restrictions budgétaires du gouvernement

Par Antoine Lerougetel
Le 16 décembre 2002

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Le 8 décembre, la dernière d'une série de mobilisations de travailleurs contre la politique du gouvernement Raffarin eut lieu à Paris pour protester contre les attaques gouvernementales en direction de l'éducation. Entre 25 000 et 40 000 enseignants et autres salariés de l'éducation, parents d'élèves, lycéens et étudiants sont venus de toute la France, la province étant particulièrement bien représentée.

A l'appel des principaux syndicats de l'éducation, la FSU, l'UNSA, la CGT, la CFDT, la FAEN (mais non pas des syndicats de 'gauche' FO et SUD), l'association des parents d'élèves FCPE, le syndicat d'étudiants l'UNEF, et les deux syndicats des lycéens l'UDL et la FIDL, et avec le soutien officiel du Parti socialiste (PS), la manifestation a surtout mis l'accent sur les réductions de postes prévues par le gouvernement Raffarin.

Les mots d'ordre de la manifestation exprimaient l'inquiétude sur des questions dépassant le cadre de l'éducation, notamment celles concernant les mesures socialement répressives du ministre de l'intérieur, Nicolas Sarkozy, et la montée du militarisme: « Du fric pour les riches et des flics pour les pauvres », « Des écoles pas des prisons », « les lycéen veulent le bac non pas la BAC» (Brigade anti-criminelle), « Education pas de porte-avion ».

Les organisateurs attendaient au moins 50 000 manifestants, et effectivement le nombre de manifestants était un pâle reflet des anxiétés profondes ressenties face à la situation et aux perspectives dans l'éducation en France. Ceci est dû à une profonde désillusion à l'égard des principaux syndicats enseignants qui ont joué un rôle prépondérant de frein lors des mouvements de masse contre la politique d'éducation du précédent gouvernement conduit par le Parti socialiste de Jospin. Ces mouvements avaient provoqué le limogeage du très impopulaire ministre de l'éducation, Claude Allègre.

Le programme de Raffarin en matière d'éducation n'est guère que la continuation et l'approfondissement des projets d'Allègre. Beaucoup de manifestants étaient mécontents aussi du fait que les principaux syndicats enseignants ne les avaient pas appelés à rejoindre la grève des autres secteurs du service public le 26 novembre. Ces syndicats avaient prétendu que ceci aurait affaibli la manifestation du 8 décembre, appelée un dimanche pour faciliter la participation des parents d'élèves.

Avant cette manifestation il y avait eu une série de mobilisations anti-gouvernementales ­ le 3 octobre: grève suivie à près de cent pour cent par les gaziers et électriciens pour défendre leurs statuts et s'opposer à la privatisation; 17 octobre : grève de tous les secteurs de l'éducation nationale suivie par plus de la moitié des salariés; 24-25 novembre : les routiers; 26 novembre: grève des cheminots, des travailleurs du transport aérien, des services publics et de la fonction publique. Une autre grève dans l'éducation nationale a été annoncée pour le 17 décembre.

Le budget gouvernemental 2003 pour l'éducation prévoit une réduction de 5 000 postes d'enseignants par rapport aux engagements du gouvernement sortant. 5 600 postes de surveillants, familièrement surnommés pions, seront supprimés par non renouvellement et la survie même de ce corps est en question.

Les pions sont des étudiant qui travaillent pour payer leurs études universitaires et le statut fut créé à cet effet en 1937 et a permis à des générations de jeunes issus de familles modestes de faire leurs études. Ils font une semaine de 28 heures pour un salaire mensuel de 900 euros. Ils ont le droit de travailler comme surveillants pendant 7 ans. Ces années comptent pour leur retraite et pour leur ancienneté si par la suite ils deviennent enseignants de l'éducation nationale. Leurs emplois du temps sont ajustés pour qu'ils puissent suivre leurs cours et passer leurs examens. Jeunes, étudiants et travaillant dans une équipe sous la direction de conseillers d'éducation, ils font un travail inestimable d'aide et d'encadrement des élèves. En général les surveillants s'investissent beaucoup auprès des élèves.

