wsws.org/francais

Visitez le site anglais du WSWS

SUR LE SITE :

Contribuez au WSWS

Nouvelles et Analyses
Luttes Ouvrières
Histoire et Culture
Correspondance
L'héritage que nous défendons

A propos du CIQI
A propos du WSWS

AUTRES LANGUES

Allemand

Français
Anglais
Espagnol
Italien

Indonésien
Russe
Turque
Tamoul

Singalais
Serbo-Croate

 

France: l'ancien premier ministre Jospin refait surface dans les pages du Monde

Par Alex Lefebvre
24 février 2003

Utilisez cette version pour imprimer

L'ancien premier ministre Socialiste, Lionel Jospin, est finalement de retour dans les médias français. Après être arrivé en troisième position derrière le président Jacques Chirac et le candidat néo-fasciste Jean-Marie Le Pen au premier tour des présidentielles le 21 avril 2002, il s'était totalement retiré de la vie politique. Il n'a pas fait de déclaration publique, à part de vagues promesses de «[s]'exprimer le moment venu».

Jospin considère évidemment que la crise actuelle du gouvernement Raffarin, causée par son ardeur à attaquer les retraites et une vague de plans sociaux, lui donne l'occasion de ramener le mécontentement populaire derrière le Parti Socialiste (PS). Il a publié un long document, «Être utile», dans Le Monde du 31 janvier. S'il exprime quelques vérités premières rarement avouées au sujet du gouvernement actuel, l'importance du document est principalement de souligner la banqueroute politique de la social-démocratie réformiste et son isolation des inquiétudes des travailleurs.

Jospin commence par examiner les causes de sa défaite. Il avoue que son gouvernement n'avait pas de solutions à des questions fondamentales qui confrontent les sociétés française et européenne: le coût social de la construction capitaliste de l'Union européenne (UE), l'inégalité et le train infernal des licenciements du capitalisme contemporain, la montée des pouvoirs de police. Jospin écrit: «[Nous étions] confrontés à des problèmes de fond dont les solutions restent forcément imparfaites: la mondialisation, l'Europe et l'identité nationale; l'individualisme et la vie en commun; la justice sociale et la compétitivité; la liberté et la sécurité».

Pourtant, Jospin ne considère pas que ceci ait été un facteur important dans sa débâcle électorale. Puisque «ces grandes questions sont posées à tous», il cherche ailleurs les raisons de sa défaite.

En admettant de temps en temps qu'il avait sa «part de responsabilité» dans la défaite, Jospin absout en fait le PS et considère que le reste de la classe politique est responsable. Il accuse d'abord les manoeuvres de la droite et l'hystérie sécuritaire. (Bien que Jospin ne le dise pas, son gouvernement PS a pleinement participé à la diffusion de propagande sécuritaire)

Il accuse d'anciens associés ­ Communistes, Verts, et Jean-Pierre Chevènement du Mouvement des citoyens ­ d'avoir divisé la gauche «à l'excès». Il n'explique pas pourquoi ces forces se sont senties obligées de se distancer de son gouvernement; ceci l'obligerait à confronter le bilan conservateur de son gouvernement et l'aliénation de larges sections de la population qui en a résulté.

Il finit aussi par accuser l'ingratitude des Français, déclarant pompeusement: «Je pouvais espérer, après avoir gouverné pendant cinq ans mon pays de façon honorable, que mes concitoyens ne me placeraient pas après un démagogue de l'extrême-droite».

Ayant ainsi dissimulé le rôle du PS dans l'aliénation de l'électorat, Jospin utilise la performance du gouvernement Raffarin pour redorer le blason du PS. Jospin remarque la dépendance de Raffarin sur l'hystérie sécuritaire pour se maintenir dans les sondages, et que son incapacité de formuler un programme économique cohérent provient des contradictions entre les désirs de l'électorat et de sa base sociale. Jospin, disant presque que le gouvernement Raffarin approche une crise qui risque d'exposer l'exiguïté de sa base sociale, affirme que «la gauche devra être prête à incarner l'alternance».

Jospin s'inquiète évidemment que le gouvernement Raffarin retournera le peuple contre lui plus rapidement que les milieux de «gauche» pourront refaire l'image du PS. Qu'est-ce que Jospin veut que le PS fasse pour empêcher que le système politique actuel se discrédite totalement?

Il souhaite l'unification de la gauche dans le style de l'unification de la droite dans l'UMP orchestrée et manipulée par les chiraquiens. Il soutient le leader actuel du PS, François Hollande. Il raconte au PS, un parti capitaliste de longue date, que «le socialisme démocratique et réformiste» a gagné la lutte contre «le socialisme autoritaire et révolutionnaire» - des instructions à certains Socialistes «de gauche», tels Julien Dray et Jean-Luc Mélenchon, qui se sont distancés verbalement de Hollande et du Socialiste libéral Fabius, de se taire.

