La grande entreprise accueille avec enthousiasme le budget du gouvernement du Québec

Avec enthousiasme, la grande entreprise et les médias corporatistes ont applaudi le budget inaugural du gouvernement provincial du Parti québécois (PQ).

Simon Prévost, le président des Manufacturiers et exportateurs du Québec, a déclaré à Radio-Canada qu’il n’avait « pas vu un aussi bon budget depuis longtemps ».

Pour sa part, le chef du Conseil du Patronat, Yves Thomas Dorval a déclaré : « On est très satisfaits de voir que l'atteinte de l'équilibre budgétaire en 2013-2014 est une intention toujours ferme du gouvernement. »

Plusieurs commentateurs ont noté la similarité entre le budget du PQ et la série de budgets d’austérité déposés par son prédécesseur, le gouvernement libéral de Jean Charest. Cependant, peu ont fait remarquer l’autre point saillant : tandis que le gouvernement fédéral conservateur de Stephen Harper, sans doute le gouvernement le plus réactionnaire de l’histoire moderne du Canada, a décidé de repousser d’un an l’élimination du déficit budgétaire annuel fédéral, le PQ maintient catégoriquement que la cible précédemment annoncée pour l’équilibre budgétaire soit atteinte, peu importe les coûts sociaux.

Dans une entrevue avec le Globe and Mail, publiée le weekend du 17 novembre, la première ministre péquiste, Pauline Marois, a admis que le budget de son gouvernement a été rédigé dans le but de satisfaire l’élite financière québécoise, canadienne et mondiale. Elle a que son gouvernement était impatient d’ « envoyer un message » à la « communauté d’affaires » et de démentir « le mythe » que le PQ ne « connaît rien en matière d’économie ». Les agences de notation, a ajouté Marois, « attendent pour voir comment nous performons et cela est pour nous important ».

Introduit mardi dernier, le budget du PQ prodigue des allégements fiscaux à la grande entreprise tout en élaborant un programme de coupes budgétaires que même les porte-parole de la grande entreprise ont qualifié d’ « ambitieux ». Le budget maintient également, quoique sous une forme modifiée, la taxe santé régressive et les hausses de tarif d’électricité introduites par le gouvernement libéral précédent. Le PQ avait dénoncé ces mesures et avait promis de les annuler lorsqu’il était dans l’opposition.

Dans la période précédant les élections du 4 septembre, le PQ, espérant freiner son déclin électoral parmi la classe ouvrière, avait promis d’augmenter les taxes sur la grande entreprise et les riches afin de financer l’abolition de la taxe santé régressive des libéraux. Il avait aussi annoncé quelques modestes augmentations dans les dépenses sociales. Mais le PQ a réduit ou abandonné la plupart de ses promesses. Il a d’abord laissé tomber l’augmentation des impôts sur les gains en capitaux et les dividendes. Le budget de mardi dernier a annoncé que le gouvernement reportait l’augmentation des redevances minières, après consultation avec l’industrie. Le budget stipule également que le taux d’imposition sera légèrement augmenté sur les revenus imposables de 100 000 $ et plus, de 24 % à 25,75 %.

Les éléments clés du budget, qui exceptionnellement couvre la période de 17 mois à partir de maintenant jusqu’à la fin de l’année budgétaire 2013-2014 (le 31 mars 2014), sont :

- Un engagement à éliminer le déficit budgétaire annuel de la province au cours de l’exercice financier à venir, malgré une croissance anémique et des turbulences économiques mondiales, et l’accélération du paiement de la dette provinciale;

- Un engagement à limiter la croissance totale des dépenses à 1,9 % pour l’exercice financier en cours et à 1,8 % pour celui de 2013-2014;

- Des coupes de 1,5 milliard $ par année pour les prochaines années pour les dépenses liées à la réparation des infrastructures délabrées de la province, incluant les routes, les égouts, les écoles et les hôpitaux;

- Des changements à la taxe santé qui la rendent en quelque sorte plus équitable, mais qui fait tout de même payer, sauf les adultes québécois les plus pauvres, une taxe fixe de 100$ par année et de 200$ par année par la plupart des contribuables;

