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Ce qui se cache derrière le boycott par le LTTE de l'élection au Sri Lanka

Par M. Vasanthan et S. Jayanth
Le 26 novembre 2005

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Suite à l'élection présidentielle du 17 novembre au Sri Lanka, les Tigres de libération de l'Eelam tamoul (LTTE) furent obligés de diffuser un communiqué démentant avoir organisé un boycott du scrutin. Le dirigeant de l'aile politique du LTTE, S.P. Thamilchelvan, déclarait mardi sur le site web Tamilnet, que la faible participation dans le nord et dans l'est de l'île « reflétait le degré de confiance des Tamouls envers les dirigeants sri lankais » et n'avait pas été provoquée par son organisation.

Les remarques de Thamilchelvan faisaient suite aux critiques publiques du LTTE émises par les Etats-Unis, l'Europe, le Japon et l'Inde après l'élection de la semaine passée. Lundi, le ministère américain des affaires étrangères, déclarait : « Les Etats-Unis regrettent que les électeurs tamouls des régions du nord et de l'est de l'île n'aient pas voté en grand nombre en raison d'une campagne évidente d'intimidation des Tigres de libération de l'Eelam tamoul (LTTE). »

Les Etats-Unis notèrent également que le « processus de paix » et le cessez-le-feu signé en 2002 entre le LTTE et les militaires sri lankais devraient être « renforcés ». Washington et d'autres grandes puissances font pression pour que cesse la guerre civile qui sévit depuis vingt ans dans l'île et qui menace d'entraver les intérêts économiques et stratégiques grandissants des Etats-Unis sur le sous-continent indien.

Les négociations s'arrêtèrent cependant en 2003 et les gouvernements successifs de Colombo subissent les pressions d'extrémistes cinghalais pour l'adoption d'une attitude plus dure à l'encontre du LTTE. Mahinda Rajapakse, du Parti de la liberté du Sri Lanka (SLFP), soutenu par le chauviniste cinghalais Front de libération du peuple (JVP) et le Jathika Hela Urumya (JHU), a été élu président sur la base d'un programme qui n'est autre qu'une série d'ultimatums posés au LTTE.

Le communiqué défensif de Thamilchelvan reflète le dilemme face auquel se trouve le LTTE. Totalement conscient du fait qu'un boycott en bonne et due forme de l'élection entraînerait la désaffection des grandes puissances, le LTTE déclara publiquement que les Tamouls furent libres de voter. Dans le même temps, R. Sampanthan, dirigeant de l'Alliance nationale tamoule (TNA) pro-LTTE, déclara à la presse : « Nous sommes convaincus que le peuple tamoul ne tirera aucun bénéfice en portant de l'intérêt aux prochaines élections présidentielles sri lankaises. »

En ce qui concerne le LTTE, qui se réclame à tort être le « seul représentant » du peuple tamoul, cette affirmation correspondait à une déclaration tacite de boycott. La direction du LTTE renforça davantage le message en qualifiant le 17 novembre de « jour de deuil ». Dans le nord et dans l'est, la participation au vote chuta de façon spectaculaire, jusque à peine 1,2 pour cent des électeurs dans le district de Jaffna, au nord du pays. Dans les districts de l'est, le nombre de votants était inférieur à 50 pour cent contre 75 pour cent pour l'ensemble du pays.

La réponse de Washington reflétait la frustration de voir que le candidat du Parti uni national (UNP), Ranil Wickremesinghe, qui préconisait la reprise du processus de paix, fut battu de justesse. Il avait été largement escompté qu'une forte participation au vote dans le nord et dans l'est serait favorable à l'UNP. Fait sans précédent, le Sénat américain passa, deux jours avant l'élection, une motion bipartisane appelant les partis à rejeter « l'extrémisme » et « à rester engagés vis-à-vis du processus de négociation. »

Dans les médias de Colombo, le boycott du LTTE est dénoncé de manière stridente. Des commentateurs spéculent à n'en plus finir sur le fait que le LTTE n'ait pas soutenu l'UNP et se demandent si les actions du LTTE ne seraient pas le signe qu'il se prépare à la guerre. La rengaine des extrémistes cinghalais, tels le JVP et le JHU, est que le LTTE a exploité le cessez-le-feu dans le but de promouvoir sa position militaire.

