L’Egypte à la tête des régimes arabes qui facilitent l’assaut d’Israël contre Gaza

L’hécatombe organisée par Israël à Gaza ne pourrait se faire sans la complicité des régimes arabes. L'Egypte, l’Etat arabe le plus peuplé et le plus puissant, a joué un rôle crucial pour ce qui est de rendre possible le lancement de cette offensive génocidiaire contre une population palestinienne sans défense.

Depuis qu’il a chassé le président Mohamed Morsi des Frères musulmans (FM) et commencé en juillet dernier un régime de terreur, le dictateur militaire égyptien Abdoul Fattah al-Sissi a suivi l’exemple de ses prédécesseurs, Hosni Moubarak et Morsi quant au contrôle du point de passage de Rafah à la frontière Sud de Gaza. En bloquant l’unique point d’entrée de l’enclave appauvrie qui ne soit pas contrôlé par Israel, il a transformé Gaza en une prison à ciel ouvert pour ses 1,8 millions d’habitants.

Ce régime tributaire des Etats-Unis a collaboré avec Israël pour durcir encore plus le blocus en déclarant qu’Hamas était une organisation terroriste et en faisant exploser ou en inondant les tunnels reliant Gaza à l’Egypte. Cette suppression d’un lien vital utilisé pour faire passer en contrebande de la nourriture, des fournitures médicales, du matériel de construction et de l’essence dont dépendent les Palestiniens de Gaza, a fait monter les prix en flèche.

En début d’année, les forces de sécurité égyptiennes avaient mis en place une zone tampon ou zone vide près de Rafah, s’étendant sur 300 mètres dans des zones habitées et sur 500 mètres dans des zones ouvertes et détruisant des maisons dans cette zone. Le but avéré était d’empêcher que des activistes islamistes du Sinaï Nord se servent de Gaza comme d’une base pour attaquer le Sinaï.

La péninsule du Sinaï a connu une série d’attaques montées par des djihadistes, qui visaient les gazoducs reliant l’Egypte, Israël et la Jordanie, ainsi que des forces de sécurité égyptiennes. Vu que les intérêts égyptiens correspondent dans une large mesure à ceux d’Israël, l’Egypte a étroitement collaboré avec Tel Aviv pour réprimer les djihadistes.

La pénurie de carburant pour l’approvisionnement en courant est telle en Egypte que le gouvernement est en train d’envisager que les sociétés énergétiques qui y exercent leurs activités soient autorisées à importer du gaz auprès de compagnies israéliennes. BG, anciennement British Gas, a entamé des négociations avec Israël pour fournir pendant 15 ans 7 milliards de mètres cubes de GNL (gaz naturel liquéfié) par an à l’Egypte.

La dernière agression d’Israël contre Gaza, cyniquement et à tort nommée Opération Bordure de Protection a été coordonnée de près avec l’Egypte – qui avait fait évacuer la veille ses gardes-frontières à Rafah pour qu’ils ne soient pas atteints par le bombardement israélien. L’armée a intensivement patrouillé la frontière du Sinaï pour empêcher que des groupes militants n’y lancent des attaques aux côtés du Hamas, la branche des Frères musulmans qui contrôle Gaza. Rien que la semaine passée, des militants du Sinaï avaient tiré des roquettes sur Israël. Les forces de sécurité égyptiennes ont dit avoir empêché que des militants ne tirent deux roquettes supplémentaires sur Eilat, station balnéaire du Sud d’Israël.

Le bombardement israélien a touché des bâtiments situés du côté égyptien de la frontière sans que ceci ne provoque de réaction hostile de la part du Caire. Selon un article paru sur le site web Al-Monitor, des avions de combat ont ciblé à l’aide de bombes à concussion hautement explosives les points d’entrée de tunnels situés dans le Sud de Gaza dans le but de détruire les entrées du côté palestinien et une partie des tunnels souterrains. Un habitant a dit que le bombardement intensif avait été bien pire que lors de n’importe quelle guerre précédente contre Gaza et d’un type différent car il a causé des « tremblements de terre anormaux dans le sol et ensuite à nos maisons » et l’a comparé à un séisme de force 5. Il craignait que si le bombardement continuait, le sol pourrait s’effondrer, vu que sous leurs maisons il existe plus d’un millier de tunnels.

Par deux tirs très précis en direction de l’immeuble abritant Al-Jazeera, qui a son siège au Qatar, Israël a aussi touché le bureau local de cette chaîne. Cela eut lieu le jour qui a suivi l’interdiction par le ministre israélien des Affaires étrangères, Avigdor Lieberman, d’Al-Jazeera, l’accusant d’être l’organe de Hamas. L’Egypte, pour sa part, a fermé le bureau d’Al-Jazeera au Caire et un tribunal fantoche a condamné quatre de ses journalistes à de longues peines d’emprisonnement pour avoir soi-disant soutenu les Frères musulmans et le terrorisme en Egypte. Ceci est conforme à son opposition actuelle aux Frères musulmans et à ses soutiens au Qatar où se trouve aussi le chef du bureau des Affaires extérieures du Hamas, Khaled Meshaal.

