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Alors que les manifestations contre les violences policières gagnent du terrain

Le tribunal déclare illégale la grève des traminots de Marseille

Par Stefan Steinberg
Le 7 novembre 2005

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Après une semaine de manifestations et d'affrontements entre des jeunes et la police, qui avaient débuté à Paris et qui à présent touchent de nombreuses grandes villes françaises, le tribunal de grande instance de Marseille a déclarée illégale la grève des traminots de la Régie des transports de Marseille (RTM) qui dure depuis 33 jours.

Le tribunal de Marseille a décidé qu'au cas où la grève se poursuivrait, les huit différents syndicats concernés se verraient infliger une astreinte de 10 000 euros par jour de reconduction de grève. Le tribunal ne donna aux grévistes que 12 heures pour reprendre le travail avant d'appliquer la peine. Le tribunal stipula également que toute décision sur la poursuite de la grève devait se faire par vote à bulletins secrets. Jusque-là en France, la pratique en vigueur dans toute situation de conflit social avait été le vote à main levée.

Il fut possible à la direction de la RTM, après l'échec de la médiation de Bernard Brunhes, médiateur nommé par le gouvernement pour intervenir auprès des grévistes, de saisir le tribunal et d'obtenir gain de cause en l'espace de quelques jours dans une situation où la ville de Marseille est de plus en plus sérieusement affectée par les manifestations quotidiennes contre la répression policière, qui sont parties de la région parisienne. Au cours du week-end, d'autres affrontements entre des jeunes et la police se produisirent à Marseille tout comme dans nombre d'autres villes.

La rapidité avec laquelle le tribunal rendit son jugement montre que toutes les parties concernées ­ la mairie de droite de la deuxième ville de France, la justice et le gouvernement national ­ tenaient absolument à mettre fin à la grève le plus tôt possible pour empêcher toute action concertée des grévistes et des jeunes contre la police et la justice.

Les syndicats concernés par la grève jouèrent un rôle clé dans la démobilisation des ouvriers grévistes. Après le jugement, l'un des représentants CGT (Confédération générale du travail), des traminots, Charles Andreani, annonça que son syndicat respecterait la décision de justice et conseilla à ses membres de reprendre le travail. Les travailleurs se réuniront à nouveau cette semaine pour débattre de la suite des actions à envisager

La grève du personnel de la RTM avait débuté le 4 octobre en protestation contre les projets de la direction de privatiser l'entreprise. La mairie, de manière tout à fait provocatrice, employa des briseurs de grève. Les grévistes furent néanmoins en mesure de restreindre considérablement le trafic des bus et le métro fut aussi sévèrement perturbé.

La grève des ouvriers du transport a emboîté le pas à la grève très militante des marins des ferries de Marseille de fin septembre et qui elle aussi s'opposait à la privatisation. Les différentes formes d'actions entreprises par les 500 employés de la Société nationale Corse-Méditerranée (SNCM) se caractérisèrent par des affrontements violents entre les marins du ferry et la police qui, à un certain moment, recourut au gaz lacrymogène pour empêcher les manifestants de bloquer l'entrée du port de la ville. La grève ne donnant aucun signe de fléchissement, le gouvernement français fit arraisonner par des forces paramilitaires lourdement armées le ferry que des marins avaient occupé. Finalement, après 23 jours de grève, les travailleurs votèrent la reprise du travail après avoir été isolés et mis le dos au mur par leurs propres syndicats.

La CGT (Confédération générale du travail), principale centrale syndicale industrielle française, étroitement liée au Parti communiste, était majoritaire à la SNCM et l'est également dans la grève de la RTM. Lors du conflit de la SNCM, la CGT favorisa ouvertement l'un des opérateurs de transports privés intéressé pour reprendre l'entreprise ­ la multinationale Connex qui est également intéressée pour racheter la RTM.

Le 13 octobre, en soumettant au vote une motion décidant de mettre fin à la grève, les dirigeants CGT expliquèrent que le seul choix pour les salariés était soit d'accepter le marché, soit de confronter le dépôt de bilan délibéré par l'Etat de sa propre entreprise avec licenciement de tous les effectifs, sans mesures compensatoires. Jean-Paul Israël, secrétaire général de la CGT des marins de Marseille, dit à la presse, « Autant on peut se battre face au gouvernement, autant on ne peut pas faire face à la justice. »

Alors que le tribunal de Marseille fonda sa décision contre les travailleurs de la RTM sur une question de technicité juridique, la base de l'action intentée contre les grévistes montre que patrons et tribunaux sont en train d'élaborer des mesures encore plus draconiennes pour parvenir à quasiment abolir le droit de grève.

