Perspectives

L'apologie de Hitler par Netanyahu

Mardi, le Premier ministre israélien, Benyamin Netanyahu, a jeté le blâme pour la Solution finale de Hitler sur les dirigeants nationaux palestiniens. Prenant la parole à la 37e Congrès sioniste mondial à Jérusalem, il a dit que l'extermination dans les chambres à gaz de six millions de juifs européens n'était pas l'idée de Hitler, mais celle du Grand Mufti de Jérusalem, qui supervisait les sites musulmans de la ville. 

Netanyahu prétend que « Hitler ne voulait pas exterminer les juifs à l'époque, il voulait expulser les juifs. Et Haj Amin al-Husseini est allé à Hitler et a dit : 'Si vous les expulsez, ils vont tous venir ici [la Palestine, alors sous domination britannique]. 'Alors, que dois-je faire avec eux ? ' a demandé [Hitler]. [Husseini] a dit: 'Brûlez-les'. » 

Tout ce récit de la conversation entre Hitler et Husseini est un mensonge. 

Husseini était un leader nationaliste bourgeoise, qui s'est tourné vers l'Allemagne pour contrer les Britanniques, qui avaient promis en 1917 de créer une patrie pour les Juifs en Palestine. Il était opposé à la fois à une patrie juive et à l'immigration des Juifs en Palestine, et a rencontré Hitler le 28 novembre 1941. Mais le rapport officiel de la réunion ne fait aucune référence à de telles remarques. Il n'y a, en fait, aucune preuve qu'il était au courant de la Solution finale, étant donné qu'elle a été cachée pendant des années. 

Le plan pour liquider les Juifs venait d'Hitler. En janvier 1939, plus de deux ans avant la réunion avec Husseini, Hitler avait déclaré son intention d'exterminer la race juive au Reichstag, le parlement de l'Allemagne nazie. 

La dénonciation des remarques de Netanyahu par les historiens, les survivants de l'Holocauste d'Israël et des politiciens internationaux a été presque universelle. Il s'est lui-même ouvertement associé à des apologistes d'Hitler et s'est aligné à des forces réactionnaires telles que Jörg Baberowski, professeur d'histoire de l'Europe orientale à l'Université Humboldt de Berlin, qui a affiché son soutien pour l'apologiste nazi Ernst Nolte, déclarant, « Hitler n'était pas un psychopathe, il n’était pas brutal. » Sur la base de tels mensonges sur les intentions pacifiques de Hitler, tous les néo-fascistes vont maintenant se sentir libres d'adopter ces opinions. 

Angela Merkel, la chancelière allemande, gênée, aux côtés de Netanyahu lors d'une conférence de presse mercredi, a déclaré que la responsabilité de l'Holocauste incombait aux Allemands. Son porte-parole Steffen Seibert a ajouté: «Tous les Allemands connaissent l'histoire de la folie raciste et meurtrière des nazis qui a conduit à cette rupture avec la civilisation qu'était l'Holocauste. [….] Nous savons que la responsabilité de ce crime contre l'humanité est allemande et tout à fait la nôtre. » 

L'apologie de Hitler par Netanyahu ne fut pas une remarque impromptue, elle faisait partie d'un discours préparé. Ce n'est pas non plus la première fois qu'il l'affirme. Il est établi qu'il a fait une allégation similaire en 2012, qualifiant Husseini de « l'un des principaux architectes » de la solution finale. 

Bien sûr, le Grand Mufti n'est pas la cible principale du révisionnisme historique de Netanyahu. Son but n'est rien de moins que l'attribution des crimes nazis aux Palestiniens.

Aucune responsabilité pour l'Holocauste ne revient aux Palestiniens. L'Holocauste était le produit des contradictions de la société capitaliste européenne, dans les conditions de l'explosion de la Seconde Guerre mondiale, menée par l'impérialisme allemand. La férocité génocidaire des nazis est née de l'interaction de deux processus : les craintes de la classe capitaliste envers le mouvement ouvrier socialiste, et l'héritage long et nocif de la haine du Juif européenne, transformée en antisémitisme politique. 

Le but politique des remarques répugnantes de Netanyahu est évident : il s’est manifesté quelques jours après que son gouvernement a mis Israël sur le pied de guerre civile, avec l'annonce de mesures qui mettent les citoyens et les résidents palestiniens d'Israël sous un régime militaire de facto. Si les Palestiniens sont responsables de l'Holocauste, comme l’affirme la basse calomnie de Netanyahu, alors « tout est permis » dans la lutte existentielle pour les vaincre. 

