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Déploiement de troupes françaises en Côte d'Ivoire

Par Chris Talbot
Le 17 décembre 2002

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La France a envoyé 500 hommes supplémentaires en Côte d'Ivoire en plus des 1 200 déjà sur place. S'agissant de légionnaires parachutistes et de militaires du bataillon d'infanterie de marine, les forces déployées représentent le plus gros contingent que la France ait envoyé en Afrique depuis les années 1980.

Le conflit militaire qui avait débuté il y a trois mois lorsqu'un groupe de soldats rebelles s'était emparé de villes situées dans le Nord de la Côte d'Ivoire, ressemble aux guerres qui ont déchiré la Sierra Leone et le Liberia voisins tout au long de cette dernière décennie.

Deux groupes rebelles supplémentaires ont émergé dans l'Ouest du pays, se jurant de venger la mort du général Gueï, l'ancien dirigeant militaire qui fut tué par des troupes gouvernementales au début de la rébellion.

Les soldats français étaient initialement censés protéger les milliers de ressortissants français et étrangers vivant dans cette ancienne colonie. Leur présence était ensuite justifiée par la surveillance de l'application du cessez-le-feu entre les rebelles et les forces gouvernementales. A présent leur mot d'ordre est de tirer sur quiconque qui ne respecterait pas le cessez-le-feu.

La France est en train d'instaurer une occupation néo-coloniale dans le but de défendre ses intérêts économiques dans ce qui était jusque-là le pays le plus riche de l'Afrique de l'Ouest et le premier producteur de cacao du monde. Les forces gouvernementales du président Laurent Gbagbo n'avaient pas été en mesure de reprendre la partie Nord du pays capturée par les rebelles et les tentatives de la France d'organiser un règlement négocié ont échoué.

Tout en reconnaissant le gouvernement de Gbagbo, la France a refusé de le soutenir ouvertement contre les forces rebelles en raison de son bilan d'épuration ethnique. Après avoir soutenu l'élite dirigeante qui avait organisé le génocide au Rwanda en 1994, la France est devenue prudente quant à un tel engagement. La France a à peine critiqué publiquement Gbagbo. Selon le magazine Africa Confidential des diplomates français ont dit ne pas vouloir suivre l'attitude que la Grande-Bretagne a prise dans son ancienne colonie du Zimbabwe face au président Robert Mugabe. Une telle position de confrontation avait encouragé Mugabe à adopter une ligne encore plus agressive, avaient-ils dit, et ils ne souhaitaient pas que la même chose se passe avec Gbagbo. Le principal politicien d'opposition pro-ouest en Côte d'Ivoire, Alassane Ouattara, dont la base se trouve dans le Nord du pays et contre qui Gbagbo et les autres dirigeants ont orienté leur campagne anti-étrangère, fut aidé par la France à quitter le pays pour rejoindre le Gabon après s'être caché pendant dix semaines à l'ambassade de France à Abidjan.

Gbagbo est capable, tout comme Mugabe, de recourir à une rhétorique « anti-impérialiste » vu qu'il a déjà incité des manifestations anti-françaises à Abidjan. Dans une interview au Monde il déclarait : «C'est d'ailleurs un problème de culture qui dépasse la Côte d'Ivoire. Regardez le Zimbabwe : l'Occident tout entier est ligué contre le président Mugabe, alors que l'ensemble de l'opinion publique africaine le soutient. »

L'organisation Human Rights Watch a accusé le gouvernement de la Côte d'Ivoire de tuer et d'interpeller des individus pour la seule raison de leur appartenance ethnique, de leur religion ou de leur soutien aux partis d'opposition. Elle affirme que des raids ont eu lieu lors desquels des habitants du Nord du pays et des non Ivoiriens sont arbitrairement arrêtés et leurs maisons rasées. Il semble que Gbagbo ait répondu à la rébellion en intensifiant la répression dans les régions qui sont encore contrôlées par le gouvernement. Il existe plusieurs rapports selon lesquels le gouvernement procéderait au recrutement de centaines de mercenaires. Parmi eux se trouverait un groupe de blancs d'Afrique du Sud dont un grand nombre appartiendrait à la société de mercenaires Executive Outcome qui avait combattu auparavant en Angola.