- Des changements à la structure des tarifs d’électricité, où le dénommé « bloc patrimonial » sera indexé au taux d’inflation à partir du début de 2013, ce qui fera en sorte que ce sera plus facile pour Hydro-Québec, la société d’État qui gère l’électricité, de hausser les tarifs;

- La suppression l’année prochaine de 2000 postes chez Hydro-Québec, environ 10 pour cent de la main d’œuvre totale de la société;

- Un congé fiscal de dix ans pour les nouveaux investissements de plus de 300 millions $ dans les secteurs manufacturiers, miniers, du bois d’œuvre, des centres de distribution et du traitement des données; une augmentation du crédit d’impôt spécial pour la recherche et le développement dans l’industrie pharmaceutique; et la prolongation de plusieurs années d’un important crédit d’impôt pour les investissements;

- Des augmentations de taxe sur le tabac et l’alcool qui devraient rapporter au gouvernement 230 millions $ par année.

Les compressions budgétaires sont de loin les plus sévères depuis 15 ans et, lorsque l’inflation et l’augmentation de la population sont prises en compte, se traduiront par des coupes budgétaires substantielles dans presque tous les ministères.

Même avant le dépôt du budget, le gouvernement a ordonné au ministère de la Santé de réduire les dépenses de 400 millions $ pour le reste de l’année financière en cours.

Le PQ prétend qu’il épargne l’éducation et les soins de santé des coupes, mais les dépenses pour les niveaux d’éducation primaire et secondaire augmenteront de seulement 1,8 %. De plus, le gouvernement coupe 150 millions $ dans le financement aux commissions scolaires, de l’argent qui devra soit être coupé des programmes ou récupéré par l’augmentation des taxes scolaires.

Dans la mesure où la grande entreprise a émis des inquiétudes quant au budget, c’est à propos du fait que le gouvernement doit remplir son engagement à couper les dépenses sociales et à ne pas hésiter devant l’opposition populaire.

« Je pense que nos messages ont été entendus et que le gouvernement en tient compte », a déclaré Françoise Bertrand de la Fédération des chambres de commerce du Québec.

Dans une chronique intitulée Tout ça pour ça ?, le chroniqueur de La Presse, Alain Dubuc, a accueilli le budget parce qu’il semble « annoncer le retour à la réalité d'un parti qui s'était emporté en campagne électorale ». Un retour, ajoute Dubuc, au « consensus économique » que le PQ a longtemps partagé avec les libéraux et la Coalition Avenir Québec (CAQ), un parti encore plus à droite.

Même si Dubuc ne l’a pas mentionné, la feinte cynique du PQ vers la gauche pendant la récente campagne électorale – une campagne où il a fait des promesses populistes socio-économiques limitées et juré d’équilibrer le budget et de couper dans les dépenses, tout en faisant des appels au chauvinisme – a pris place dans un contexte de grève étudiante militante.

A son apogée en mai dernier, la grève menaçait de déclencher un mouvement plus large de la classe ouvrière contre le programme d’austérité de la bourgeoisie. Mais les syndicats, Québec solidaire et les associations étudiantes, incluant la CLASSE, le groupe étudiant qui a amorcé la grève, se sont opposés à la mobilisation de la classe ouvrière et ont détourné l’opposition face aux libéraux derrière le PQ, en le présentant comme « le moins pire » comparé au gouvernement Charest.

Les libéraux et la CAQ ont tous deux dénoncé le budget de mardi pour ne pas imposer des coupes encore plus grandes dans les dépenses sociales, mais ont rapidement montré clairement qu’ils ne renverseraient pas le gouvernement péquiste minoritaire. Quant à Québec solidaire (QS), il s’est déclaré « déçu » par le budget. Françoise David a dit que le PQ est le « parti du déficit zéro à tout prix ».

QS a systématiquement promu des illusions dans le PQ, le deuxième parti officiel du gouvernement du Québec et, malgré les protestations de David, porte une responsabilité politique pour ses mesures d’austérité. En juin, QS a proposé une alliance électorale avec le PQ bourgeois et, seulement quelques jours avant l’élection du 4 septembre qui l’a porté au pouvoir, QS s’était engagé à soutenir un gouvernement péquiste minoritaire pendant au moins un an sans demander d’engagement concret sur les politiques du PQ en retour.

(Article original paru le 22 novembre 2012)

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