Déjà, les gouvernements successifs ont maintenu un blocus de Gaza pendant huit ans, privant ainsi ses habitants des biens les plus élémentaires, y compris les soins médicaux, le carburant et les matériaux de construction, le transformant en une quasi-prison à ciel ouvert, un peu comme le ghetto de Varsovie. L'année dernière, plus de 2.000 habitants de Gaza ont été tués dans l'opération « Protective Edge », 11.000 blessés et 520.000 personnes déplacées par une campagne de bombardements qui a laissé toute la région en ruines. On ne peut qu'imaginer quel cauchemar Netanyahu a l'intention de créer prochainement. 

Les opinions de Netanyahu ont une longue histoire. Il dirige le parti Likoud, dont les antécédents politiques sont le parti Herut et le Parti révisionniste d’extrême droite, fondés en Palestine dans les années 1920 par Vladimir Jabotinsky, qui cherchait à imiter les régimes fascistes de l'Allemagne, de l'Italie et de la Pologne. Le père de Netanyahu, un militant révisionniste, est devenu plus tard le secrétaire personnel de Jabotinsky. 

Comme Lenni Brenner l'explique en grand détail dans « Le sionisme à l'ère des dictateurs », les révisionnistes n'avaient pas levé le petit doigt pour s'opposer à la persécution des Juifs d'Europe, mais avaient plutôt collaboré avec les fascistes afin de parvenir à l'immigration de masse en Palestine nécessaire pour rendre le projet sioniste viable. 

Les révisionnistes s’étaient engagés dans des activités terroristes, menées par l'Irgoun et le groupe Stern – leurs dirigeants Menahem Begin et Yitzhak Shamir sont devenus plus tard premiers ministres – et leurs activités étaient cautionnées par les Travaillistes-sionistes. Begin a dirigé le massacre infâme de Deir Yassin, où tous les 254 habitants du village ont été tués, ce qui a joué un rôle majeur dans la chasse des Palestiniens de leurs foyers et de leurs terres comme préalable indispensable à la fondation de l’État d'Israël. 

Alors qu'ils étaient une force politique discréditée dans les premières années de l’État sioniste, les révisionnistes, qui deviendront plus tard l’Herut et, finalement, le Likoud, ont rejoint les travaillistes dans un gouvernement d'unité nationale au cours de la guerre de 1967. Depuis la défaite des travaillistes aux élections de 1977, leurs dirigeants ont été au pouvoir (sous l’égide de Likoud ou son rejeton Kadima) pour 32 des 38 dernières années. 

Netanyahu est bien le fils de son père, partageant à la fois l’admiration des révisionnistes à peine dissimulée pour Hitler et de leur projet de saisir l'ensemble de la Palestine et d'expulser ou exterminer ses habitants actuels. Au cours de ses neuf années en tant que premier ministre, il a orienté la politique israélienne toujours plus loin vers la droite, en cultivant les mouvements des colons ultra nationalistes et les fanatiques religieux, dont les attaques violentes contre les Palestiniens sont restées largement impunies. 

Qu'un tel homme et les forces qu'il dirige puissent devenir les dirigeants d'Israël est un symptôme d'une société malade. Elle a été poussée au point d'implosion par l’échec abject de la perspective sioniste d'établir une patrie pour tous les Juifs du monde, celle où ils seraient libres de la persécution et de l'antisémitisme dont ils avaient souffert en Europe, par l'expulsion et la persécution continue des Palestiniens. 

Plutôt que d'être synonyme de justice sociale et d'égalité pour tous ses citoyens, Israël est devenu un synonyme de nettoyage ethnique, de guerre et d'occupation militaire. C’est une société profondément fragmentée et l'une des plus socialement polarisées du monde développé. L'assassinat des Palestiniens et la destruction de leurs biens, les attaques racistes contre les travailleurs migrants et d'autres actes de violence par les forces d'extrême-droite cultivées par l’État sioniste témoignent de la reproduction au sein d'Israël des mêmes conditions de dictature, de ghettos, de pogroms et de guerre civile qu’une génération antérieure de Juifs européens a fuit. 

Il n'y a qu'une manière d'échapper aux contradictions malignes de la société israélienne. C’est celle d'unir les travailleurs juifs et arabes dans une lutte commune contre le capitalisme et pour l'édification d'une société socialiste, qui saurait abattre les frontières artificielles qui divisent les peuples et les économies de la région. C’est seulement de cette manière que les travailleurs de la région peuvent se libérer de l'oppression et des guerres qui sont alimentés par la recherche du profit par les capitalistes étrangers et les classes dirigeantes locales. 

(Article paru en anglais le 23 octobre 2015) 

À lire aussi :

L'impérialisme et l'économie politique de l'Holocauste

Le désastre économique, social et politique du projet sioniste (2)

Le désastre économique, social et politique du projet sioniste (1)

 

 

 

 

 

Loading