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France: la loi sur la sécurité intérieure et le culte de Sarkozy

Par Alex Lefebvre
30 janvier 2003

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Le 23 janvier, l'Assemblée nationale française a approuvé la Loi sur la sécurité intérieure que prépare le ministre de l'Intérieur Nicolas Sarkozy depuis septembre 2002. Comme dans les projets précédents, la loi donne à la police la possibilité d'intimider les quartiers pauvres avec des peines draconiennes et renforce drastiquement les pouvoirs de la police. Les cercles dirigeants utilisent aussi la loi pour inciter le nationalisme et répandre l'atmosphère réactionnaire créée par le culte médiatique de Sarkozy.

La loi contient deux types de provisions: la création de nouveaux crimes et de nouveaux pouvoirs pour la police. La loi s'attaque à la prostitution, rendant toute invitation publique à des relations sexuelles «même passivement, par son attitude» passible de 2 mois de prison et d'une amende de 3.750 euros. Les organisations de prostituées ont répliqué que ceci les forcerait à travailler dans les ruelles ou au noir, ce qui est plus dangereux ; certains critiques de la loi ont remarqué qu'elle pourrait justifier l'arrestation de femmes portant des minijupes.

La loi punit les gens de la route et les squatters de 6 mois de prison et d'une amende de 3.750 euros, et permet à la police de confisquer les véhicules des gens de la route. Les mendiants travaillant en groupes risquent 6 mois de prison et des amendes de 3.750 euros. La loi augmente les punitions pour avoir menacé des policiers ou des juges à deux ans de prison et 30.000 euros d'amende.

La loi contient des provisions anti-immigrés et racistes. Ainsi la police peut déporter tout non-citoyen de l'UE «qui a commis des actes justifiant un procès criminel» ou dont le comportement «menace l'ordre public». Les versions précédentes de la loi spécifiaient que la police pouvait déporter des étrangers pour avoir participé à des manifestations politiques. Dans une section bizarre sur les «kebabs», la loi stipule qu'un restaurant de vente à emporter ayant troublé «l'ordre public» pourra «faire l'objet d'un arrêté de fermeture administrative de trois mois».

Autre indication de l'atmosphère réactionnaire et nationaliste que la loi vise à stimuler, elle punit tout «outrage au drapeau national» ou à l'hymne nationale par 7.500 euros d'amende, plus six mois de prison si le geste est commis «en réunion».

La loi élargit de beaucoup les pouvoirs de la police. Elle diminue les restrictions sur les opérations de la police lors de fouilles et sur l'enregistrement d'informations concernant les personnes mises en cause; elle élimine l'obligation de notifier les détenus de leur droit au silence; et elle étend jusqu'en 2005 les pouvoirs «extraordinaires» établis par l'ancien gouvernement socialiste après le 11 septembre 2001. Elle permet d'étendre le fichier génétique à toutes les personnes à l'encontre desquelles il existe «des raisons plausibles de soupçonner qu'elles ont commis une infraction».

On a passé la loi après une campagne médiatique massive pour Sarkozy. Le journal centre-gauche Le Monde, tout en participant au processus, l'appelait «sarkomania». Le ministre de l'Intérieur a rendu des visites largement médiatisées à des quartiers populaires pour proclamer sa détermination de protéger tous les Français, donnant des interviews avec des caissières et de petits commerçants qui approuvent ses mesures. On l'a même félicité outre-Atlantique, dans les pages du New York Times.

Il a eu un débat télévisé avec le maire socialiste de Paris, Bertrand Delanoë, dont il a démoli l'opposition hypocrite à sa loi en remarquant que beaucoup des sections controversées avaient été tirées de loi ou de propositions de l'ancien gouvernement socialiste. La presse a aussi généralement loué ses interventions dans des débats télévisés avec le chef du Front National (FN) néo-fasciste, Jean-Marie Le Pen, et la socialiste Elisabeth Guigou, ministre du Travail de l'ancien gouvernement socialiste.

Tandis que les médias chuchottent bruyamment qu'il pourrait être le prochain candidat présidentiel de l'UMP (Union pour un Mouvement Populaire, conservateur), Sarkozy s'est disputé vigoureusement avec d'autres éminences de l'UMP. En décembre il a attaqué le Président de l'UMP, Alain Juppé, disant que Juppé avait manqué de respect envers lui lors du premier congrès de l'UMP, qui a installé Juppé comme président. Récemment il a provoqué des commentaires acerbes du président Jacques Chirac en essayant de prévoir une visite à Alger avant que Chirac, le chef de la politique étrangère française, n'ait eu le temps de le faire. La cote de Sarkozy dépasserait aussi celles de Chirac et du premier ministre Jean-Pierre Raffarin dans les sondages officiels.

L'origine et l'orientation de ceux qui soutiennent Sarkozy sont bien connues, même si on en parle peu. Il a commencé sa carrière politique à la fin des années 1970 dans la banlieue parisienne ultra-riche de Neuilly, dont il est le maire depuis 1983. Il a fait partie de la bureaucratie nationale du RPR (Rassemblement pour la République, prédécesseur gaulliste de l'UMP) grâce à son élection en tant que représentant à l'Assemblée du département où se trouve Neuilly.

