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Cent ans depuis l'annus mirabilis d'Albert Einstein

Deuxième partie

Par Peter Symonds
Le 12 juillet 2005

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Voici la deuxième partie d'une série de quatre sur les découvertes scientifiques d'Einstein. La traduction de la première partie a été publiée le 7 octobre.


La synthèse de Newton, qui fut développpée et étendue aux domaines de la statique et de la dynamique des liquides, des gaz ainsi que des solides, est demeurée la base de la physique pour les deux cents années suivantes. La vision mécanique du monde, selon laquelle tout peut être réduit à des forces agissant sur des masses, devenait toutefois de plus en plus contestée au 19e siècle. La conception qu'avait Newton de la lumière en tant que flux de particules fit place à la théorie ondulatoire, seule capable d'expliquer les phénomènes optiques comme l'interférence et la diffraction.

La recherche dans les domaines apparemment sans aucun lien de l'électricité et du magnétisme confirma de manière surprenante la théorie ondulatoire de la lumière. En 1820, Hans Oersted démontra qu'un courant électrique circulant à travers un fil créait une force magnétique. En 1831, Michael Faraday montra qu'un aimant en mouvement pouvait induire un courant électrique dans un fil, le phénomène à la base de la génératrice électrique. Clairement, électricité et magnétisme étaient étroitement liés mais Faraday alla plus loin en émettant l'hypothèse que la lumière pouvait aussi être reliée à ces phénomènes.

Newton envisageait les forces telles que la gravité comme agissant instantanément à distance. Cependant, Faraday introduisit la notion de champ : un réseau invisible de lignes de force irradiant d'une charge électrique ou d'un aimant. La démonstration classique d'un champ magnétique est le motif formé par de la limaille de fer répandue autour d'un aimant. Lors d'une conférence de 1844, Faraday a proposé qu'il était possible que des perturbations puissent engendrer des vibrations de tels champs. Ces perturbations prendraient un certain temps à parcourir l'espace. Il laissa même entendre que la lumière pouvait être une onde de ce type, une idée qui fut à cette époque jugée absurde et fut rejetée.

Une théorie complète du champ électromagnétique fut finalement élaborée par James Clerk Maxwell au cours des années 1860 et fut résumée en quatre équations mathématiques connues maintenant comme les équations de Maxwell. Non seulement sa théorie expliqua et quantifia tous les effets électriques et magnétiques précédemment découverts mais elle calcula la vitesse de propagation des ondes électromagnétiques qui s'avéra être la même que la vitesse de la lumière. Il écrivit : « Nous pouvons difficilement nous soustraire à la conclusion que la lumière consiste en des ondulations transversales de la même substance qui est la cause des phénomènes électriques et magnétiques. »

La démonstration par Maxwell que la lumière était une onde électromagnétique constitua l'une des réussites suprêmes de la science du 19e siècle. Dans les mots d'un historien de la science : « Tout ceci est la raison pourquoi Maxwell est aux côtés de Newton dans le panthéon des grands scientifiques. À elles seules, les lois de Newton et sa théorie de la gravité, ainsi que les équations de Maxwell, expliquaient tout ce qui était connu de la physique à la fin des années 1860. Incontestablement, la réalisation de Maxwell constitua le plus grand apport à la physique depuis le Principia [de Newton]. »

À la même époque, les perfectionnements de la machine à vapeur, liés à la révolution industrielle, fournirent l'impulsion pour l'étude de la chaleur et du mouvement, la thermodynamique. Ceci conduisit à la découverte de la loi de conservation d'énergie : l'énergie peut changer de forme mais l'énergie totale reste constante. La théorie atomique, postulant que la matière est composée de particules indivisibles de différents types, fournit la base théorique pour mettre de l'ordre dans les développements rapides dans le domaine de la chimie,. En combinant la mécanique newtonienne et la statistique, Maxwell et Ludwig Boltzmann développèrent la théorie cinétique de la matière : une dérivation des propriétés générales de la matière, comprenant les lois de la thermodynamique, par un traitement mathématique du comportement moyen de ses atomes ou molécules composants.