Le gouvernement, au prétexte que ce corps est obsolète, projette de le remplacer par un nouveau corps, les assistants d'éducation, avec des CDD (contrats à durée déterminée) de trois ans. Ceux-ci ne seront pas nécessairement des étudiants, ils gagneront le SMIC pour une semaine complète. Il sera proposé aux assistants d'éducation étudiants des mi-temps payés à la moitié du SMIC, salaire qui ne leur permettra pas de vivre.

Ce nouveau corps est censé remplacer les 20 000 aides-éducateurs recrutés par Allègre avec un CDD de 5 ans et de vagues promesses de formation et de vrais emplois par la suite, des promesses en fait non tenues. Ces jeunes gens recrutés sont majoritairement des titulaires de licence ou de diplômes post baccalauréat, payés au SMIC et ne bénéficiant d'aucun avantage ni d'ancienneté de fonctionnaire. Les contrats d'aide-éducateur toucheront à leur fin à partir de 2003 et le gouvernement a dit qu'il ne les prolongera pas. Quoique supprimant 5 600 pions et 20 000 aides-éducateurs le gouvernement ne créera que 11 000 assistants d'éducation ce qui représente une perte de plus de 14 000 postes.

Le gouvernement projette de décentraliser les salariés non-enseignants de l'éducation, ce qui en fera des employés des collectivités locales et les fera sortir de l'éducation nationale. Ils pourront être placés n'importe où selon le bon vouloir de leur municipalité, commune, département ou région. La mise en place des 35 heures avait déjà provoqué la colère de ces travailleurs dont bon nombre a vu augmenter ses heures de travail et son degré d'exploitation.

Déjà plusieurs comités de lutte de travailleurs de l'éducation menacés par le gouvernement se sont créés dans plusieurs régions et sont en train de mettre en place une coordination nationale.

Il convient de noter que Gérard Aschieri, secrétaire général du Snes, syndicat majoritaire pour le secondaire et syndicat le plus grand dans l'éducation et la fédération de l'éducation, la FSU, lorsqu'il fut interviewé à radio France Inter le 8 décembre se contenta de mentionner la diminution du nombre « d'adultes » présents dans les établissements. C'est aussi en gros le même message qui fut montré à la télévision ce soir-là lors des reportages et interviews de manifestants. Ceci est en fait un abandon des positions défendues par les 800 000 enseignants en grève contre la politique éducative de Jospin et qui obligèrent ce dernier à sacrifier son ministre de l'éducation Allègre.

L'un des chevaux de bataille de ce mouvement de protestation c'était la lutte contre le recours massif au travail précaire sans garantie de réemploi et sans aucun des droits dont jouissent les fonctionnaires, c'est-à-dire la création de postes d'aides-éducateurs et, plus précaires encore et n'ouvrant aucun droit, les postes de contractuels et de CES. Ce mouvement d'opposition au gouvernement sous Jospin réclamait une augmentation massive de ressources pour l'éducation et de vrais métiers avec des perspectives de carrière dans l'éducation afin de faire face à la crise des classes surchargées et à l'augmentation de l'indiscipline et de la violence à l'école.

A présent Aschieri fait un pas en arrière en réclamant tout bonnement davantage « d'adultes » plutôt que du personnel qualifié ayant un statut de carrière clairement défini et des droits, se faisant ainsi l'écho d'Allègre et simplifiant la tâche de Raffarin qui s'emploie à réduire le coût des personnels en créant une catégorie de salariés encore moins bien payée et plus précaire. Le numéro de l'US, magazine du Snes, daté du 4 décembre cite d'un ton approbateur l'appel de Raffarin à se soumettre aux impératifs de la compétition capitaliste mondialisée: « face à la mondialisation, face à la concentration de la puissance dans le monde, la réponse de la France, c'est l'intelligence, les talents, la création, la valeur ajoutée, l'innovation. ». La « valeur ajoutée » ne peut venir que de l'exploitation accrue des travailleurs et la réduction du coût voire la destruction de leurs acquis et droits sociaux. L'US lui reproche simplement de ne pas mettre en pratique les «belles et fortes paroles du Premier ministre ».

