Les milices houthistes occupent Taïz pendant que le Yémen s'enfonce dans la guerre civile

Les milices houthistes ont capturé l'aéroport militaire de Taïz samedi sans résistance de la part des forces militaires yéménites. Avec la capture de Taïz, les forces houthistes sont à moins que 180 kilomètres de la ville portuaire méridionale d'Aden, la ville natale et fief du président Abd Rabo Mansour Hadi.

Des combattants des forces spéciales de sécurité armés de fusils automatiques et de gaz lacrymogènes auraient tiré pour disperser les foules de manifestants qui se sont déplacés pour s’opposer à la présence des houthis dans la troisième ville du pays.

En pleine intensification du conflit sectaire dans le pays, les États-Unis ont annoncé qu'ils évacuaient environ 100 soldats américains d’opérations spéciales qui avaient été stationnés à la base aérienne Al Anad dans la province de Lahj. Ils ont fait état de menaces de sécurité après que des militants d'Al-Qaïda ont pris brièvement le contrôle de la ville voisine d’Al Houta vendredi.

Les houthis, qui appartiennent à la branche chiite zaydite de l'islam, avaient commencé une occupation de la capitale, Sanaa, en août l'année dernière pour protester contre la réduction radicale des subventions aux carburants. Ils avaient pris le contrôle du palais présidentiel en janvier et en février forcé la démission de Hadi et ses ministres. Mohammed Ali al-Houthi, un cousin du dirigeant houthiste Abdel Malik al-Houthi, a été ensuite déclaré le nouveau président.

L’assiégé Hadi a pu échapper à l’assignation à résidence à Sanaa le mois dernier, fuyant à Aden, où il a organisé des forces militaires qui seraient prêtes à lutter contre les houthis, qui sont alliés à l'ancien dictateur de longue date Ali Abdullah Saleh.

Les combats entre les factions rivales se sont aggravés après que la branche yéménite du groupe État islamique (ÉI) a mené des attentats suicides vendredi contre deux mosquées houthistes à Sanaa, tuant plus de 130 personnes et en blessant plus de 300 autres.

Samedi, Hadi a publié une déclaration télévisée appelant les houthis à renoncer au contrôle de Sanaa et d'autres villes. Il a accusé l'Iran d'être responsable des avances des houthis et a promis de repousser les milices dans leur province de Saada, dans le lointain nord-ouest du pays, à la frontière de l'Arabie saoudite.

Le Comité révolutionnaire suprême houthi a réagi en publiant une déclaration condamnant Hadi et les forces qui le défendent. Il a appelé les soldats, agents de sécurité et volontaires civils à lutter contre «les forces terroristes dans tout le pays».

Les houthis reçoivent un soutien financier et militaire de l'Iran et ont l'appui de l'ancien dictateur de longue date Ali Abdullah Saleh, qui a cédé le pouvoir à l'époque au vice-président Hadi en 2012 à la suite de protestations de masse du Printemps arabe. Saleh, qui vit en exil en Éthiopie, commande toujours la loyauté des forces militaires au Yémen, en particulier parmi les forces spéciales de sécurité.

Jeudi dernier, les forces loyales à Saleh ont lancé une attaque sur l'aéroport d'Aden dans une tentative d'évincer les partisans de Hadi, mais ont été repoussées. Ces forces ont également libéré 300 détenus de la prison principale de la ville et ainsi auraient remis en liberté plusieurs militants d'Al-Qaïda. Des avions militaires survolent l'enceinte de Hadi et y ont lancé au moins deux frappes aériennes dans les quatre derniers jours.

L'Organisation des Nations Unies a tenu une réunion d'urgence en huit clos du Conseil de sécurité dimanche après-midi pour discuter d'une réponse possible à l'escalade du conflit au Yémen. Envoyé spécial de l'ONU au Yémen Jamal Benomar a averti que si une action immédiate n’était pas prise, le pays «pourrait se transformer en une sorte de combinaison de la situation qui fait rage en Irak, en Libye et en Syrie».

L’impérialisme américain est responsable en dernière analyse du chaos dans lequel est maintenant plongé ce pays arabe pauvre. En intervenant agressivement pour maintenir son contrôle stratégique du détroit de Bab-el-Mandab entre l'océan Indien et la mer Rouge, qui relient l'Asie et le golfe Persique à l'Europe, Washington attise les tensions à l'intérieur du Yémen avec sa guerre de drones contre les militants islamistes.

La guerre a été une des principales initiatives de politique étrangère du président Barack Obama, lancée en décembre 2009 avec le tir d'un missile de croisière chargé de bombes à fragmentation contre le village d'Al Majan dans la province Abayan. La frappe a tué jusqu'à 41 civils, dont cinq femmes enceintes et 22 enfants.

La base aérienne Al Anad a été l'un des principaux sites utilisés par les militaires américains et la CIA pour lancer des frappes de drones sur des cibles au Yémen. Saleh avait, en douce, donné le feu vert pour les opérations de drones en 2009 et Hadi était un fervent partisan de la guerre de drones après son arrivée au pouvoir en 2012.

Après que les houthis ont évincé Hadi de Sanaa, les États-Unis ont indiqué qu'ils avaient conclu un accord avec les houthis afin de maintenir leurs opérations. «Les houthis sont anti-Al-Qaïda et nous avons été en mesure de poursuivre une partie de nos opérations antiterroristes contre Al-Qaïda au cours des derniers mois», a déclaré le sous-secrétaire de la Défense pour le renseignement Michael Vickers à Al Monitor en janvier.

La guerre de drones américaine, qui a tué plus de 1000 personnes en moins de six ans, s'en prend à un pays avec des divisions tribales et sectaires de longue date et l’a plongé dans une guerre civile sectaire sanglante. La guerre a pris le caractère d'une guerre par procuration entre les principales puissances sunnites et chiites dans la région – l’Arabie saoudite et l'Iran, respectivement.

Comme les houthis ont fait leur avance dans Taïz dimanche, le vice-ministre des Affaires étrangères de l'Iran Hossein Amir Abdollahian a exigé que Hadi démissionne et qu'il prévienne l'apparition de plus de violence dans le pays. «Nous espérons que le président ... Hadi démissionnera plutôt que de répéter les mêmes erreurs et jouera un rôle constructif dans la prévention de l'éclatement du Yémen et la transformation d'Aden en un refuge pour les terroristes», a déclaré Abdollahian.

Des responsables des États arabes du Golfe, dont le ministre saoudien de l'Intérieur prince Mohammed ben Nayef, ont publié une déclaration samedi en soutien à Hadi comme dirigeant légitime du Yémen et ont annoncé qu'ils étaient prêts à «faire tout ce qu'ils pouvaient» pour défendre son administration.

«Le Yémen s’enfonce dans un tunnel sombre qui aurait de graves conséquences non seulement pour le Yémen, mais pour la sécurité et la stabilité», peut-on lire dans la déclaration. «La sécurité du Yémen et des pays du CCG [Conseil de coopération du Golfe] est un tout indivisible.»

(Article paru d'abord en anglais le 23 mars 2015)

 

 

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