Vers la fin du 19e siècle, d'énormes progrès avaient été réalisés dans tous les domaines de la physique. Chacune des grandes théories fournissait une explication précise des phénomènes à l'intérieur de son champ d'étude : les lois de Maxwell traitaient de l'électricité, du magnétisme et des ondes électromagnétiques de façon complète; la mécanique newtonienne pouvait être appliquée aux forces et aux mouvements; et son prolongement en mécanique statistique expliquait la chaleur et les propriétés de la matière comme le produit du mouvement des atomes et des molécules.

Après ces réalisations, certains conclurent qu'il en restait peu à faire. En 1894, le physicien expérimental Albert Michelson, qui reçut plus tard le prix Nobel de physique, dans un discours donné à l'occasion de l'inauguration d'un nouveau laboratoire à l'Université de Chicago, déclara : «Les plus importantes lois et les plus importants faits fondamentaux de la physique ont tous été découverts et ils sont maintenant si fermement établis que la possibilité de les voir infirmés par de nouvelles découvertes est extrêmement faible Nos futures découvertes ne devraient avoir un impact que sur la sixième décimale.»

William Thomson, aussi connu sous le nom de Lord Kelvin, apporta une importante contribution au développement de la thermodynamique. Il exprima des sentiments semblables à une conférence devant la Société royale des sciences en 1900. «Il n'y a rien de nouveau à découvrir en physique maintenant. Tout ce qui reste à faire, c'est d'obtenir des mesures de plus en plus précises», déclara-t-il, ajoutant les célèbres paroles qu'il n'y avait que «deux petits nuages à l'horizon», c'est-à-dire les caractéristiques étonnantes du phénomène de rayonnement du corps noir et les résultats inattendus d'une expérience menée par Michelson et son associé Edward Morley en 1887.

Une accumulation de contradictions

Qu'il semble qu'il y ait peu à faire dans le domaine de la physique à l'aube du 20e siècle n'était qu'une apparence trompeuse. Le progrès même de la science apporta de nouveaux défis théoriques qui étaient loin d'être résolus. Les «deux petits nuages» de Thomson fournirent l'impulsion aux développements qui allaient bientôt se précipiter. Le premier «nuage» mena au postulat d'Einstein que la lumière se comportait comme une particule ainsi qu'à la mécanique quantique. Le deuxième montra l'incompatibilité de la mécanique newtonienne et des lois de Maxwell et il a fallu développer la théorie de la relativité pour la résoudre.

L'expérience de Michelson et Morley était une tentative de mesurer les propriétés de l'éther. Les physiciens avaient conclu, en se basant sur l'explication de Maxwell de la lumière comme une onde électromagnétique, qu'il devait y avoir quelque chose qui «ondulait». Les ondes à la surface de l'eau voyageaient bien évidemment dans l'eau et les ondes sonores, de façon moins évidente, nécessitent de l'air ou une autre substance pour se propager; de la même manière, croyait-on, la lumière avait besoin d'un support. C'est que l'on nomma éther. Toutefois, le postulat d'un éther rendait très complexe l'application des équations de Maxwell aux charges ou aux aimants en mouvement.

En supposant que l'éther était statique, Henrik Lorentz fut en mesure d'offrir une interprétation des équations de Maxwell qui sembla fournir une solution. Comme Einstein l'expliqua dans un hommage à Lorentz : «Sur cette base simplifiée, Lorentz fonda une théorie complète de tous les phénomènes électromagnétiques connus à cette époque, incluant ceux qui se rapportaient à l'électrodynamique des corps en mouvement. C'est un travail d'une telle cohérence, lucidité et beauté, comme cela fut rarement atteint à l'intérieur d'une science empirique. Le seul phénomène qui ne pouvait complètement être expliqué sur cette base, c'est-à-dire sans supposition supplémentaire, était la fameuse expérience de Michelson et Morley.»