Raffarin essaie par tous les moyens d'éviter toute déclaration provocatrice et tient des discours lénifiants, ce qui révèle sa nervosité face à une vague considérable d'opposition et le spectre des grèves massives de 1995 qui détruisirent le gouvernement de droite d'Alain Juppé et les mouvements de masse qui détruisirent Allègre. Le journal Le Monde a accordé à Raffarin un entretien d'une page entière la semaine précédant la manifestation, dans lequel le ministre a affirmé que « rien ne serait fait sans concertation avec les enseignants ». Mais il a néanmoins maintenu catégoriquement qu'il continuerait résolument à mettre en place la décentralisation, préambule essentiel au démantèlement du service d'éducation nationale et à son ouverture aux forces du marché. Luc Ferry, ministre de la jeunesse, de l'éducation et de la recherche, a fait remarquer que ce n'était pas des « criailleries » qui allaient le dissuader de mettre en place sa politique éducative.

La nervosité est tout aussi grande au sein du Parti socialiste (PS) qui trouve difficile d'essayer de s'identifier avec le mouvement social contre Chirac et Raffarin. Le Monde du 8 décembre rend compte des interrogations angoissées des dirigeants du PS quant à la manière de prendre part à la manifestation, « et l'épreuve vécue le 26 novembre par trois anciens ministres, Daniel Vaillant, Ségolène Royal et Elizabeth Guigou, jugés indésirables dans le cortège des salariés du public, n'a fait que renforcer la crainte d'être rejetés ».

Et le journal de poursuivre: «Bien que le PS ait appelé à manifester, dénonçant les restrictions budgétaires et la fin des emplois-jeunes (dont les aides-éducateurs font partie), les organisateurs ont décrété qu'il n'était pas question que les socialistes figurent dans le carré de tête, ni même qu'ils viennent y saluer les leaders syndicaux ».

On cite les paroles d'un bureaucrate socialiste dont on ne donne pas le nom: « on marche sur des oeufs pour reconquérir notre électorat traditionnel, dont on s'est aperçu, après le 21 avril, qu'un bon tiers s'était détourné de nous ». Le jour de la manifestation, il y avait en queue de cortège de petits contingents de la nouvelle faction cherchant à ressusciter le PS, parmi eux Nouveau Monde de Jean-Luc Mélenchon, ancien adhérent de la Ligue communiste révolutionnaire (LCR) et ancien ministre de l'éducation professionnelle, et Henri Emmanuelli.

Marie-George Buffet, secrétaire générale du Parti communiste français et membre de la Gauche plurielle de Jospin, distribuait des tracts. Lorsqu'elle dit à des manifestants « nous sommes là car nous tenons à notre école », un manifestant a rétorqué: «ouais, mais vous avez été au pouvoir pendant 5 ans ». Olivier Besancenot, candidat de la LCR aux présidentielles, était dans le carré de tête.

L'« opposition » d'extrême-gauche (Lutte ouvrière, la LCR, le Parti des travailleurs) au gouvernement battu de Jospin encourage les gens désillusionnés par les partis politiques traditionnels de gauche, Parti socialiste et Parti communiste, à se tourner vers le syndicalisme sans leur offrir de perspective politique ou d'analyse de la complicité des syndicats avec le gouvernement de la Gauche plurielle. Tous les syndicats sans exception, aux côtés des partis traditionnels de gauche ont pris part à la campagne pour faire élire Jacques Chirac au second tour des élections présidentielles au printemps dernier contre le fasciste Jean-Marie Le Pen et ont refusé, tout comme les parti d'extrême-gauche, à adopter une position indépendante pour la classe ouvrière.

La pression syndicale est incapable de repousser l'offensive du libéralisme économique et la répression sociale et politique de Chirac-Raffarin-Sarkozy. Pour ce faire, il faut une perspective politique ayant pour but de mettre fin au libéralisme économique lui-même.

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