Le Caire a fermé le passage de Rafah pour empêcher que les Palestiniens ne fuient devant l’armée israélienne. Il a refusé de permettre aux blessés de se faire soigner dans des hôpitaux en Egypte et empêché des délégations médicales et un convoi d’aide de parvenir aux habitants de Gaza.

L’attaque d’Israël avait pour but de faire capoter toute perspective d’unité politique entre la faction de l’Organisation de libération de la Palestine dirigée par le Fatah de Mahmoud Abbas et gouvernant la Cisjordanie pour le compte d’Israël et le Hamas qui contrôle Gaza, sous le nouveau Gouvernement d’unité nationale convenu il y a quelques mois. L’objectif initial, tel qu’il a été établi par Israël, de détruire les tunnels de Gaza, s’est désormais élargi de façon à inclure la destruction du Hamas même.

Tout cela a lieu alors qu’Israël fait preuve d’une attitude belliqueuse croissante. Celui-ci avait dernièrement lancé des attaques contre la Syrie à partir du plateau du Golan qu’il occupe depuis 1967. Il travaille en étroite collaboration avec l’Arabie saoudite qui a joué un rôle crucial dans le renversement du régime des FM en Egypte et dans l’arrivée au pouvoir d’al-Sissi; et il a, dans le cadre d’une stratégie plus générale d’endiguement de l’Iran, appuyé les forces islamistes sunnites en Syrie et en Irak.

La guerre contre Gaza ne vise pas simplement à réprimer les Palestiniens, mais aussi à forger une plus grande unité au Moyen-Orient contre l’Iran et ses partisans. Durant de nombreuses années, l’Iran a agi comme le principal bailleur de fonds du Hamas. Alors que le Qatar avait tenté de briser cette alliance, l’offensive d’Israël pousse une fois de plus le Hamas à se rapprocher de Téhéran – tandis que Jérusalem cherche à créer au Moyen-Orient les conditions d’une offensive plus large, dirigée ou approuvée par les Etats-Unis, contre la Syrie et l’Iran.

Le porte-parole iranien, Ali Larijani, et le commandant des Gardes révolutionnaires, le général Mohammad Ali Jafari, se sont vantés cette semaine d’avoir fourni au Hamas la technologie nécessaire pour fabriquer ses propres armes tandis que le guide suprême Ayatollah Ali Khamenei a demandé aux Palestiniens d’étendre leur résistance de Gaza à la Cisjordanie occupée. Mercredi, la porte-parole du ministère iranien des Affaires étrangères, Marzieh Afkham, a dit lors d’une conférence de presse que l’Iran avait tenu des consultations politiques avec d’autres pays, dont des Etats non alignés, pour trouver un moyen d’aider la population de Gaza.

Avec ses négociations d’une proposition bidon de cessez-le-feu après discussion avec l’Arabie saoudite, la Ligue arabe et Washington, Al-Sissi a fourni une couverture essentielle à l’attaque terrestre d’Israël. Un élément clé de la proposition égyptienne a été la fin du régime du Hamas à Gaza et le retour de l’Autorité palestinienne (AP) dirigée par le Fatah, expulsée suite à une tentative de coup d’Etat contre le Hamas vainqueur des élections de janvier 2006 en Cisjordanie et de 2007 à Gaza. L’Egypte a insisté sur le fait qu’elle ne voulait pas rouvrir le point de passage de Rafah tant qu’il ne serait pas gardé par une AP sous contrôle de l’homme fort Mohammed Dahlan, le successeur préféré par Israël d’un Abbas affaibli.

Le cessez-le-feu a été rejeté par le Hamas qui souligne ne pas vouloir mettre un terme aux hostilités sans la levée du blocus, sans la libération des prisonniers convenue en échange du soldat israélien Gilad Shalit et celle des prisonniers détenus en Cisjordanie après le meurtre des trois jeunes israéliens, et sans l’extension à la limite précédemment fixée du droit de pêche de Gaza.

Les agissements des dirigeants de la région prouvent une fois de plus que l’acquisition des droits les plus élémentaires et l’accomplissement des tâches nationales dans les pays opprimés ne peuvent se faire qu’au moyen de la mobilisation politique indépendante de la classe ouvrière sur la base d’une perspective socialiste et internationaliste. La question palestinienne est liée au succès de la révolution socialiste. Elle pose la nécessité d’unifier la classe ouvrière arabe et juive dans une lutte pour le renversement des régimes vénaux et sclérosés de la région et l’établissement des Etats socialistes unis du Moyen-Orient.

(Article original paru le 28 juillet 2014)

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