Tout au long des années 1990 (quand il a été successivement haut fonctionnaire, dirigeant au RPR, et candidat à des positions européennes), il a maintenu des attaches avec et le RPR et Droite Libérale (DL), l'ancien parti de Raffarin. DL, qui s'est dissolue en septembre 2002 dans l'UMP actuelle, a retenu comme membres ou comme associés des extrémistes chrétiens, des monarchistes, et des défenseurs du rôle de l'Église pendant l'Holocauste.

Sarkozy est très apprécié parmi ceux qui ont voté pour le FN néo-fasciste en 2002. L'hebdomadaire d'extrême-droite Minute l'a loué pour sa «courtoisie» pendant le débat avec Jean-Marie Le Pen, qu'il a contrasté avec le traitement «infligé sur Guigou, bête noire des électeurs de droite». Minute a conclu que le débat lui avait valu «la jubilante sympathie d'une fraction de l'électorat FN». Sarkozy a forcé les chefs FN à lancer une campagne attaquant ses mesures comme correctes mais insuffisantes: le FN a demandé que l'on utilise les vaisseaux de transport militaires pour déporter les immigrés.

Selon une interview avec Eric Iorio du FN dans Le Monde, le FN n'est pas trop inquiet: «Il n'y a pas de danger [] A chaque fois que la droite a fait semblant de s'inspirer de nos idées, elle nous a rendu service. En 1986, le ministre de l'intérieur Charles Pasqua prétendait que la peur allait changer de camp. Deux ans plus tard, Jean-Marie Le Pen réunissait 14,4 % des suffrages à l'élection présidentielle. En 1995, le premier ministre Alain Juppé préconisait un retour aux valeurs. Trois ans plus tard, le Front a été au centre de la vie politique françaises aux élections régionales en totalisant 15,27 % des voix».

Il n'y a pas grand chose à ajouter au résumé du phénomène par Iorio, sauf faire remarquer que le score exceptionnel du FN aux élections de 2002 est venu juste après l'hystérie sécuritaire d'avril 2002 dans les médias, incitée par Chirac et reprise par les socialistes.

La montée de Sarkozy souligne à nouveau la banqueroute politique d'une position selon laquelle on peut bloquer l'extrême-droite en votant pour la droite parlementaire, l'excuse politique qu'ont donnée les socialistes, les verts, les communistes, et certains partis «d'extrême-gauche» en appelant à voter Chirac lors des présidentielles.

Sarkozy a facilement déjoué l'opposition molle de l'aile gauche de la classe politique, mais l'opposition des travailleurs est autre chose. Les ridicules prétentions populaires de Sarkozy et la façon dont il insiste sur l'idée qu'il travaille pour la «France d'en bas» démontrent qu'il est conscient de l'immense opposition populaire au type de répression policière qu'il prépare en réalité.

Les manifestations contre la loi Sarkozy à Paris, dont celles d'organisations de prostituées, ont rassemblé plusieurs milliers de personnes. Les luttes à venir sur la réforme des retraites exposeront à nouveau un rôle essentiel des forces policières réorganisées par Sarkozy, mis en évidence par leur comportement lors de la grève des routiers en novembre 2002: une force coordonnée pour démonter les manifestations et les grèves et pour imposer des compomis sociaux réactionnaires en menaçant ou en utilisant des arrestations en masse et la violence.

On peut voir la nature instable et contradictoire de la popularité de Sarkozy grâce à la controverse, surtout dans les syndicats policiers, déclenchée par sa décision de suspendre des policiers impliqués dans des cas de brutalité policière. Les morts récentes et jusqu'ici inexpliquées d'un Argentin et d'un Somalien qui attendaient d'être déportés l'ont forcé à suspendre temporairement plusieurs policiers des aéroports de Paris, et l'agression d'Omar Baha l'a forcé à en suspendre deux autres.

Le cas de Baha (une agression policière contre un passant dans le centre de Paris) démontre les véritables relations entre la police et les travailleurs. Baha affirme avoir vu un groupe de policiers malmenant une personne qu'ils menottaient. Il est allé les critiquer, menaçant une procédure judiciaire devant le ministre. Les policiers lui auraient répondu, «On s'en fout du ministre», sur quoi ils l'auraient battu, lui cassant le nez et l'emportant au commissariat.

Le syndicat policier n'a pas essayé de nier le contenu essentiel des dires de Baha, prétendant que c'était la seule chose à faire. Ils ont dit que Baha avait «rameuté» sur les lieux «150 à 200 personnes acquises « à sa cause» et que les policiers, «encerclés et menacés d'une bagarre générale», ont «fait face» et «maîtrisé la situation».

Des responsables de la police ont ajouté qu' «il est clair que, dans les conditions actuelles d'exercice du métier, les forces de l'ordre sont de plus en plus exposées aux attaques 'anti-flics'». Lors d'une interview, le commissaire du 18ème arrondissement de Paris, un quartier populaire qui entoure les zones touristiques du Sacré-Cur, a parlé de confrontations particulièrement violentes lors de la période du Ramadan et a indiqué que 150 policiers avaient été blessés dans le quartier en 2002. Un article de l'Associated Press ajoutait que «dans les quartiers populaires de Paris et sa banlieue, les contrôles policiers qui se multiplient suscitent parfois des réactions très vives des passants».

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