Les physiciens raisonnèrent que si l'éther était statique alors il devait être possible de mesurer le mouvement de la Terre par rapport à celui-ci. Avant l'expérience de Michelson et Morley, tous les efforts pour parvenir à mesurer la vitesse de la Terre par rapport à l'éther avaient échoué. Lorentz avait été en mesure d'expliquer les résultats négatifs en démontrant que les méthodes n'étaient pas assez précises. Cependant, Michelson et Morley conçurent un instrument optique ingénieux pour rencontrer le niveau de précision qu'exigeait la théorie de Lorentz.

Essentiellement, l'expérience impliquait deux rayons de lumière : le premier dont le parcours est parallèle au parcours de la Terre à travers l'éther; et le deuxième rayon dont le parcours est à angle droit avec le premier. Les vitesses des deux rayons, raisonnèrent les deux scientifiques, devaient être différentes. En guise d'analogie, si une personne mesure la vitesse d'un train alors qu'elle est dans une voiture voyageant sur une route parallèle au chemin de fer, la vitesse mesurée variera selon la vitesse de la voiture. Plus vite va la voiture, selon les lois de Newton, moins grande sera la vitesse mesurée du train. De même, si la Terre se déplace dans l'éther, un rayon de lumière voyageant dans la même direction que la Terre par rapport à l'éther semblera avoir une vitesse moins grande, contrairement à un rayon de lumière se propageant dans une direction qui fait un angle droit avec le mouvement de la Terre.

Le résultat défia toutes attentes : aucune différence dans la vitesse ne fut détectée. Dans une lettre de 1892, un Lorentz exaspéré écrivit : «Je n'ai aucune idée sur la façon de résoudre cette contradiction [entre la théorie de l'éther et le résultat de l'expérience de Michelson et Morley], et pourtant je crois que si nous devions abandonner la théorie de Fresnel [l'idée que l'éther est au repos] nous n'aurions plus de théorie adéquate Peut-il y avoir un quelconque élément dans la théorie de l'expérience de M. Michelson qui nous aurait échappé jusqu'ici ?»

Refusant d'abandonner l'éther, Lorentz et, indépendamment, George Fitzgerald, trouvèrent que la seule façon d'expliquer le résultat de Michelson et Morley était de supposer que les objets en mouvement rapetissaient dans la direction de ce mouvement à travers l'éther. Si l'appareil expérimental se contractait physiquement dans cette dimension, cela expliquerait qu'il n'ait pas pu détecter le mouvement prévu. De telles contractions seraient infinitésimales et donc inobservables dans les circonstances de tous les jours mais cela ne rendait pas moins l'idée bizarre, sinon choquante, pour les physiciens.

La solution de Lorentz nécessitait aussi une autre étrange modification. Il découvrit que les objets se déplaçant à vitesse constante par rapport à l'éther possédaient différents « temps propres ». Le mathématicien Henri Poincaré fournit une explication physique : la variation dans les temps pouvait être expliquée en imaginant que chaque objet possédait sa propre horloge et que ces horloges étaient synchronisées à l'aide de signaux lumineux. Comme la lumière voyage à une vitesse finie, les temps diffèrent.

La crise de la physique

Ces étranges et troublantes conclusions n'étaient pas les seules difficultés confrontant les physiciens dans la dernière décennie du 19e siècle. Les développements expérimentaux ouvraient de nouveaux horizons et apportaient de nouveaux problèmes. Vers la fin des années 1880, Heinrich Hertz confirma l'existence d'ondes électromagnétiques à basse fréquence : les ondes radio. Il montra que ces ondes voyageaient à la vitesse de la lumière et que, comme la lumière, elles pouvaient être réfléchies et réfractées. En 1895, Wilhelm Rontgen découvrit les rayons X, plus tard démontrés comme étant des ondes électromagnétiques de très haute fréquence.

Les premiers indices montrant que les atomes n'étaient pas de petits objets immuables et indivisibles firent aussi surface. En 1899, J.J. Thomson confirma l'existence de la première particule subatomique : l'électron. Il réussit à démontrer que cette particule chargée négativement possédait une masse qui égale environ 1/2000e de la masse d'un atome d'hydrogène, le plus simple et le plus petit atome.