Il ne fait pas de doute que le LTTE a eu recours à des méthodes de voyou et à l'intimidation pour imposer son boycott. Durant la semaine qui précéda l'élection, son organisation écran menaça ouvertement les électeurs. Le Makkal Paddai (l'Armée du Peuple) colla des affiches disant que ceux qui voteraient recevraient « une réponse adéquate ». Deux jours avant le vote, le Comité des étudiants tamouls pro-LTTE publia un communiqué enjoignant les gens à rester chez eux le jour de l'élection.

La veille de l'élection, des grenades furent lancées dans les bureaux du Parti démocratique du peuple d'Eelam (EPDP) ­ groupe paramilitaire collaborant avec les militaires et qui avait fait campagne en faveur de Rajapakse. A Jaffna, le jour du vote, des reporters du World Socialist Web Site parlèrent à des assesseurs électoraux qui confirmèrent que le LTTE avait envoyé ses cadres dans des bureaux de vote pour intimider les électeurs.

De telles actions sont toutefois un signe de faiblesse et non de force. Le cessez-le-feu a intensifié les problèmes politiques auxquels le LTTE est confronté. Avant que les pourparlers de paix ne s'arrêtent finalement en 2003, le LTTE avait publiquement renoncé à sa revendication de longue date pour la formation d'un petit Etat tamoul Eelam séparé et avait accepté de conclure un accord avec le gouvernement sri lankais.

En échange, le gouvernement sri lankais ne fit aucune concession. De plus, le cessez-le-feu n'apporta aucun avantage significatif à la population laborieuse dans le nord et dans l'est, entraînant une hostilité et une opposition grandissantes à l'encontre à la fois du LTTE et de Colombo. Ces sentiments produisirent immanquablement un mécontentement dans les rangs mêmes du LTTE ­ le signe le plus évident étant une scission majeure au cours de laquelle le LTTE perdit la plupart de ces combattants dans l'est.

Plus de trois ans après la signature du cessez-le-feu, plus de 300 000 Tamouls se trouvent encore dans des camps de réfugiés ou déplacés ailleurs. Les militaires insistent pour occuper des maisons et maintenir des zones de haute sécurité couvrant de vastes régions de la péninsule de Jaffna. Le nord et l'est accusent le taux de chômage le plus élevé de l'île. La crise sociale est exacerbée par le prélèvement d'impôts par le LTTE, le rendant ainsi encore plus impopulaire.

En conséquence, le LTTE se trouve à présent politiquement parlant dans un « no-man's land ». Il est acculé à un cessez-le-feu qui mine son soutien et il n'existe aucune perspective directe de négociation ou d'accord final. Tout en s'efforçant de maintenir les grandes puissances dans son camp, le LTTE subit des pressions, notamment de Washington, pour faire de nouvelles concessions qui ne feraient qu'affaiblir encore davantage sa position.

Le boycott du LTTE reflétait des frustrations quant à l'arrêt du processus de paix et des inquiétudes quant à une opposition grandissante parmi les Tamouls. En réponse à l'aggravation de cette crise politique, le LTTE, au même titre que les principaux partis de Colombo, attise le communautarisme en essayant de renforcer sa position. Par exemple, Soosai, dirigeant de la section navale du LTTE, accusa des « dirigeants cinghalais » de ne pas s'être « engagés dans des négociations réglant toutes ces questions ». Dans le même ordre d'idée, il attribua la faute « au peuple cinghalais » d'avoir « totalement oublié nos problèmes durant ces quatre dernières années. Oubliant le passé, ils ont voté aujourd'hui pour renforcer le racisme. »

L'élection de Rajapakse et le durcissement de la position du LTTE, accroissent le danger d'un retour à la guerre. Le Parti de l'Egalité socialiste (PES) et son candidat présidentiel, Wije Dias, firent campagne contre la politique chauvine, toutes tendances confondues ­ qu'il s'agisse du LTTE ou de l'establishment politique de Colombo ­ en appelant la classe ouvrière cinghalaise et tamoule à s'unir pour défendre leurs intérêts de classe indépendants dans une lutte basée sur une solution socialiste à la guerre et à l'inégalité sociale.

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