La semaine passée la découverte macabre d'un charnier rempli de plus de 120 cadavres avait été annoncée. Des survivants accusent les troupes gouvernementales d'assassiner des civils non armés dans le village de Monoko-Zohi, dans le centre du pays. Il est rapporté que des soldats ont allé de maison en maison en tuant tous les hommes. La population locale se compose principalement de travailleurs immigrés et de commerçants issus du Burkina Faso et du Mali et qui travaillent dans les plantations de cacao dans cette région. Il semble que des forces gouvernementales ont tué les civils pour avoir, paraît-il, soutenu les rebelles.

Le groupe rebelle du Nord, le mouvement patriotique de Côte d'Ivoire (MPCI), a accusé la France de complicité dans ce massacre. Une manifestation de plusieurs dizaines de milliers de personnes a marché sur le quartier général de l'armée française situé dans la ville de Bouaké qui est contrôlée par les rebelles, en exigeant que la France se retire du pays. Des troupes françaises ont tiré en l'air pour les disperser.

L'on a rapporté que les forces rebelles ont bénéficié du soutien populaire et financier dans la région du Nord et qu'ils sont disciplinés et bien armés. Comptant au départ quelque 700 soldats rebelles, ils auraient initialement été recrutés par le général Gueï après sa prise de pouvoir dans le coup de décembre 1999. Ils s'étaient rebellés quand Gbagbo, qui avait pris le pouvoir dix mois plus tard après des élections truquées, avait tenté de les renvoyer de l'armée. Il avait été affirmé que Gueï était un proche du président Charles Taylor du Liberia, ce que l'on avait d'abord reproché aux soldats rebelles. Par la suite Gbagbo accusa le Burkina Faso de les soutenir vu que de nombreux musulmans du Nord ont des liens avec ce pays voisin. L'on affirme également que les rebelles ont bénéficié davantage de soutien militaire, y compris des chasseurs traditionnels appelés communément dozo.

Il est bien probable que la France permette tacitement à Gbagbo d'intensifier ses attaques dans les régions du Nord vu que les tentatives du ministre des Affaires étrangères français, Dominique de Villepin, de conclure un plan de paix entre le gouvernement et les rebelles à Lomé au Togo ont échoué. Les rebelles ont rejeté les exigences du gouvernement pour qu'ils se désarment et Gbagbo a refusé les exigences des rebelles pour de nouvelles élections.

Des efforts en vue de remplacer les troupes françaises par une force de maintien de la paix forte de 2 000 hommes issus d'Afrique occidentale ont été abandonnés. Le Nigeria qui aurait été désigné pour mener une telle opération a refusé d'y participer. Il est vraisemblable que les Etats-Unis, dont le soutien serait indispensable étant donné qu'ils considèrent que le Nigeria est la principale puissance régionale et dont ils entraînent l'armée, sont prêts à reléguer le problème à la France, et ce d'autant plus facilement que la Côte d'Ivoire n'est pas un pays producteur de pétrole.

Deux groupes rebelles supplémentaires ont à présent fait surface dans l'Ouest du pays, tout près de la frontière avec le Liberia. Ces groupes, nommés Mouvement pour la justice et la paix (MJP) et Mouvement populaire ivoirien du grand Ouest (MpigO), sont décrits comme ressemblant fortement aux rebelles issus du Liberia et de Sierra Leone ; certains individus pouvant d'ailleurs provenir de ces pays. On dit que ce sont des toxicomanes et qu'ils se livrent au pillage de la population locale. Selon de récents comptes-rendus ils se seraient emparé des villes de Danane et de Man, situées dans la « boucle du cacao ». L'on rapporte cependant que les forces gouvernementales auraient repris Man. Il est possible qu'ils soient soutenus par le Liberia.

Le récent déploiement de troupes françaises a lieu dans la région occidentale. Leur porte-parole a précisé qu'ils « ouvriraient le feu sur quiconque commettrait des abus », ceci s'adressant vraisemblablement aux groupes rebelles.

Depuis son arrivée au pouvoir, le gouvernement Raffarin a dit vouloir jouer un rôle plus important en Afrique. L'intensification de la guerre civile en Côte d'Ivoire lui donnera l'occasion de suivre la voie empruntée par la Grande-Bretagne dans le Sierra Leone voisin pour imposer son contrôle militaire au moyen d'une rhétorique humanitaire et de maintien de la paix.

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