Plaidant en faveur d'une décision de justice rendant illégale la grève, Marc Girardot, directeur général de la RTM, affirma qu'en refusant de travailler le personnel marseillais portait atteinte à leur responsabilité de DSP (délégation de service public) et que le « DSP était une décision politique votée par la communauté urbaine de Marseille. »

Selon le raisonnement de Girardot, la grève était « politique » et donc illégale. Une argumentation similaire pourrait en fait être utilisée pour déclarer illégales toutes les grèves ou toutes formes d'action revendicative entreprise par les travailleurs des services publics contre la privatisation.

Au sujet de la grève, le préfet de la région envisagea la possibilité d'une réquisition, c'est-à-dire de dépouiller les travailleurs de tous leurs droits en les forçant à travailler. La « réquisition » des travailleurs serait appliquée sur la base d'une loi introduite pour la première fois en 1938 afin de préparer la France à la guerre ! La même menace fut brandie récemment contre les bagagistes qui avaient fait grève à l'aéroport de Roissy.

Selon les propos de Stéphane Sirot, historien du mouvement social, le recours à la politique de « réquisition » par l'Etat représente «l'arme atomique» dans les relations du travail en France. En ce qui concerne le vote secret exigé par le tribunal dans le cas de la grève à la RTM, Sirot déclara que cela aussi était « un moyen de délégitimer les syndicats, qui passent pour des boutefeux résolus à terroriser les salariés. »

La décision du tribunal de Marseille représente un tournant dans la politique des relations du travail en France. Les salariés des transports de Marseille ont une tradition de lutte militante. Ils jouèrent un rôle important lors de la mobilisation nationale contre les projets de privatisation des transports publics en 1995. Néanmoins, ils représentent une couche relativement petite des travailleurs. Ils sont à présent dans le collimateur, mais il reste au gouvernement français à s'attaquer à de bien plus grandes cibles. Les implications de cette décision de justice ne peuvent se comprendre vraiment que dans le contexte des projets massifs de privatisation des biens publics que le gouvernement français est présentement en train de concrétiser.

Sur la liste des privatisations figurent quelques-uns des plus importants services publics d'énergie. Malgré de nombreuses actions syndicales, le gouvernement a procédé à la privatisation partielle de Gaz de France (GDF), fournisseur et distributeur de gaz. En juillet 2005, 22 pour cent des actions de GDF furent cotées en bourse. D'autres privatisations à venir comprennent celles d'importantes sociétés publiques, telles l'opérateur France Telecom qui disposait du monopole téléphonique, le groupe Electricité de France (EDF), dont on a ouvert le capital quelques jours après la défaite à la SNCM, et le réseau autoroutier.

Il faut noter que la décision du tribunal de Marseille intervient au moment où la police et les CRS assiègent des villes françaises.

Les travailleurs doivent tirer des leçons urgentes de ce jugement et de la mobilisation de la police contre des travailleurs syndiqués de Marseille. Le gouvernement Villepin/Sarkozy poursuit une politique sur deux fronts ; d'une part, il intensifie les opérations de police et de l'armée contre des jeunes et des immigrés des cités et, d'autre part, il introduit des mesures sans précédent pour rendre les grèves illégales et attaquer le mouvement des travailleurs organisés.

Pas un seul syndicat n'a publié de communiqué condamnant la terreur que la police fait régner quotidiennement dans les cités françaises. Bien au contraire, sous l'égide de la CGT, ils se sont efforcés de démobiliser leurs adhérents en empêchant toute unité entre les chômeurs des banlieues et les travailleurs dans les entreprises et lieux de travail. En toute indépendance des différentes bureaucraties syndicales, ouvriers et employés des services publics, des bureaux et des usines, doivent exiger le retrait intégral des forces de l'Etat des cités et développer des initiatives communes avec les habitants des cités afin de faire obstacle à toute privatisation à venir.

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