L'étude des substances radioactives dans les années 1890 par Henri Becquerel et Pierre et Marie Curie produisit des résultats troublants. Un phénomène, qu'aujourd'hui nous savons être la désintégration d'un noyau atomique instable, produisait une variété de rayons, qui furent plus tard nommés alpha, bêta et gamma, et provoquait la transformation d'un élément chimique en un autre, un phénomène qui était alors considéré impossible. Le fait que des substances radioactives comme le radium puissent émettre de l'énergie, apparemment spontanément et de façon continue, sembla contredire la loi de la conservation de l'énergie.

Pendant que certains scientifiques concluaient que pratiquement tout avait été accompli en physique, d'autres déclaraient une crise majeure. Dans son populaire livre La Valeur de la Science publié en 1905, Poincaré écrivait : « Allons-nous entrer maintenant dans une troisième phase? Sommes-nous à la veille d'une seconde crise? Ces principes sur lesquels nous avons tout bâti vont-il s'écrouler à leur tour? Depuis quelques temps, on peut se le demander Ce n'est pas seulement la conservation de l'énergie qui est en cause; tous les autres principes sont également en danger, comme nous allons le voir en les passant successivement en revue. »

Ces bouleversements dans la science, particulièrement en physique, avaient des ramifications philosophiques. Dans ses efforts pour asseoir la science sur une nouvelle base, le physicien Ernst Mach jeta le proverbial bébé avec l'eau du bain. Il entrepris de débarrasser la science de tout « concept métaphysique » et de la fonder strictement sur la base de qualités observables et de quantités mesurables. Il ridiculisa l'existence même de la matière en tant que source de nos sensations comme une superstition métaphysique inutile. «Pour nous investigateurs, le concept 'âme' est non pertinent et un sujet de dérision mais la matière constitue exactement une abstraction du même genre, toute aussi bonne et toute aussi mauvaise», écrivit Mach.

Pour Mach, les objets étaient simplement des «complexes de sensations». La tâche des scientifiques était d'étudier des effets observables, de mesurer des variables et de les corréler mathématiquement afin de produire des lois scientifiques. Les atomes et les molécules furent rejetés en tant que constructions métaphysiques. Pour toute son irrévérence, Mach, consciemment ou non, faisait revivre les conceptions philosophiques idéalistes de l'évêque George Berkeley qui, au 18e siècle, à travers ses polémiques contre l'athéisme, niait également l'existence d'un monde matériel extérieur.

Mach n'était pas seul dans ses improvisations philosophiques mais il était influent et au centre de controverses avec des physiciens comme Planck ou Boltzmann qui, comme la plupart des scientifiques, reconnaissaient intuitivement que leurs investigations relevaient d'un monde extérieur, existant indépendamment de la pensée. Les positions de Mach, symptomatiques de l'effervescence en physique, influencèrent une génération de physiciens, Einstein y compris. Comme un historien de la science commenta : « Pour un grand nombre des plus jeunes physiciens de l'époque, attaquer les problèmes de la physique avec des concepts hérités de la physique classique du 19e siècle ne semblait mener nulle part. Et ici, l'iconoclasme et le courage critique incisif de Mach, sinon les détails de sa philosophie, eurent beaucoup d'effet sur ses lecteurs. »

Le rapport de Einstein à Mach fut le sujet de longues dissertations. Il suffit d'en dire que, malgré qu'il appréciait la perspective critique de Mach et son analyse de la mécanique newtonienne, Einstein n'a jamais complètement accepté la position philosophique de Mach. Contrairement à Mach, Einstein admit l'existence des atomes et des molécules. Deux de ses cinq articles de 1905 concernaient l'application de la mécanique statistique de Boltzmann afin de déterminer la taille des molécules et expliquer leur comportement. Ces deux articles sont moins bien connus quoiqu'ils aient tous deux joué un rôle important pour mettre un terme au scepticisme au sujet de l'atome. Dans ses écrits ultérieurs, Einstein rejeta explicitement l'idéalisme philosophique de Mach. Par exemple, il débuta une conférence en 1931 avec une déclaration tranchée: « La croyance en un monde extérieur indépendant du sujet qui perçoit constitue la base de toute la science naturelle. »




 

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