Il appelle simplement à un retour aux politiques de son gouvernement : «je ne crois pas qu'on doive, ni que l'on puisse, mettre en cause l'ensemble du bilan de nos cinq ans au pouvoir». Il défend sa loi impopulaire des 35 heures qui a permis aux sociétés d'augmenter les heures supplémentaires, remarquant avec plaisir que le ministre de l'Intérieur, Nicolas Sarkozy, a repris ses initiatives en Corse.

Malgré son dédain pour l'obsession de Raffarin pour la «communication», Jospin souligne l'importance du «leadership», ajoutant qu'au pouvoir, il s'était entouré de «personnalités fortes et attractives». Il oublie de mentionner que ces personnes attirent surtout des huées aux manifestations anti-Raffarin.

En conclusion, il prétend que l'actualité démontre que l'orientation de droite du PS est correcte. Il prétend qu'elle justifie la position sécuritaire du PS, qui avait passé des mesures facilitant l'espionnage policier et plaidé pour un système plus répressif de prisons pour jeunes. Jouant sur l'ambiguïté, il prétend que socialement, le PS peut «être plus audacieux que nous le fûmes, mais en sachant qu'on attend [du PS] des politiques réalisables et efficaces». Finalement, il indique les tensions avec les États-Unis sur l'Irak pour justifier l'ambition traditionnelle de la gauche bourgeoise française de renforcer une UE et une industrie militaire européennes indépendantes.

La droite et la gauche ont toutes deux essayé de faire oublier le texte de Jospin. Le journal conservateur Le Figaro s'est moqué du texte, le jugeant «Long. Besogneux. Ennuyeux», tout en avouant presque que ses prédictions d'un désastre politique pour le gouvernement Raffarin ne sont pas nouvelles. D'un ton ironique il écrit «Pas d'autre proposition que celle d'attendre la marée descendante qui devrait faire perdre pied au gouvernement Raffarin quand celui-ci, confronté aux difficultés économiques, "imposera aux Français un plan d'austérité" ? C'était bien la peine de crier depuis l'été, "Étonne-nous, Lionel"!»

Cette même inquiétude que le texte de Jospin éclaircit trop le gouffre entre le gouvernement Raffarin et les travailleurs a sans doute contribué à la réaction estompée du gouvernement ­ Raffarin a dit qu'il n'en pensait «rien ou pas grand-chose». Le Monde a indiqué que chez le gouvernement c'était «la prudence qui prévalait, voire un silence concerté».

Ceux qui, à droite, se sont adressés au fond du texte l'ont surtout fait pour attaquer chez le PS la tradition d'une conciliation verbale avec les travailleurs. Pour Claude Goasguen, vice-président du groupe UMP à l'Assemblée nationale, Jospin «contribue à enfermer le PS dans l'archaïsme».

Les sections fratricides du PS ont unanimement relativisé l'importance du texte, sans doute à cause et de l'impopularité de Jospin et de l'effet que pourrait avoir le texte sur la situation politique instable actuelle. Hollande a remercié Jospin de son soutien, ajoutant que Jospin «n'a plus vocation à occuper une fonction dans la vie politique. Maintenant, c'est au PS de faire le travail». Certains Socialistes «de gauche» visés par Jospin, tels Vincent Peillon, ont dit qu'ils «respectaient son analyse sans la partager». Fabius a simplement dit, «Il fait ce qu'il pense devoir faire».

Chevènement était le seul politicien célèbre à publier une longue réponse à la tribune de Jospin, un article décousu dans Le Monde, dont le titre ­ «Circulez ! Il n'y a rien à voir» ­ donne une assez juste estimation de son contenu. Même son style désorganisé ne peut cacher le faible niveau de ses différends politiques avec Jospin. Il dépense beaucoup d'efforts et de statistiques pour démontrer que la défaite de Jospin n'était en fait pas imputable à la candidature de Chevènement, mais à des erreurs de Jospin dans ses relations avec de petits partis de gauche.

Il observe correctement que Jospin a pu éviter d'imposer des mesures d'austérité du type Raffarin en grande partie grâce aux circonstances économiques extraordinairement favorables de la fin des années 1990. Cependant, pour Chevènement ceci ne démontre non pas la banqueroute de la politique établie, mais plutôt une excuse pour stimuler le nationalisme «Républicain» -- le seul projet à pouvoir susciter «de l'enthousiasme».

La lettre de Jospin n'a pas eu de suites parmi les cercles privilégiés qui gouvernent la France, mais elle est un avertissement aux travailleurs français et du monde. La gauche officielle ne voit pas d'autres solutions à la crise politique et économique actuelle que le militarisme, l'effritement des droits démocratiques, le nationalisme, l'austérité économique, et des manoeuvres cachées pour étouffer l'opinion.

Voir aussi :


 

Untitled Document

Haut

Le WSWS accueille vos commentaires


Copyright 1998 - 2012
World Socialist Web Site
Tous droits réservés