À la veille des primaires du «Super mardi»

Le Parti démocrate entre en guerre contre Sanders

L’establishment du Parti démocrate est engagé dans un effort ultime pour relancer la campagne difficile de l’ancien vice-président Joe Biden et bloquer la nomination du sénateur Bernie Sanders. Ils craignent que dans les primaires du 3 mars dans 14 États, Sanders puisse ouvrir une avance insurmontable en termes de nombre de délégués à la convention d’investiture du Parti démocrate.

La sénatrice Amy Klobuchar, D-Minn., soutient le candidat démocrate à la présidence, l’ancien vice-président Joe Biden, lors d’un rassemblement de campagne le lundi 2 mars 2020 à Dallas. (AP Photo/Richard W. Rodriguez)

Suite à la victoire de Biden lors des primaires de Caroline du Sud samedi, la direction du parti a écarté de la course deux des candidats de droite à l’investiture présidentielle. Il s’agit de la sénatrice Amy Klobuchar et l’ancien maire de South Bend, Pete Buttigieg, de l’Indiana. Tous deux se sont rendus à Dallas, au Texas, lundi, pour soutenir Biden. Buttigieg s’est présenté avec l’ancien vice-président dans un restaurant local, et Klobuchar s’est adressée à un rassemblement de campagne dans la soirée.

L’ancien président Barack Obama aurait pris l’initiative de faire pression sur Buttigieg. Lors d’un appel téléphonique de l’ancien commandant en chef à l’ancien officier de renseignement de la marine, lui disant que c’était son «levier maximum» pour une future influence au sein du parti démocrate. On ignore qui a parlé à Klobuchar, mais elle a pris la parole à un rassemblement de campagne à Salt Lake City, dans l’Utah, lundi matin, en tant que candidate. Seulement 90 minutes plus tard, elle a annoncé qu’elle mettait fin à sa campagne et soutenait Biden.

Un autre candidat à la présidence qui a échoué, l’ancien représentant du Texas Beto O’Rourke, a également annoncé son soutien à Biden lundi. Tout comme une série d’autres démocrates de premier plan qui ont annoncé leur soutien: l’ancien chef de la majorité au Sénat, Harry Reid; la députée Debbie Wasserman Schultz, ancienne présidente du Comité national démocrate; l’ancienne conseillère à la sécurité nationale de Barack Obama Susan Rice; le sénateur Tim Kaine, le colistier d’Hillary Clinton pour la vice-présidence en 2016; et bien d’autres encore.

L’alignement réuni lundi derrière Biden personnifie les forces sociales réactionnaires qui dominent le Parti démocrate. Biden lui-même est le plus à droite de tous les principaux candidats à l’investiture démocrate pour la présidence. Il est imprégné des crimes de l’impérialisme américain pendant les huit années de l’Administration Obama-Biden. Avant, il s’y préparait pendant ses 36 ans de carrière au Sénat américain. Il se vante d’entretenir des relations étroites avec des réactionnaires comme Strom Thurmond et James Eastland [deux partisans de la ségrégation], et plus récemment, Mitch McConnell [qui s'est fait une réputation d'obstruction systématique contre Obama].

Sa «coalition» se compose de factions de la classe moyenne supérieure fondées sur une politique identitaire de race et de genre. Cela s’est caractérisé par le représentant James Clyburn, dont le soutien s’est avéré crucial en Caroline du Sud, et le sénateur Klobuchar; l’appareil militaire et de renseignement est présent dans cette campagne directement avec Buttigieg; et de l’aristocratie financière, dont le soutien est toujours partagé entre Biden et le milliardaire Michael Bloomberg.

Sanders est inacceptable pour l'establishment du parti car il n'a aucune intention de soulever la question d'une réforme sociale significative lors des élections de 2020. Ils veulent mener une campagne de droite, largement fondée sur l'attaque de Trump en tant qu'agent russe, une répétition de la campagne d'Hillary Clinton de 2016, cherchant à obtenir le soutien de Wall Street et de la CIA pour l'éviction de Trump.

Si Elizabeth Warren n’a pas encore rejoint Buttigieg et Klobuchar pour se retirer de la course, cela a moins à voir avec ses calculs personnels qu’avec les besoins du Parti démocrate. Ce dernier considère sa candidature comme un moyen de retirer des voix à Sanders.

La formation de cette cabale «stop Sanders» réfute le principe même de la campagne de Sanders, à savoir que le Parti démocrate peut être «capturé» et transformé en un véhicule de progrès social. Ce que Biden et les autres dénoncent comme étant du «socialisme», c'est le plaidoyer de Sanders en faveur de politiques légèrement réformistes. Elles n’impliquent que des taxes légèrement plus élevées sur l’accumulation gigantesque de richesses par les super-riches. Les fonds que cela mettrait à disposition ne pourraient que ralentir légèrement le tempo des attaques sur les programmes sociaux comme la santé, l’éducation et la garde d’enfants qui sont déjà loin derrière ceux de nombreux autres pays industrialisés.

Pendant que Biden recevait des appuis, la campagne de Sanders a organisé une série de rassemblements de masse auxquels le candidat s’est adressé lors de son voyage d’un océan à l’autre au cours du week-end: 6500 personnes à Springfield, Massachusetts; 10.000 sur Boston Common; 10.000 dans une arène sportive à Springfield, en Virginie, dans la banlieue de Washington DC; 13.000 à l’université Virginia Wesleyan à Virginia Beach; 10.000 dans le centre-ville de San Jose, Californie; et enfin, dimanche soir, près de 25.000 au centre de convention de Los Angeles.

La campagne de Sanders a également annoncé dimanche que 2,2 millions de personnes avaient donné de l’argent en février, pour un total de 46,5 millions de dollars, soit le montant le plus élevé pour un seul mois.

Compte tenu de ce soutien populaire croissant, il est possible que la campagne anti-Sanders n’atteigne pas son objectif et ne puisse pas bloquer sa nomination. Dans ce cas, cependant, comme prix pour ne pas saboter sa campagne, l’establishment du parti exigerait des concessions si importantes sur le programme, le personnel et la politique qu’une Administration Sanders signifierait une feuille de vigne Sanders pour masquer la poursuite de la domination de Wall Street et de l’appareil militaro-intelligent.

Et de larges pans de l’establishment démocrate rechigneraient à un tel arrangement. Ils craignent que la nomination d’un candidat qui se dit «démocrate socialiste» n’encourage l’entrée dans la vie politique américaine de larges couches de travailleurs et de jeunes. Ces derniers ont été exclus par le système bipartite contrôlé par l’élite dirigeante. S’ils ont le choix entre la phraséologie de gauche de Sanders et Trump, la plupart des dirigeants démocrates choisiront Trump.

Sanders le comprend très bien, mais il se présente néanmoins comme le plus loyal des démocrates. Alors que l’establishment démocrate complote sa chute, il s’engage à mobiliser ses partisans derrière celui qui sera choisi par la convention démocrate à Milwaukee, même le milliardaire Bloomberg, comme il l’a fait en 2016 avec Hillary Clinton.

La réponse de Sanders à l’hostilité ouverte et sans retenue du Parti démocrate à son égard met à nu la profondeur de sa propre démagogie politique. Elle démontre une fois de plus que des efforts tels que les siens, qui sont orientés vers le Parti démocrate, signifient la mort de tout mouvement social progressiste.

Le Parti de l’égalité socialiste insiste une fois de plus sur la nécessité de développer un mouvement indépendant de la classe ouvrière pour faire progresser l’opposition populaire largement ressentie aux partis Démocrate et Républicain.

(Article paru d’abord en anglais 3 mars 2020)

L'auteur recommande également :

Race contre classe dans les primaires de Caroline du Sud

[3 mars 2020]

Les attaques contre Sanders s’intensifient avant la primaire en Caroline du Sud

[28 février 2020]

Les démocrates noirs soutiennent Bloomberg après la publication de ses fanfaronnades racistes sur la pratique du stop-and-frisk

[15 février 2020]

Amy Klobuchar, soutenue par le New York Times, dénoncée pour avoir condamné un adolescent noir à la prison à vie

[6 février 2020]

Loading